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Retour sur la réunion du projet de « Ressourcerie alimentaire » à Morlaix

Après une courte introduction de l’historique des cantines de la fourmi par Véronique Futtersack de Graines de Vie et du contexte politique favorable et incitatif tant au niveau national que local par Carole Jégou de l’ADESS, la place a été laissée aux questions et échanges sur les activités et le modèle économique envisagés.

Pendant et après la réunion certains ont spontanément proposé de :

  • Donner des invendus alimentaires en quantité lorsque le projet verra le jour,

  • Transmettre des contacts de producteurs agricoles locaux,

  • Réfléchir au portage de chantiers d’insertion pour la collecte et la cuisine,

  • Donner du mobilier, de la vaisselle, pour équiper le lieu,

  • aider à d’éventuels travaux, fournir des matériaux, etc.

Toutes les personnes intéressées sont invitées à faire savoir dans quels domaines elles pourraient aider le projet. Il y en a pour tous les goûts (de l’ameublement à la fiscalité). A commencer par des suggestions de nom pour la nouvelle association porteuse du projet ! Toutes les suggestions sont à envoyer à cipec@adessdupaysdemorlaix.org

Prochaine étape à noter :

  • Assemblée Générale constitutive de l’association portant le projet de « Ressourcerie alimentaire » : le 21 avril 2016 à 17h30 à l’auberge de jeunesse de Morlaix




Brestois, ayez un « déclic » pour le climat !

Dans quel cadre s’inscrit la démarche « climat déclic » ?

 

La campagne « climat déclic » s’inscrit dans le cadre des Plans Climats de Brest Meétropole et de la ville de Brest, les deux Plans Climats étant menés conjointement.

Depuis le vote du Plan Climat en 2012, des axes de travail importants sont apparus. Tout d’abord dans le domaine de l’habitat : la ville de Brest ayant été détruite pendant la guerre et reconstruite avant 1975, période durant laquelle le batiment n’était pas soumis à des réglementations thermiques, notamment au niveau de l’isolation. Ensuite, dans le secteur des transports : les déplacements domicile-travail restent importants, ainsi que le recours à la voiture individuelle. Il y a donc des comportements à changer. Il y a justement dans le Plan Climat un volet important consacré à la mobilisation du territoire face aux enjeux climatiques. La collectivité doit accompagner aujourd’hui ceux qui veulent faire autrement. Cette année, il y a une opportunité médiatique avec la tenue de la Cop 21 à Paris pour parler de ces questions, et les porter au niveau local.

 

 

En quoi consiste concrètement la démarche ?

 

Une plateforme internet participative a été lancée, qui comprend deux volets : un concours, et un agenda. L’objet du concours « climat déclic » est de valoriser des initiatives déjà existantes, ou des idées sur le point de passer à la phase concrète. Le concours est ouvert du 26 juin au 15 septembre, et est ouvert à tous les citoyens de Brest Métropole. Les porteurs de projets pourront déposer leur projets sur la plateforme. Ceux-ci seront ensuite soumis au vote des internautes du 15 septembre au 6 octobre. La collectivité récompensera les lauréats en apportant de la valorisation, de la médiatisation, de l’accompagnement à la mise en œuvre de l’initiative, de la mise en réseau.

L’agenda permet de mettre en ligne sur la plateforme un événement, de type festival, conférence, formation ou autre, qui a lieu sur le territoire de Brest Métropole, en lien avec l’énergie et le climat. Parmi les événements marquants, on peut déjà noter le passage du « train climat » le dimanche 18 octobre à Brest.

 

 

Quel est l’objectif de Climat Déclic ?

 

L’objectif de la plateforme est de donner à voir ce qu’il se passe, quelles sont initiatives concrètes en cours sur le territoire de Brest Métropole. Nous partons du principe que c’est en montrant et en valorisant des actions et événements que les citoyens peuvent avoir un « déclic » et vouloir passer à l’action à leur tour.




Le feuilleton de l’été : Jean de Maillard « l’arnaque : la finance au-dessus des lois et des règles »

A partir de ces exemples tellement exotiques, on peut faire d’intéressants parallèles avec nos mœurs financiaro-politiques françaises de ces trois dernières années. Dans le domaine, nous n’avons pas trop à rougir : de ce point de vue nous sommes bien mondialisés.

Les leçons non tirées des crises successives

1. Les errements du capitalisme financier de la fin du XX° siècle ont commencé avec la crise des « savings & loans », ces caisses d’épargne mutualistes américaines dont le modèle d’équilibre financier vertueux a été mis à mal par la hausse vertigineuse des rémunérations des autres produits financiers poussant ces Caisses d’Epargne locales à se lancer dans des opérations financières de plus en plus risquées pour lesquelles elles n’avaient ni les compétences, ni les moyens financiers. Un parallèle peut être aisément fait avec ce qui s’est passé récemment en France. Premier temps, on réduit l’attractivité des livrets A en baissant de manière autoritaire les taux de rendement et en élargissant le nombre des opérateurs possibles. Le produit devient banal. Du coup, les Caisses d’Epargne, principales opérateurs sur ce produit, se retrouvent sans base et la porte est ouverte à toutes les aventures ;

Deuxième étape, on termine de banaliser les Caisses d’Epargne, banques coopératives en les fusionnant avec une autre banque, coopérative elle aussi, la Banque Populaire. Voilà, les éléments sont en place pour une crise des « savings & loans » à la française!

