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La commission européenne va enquêter sur le projet d’extraction de sables coquillers en baie de Lannion

Le 14 février 2014, la présidente de la commission nous informe que notre pétition a été « jugée recevable conformément au réglement du Parlement Européen, puisque les questions soulevées relèvent de l’activité de l’Union Européenne. Nous avons demandé à la Commission Européenne de procéder à une enquête préliminaire sur les différents aspects du problème. »

Par notre courrier du 27 avril 2013, nous avions attiré l’attention de la Commission des Petitions sur les conséquences si ce projet est adopté :

– l’absence et/ou l’insuffisance globale des études produites au dossier d’enquête publique

– Les impacts environnementaux irréversibles et exhorbitants, notamment sur les deux zones Natuea 2000 de Côte de Granit Rose et de Morlaix distantes de 1 km chacune.

– Les impacts économiques et touristiques désastreux sur les emplois non délocalisables

C’est une première victoire de notre collectif qui confirme tous les élements que nous soulevons depuis le dossier d’enquête publique qui s’est déroulé du 25 octobre au 25 novembre 2011.

Notre pétition est inscrite à l’ordre du jour de la réunion de la commission, qui se tiendra le 1er avril 2014 à Bruxelles vers 10h.

Il convient que rappeler que tous les élus et parlementaires concernés ont émis un avis défavorable à ce projet et soutiennent l’action de notre collectif.

 

 




Il est allé dormir chez les candidats aux municipales !

Quel a été votre objectif en réalisant ce tour de France des candidats aux municipales ?

 

Je l’ai fait pour plusieurs raisons. La première, c’est que j’ai l’impression que nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition, entre un modèle avec une gouvernance à bout de souffle, et un modèle qui est en train d’émerger, de se réinventer, avec des politiques locales incluant davantage les citoyens. Les élections municipales sont un moment charnière, durant lequel les idées émergent, les questions aussi. J’avais envie de voir ce qu’il se passait sur le terrain, de repérer les bonnes pratiques.

La deuxième raison est que je fais partie du collectif  Démocratie Ouverte , qui cherche à instaurer une démocratie participative. Nous avons créé une plate-forme internet, baptisée « Parlement et citoyens », afin de permettre des co-construction de loi avec la participation des citoyens. Des candidats aux municipales nous ont contacté à ce sujet et ont évoqué la possibilité de co-construire leur programme avec des citoyens. Cela a été pour moi l’occasion de mettre un premier « pied » dans la campagne pour les municipales, et d’avoir encore plus envie d’aller à la rencontre des candidats.

 

 
Comment s’est déroulé votre tour des candidats, et notamment votre passage en Bretagne ?

 

Je suis parti de Paris, pour passer un peu de temps dans chaque région. C’est cependant un peu frustrant de ne pas rester longtemps dans chaque territoire. En général, j’ai été très bien reçu, de manière très simple. Certains ont néanmoins refusé de me voir. En Bretagne, je suis resté un bon mois et demi. J’y ai rencontré une quinzaine de candidats. Nous avons notamment parlé, en plus de la question de la démocratie et des pratiques innovantes, de régionalisme, et de la question des bonnets rouges.

 

 

Qu’est ce qui vous a particulièrement marqué en Bretagne ?

 

Un de mes souvenirs les plus marquants restera mon passage dans la commune de Trémargat (22), où j’ai rencontré le maire, Eric Bréhin. Ce qui se passe là-bas est particulièrement intéressant, notamment la recherche d’une certaine forme de consensus et la mise en place de chantiers participatifs, notamment pour la rénovation du bourg. C’est intéressant quand l’élu ne se considère pas comme un maire « bâtisseur », mais plutôt comme un animateur de la vie locale, qui incite les citoyens à agir eux-mêmes, réveille des envies, dans la logique d’une dynamique citoyenne qui prenne le pas sur une logique de service public.

 

 
Qu’avez-vous noté, au fil de vos rencontres, concernant la démocratie ?

