Portrait de femme n°5. Carole Le Bechec, bien en Cohérence !
Rencontre avec Carole Le Bechec, Présidente du Réseau Cohérence*, et représentante de celui-ci au sein du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional (Ceser). Elle évoque son cheminement vers la transition écologique, et son optimisme pour l’avenir, notamment grâce à l’engagement des jeunes.
C’est à Saint-Malo que s’est installée Carole Le Bechec. Une ville qu’elle connaît depuis toujours, berceau de sa famille, lieu de naissance de sa mère. Carole quant à elle est née à Paris et a vécu toute son enfance en Seine-Saint-Denis, en milieu urbain « pas tellement proche de la nature » confie-t-elle. Celle qui est aujourd’hui présidente du Réseau Cohérence et qui le représente au CESER a étudié l’économie industrielle et a obtenu un DEA de finances internationales. « Un monde tout à fait différent de celui dans lequel je préférais évoluer », précise-t-elle, mais qui lui a donné des « clés pour comprendre le monde d’aujourd’hui ». Carole a d’abord commencé par travailler pour une banque et rédigeait des rapports économiques et financiers sur les grands groupes alimentaires mondiaux. « Là aussi, c’est un prisme qui m’a aidée par la suite », raconte-t-elle. Les théories économiques qu’elle a étudiées et vite jugées « hors-sol », complétées par des lectures comme « Printemps silencieux » de Rachel Carson ou le rapport Meadows, lui font prendre conscience progressivement, mais de manière assez forte, que « le monde n’était pas vivable, on connaissait déjà très bien les limites. C’est comme si nous étions dans un train à grande vitesse et qu’on n’arrivait pas à freiner ». Elle part vivre ensuite en Allemagne où elle travaille dans le domaine des coopérations audiovisuelles européennes, et revient en 2005 en France. Petit à petit, elle chemine vers l’idée de transition, de « développement durable » comme on disait à l’époque. « Mon engagement, c’est vraiment tout un parcours », analyse-t-elle. En 2006, elle rencontre Jean-Claude Pierre, l’un des fondateurs de l’association Eau et Rivières de Bretagne et porte-parole du Réseau Cohérence. Une rencontre très importante. « Avec la Jeune Chambre Economique de Saint-Malo, on avait décidé de l’inviter pour une conférence sur le développement durable. J’ai sympathisé avec lui, j’avais trouvé qu’il était dans le positif, qu’il avait compris énormément de choses ». Elle découvre alors le Réseau Cohérence, qu’elle n’a depuis plus quitté.
Il faut agir « à tous les niveaux »
Pour Carole, l’expression « transition » est « assez juste ». « C’est le passage d’un état à un autre, et ça évoque aussi l’adaptation, qui est tout sauf passive. Pour moi, tout le monde est dans sa vie en transition, et il faut qu’il y ait de plus en plus de monde qui participe au mouvement. On n’y arrivera que tous ensemble ». Elle évoque aussi les termes de « résistance », « résilience ». Et insiste sur l’importance de l’échelon local « C’est un autre modèle, à la fois conceptuel mais aussi très pratique. Par exemple l’économie : on est dans une économie certes mondialisée, mais ce qui nous fait progresser maintenant, c’est l’économie du territoire. Il faut revenir vers ce qui n’est plus hors-sol, se raccrocher à ce qu’on a comme ressources, tout en les préservant ». Pour elle, si le changement personnel est « très important », il faut agir à tous les niveaux : « Avec Cohérence, on est en train de se dire qu’on peut être chacun un « héros ordinaire » et donner envie. On a la volonté de dynamiser cette transition et de montrer ce qui marche, grâce à plusieurs outils : le baromètre des transitions, l’agenda des transitions, la caravane des transitions… avec lesquels on essaie de toucher le plus de monde possible, et surtout de relier les citoyens et les élus, pour construire des projets de manière coopérative et efficace et qui puissent mener à des changements sur les territoires ». Elle estime notamment que la Région en tant que territoire économique est « pertinent ».
Ce qui peut la révolter, ce sont les « pas en arrière ». « On le voit là avec le retour de l’autorisation des néonicotinoïdes par exemple », souligne-t-elle, en regrettant « la force des lobbys qui est démesurée, car derrière il y a l’argent ». Des mécanismes qu’elle a pu mieux comprendre grâce à ses études en économie complétées par un master en politiques européennes en 2008.
On peut se lamenter, on peut se révolter, mais je crois qu’il faut aussi essayer de lutter »
Si le constat est sombre, Carole ne se laisse pas pour autant abattre. Pour elle, « On peut se lamenter, on peut se révolter, mais je crois qu’il faut aussi essayer de lutter, il faut résister, proposer, construire, parce que partout il peut y avoir des solutions. On peut déjà agir sur son lieu de vie, sur ses territoires… il y a plein de choses à faire ». Elle apprécie particulièrement l’engagement de certains jeunes, comme c’est le cas à Saint-Malo où un petit groupe s’est mobilisé pour le climat, ou encore de certains sportifs comme l’éco-aventurier Julien Moreau qui réalise des défis pour interpeller la population, et Morgane Ursault-Poupon, skippeuse qui s’engage au quotidien. « Quand je vois tous ces jeunes qui essaient d’agir du mieux possible, cela me fait plaisir, me redonne de la force », confie Carole. Son engagement au sein du réseau Cohérence, qu’elle préside, lui apporte beaucoup : « Je donne beaucoup, mais je reçois aussi beaucoup. Cela me permet d’être au quotidien en accord avec ce que je suis et ce que j’ai envie de faire, à savoir essayer de favoriser la transition à toutes les échelles ». Si elle avait un message à faire passer, notamment aux plus jeunes, ce serait celui-ci : « Venez ! Il faut y aller, on doit vraiment imposer la transition. Il faut qu’il y ait des dizaines, des centaines de milliers, des millions de personnes qui le veuillent, qu’on puisse tous grandir ensemble dans la transition et la réclamer, chacun à son rythme bien sûr. Il ne faut pas se résigner. » Comment faire ? « Grâce au milieu associatif, à des médias, dans son groupe d’amis, sa famille… on a des tas d’exemples de gens qui s’impliquent déjà et qui seront ravis d’accueillir des jeunes dans le mouvement. ». L’important, nous livre Carole en guise conclusion, c’est de participer. « Il faut s’exprimer, en utilisant les cercles qui existent déjà, et pourquoi pas en créer d’autres. Celui qui ne s’exprime pas n’a aucune chance d’être entendu. Il y a de multiples façons de s’impliquer, et d’être dans la joie de partager et de construire ensemble ».