Que ce soit le conseiller du Président qui a conçu ce montage qui se retrouve à la tête de cet ensemble, au mépris de toutes les règles d’éthique de la haute fonction publique dont il est issu, et s’y octroie des rémunérations plantureuses n’est dès lors plus qu’une péripétie. Que les deux mariés soient de statut coopératif montre que ces gens-là manient en plus avec beaucoup de cynisme l’humour noir. 

2. L’organisation de la pénurie sur les marchés des matières premières, et notamment de l’énergie, est une des conséquences des dérégulations imposées à ces marchés dont une des manifestations patentes est la suppression de toutes les limites sur achats à terme et à découvert pour tous opérateurs professionnels, seuls les spéculateurs étant limités. Ces hausses spéculatives qui sont une des causes de la crise actuelle n’ont été possibles que parce que les autorités de régulation ont reconnu que les spéculateurs étaient des opérateurs professionnels sur ces marchés. Incidemment, constatons que 19 ans après les autorités américaines, l’Etat français a reconnu de jure cette qualité à deux des plus gros prédateurs du marché financier : Goldman Sachs et JP Morgan, qui via leur filiale installée à Londres, sont autorisés à négocier du gaz sur le marché français (décrets publiés au J.O. de la République Française à quelques jours d’intervalle en janvier 2010). Du coup, ils peuvent dans tous les pays être considérés comme opérateurs professionnels, fournisseurs de gaz sur le marché dérégulé français pour prendre toutes les positions spéculatives sans limite sur ce marché. On peut donc craindre le pire quand on sait qu’au début de la chaîne les fournisseurs initiaux de cette matière première ne sont pas non plus d’une probité au-dessus de tous soupçons.  Le marché du gaz sera-t-il la prochaine bulle spéculative ? (une bulle dans le gaz, hilarant, n’est-ce pas?)

3. Concernant la cause la plus visible de la triple crise déclenchée au cours de l’été 2007 : la prolifération des prêts immobiliers accordés à des emprunteurs de moins en moins solvables, on ne peut que se féliciter, si tant est qu’on puisse se féliciter d’une catastrophe économique et sociale, que cette crise ait éclaté avant que le président Sarkozy ait eu le temps de mettre en œuvre la totalité de son programme et notamment la mise en place des instruments permettant l’accession à la propriété de centaines de milliers, voire de millions, de Français. Pour des raisons similaires, mais cette fois-ci impulsée par l’Etat et non par un marché financier déréglé, nous aurions vu apparaître sur les marchés financiers une masse considérable d’actifs financiers risqués.

Conclusions provisoires

1. Lorsqu’il a conçu son programme, le candidat Sarkozy et son équipe, où proliféraient les inspecteurs des finances et autres experts financiers de haut vol, étaient forcément au courant des avis alarmistes publiés sur la montée inexorable vers ce qu’on a appelé ensuite la crise des subprimes;

2. Lorsque le gouvernement Fillon accorde par décret à deux des plus grosses banques américaines le droit de vendre du gaz en France avec tout ce que cela implique comme privilège d’intervention sur les marchés, les cabinets ministériels, des ministères de l’économie et de l’énergie, peuplés de moult inspecteurs des finances, ingénieurs des mines et autres experts de haut niveau sur les marchés mondiaux de l’énergie ne pouvaient pas ne pas savoir que c’est la décision de la CFTC (régulateur états-unien des marchés de matières premières) en 1991 qui avait permis aux banques de tripatouiller les cours des matières premières au premier rang desquelles l’énergie, pétrole, gaz et électricité.

3. On est alors en droit de se poser des questions sur les qualités techniques et morales de ceux qui ont inspiré et pris ces décisions.

Solutions

 A. Mettre la dérégulation des marchés « de réseau » sous haute surveillance du Parlement européen, à défaut de renationaliser le service public de l’énergie c’est-à-dire en fait s’occuper très sérieusement du pilotage des directives européennes en la matière (directive « services » notamment)

B. Remettre le marché immobilier sous perfusion publique : l’important est actuellement de se loger, non de posséder son logement.

C. Redéfinir le métier de banquier et rétablir les règles de prudence qui à la fin des années 30 puis en 1945 avaient permis à deux reprises de redonner confiance aux opérateurs économiques, les producteurs, envers d’autres opérateurs économiques, les financeurs. Là aussi notre président dispose de conseiller éclairé (voir le rapport de Jacques Lepetit sur le risque systémique remis en avril 2010).

Tous ça est évidemment à creuser.

Evidemment, ce livre, écrit il y a 5 ans, ne pouvait pas prendre en compte toutes les turpitudes que ces mêmes entreprises ont pu commettre depuis. A vous d’essayer de les repérer à partir de cette petite grille de lecture.

 

 




Quand les voix s’élèvent, pour mieux vivre-ensemble !