 

L’ère du « maire bâtisseur » semble en voie d’extinction. On travaille moins sur la conception de de grands projets, de gros bâtiments pour la ville par exemple, comme on le voyait beaucoup avant. On voit désormais plus de modèles de gouvernance co-construits avec les citoyens. Beaucoup ont cette envie, mais restent encore démunis sur la manière d’y parvenir. Il y a encore des choses à faire, notamment en terme de formation des élus et des citoyens, notamment par le biais de l’éducation populaire.

 

 
Et concernant les liens entre internet, démocratie et élus ?

 

Il y a plusieurs façons d’aborder cette question. Premièrement, les élus sont confrontés au numérique de par l’équipement, les possibilités de connexion et la qualité de celle-ci, dans leur commune. Dans un second temps, de plus en plus d’élus se posent aussi la question de la dématérialisation des services, facilitées par l’utilisation du numérique. Et enfin ils réfléchissent également à l’utilisation du web pour la démocratie, sur la façon de l’utiliser dans ce cadre.

 

Visionnez l’entretien d’Armel Le Coz avec Eric Bréhin, maire de Trémargat (29).

 

 

 

Plus d’infos

Le blog d’Armel Le Coz, où des vidéos de rencontres avec les candidats sont disponibles




Le Collectif pour la sauvegarde de la vallée du Restic veut peser dans la campagne des municipales

Quel est l’objectif du collectif, à travers l’envoi de ces questionnaires ?

 

Nous avons profité de l’échéance proche des élections municipales pour envoyer un questionnaire à tous les candidats aux élections faisant partie du périmètre de Brest Métropole Océane, soit huit communes. Le projet de voie de liaison Kergaradec-Spernot entre la RD112 et la RD205 à Brest-Lambézellec, qui doit passer par la vallée du Restic, et contre lequel nous nous battons, n’a pas encore démarré. Il pourrait peut-être être remis en cause par certains candidats si ils sont élus.

Et puis cela nous permet également de porter le débat sur ce projet de contournement routier dans la campagne pour les municipales, un thème qui n’est pas assez mis en avant selon nous. Tout comme celui, plus large, de l’étalement urbain.

 

 
Où en est la situation actuellement, concernant le projet de contournement ?

 

C’est le statut quo. Nous sommes entrés dans une phase « juridique », avec le recours contre l’arrêté préfectoral concernant le projet de contournement, qui a été déposé en mai 2013 par le collectif. Depuis, il n’y a rien eu de nouveau. On ne connait pas la date du jugement. Nous avons également saisi la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs), afin d’avoir accès aux études réalisées par Brest Métropole Océane (BMO), concernant la biodiversité de la Vallée du Restic. Nous savons que BMO continue de travailler sur le projet, mais les travaux n’ont pas commencés.

 

 

Qu’attendez-vous, suite à l’envoi du questionnaire ?

 

Nous espérons déjà des réponses bien entendu, et surtout que les candidats se saisissent du sujet pour en débattre. Les questions que nous leurs avons envoyées portent également sur le réseau routier et l’étalement urbain. Nous souhaiterions que certains candidats puissent proposer des alternatives au projet passant par la Vallée du Restic, qui est un projet incompréhensible du point de vue environnemental. Il y a possibilité de davantage mettre en valeur cet endroit, qui est un « poumon vert » au milieu de tout cet étalement urbain.

 

 

Pour lire le questionnaire envoyé auw candidats, cliquez ici




Tempêtes, houle, pluies… : face à ces phénomènes, quels aménagements du territoire possibles ?

Dirk, Petra, Qumeira…depuis le 24 décembre dernier, les tempêtes, dépressions, épisodes de fortes houles et vagues se sont succédés dans la région. « Nous avons trois phénomènes qui se sont conjugués », explique Franck Baraer, du service Études et climatologie de Météo France Rennes. « D’abord, la pluviométrie : sur 3 mois, c’est tout à fait remarquable, nous allons approcher les cumuls de 2000-2001, mais nous sommes encore loin de ceux de 1994-1995 », poursuit-il. « Ensuite, la submersion marine. Celles qui ont eu lieu lors des grandes marées de début janvier et début février 2014 peuvent d’ores et déjà être considérées comme exceptionnelles », commente Franck Baraer. « Troisièmement, le vent. Mais en terme de fréquence et d’intensité, on reste pour l’instant très loin de la période de référence de janvier et février 1990. Actuellement, ce sont plutôt des forts coups de vent », développe-t-il.