Située route de Plougonven, dans le bourg de Plourin-Les-Morlaix (29), la Chapelle Sainte-Philomène est un lieu désacralisé, et récemment rénové à l’aide de matériaux écologiques. C’est là que se déroulera vendredi une soirée d’inauguration ouverte au public, et qui sera placée sous le signe de la « voix » et du « vivre-ensemble ». En effet, les spectateurs pourront assister à une « Conférence chantée » autour du thème « Quand les voix s’élèvent pour mieux vivre ensemble » à quatre voix, par Armina Knibbe, vice-présidente du réseau Cohérence, et le trio a cappela « Les Vocales Têtues ».

Armina Knibbe © BD

 

Une « conférence chantée » permet de transmettre des idées et des valeurs par le biais de la voix et du chant, qui sont des moyens de communication et des outils de développement personnel. « La voix est un lien à soi, mais aussi un lien aux autres. Elle permet de se rapprocher du vivant, duquel on est de plus en plus éloignés dans nos sociétés », explique Armina Knibbe, vice-présidente du réseau Cohérence, qui s’intéresse beaucoup aux questions de transitions et est passionnée par la voix, une activité « à empreinte carbone basse », et aux liens entre voix et transition. « La pratique du chant peut devenir très aidante, car plein de sociabilité et de plaisir partagé, pour faire ce changement un peu contraignant  de nos modes de vie », précise-t-elle. Le « faire-ensemble » en chantant est donc également primordial selon Armina. « Ce qui est peut être fait en commun, comme le fait de chanter ensemble, est particulièrement vivifiant pour le vivre-ensemble », explique-t-elle. C’est dans cette optique que le public sera invité lui aussi à agir. « Au sein de la conférence, il y aura des moments de participation du public, chacun avec sa manière de faire son cheminement », révèle Armina. Et ce sont « les Vocales Têtues, un trio polyphoniques du secteur de Morlaix, qui sera chargé des intermèdes et de clore la soirée par un concert durant lequel leurs voix se mêleront et s’éleveront A Cappella dans la chapelle !

 

Chapelle Sainte-Philomène © AC_BDS

 

 

 

Pour assister à l’évenement, il est nécessaire de s’inscrire.

Inscriptions:

Médiathèque de Plourin-lès-Morlaix

02 98 72 54 53

mediatheque.culture@mairie-plourin.fr

 

 

 

Plus d’infos

http://www.reseau-coherence.org/

https://www.facebook.com/LesVocalesTetues

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Un guide pour l’écologie au quotidien

Mobiliser contre le dérèglement climatique et pour la transition écologique, voilà l’objectif du « Répertoire de l’écologie au quotidien », édité par le Collectif des Associations Citoyennes (Cac). Constitué en 2010, Le Cac a pour but de « lutter contre la réduction des associations à la seule dimension économique, défendre la contribution de celles-ci à l’intérêt général et à la construction d’une société solidaire, durable et participative ». C’est dans cette perspective qu’il a choisi de regrouper au sein d’un guide les différentes actions facilement réalisables par le citoyen, afin de « montrer que chacun peut agir là où il est ».

En 91 pages, cette « boite à idées » comme le définit le collectif permet au lecteur d’y trouver informations et conseils sur une diversité de thématiques et d’actions. Des actions à réaliser individuellement (Acheter des fruits et légumes de saison, participer à une Amap, créer ou rejoindre un habitat groupé, acheter d’occasion, jardiner au naturel, covoiturer, composter, réparer…), mais aussi à plusieurs (participer à l’organisation d’une gratiféria, à un Système d’Echange Local, utiliser une monnaie locale complémentaire, organiser une fête des voisins…). Les actions collectives plus larges ne sont pas non plus oubliées : participer à un Forum Social, un agenda 21, au mouvement Alternatiba, Villes en Transition, Collectif Stop Tafta, lutter contre les Grands Projets Inutiles…

Le guide propose également toute une panoplie de méthodes utilisables par les citoyens pour développer la sensibilisation au dérèglement climatique et à la transition écologique autour d’eux : ciné-débats, porteurs de paroles, concours photos…

Instructif et participatif (chacun peut y apporter sa contribution), le répertoire de l’écologie au quotidien est particulièrement intéressant pour les citoyens qui ne sont pas encore sensibilisés aux questions de la transition écologique, économique et sociale. Pour les autres, il constitue néanmoins un très bon reccueil d’initiatives et de « tuyaux » à utiliiser au quotidien, à faire passer dans son entourage.

 

Pour le télécharger en version PDF, rendez-vous sur le site http://www.associations-citoyennes.net/wp-content/uploads/2015/07/R%C3%A9pertoire-Ecologie-au-quotidien-29-juin-A5-v%C3%A9rif.pdf

Egalement en vente auprès du Cac au prix de 5 euros.

 

 
Plus d’infos

www.associations-citoyennes.net




L’usage des communs à Notre-Dame-des-Landes d’hier à aujourd’hui

La commune de Notre-Dame-des Landes n’a été constituée qu’en 1871 par démembrement de celles de Fay-de-Bretagne (deux tiers du territoire de la nouvelle commune) et d’Héric (un tiers). La paroisse existait depuis 1847 et affichait une population significative, qu’on peut estimer à plus d’un millier. En 1871, il y a 1785 habitants. C’est l’ensemble des communes situées autour de Notre-Dame-des-Landes qui sera pris en compte pour tenter de reconstituer la genèse du paysage.

 

 

La ZAD vers 1750 (carte de Cassini). On distingue parfaitement les landes et les ruisseaux des deux bassins versants.

 

 

La constitution des landes

Comme on le sait, en dehors du littoral, les grandes landes ne sont pas des formations naturelles spontanées mais des formations « secondaires » nées des défrichements opérés dès le néolithique aux dépens de la forêt. Toutefois, la lande existait ponctuellement par lambeaux, sur les sols acides et peu profonds, autour des petits affleurements rocheux. Quant à la forêt, elle n’avait pas l’aspect que nous donnent les boisements actuels ; elle pouvait être rabougrie, le feu et les grands mammifères y ouvraient des clairières et les castors y créaient des marais tandis que les arbres poussaient et mouraient dans le plus grand désordre. De plus, à certaines périodes de déclin démographique, des boisements ont pu reconquérir des terrains en lande ou en culture.

On peut considérer que durant tout le Moyen Âge et jusqu’au XVIIIe siècle, les landes ne firent que s’étendre aux dépens de la forêt. Le besoin de terres à cultiver n’était pas la seule motivation : il fallait beaucoup de bois pour couvrir de multiples besoins allant de la construction à la micro-industrie en passant par la construction navale. De plus, les cycles de régénération naturelle des forêts fondés sur un équilibre entre les herbivores et leurs prédateurs ont été profondément perturbés : les forêts accueillent désormais des parcs où la haute noblesse élève des chevaux ou s’adonne à la chasse mais surtout des nuées de porcs qui ne consomment pas que des glands. Ce ne fut pas, bien sûr, un mouvement continu mais, l’appât du gain, les impératifs de la survie pour beaucoup et les désordres aidant, la forêt bretonne était réduite à sa plus simple expression et en fort mauvais état au début du XIXe siècle (5 % du territoire contre 13 % aujourd’hui). Ainsi, l’ancienne forêt d’Héric est, selon P.-H. Gaschignard « encore largement composée, au milieu du XVIIIe siècle, de terres vaines et vagues, frost et gas, landes bruyères et pâtures ».

On peut penser qu’après avoir mis en culture un enclos de défrichement dans un espace forestier, on pouvait épuiser l’humus en quelques années et laisser cet espace appauvri évoluer vers une lande, le maintien de celle-ci étant favorisé par le pâturage extensif et la récolte de litière et de combustible. De plus, les bruyères secrètent des produits toxiques qui renforcent la stabilité du milieu dès lors que les éléments naturels et/ou les prélèvements par les hommes et le bétail ajoutent une pression supplémentaire.

L’évolution vers la lande et son maintien étaient aussi favorisés en Bretagne par les substrats de grès ou de quartzites et le lessivage des sols mis à nu ; les modifications chimiques qui interviennent alors dans le sol ne laissent plus pousser que des plantes adaptées telles que l’ajonc et les bruyères. À Notre-Dame-des-Landes et dans les environs, les pédologues notent la présence de sols compactés à pseudogley, saturés d’eau en hiver et s’asséchant facilement en été. On y trouvait donc plutôt des landes moyennement humides (mésophiles) à bruyère ciliée et ajonc nain.

Les petites quantités de fumier disponibles ne pouvant être utilisées que sur des surfaces réduites, les défrichements de la forêt créaient donc aussi des landes. Les défricheurs, moines ou agriculteurs, devaient de plus acquérir une connaissance du terrain et repérer les espaces les plus favorables aux cultures et ceux dont il ne fallait pas attendre trop. De manière générale, les fermes ou les villages se sont installés sur les terrains les plus riches et la trame bocagère s’est étendue à partir du noyau initial où l’on avait « mis en défens » un premier jardin et un premier champ, les landes occupant finalement les confins du territoire. Mais il ne faut pas se représenter les landes telles qu’en général elles nous apparaissent aujourd’hui, par exemple dans les monts d’Arrée ; ce n’était pas forcément des étendues totalement dépourvues d’arbres et les usages créaient sûrement une très grande hétérogénéité.

Néanmoins, les surfaces étaient telles que les voyageurs s’en effrayaient. Toussaint de Saint-Luc, vers 1664, ne voit que « des landes désertes » sur dix-huit lieues (60 km environ) entre Nantes et Rennes ; Edmond Richer s’exclame, un siècle et demi plus tard, en passant entre Treillières et Blain « vous ne pouvez rien vous figurer d’un aspect plus sauvage que ces vastes bruyères qui s’étendent sous vos yeux, à perte de vue ».

Les usages traditionnels

Contrairement à ce que firent nombre d’agronomes à partir du XVIIIe siècle, les agriculteurs n’opposaient pas des « landes stériles » à « des terres productives » tant ils étaient convaincus de la complémentarité de ce qu’ils appelaient les « terres froides » et les « terres chaudes ». À leurs yeux, une bonne ferme devait obligatoirement comporter un espace de landes proportionné à celui des espaces labourables et des prairies : « la meilleure propriété qui n’en posséderait pas une certaine étendue, ne trouverait pas de fermier dans le pays » écrit en 1864 J.-C. Crussard qui fut directeur de la ferme-école de Trécesson en Campénéac et président du comice agricole de Ploërmel.