 

Cumuls de pluie et artificialisation des sols

 

Ces conditions, si elles sont remarquables mais pas exceptionnelles, ont eu des conséquences matérielles sur le territoire breton : inondations, chutes d’arbres, littoral abîmé… « Les côtes sont très découpées dans la région, ce qui fait que les dégâts sont liés aux conditions locales, les impacts peuvent être différents. », note Franck Baraer. « Depuis le mois de Décembre 2013, nous observons des précipitations supérieures à la pluviométrie normale (moyenne inter annuelle). Ainsi, durant les sept derniers jours, plusieurs sites finistériens ont connu des cumuls de précipitations de plus de 100 millimètres, soit l’équivalent de plus d’un mois de pluies en temps normal. En amont de Quimperlé on a relevé un cumul de 143 millimètres. Si l’influence des bouleversements du climat en cours n’est pas prouvée, les pluies persistantes sur des sols gorgés d’eau accentuent les inondations actuelles de nombreuses villes littorales ou estuariennes. », commente quant à lui Ronan Le Délézir, maître de conférences en Urbanisme et Aménagement du Territoire à l’Université de Bretagne Sud à Lorient (56). L’artificialisation des sols, qui a doublé depuis 20 ans dans la Région, joue également un rôle dans les phénomène d’inondations. « L’urbanisation sur les zones agricoles, le plus souvent périurbaines, grignotées par des zones d’habitats ou des zones d’activités est une des causes avancées dans ces inondations. En effet,  les revêtements urbains favorisent le ruissellement des eaux, posent des problèmes d’érosion des sols et gênent le rechargement des nappes phréatiques », constate Ronan Le Délézir.

 

Les risques, une question essentielle d’aménagement du territoire

 

 

Comment faire face à la situation ? « Les risques constituent une question essentielle d’aménagement du territoire, dans la mesure où l’existence d’un aléa sur un territoire donné conditionne l’organisation de cet espace par les sociétés humaines. Afin de garantir la cohésion du territoire national qui pourrait être remise en cause par une inondation de grande ampleur, le législateur a défini un certain nombre d’outils de gestion du risque. », fait remarquer Ronan Le Délézir. « Avec la loi Barnier de 1995, la politique de l’État vise désormais à contrôler l’urbanisation des lits majeurs et à inciter les autorités locales à intégrer le risque dans leurs documents d’urbanisme. La loi Bachelot du 21 juillet 2003 présente d’importantes avancées sur la transparence et le partage de l’information ainsi que sur les moyens de la prévention (entretien de la mémoire du risque dans les communes, renforcement des solidarités amont-aval au sein des bassins versants, réorganisation de l’annonce des crues, etc.). », détaille-t-il. « La nécessité de prévenir le risque d’inondation représente une contrainte très forte pour les communes. La mise en valeur des territoires communaux passe souvent par la réappropriation des espaces bordant les rivières qui constituent des lieux stratégiques en matière de transport, de logement, en raison d’une plus grande disponibilité foncière et d’un cadre de vie valorisant. Dans ce contexte, les communes cherchent plutôt à minimiser tout ce qui peut constituer une contrainte pour leur développement territorial et la mise en œuvre des outils de prévention du risque entraîne de nombreux conflits. », prévient-il également.

 

Trois scénarii pour le futur du littoral

 

Concernant les risques de submersion ou d’érosion côtières, Ronan Le Délézir note que « La zone littorale constitue un espace à forts enjeux pour les années à venir, notamment compte-tenu des conséquences induites par ce changement climatique. En effet, les littoraux, particulièrement le trait de côte, sont des zones fortement évolutives pour les secteurs sensibles à l’érosion côtière (parfois de plusieurs mètres par an) et à la submersion. Ils devraient subir des assauts accrus de la mer lors des tempêtes accentuant pour certaines côtes l’érosion et provoquant pour les zones basses, des submersions dommageables pour les populations et les activités littorales. »
Le géographe voit trois scénariis, concernant l’aménagement de ces espaces, pour les années à venir

 : -« Face aux risques, le choix de réaménager le territoire » : « Le principe repose sur le déplacement des biens de valeur qui sont le plus exposés au risque. ; Anticiper les risques en privilégiant des activités vers des zones moins vulnérables au changement climatique ».