Les principaux usages étaient le pâturage et la coupe de la végétation (« fauchage, litiérage et paccage » selon certains actes) pour faire du fumier (fumier produit dans les étables ou dans les cours et les chemins où l’on étendait la litière et tous les débris végétaux récupérables). De manière sans doute plus systématique au nord de la Bretagne qu’au sud, on pratiquait l’écobuage. Après une fauche, on arrachait les mottes de terre et de racine dont on faisait des tas en « fourneaux » que l’on brûlait, les cendres étendues permettaient une culture de seigle ou de blé noir pendant trois à cinq ans avant que la parcelle retourne à la lande, souvent, dans un premier temps, sous la forme d’une parcelle d’ajonc semé. Le Dictionnaire du patois du canton de Blain rédigé par Louis Bizeul vers 1850 indique que l’écobuage se fait sur des landes de petite étendue (et avec un outil nommé « écobue » qui ressemble à une large tranche ». Les branches d’ajoncs mais aussi les mottes arrachées au sol et séchées, pouvaient servir de combustibl
e. La Statistique du département de la Loire-Inférieure parue en 1801 signale que l’écobuage est pratiqué dans l’arrondissement de Paimbœuf et qu’ailleurs on laisse parfois « reposer les champs plus de deux ans, et on brûle sur place les genêts ou la bruyère dont ils sont couverts » ; cette pratique qu’on doit plutôt nommer brûlis est notée par Jean Bourgeon à Treillières « on recouvre la surface du champ de plantes sauvages ramassées dans les landes ; on y met le feu qui brûle toute la nuit, puis le lendemain on sème sur les cendres qui apportent au sol un peu de potasse et de soude ». Les Usages locaux et règlements du département de Loire-Inférieure paru en 1861 ne disait cependant plus un mot de cette pratique originale sans doute très résiduelle alors qu’il parle de l’étrépage. La pratique ancienne de l’écobuage n’en reste pas moins inscrite dans la toponymie comme l’atteste l’Écobut à Héric.

La molinie, les fougères, les genêts avaient aussi de multiples utilisations (litière, protection, etc.). En fait, toujours d’après Louis Bizeul, le défrichement d’une parcelle est nommé « un béchis » et il se fait collectivement avec l’aide de 30 à 40 voisins qui « travaillent en chantant » et qu’on « régale d’un veau gras et d’une barrique de cidre ». On voit que l’opération, quoiqu’apparemment moins ritualisée qu’en Finistère, en présente le caractère festif et gratuit.

Jusque dans les années 1960, là où restaient des landes ouvertes ou sous pinède quand ce n’était pas simplement au bord des talus, on coupait les végétaux avec une étrèpe, principalement en hiver, afin de faire de la litière pour le bétail, parfois aussi pour l’étendre dans les cours et les chemins où la macération formait des boues (nommées « marnis ») que l’on mettait dans les champs au printemps.

De très nombreux témoignages soulignent l’importance d’un outil généralement nommé « étrèpe » pour faucher la litière. En 1851, dans son livre Les derniers paysans, Émile Souvestre (1806-1854) évoque, au Gâvres, à proximité de Blain, « l’étrêpe, faulx recourbée avec laquelle ils coupent dans les bois la litière de leurs étables ». De même, dans son récit « La femme blanche des marais » paru en 1878 dans les Contes de Bretagne, Paul Féval (1816-1887) qui a vécu à Glénac, écrit « Un homme surtout éveillait ses soupçons. C’était un éterpeur de landes d’assez méchante renommée, qui demeurait au bourg Saint-Vincent. » Et il précise : « On nomme éterpe ou étrèpe dans le Morbihan, une sorte de hoyau plein et tranchant, avec lequel les paysans tondent les landes ». On trouve des étrèpes mentionnées dans des inventaires après décès du XVIIIe siècle à Fay-de-Bretagne. Toutefois, la diffusion du terme et de l’objet déborde au-delà de la partie gallèse de la Bretagne puisqu’on trouve des « étrêpes » dans des inventaires en 1681 et 1693 à Mendon (entre Auray et Lorient), et « deux estrèpes à couper [la] lande » en 1674 à Surzur. Jean-Pierre Roullaud nous a décrit une « étrèpe » utilisée jusque dans les années 1960 à Guenrouët pour couper la litière et se présentant comme un triangle scalène (trois côtés inégaux) emmanché à l’angle des deux plus petits côtés. Dans un secteur tout proche, du côté de Moisdon-la-Rivière, Isabelle Paillusson nous a fait découvrir la « vouge », sorte de houe coupante, plus large (30 cm) que haute (15 cm), au manche centré et perpendiculaire. Le mot vouge désigne habituellement une serpe sur un long manche.

L’Écomusée Rural du Pays Nantais qui est installé à Vigneux-de-Bretagne nous a communiqué un très bel ensemble de photographies des étrèpes conservées dans les écomusées du département et on voit qu’elles correspondent aux descriptions rassemblées, confirmant la belle diversité des formes et l’ingéniosité des forgerons.

 

                    

                     Le vouge (photo Isabelle Paillusson)                                                L’étrèpe (écomusée de Fay-de-Bretagne

 

 

Les landes attaquées

Sous l’Ancien régime, le territoire de l’actuelle commune de Notre-Dame-des-Landes et de ses environs appartenait pour l’essentiel aux seigneurs de Rohan (marquisat de Blain), au domaine royal (châtellenie du Gâvre), à divers aristocrates et à des roturiers pour une part grandissante au fil du temps. Depuis le XVIe siècle (1549), on dispose d’actes d’afféagement par lesquels ces propriétaires autorisaient, moyennant une rente annuelle, le défrichement de bois ou de landes. Ces opérations menées sur de petites surfaces et au coup par coup peuvent même s’achever par abandon de la parcelle et ne posent généralement pas de problème. Certains contrats qui ne portent que sur le droit de faucher « privativement » interdisent de clore et il ne peut donc s’agir d’un défrichement. On note d’ailleurs qu’il existe des cas d’afféagements collectifs par lesquels il est possible de garantir la jouissance commune, tel celui accordé en 1774 par le duc de Rohan à soixante laboureurs pour utiliser ensemble les landes des Grands Mortiers à Héric qui resteront « vagues à perpétuité ». En effet, la question se pose de façon beaucoup plus conflictuelle au XVIIIe siècle, quand, par vagues successives associées aux décisions facilitatrices du Roi ou du Parlement de Bretagne, des opérations plus ambitieuses sont engagées et mettent en cause l’usage collectif des landes. De nombreux procès sont engagés et parfois gagnés, imposant le déplacement de certains afféagements « trop gênants pour les habitants des villages voisins » (en plus de supprimer des espaces de pâturages, les clôtures empêchent l’accès à des points d’eau ou des chemins). Des procédures collectives remettent même en cause de vieux afféagements conclus depuis 40 ans au nom d’actes passés cent ans plus tôt (on a le cas en 1778 pour des landes autour de la Rolandière et de la Villeneuve). Quand le problème est trop brûlant les paysans s’assemblent et mettent à bas les nouveaux talus comme à Héric en 1773.

Même si l’argument a été rapidement balayé par le rationalisme triomphant et les dures lois du marché, notons que le droit au pâturage sur les « terres vaines et vagues » était quasiment sacré et qu’au XVIIIe siècle encore, il s’est trouvé autour de Nantes de pieux aristocrates pour interroger leur confesseur sur la faute que pouvait constituer le défrichage et donc l’afféagement qui y conduisait quand il privait les pauvres de leur accès à des pâturages. En effet, la Très ancienne coutume de Bretagne (rédigée entre 1312 et 1325) stipulait que les choses qui ne « peuvent point porter de profit à ceux
à qui les choses sont » mais qui pourraient profiter à d’autres sans nuire au possesseur, ne devaient pas être empêchées « car ce serait péché ». Un groupe de confesseurs rédigea à ce sujet un état de ses interrogations pour les soumettre au barreau du Parlement de Bretagne. Lequel répondit que le seigneur devait avant toute chose opérer un « triage », opération qui permet au seigneur de se réserver une fois pour toutes un tiers des communs et d’en disposer à sa guise.

C’est dans ce contexte que l’abbé Renaud, curé de Treillières, prit en 1752, la défense de ses paroissiens en recopiant les actes établissant leurs droits et que son neveu participa en 1786 à la destruction de talus et aux procès qui s’ensuivirent. Dans ce cas, comme dans d’autres, les procès traînent assez pour qu’on retrouve les réclamations dans les cahiers de doléances. Celui de Treillières indique que « le seigneur a fait renfermer une infinité de landes et communs ce qui est contraire à nos possessions et notre aisance ». À Héric, on demande que les « vagues et landes » qui ont été afféagés par le Roi reviennent aux vassaux, c’est-à-dire aux paysans riverains. À Fay-de-Bretagne, on reste très modéré puisque l’on se contente de demander que les « biens restent communs entre les seigneurs et nous », on réclame toutefois de ne plus payer de rente pour ce qui a été afféagé.

Une grande hésitation va marquer la période révolutionnaire quant au devenir des landes : la Révolution hésite entre la défense des pauvres qui souhaitent conserver les usages collectifs et celle du progrès associé à l’idée de propriété individuelle.

 

Les landes dépecées

La commune de Fay-de-Bretagne, qui totalise 9 000 ha vers 1840, compte 3 800 ha de landes et taillis et dans la quasi-totalité des communes des environs, on trouve entre 30 % et 40 % de la surface communale en landes. Mais à la même époque, le curé de Treillières note que l’on a défriché 500 ha dans sa paroisse en quatre ans. La commune y possédait 1 000 ha de landes dont elle avait conservé l’essentiel, se contentant de louer quelques petits morceaux ou de faire payer ceux qui avaient bâti leurs masures et défriché un bout de terrain. Comme l’écrit Jean Bourgeon, « le mitage des landes évolue au gré de la dette municipale ». Mais ce n’est qu’un mitage car au début du XIXe siècle l’agriculture manque encore de bras. L’Empire et ses guerres ayant disparu, la situation change et certains villages ressortent leurs vieux actes établissant leurs droits, demandes des parages, invoquent le progrès. On fait des procès, on tergiverse, on régularise les empiètements des nombreux miséreux qui bâtissent leurs cabanes au bord des chemins et se font un jardin. Les besoins de la commune augmentant et chacun pouvant avoir sa part ou sa miette dans le cadre des partages qui sont doucement engagés, les landes communales sont démembrées entre 1837 et 1850. À Héric, c’est en 1838 que s’est fait le partage des landes des Grands Mortiers. Malgré le coût de l’enquête fastidieuse où chacun apporte son témoignage sur ce qu’a connu son grand-père et recherche sur le terrain des marques d’une limite (arbre, mare, chemin…), les terrains sont attribués de telle sorte que chacun semble y trouver son compte et que, dans de nombreux cas, on pourra fixer le nouvel état des lieux dans le premier cadastre communal.