– « l’acceptation du risque » : « en identifiant les zones les plus vulnérables (interdiction de toutes futures constructions) et en développant des plans d’urgence en cas de risques avérés. »

-« la protection à tout prix » , « induisant la construction et le maintient d’ouvrages de fixation du trait de côte (digues, enrochement, recharger les plages, protéger les dunes, etc.). La question clé : qui va supporter le coût des ces infrastructures ? les collectivités, l’état ou les propriétaires privés ? ».

L’enjeu est donc, selon Ronan Le Délézir, « d’organiser la compatibilité entre une intelligence ancienne et légitime des territoires littoraux et la prise en compte, tant des activités que des risques nouveaux qui en déterminent l’avenir. Il s’agit aussi de retenir des actions durables, en toute connaissance de cause, donc en évaluant leur résilience à moyen terme, à un horizon raisonnable au vu de nos savoirs régulièrement actualisés ». Des questions qui seront sûrement au cœur de l’actualité dans les prochains jours, puisque selon Franck Baraer de Méteo France Rennes, « Des pertubations sont encore à venir, avec de la pluie, et du vent. Il n’y pas de signes d’arrêt pour le moment ».

 

 

Qu’est ce que l’artificialisation des sols?

Le phénomène d’artificialisation des sols n’est pas exactement synonyme d’urbanisation. Ainsi, on entend par surface artificialisée toute surface retirée de son état naturel (friche, prairie naturelle, zone humide etc.), forestier ou agricole, qu’elle soit bâtie ou non et qu’elle soit revêtue (exemple : parking) ou non (exemple : jardin de maison pavillonnaire). Les surfaces artificialisées incluent donc également les espaces artificialisés non bâtis (espaces verts urbains, équipements sportifs et de lois
irs etc.) et peuvent se situer hors des aires urbaines, à la périphér
ie de villes de moindre importance voire de villages, à proximité des dessertes du réseau d’infrastructures, ou encore en pleine campagne (phénomène d’urbanisme diffus). En conséquence, l’étalement urbain implique nécessairement l’artificialisation des sols concernés alors que la réciproque est fausse, l’artificialisation s’expliquant seulement en partie par l’étalement urbain.

Source : www.developpement-durable.gouv.fr/Quelques-definitions.html




Peut-on changer le modèle breton ?

Face aux crises du « modèle breton », quelles ambition soutenables, durables et solidaires ? Ce sont les questions auxquelles ont tenté de répondre les intervenants et le public, lors de la nouvelle journée de l’Institut de Silfiac, organisée à Cléguérec (56). Pacte d’Avenir, modèle productiviste agricole, filière agroalimentaire…ont été au cœur du débat. « Aujourd’hui nous arrivons en fin de cycle d’un certain modèle breton, qui a fait ses preuves dans les années 60, qui a continué avec sa force d’intertie sur sa lancée, et qui faute d’avoir pu prendre à temps une autre orientation, est dans le mur », souligne ainsi Mona Bras, conseillère régionale pour l’Union Démocratique Bretonne (UDB). « Il est sûr qu’il y a une crise, en tout cas, des difficultés », relève quant à lui Pierre Maille, président du conseil général du Finistère, département particulièrement touché. « Et je pense que leur retentissement a été d’autant plus fort que la Bretagne était considérée jusque là comme une région quelque peu à l’abri des grandes crises industrielles », poursuit-il. Mais, « Je ne suis pas convaincu qu’il y ait un modèle breton », affirme-t-il. « Il y a sans doute eu un mode de développement breton depuis les années 50-60, qui était plutôt me semble-t-il du « rattrapage » par rapport à ce que connaissait la France. La région a formidablement rattrapé son retard, par la modernisation de l’agriculture, par un niveau de formation élevé, par un développement de la recherche, de centre de formation, de nouvelles technologies… et par un tissu de chef d’entreprise issus de la région, et qui ont développé des actvités souvent leaders dans leur secteur », fait-il remarquer. « Je ne suis pas convaincu qu’il y ait un modèle dans le mur, à bout de souffle, exténué, épuisé, qu’il faille totalement abandonner », poursuit-il, « ce qui ne veut pas dire qu’il n’y pas eu d’excès non plus ». « Nous savions qu’il y allait y avoir une fin au système qui était organisé pour produire beaucoup et à pas cher. Il y a ceux qui ont su anticiper, et ceux qui ne l’ont pas su », analyse quant à lui René Louail, Conseiller Régional EELV.

 

« Des avancées sociales à ne pas nier »

 

 

Le pacte d’avenir peut-il alors être une solution ? « Le pacte n’est pas une fin en soi », selon Thierry Gourlay, secrétaire général du Comité Régional CGT Bretagne. Pour Mona Bras, qui représente l’UDB, qui a voté contre le pacte alors que l’UDB se situe dans la majorité du conseil régional, « Il y a des avancées sociales qu’on ne peut pas nier, tout n’est pas à jeter, mais nous aurions voulu un vote séparé sur les différentes parties du pacte. Ensuite, certains éléments ne nous convenaient pas, comme par exemple l’assouplissement réglementaire et la simplification administrative, qui ouvre la porte à une nouvelle guerre du porc », explique Mona Bras. « Le pacte avait d’abord à répondre à des situations d’urgence », rappelle Pierre Maille. « Mais il ne se limite pas à l’agroalimentaire, puisqu’il élargit l’horizon à d’autres enjeux, et mobilise une série de leviers. C’est un travail intéressant. Mais le pacte est un chantier qui n’est pas terminé, il ouvre des pistes », précise le président du Conseil Général.

 

Des blocages pour changer de modèle

 

Quelles alternatives au modèle dominant, basé sur le productivisme, peuvent être alors proposées ? « Quasiment dès sa mise en œuvre, le modèle breton dominant a entrainé des réactions, notamment environnementales et syndicales, et même agricole comme avec la création d’Eau et Rivières de Bretagne, de la Confédération Paysanne, du Réseau Agriculture Durable ou du Cedapa », explique Jean-Claude Pierre, pore parole du réseau Cohérence et membre du Ceser. « La question qui se pose, c’est de savoir où sont les freins au changement de modèle. Quels sont les obstacles, alors qu’on sait que les méthodes dites « agri-environnementales » sont bonnes sur le plan économique, social, environnemental ? », interpelle-t-il. « Ces blocages existent, ils nous faut bien les connaitre et les analyser. Si nous arrivons à bien mettre le doigt dessus, nous arriverons peut-être à mettre en œuvre cette transition à laquelle de toute façon nous n’échapperons pas. ». Le Réseau Cohérence, mais aussi le Réseau Agriculture Durable ou encore le Cedapa proposent des alternatives : cahier des charges pour une production porcine sans OGM, avec du lien au sol, sans antiobiotiques, et élevage sur litière pour le réseau Cohérence ; approche globale des systèmes de production, autonomie, économie pour le Cedapa ; utilisation de systèmes herbagers chez les agriculteurs membres du Réseau Agriculture Durable (Rad)…sont des exemples d’alternatives qui semblent fonctionner. Pour Claude Berenger, directeur de recherche honoraire à l’Inra, « Cela fait 30 ans que l’on sait que les systèmes herbagers fonctionnent, alors pourquoi ne pratique-t-on pas plus ? La difficulté est vraiment de changer de système, pas seulement de changer de techniques. Nous sommes dans une société du « tout technique », qui prévaut sur le système. Il y a également le mythe permanent du « toujours plus », qui est culturellement compliqué à faire évoluer », explique-t-il. « Tant que nous aurons une vision libérale et univoque, il sera compliqué de changer », conclut le chercheur.

 

Plus d’infos

http://institutdesilfiac.org/




Tristan Leconte, un globe-trotteur et éclaireur peu ordinaire

Emmanuelle Jappert : Souvent on entend les détracteurs du commerce équitable dénoncer un équilibre qui n’a pas été trouvé à ce jour avec les petits producteurs. Quel est votre avis là-dessus ?