Les lois votées à partir de 1850 pour faciliter les partages et la « mise en valeur », tant attendues par nombre de propriétaires dans le reste de la Bretagne, ne concernent plus qu’un faible espace (il n’y a plus que 23 ha à partager en 1869 dans les landes de Parignac à Fay-de-Bretagne). En fait, la Loire-Atlantique a bénéficié de trois éléments incitatifs : une classe de riches propriétaires se détournant du commerce avec l’Amérique pour investir dans la terre, des exemples réussis dans le domaine de Grand-Jouan à Nozay autour de l’agronome Jules Rieffel ou de l’abbaye de Melleraye, de la découverte des pouvoirs fertilisants du « noir animal », sous-produit de l’industrie sucrière qui résout le problème des engrais en attendant l’arrivée des nitrates du Chili. Mais le mouvement est lancé et sous l’impulsion de nombreux propriétaires, on crée même de nouveaux villages (le nom de Solférino, une bataille gagnée en 1859, qui apparaît à Blain a son pendant dans les landes de Gascogne).

Il s’est donc bien agi d’opérations de partage menées sur de grandes surfaces en un temps relativement court qui explique le dessin très géométrique du parcellaire agricole. Les haies sont plantées pour marquer les propriétés autant que pour empêcher le bétail d’aller dans les cultures. Il faut rapporter ici une pratique notée à Fay-de-Bretagne par Per Bihan : « la pousse ou repousse des jeunes haies sont protégées de l’appétit des bestiaux par aspersion d’excréments d’animaux, à l’aide de petits balais en genêts ». On pratique le plessage, une très ancienne technique de création et d’entretien des clôtures maîtrisant et utilisant la dynamique végétale des haies vives pour les rendre plus hermétiques. Les landes ne furent pas totalement détruites car les agriculteurs eurent longtemps besoin de litière. Ils continuèrent à semer de l’ajonc pour nourrir les chevaux jusqu’au milieu du XXe siècle. Michel Tarin, né en 1938 et agriculteur à Chavagnes dans la commune de Treillières, raconte que son père allait du côté de Châteaubriant (soit une cinquantaine de kilomètres) acheter des graines d’ajonc.

Le défrichement des landes a donné au fil du temps naissance à un milieu original, un bocage sur zone humide mis en place par les ancêtres des agriculteurs que la folie de notre époque veut chasser. Ce bocage est caractérisé par la présence de petites prairies, non amendées et non drainées, de talus non enrichis et plantés de haies anciennes, de ruisseaux non recalibrés et d’un réseau de mares diversifiées d’une grande densité. Il a fallu près d’un siècle pour réaliser la transition de l’écosystème lande à l’écosystème bocage. C’est la lenteur même de l’opération qui explique l’extrême richesse écologique du milieu actuel.

On notera que les talus sont en partie des « conservatoires » de l’ancien paysage dans la mesure où ils ont été construits en creusant les fossés qui les bordent. Toutefois, ils sont plus secs et la bruyère cendrée y est donc plus présente que la bruyère ciliée qui marquait les grandes landes originelles. On voit que l’histoire du paysage est complexe mais que ses nouvelles pages n’effacent jamais tout à fait les précédentes (sauf à les arracher toutes pour écrire une page bâclée de l’histoire de l’aviation).

Sauvons les dernières landes

En Loire-Atlantique, on part, selon certaines estimations souvent citées, d’environ 300 000 ha de landes au début du XIXe siècle. Toutefois, si l’on se réfère à la méticuleuse Statistique du département de la Loire-Inférieure publiée par Jean-Baptiste Huet de Coëtlizan (1769-1823) en 1801, on ne trouve que 133 632 ha, soit 20 % de la surface totale (marais et prairies sont comptés à part et le total des « incultes » est 161 127 ha). D’ail
leurs, cette estimation concorde avec les 100 000 ha de 1844 donnés comme le « premier chiffre fiable » par René Bourrigaud. L’actuel inventaire départemental des espaces naturels compte 1,4 % de « landes et fourrés » soit un total 9 782 ha, sachant qu’en fait on ne connaît que cinq sites de landes (dont trois littoraux) un tant soit peu significatifs mais qui ne doivent pas totaliser beaucoup plus de 200 hectares à eux tous, le plus étendu et le mieux conservé se situant sur le plateau du Landonnais à Grand Auverné. La base Corine Land Cover donne d’ailleurs le chiffre de 624 ha pour les « landes et broussailles ». La botaniste Aurélia Lachaud qui a longuement parcouru le département résume bien la situation quand on l’interroge : « les landes de grande surface sont quasi inexistantes à part sur les coteaux du Don (à Grand-Auverné et Moisdon). Sur le littoral les plus belles landes étaient à Préfailles mais aujourd’hui ce sont en grande majorité des fourrés à ajonc. Le reste des grandes surfaces se trouvent sous pinède dans des états plus ou moins relictuels. Sinon il reste des mouchoirs de poche qui chaque année régressent faute de gestion appropriée ».

C’est dire que chaque parcelle de lande à bruyère est précieuse en Loire-Atlantique et que les deux hectares qui subsistent en plusieurs petits éléments à Notre-Dame-des-Landes sont les derniers témoins du paysage dominant il y a deux siècles. Leur caractère patrimonial ne fait aucun doute. Si ces landes sont à protéger, c’est pour des raisons proprement humaines et culturelles, car c’est dans sa diversité que la nature joue un rôle essentiel dans notre expérience sensible du monde et dans l’enracinement qui nous permet de prendre la mesure du monde.

 

Les communs au cœur du débat

Pendant des siècles, les landes ont fait l’objet d’usages collectifs. Des conflits ont éclaté chaque fois que des individus ont voulu, d’une manière ou d’une autre, déroger aux usages qui assuraient l’équilibre général et, en particulier, basculer dans l’appropriation privative. Il a fallu plus de deux siècles pour imposer la privatisation des landes communes.

La philosophie de ce partage est bien résumée par le premier préfet d’Ille-et-Vilaine, Nicolas-Yves Borie, qui écrivait en 1801 que « l’état de communauté entraîne la destruction ». C’est à peu de choses près la thèse qu’a défendu en 1968 le biologiste Garrett Hardin (1915-2003) dans la revue Science sous le titre « La tragédie des communs » (The Tragedy of the Commons). L’idée de Garrett Hardin est que « les communs » (qui pour lui intègrent les zones de pâturage mais aussi les parcs publics, les réserves naturelles ou la sécurité sociale) font l’objet d’une surexploitation par chaque individu aux dépens des autres afin de maximiser son profit. Seul le régime de la propriété privée est aux yeux de l’écologue américain en mesure de préserver la durabilité des ressources. La polémique ouverte par ce texte qui apportait de l’eau au moulin néolibéral en construction est au cœur d’un débat toujours actuel. Il a, en effet, contribué à relancer la réflexion concernant les communs voire, depuis quelques années, « le commun », incluant aussi, par analogie, le champ d’Internet. De très nombreux auteurs appuient leur réflexion sur le mouvement des enclosures en Grande-Bretagne qui a marqué la pensée économique, sociale et politique depuis le XVIIIe siècle. Même un ouvrage récent comme Commun, essai sur la révolution au XXIe siècle écrit par le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval, ne cite aucun exemple français.

On aura compris, espérons-le, qu’il y a, dans l’histoire des landes de Bretagne et dans celle qui s’écrit aujourd’hui sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, la matière pour mieux appréhender le fonctionnement d’autres modèles sociaux que ceux qui font la part belle à un État tout-puissant ou à un marché totalement libéré. C’est ce que suggérait récemment Grégory Quenet (Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?) quand il affirmait que « la gestion collective offre de nombreux exemples historiques d’une gestion soutenable plus efficace que la propriété privée ». Un procès fait en 1698 par les usagers des landes communes de Lanveur à Languidic contre un accapareur illustre parfaitement le fait que l’usage des communs relève essentiellement d’un droit non-écrit et se fonde sur un savoir-vivre populaire qui est le meilleur gardien de la durabilité du patrimoine commun. Les « pauvres de la paroisse » ne sont pas d’égoïstes rapaces qui raclent jusqu’à la roche les maigres landes dont ils peuvent disposer ; bien au contraire, ils les défendent contre ceux qui veulent y arracher des mottes alors qu’elles ne peuvent supporter que la fauche et le pâturage. Ils sont en fait les gardiens du système menacé par un individu qui, précisément, fonde son pillage irréversible en invoquant le droit du propriétaire du sol. Le commun, c’est d’abord une volonté de vivre ensemble, d’avoir un avenir et de renforcer périodiquement les liens des hommes entre eux, par exemple dans le cadre de fêtes autour de travaux collectifs. Cette expérience séculaire devrait alimenter la réflexion de ceux qui vont continuer à vivre sur la ZAD.

 

 

Bibliographie

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BOURGEON, J., 1986, La vie est dans le pré, portrait d’une commune rurale avant et pendant la Révolution [Treillières], éditions ACL.

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QUENET, G., 2014, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Champ Vallon.

SIBILLE, A., 1861, Usages locaux et règlements du département de Loire-Inférieure, Merson.

Ce travail n’a été possible que grâce à Yves Riou et Marie-Ange Lebreton qui ont rassemblé toutes les monographies locales et tous les Naturalistes en lutte qui ont bien voulu apporter des contributions.

 

 
A l
ire aussi

https://naturalistesenlutte.wordpress.com/

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