Tristan Lecomte : Je ne fais plus parti d’Alter Eco et ce depuis deux ans, donc je ne suis plus l’actualité à ce sujet mais en me fondant sur les douze années que j’ai passé en tant que fondateur et directeur d’Alter Eco, je dirais que le commerce équitable a peut être plein de défauts et de difficultés mais il a le mérite de créer des aspérités, de faire en sorte que les gens se posent des questions à la fois au niveau de la consommation, mais aussi au niveau des grandes marques et de leurs engagements. Tout ça participe à la prise de conscience collective sur le rapport entre consommation et citoyenneté. Je pense que personne ne peut le nier, ça créer un débat citoyen positif qui a lieu en supermarché alors qu’en général dans ces lieux là, il n’y a pas de débats ou peu. Et pour les producteurs, le commerce équitable apporte difficilement de l’argent supplémentaire mais ça encourage une dynamique collective indéniable au niveau des groupes de producteurs qui aide au renforcement du tissu social dans les campagnes. Le commerce équitable essaye de réintroduire du sens, des valeurs laïques.

 
EJ : Vous vivez en Thaïlande la plupart du temps, pourquoi ce choix là ?

TL : Mon épouse est thaïlandaise et je souhaitais moi-même vivre une expérience de petit producteur agricole, ce qui me permet d’incarner ce à quoi je crois. De cette façon je peux mieux comprendre les enjeux et la vision des petits producteurs.

 
EJ : Quel est le cheminement qui vous a fait passer d’Alter Eco à Pur Projet ?

TL : Au départ il s’agissait de compenser les émissions de carbones d’ Alter Eco, à l’intérieur de nos filières. Nous avons commencé à planter des arbres avec les producteurs de cacao, de riz, puis on s’est rendu compte qu’il y avait de nombreuses entreprises qui voulaient intégrer ce genre de projet climatique au sein de leur filière. Au début j’ai planté des arbres parce que la démarche m’intéressait et parce que j’aime la nature. Je ne pensais vraiment pas que ça deviendrait une activité. Le début de l’aventure a commencé en 2006. J’ai par la suite proposé aux investisseurs d’Alter Eco de saisir l’opportunité de développer cette activité au sein de l’entreprise. Ce à quoi ils m’ont répondu « non, on fait déjà trop de choses, on s’éparpille. C’est un autre métier, il faut que tu le fasse à l’extérieur ». J’ai alors créé Pur Projet et là on a tout de suite eu des entreprises qui se sont montrées intéressées dans le but de « se réconcilier avec l’écosystème ».

 

EJ : Pouvez-vous me citer un exemple d’entreprise qui joue le jeu pour réduire son empreinte écologique ?

TL : Il y a l’exemple d’Accor. Le groupe a l’objectif de réduire l’empreinte des hôtels. Après avoir fait les calculs nécessaires, il s’est avéré que la réduction de l’empreinte devait porter sur la production de la nourriture pour les restaurants, sur la consommation d’eau et d’électricité. Du coup, le groupe a mis en place un système à travers lequel il économise de l’argent qu’il réinvestit ensuite dans la régénération de l’écosystème de l’hôtel en plantant des arbres dans le pays dans lequel l’hôtel est situé et en priorité dans les filières agricoles.

 

EJ : Cet exemple précis vous rend-il optimiste par rapport à la prise de conscience des entreprises en général ? Quel est votre point de vue ?

TL : En fait entre 1998 et 2013, il y a eu un phénomène incroyable de prise de conscience, de développement, d’initiative, de projets. Il faut penser qu’en 1998, le développement durable n’existait pas. Et quand j’ai commencé à travailler dans le commerce équitable, on m’a dit « tu vas être hippie, tu pètes un plomb !». Depuis, il y a eu un phénomène d’accélération énorme qui continue d’ailleurs de s’accélérer. C’est une Révolution Verte dans tous les domaines. Alors oui, je suis optimiste, il faut accompagner le changement au maximum et le plus rapidement possible. Bien sûr au niveau climatique, je suis dans l’inquiétude, surtout pour mon fils qui a 3ans, je me demande comme tout parent dans quel monde il va vivre. Par rapport à ça, c’est clair qu’il faut planter des milliards d’arbres et la bonne nouvelle c’est que ça va générer des millions d’emplois. Le dérèglement climatique va s’accélérer et la prise de conscience aussi. Quand on va vraiment souffrir de ce dérèglement dans les pays riches, ça va démultiplier la réaction.

 
EJ : Quel est le conseil que vous pourriez donner à ceux qui vous suivent ?

TL : De planter des arbres ou de créer toutes sortes de nouveaux services environnementaux, de régénération des écosystèmes, des services à l’entreprise pour qu’elles réduisent leur empreinte environnementale, qu’elle améliore son innovation dans le domaine socio-environnemental, qu’elle créée de la valeur partagée avec ses parties prenantes pour son bénéfice. Ce sont des nouveaux modèles qui vont s’imposer d’eux-mêmes je pense. Dans les pays riches, on va de plus en plus chercher de l’immatérialité dans les produits que l’on consomme.

 

EJ : Vous conseillez beaucoup de livres sur votre blog, et l’idée de pensée intégrale revient souvent. De quoi s’agit-il exactement ?

TL : J’ai pas mis le blog à jour depuis longtemps, mais il y a un bouquin que j’adore, c’est La Révolution d’un seul brin de paille de Masanobu Fukuoka. C’est un très beau livre écrit dans les années 70. C’est l’histoire d’un fermier, d’un riziculteur japonais qui est idéologiste, qui a travaillé dix ans dans un laboratoire d’État sur la recherche des maladies dans les champs. Il démontre qu’on n’arrivera jamais avec notre petite tête à pouvoir intégrer ce qu’est la nature. On est incapable de comprendre et de maîtriser la nature parce qu’elle est vraiment d’une interdépendance et d’une complexité incroyable. En plus on a organisé la science de manière discriminatoire en ne regardant pas de façon globale mais en agissant que sur un point, ce qui perturbe l’ensemble de son cycle. L’histoire de l’agriculture c’est l’histoire de créer des problèmes pour des solutions qui vont elles-mêmes créer des problèmes encore plus importants. Masanobu Fukuoka conseillait de s’arrêter et d’observer la nature, d’adapter son agriculture très localement à ce que la nature nous enseigne. Il s’agit là d’une agriculture du non-agir, qui joue pleinement avec la nature au lieu de la contraindre avec des produits coûteux et nocifs et il fait la démonstration qu’on peut produire plus qu’avec n’importe quelle autre agriculture intensive. La pensée intégrale c’est un mouvement intellectuel contemporain de personnes qui disent « le monde est une évolution de différentes phases ». C’est une vision non-duale (non-critique) de l’histoire. A ce titre Fukuoka a une vision intégrale en prenant l’histoire depuis son origine.

 

EJ : Vous auriez du mal à revivre en France ?

TL : Pas du mal, mais ce n’est pas ce que je souhaiterais en premier. On est très ethnocentré (les pays riches) en pensant que tout ce que l’on a est supérieur aux autres. J’ai rencontré un indien au Brésil, porte encore les plumes, le maquillage etc qui me disait quelque chose de très vrai « nous on est jamais allé sur la Lune mais on peut aller beaucoup plus loin dans certains domaines ». Le
s indiens ont une connaissance du vivant, de la nature, du rapport à l’homme qui est exceptionnel.

 

EJ : Peut-on dire que vous avez trouvé le bonheur ?

TL : C’est une réalisation forte, après c’est aussi une évolution vers le « non-être ». Rechercher le bonheur c’est forcément arriver à la frustration. Le bonheur c’est très occidental. En Thaïlande par exemple on ne cherche pas le bonheur on recherche la paix. Le bonheur m’évoque une recherche plutôt égoïste où on est centré sur soi, et être heureux s’oppose à être malheureux. Dans cette vision on est ou l’un ou l’autre et on exacerbe le moi et l’individualisme. On est dans la satisfaction de soi. Pour moi la souffrance est une notion de soi. Alors que si on est dans la compassion on est plus reliés aux autres et donc plus heureux sans avoir recherché le bonheur.

 

Retrouvez le reportage « Vers d’autres mondes » : Saison 2, sur France 5 le 5 juin 2014 dans lequel Tristan Lecomte met en lumière trois filières : le maïs au Mexique, le café en Ethiopie et le thé au Sri Lanka.