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Semer des graines pour cultiver nos humanités

Le monopole des semences et de l’agriculture est aux mains de grandes multinationales, ces mêmes grosses firmes qui tentent d’imposer des OGM qui ne disent pas leur nom.

Ce mois-ci (24 janvier) l’UE s’apprête à faire voter une déréglementation totale des nouveaux OGM, les Nouvelles Techniques Génomiques. Ces NTG recouvrent un champ de plus en plus étendu de biotechnologies, et leurs promoteurs veulent les faire échapper à la réglementation européenne en affirmant qu’elles sont sans danger puisqu’elles permettraient de « modifier des séquences génétiques sans introduire de gène étranger dans le génome ». Si cette déréglementation est votée, si ces NTG sont validées, plus rien n’avertirait le consommateur, ni l’apiculteur, de la présence d’organismes modifiés. Et rien ne permet de dire que l’éventualité de leur diffusion dans la nature serait sans effeti.

A l’opposé de ces firmes aux projets fondés sur les biotechnologies, des citoyens, des agriculteurs , de syndicats ou coopératives œuvrent à maintenir l’accès libre aux graines et semences, à leur usage, et à retrouver la diversité plus large qu’elles offrent. Parmi ces coopératives, et en Bretagne, Graines de Liberté – Hadoù ar Frankiz.

 

Graines de Liberté – Hadoù ar Frankiz

Graines de Liberté est à l’origine une association qui rassemble des maraîcher.ères, des céréalier.ères, des pépiniéristes, des éleveurs-éleveuses, des chercheurs-chercheuses, des détaillant.es, des artistes, des habitant.es et amateurs-amatrices de jardins. Cette association est ensuite devenue SCIC, une société coopérative d‘intérêt collectif. Son objet social est de promouvoir l’usage, la production et le travail de sélection de semences « variétés-populations » en Bretagne, et de contribuer à la reconnaissance du métier d’artisan semencier. Il s’agit aussi de considérer les semences de variétés populations comme des biens communs, libres de droit, et à pollinisation libre. L’entreprise basée à Quimper, est jeune. Son idéal n’est rien moins que ce qu’indique son nom : la liberté de promouvoir, proposer, retrouver, travailler à un autre rapport à l’agriculture, et à l’alimentation. De reconsidérer aussi ce qu’est fondamentalement la graine : une puissance en soi qu’un vent libre, qu’un geste libre, transporte et dépose à l’endroit précis où sa force pourra se redéployer et s’adapter. Et cela dans un cycle en théorie éternel. On a tendance à l’oublier. La devise de Graines de Liberté – Hadou ar Frankiz, « Des graines pour cultiver nos humanités » peut intriguer ; mieux (c’est ce qu’elle cherche à faire) elle peut nous interpeller : le jeu sur les mots est on ne peut plus sérieux. Sans doute nous appelle-t-on à la réflexion sur les liens nature-culture en une modernité qui semble vouer un culte à la technologie, c’est-à-dire à elle-même. Et qui oublie ce qui la constitue aussi : le partage des savoirs, la transmission dans le temps, la sagesse qu’il y a à regarder la nature dans ce qu’elle a de stupéfiant : la graine et sa puissance de vie.

« Mais ils avaient la poignée de graines dans leur poing et la graine a une force électrique qui traverse les peaux les plus coriaces et illumine les cœurs les plus sauvages ».

Jean Giono, Que ma joie demeure .

Crédit : Laurent Vanhelle

 

 

Les semences Variétés-populations contre les semences Hybrides F1

Les semences de variétés-populations (ou semences paysannes) sont l’origine de l’agriculture. Les pratiques des agriculteurs ont consisté jusqu’au XXe siècle à choisir une part de leur récolte pour en prélever les graines afin de réensemencer les champs l’année suivante, sélectionnant ces plantes appelées à devenir porte-graines en fonction de leur capacité à s’adapter à un climat, à un milieu, à un territoire, à l’évolution des goûts.

Au XXe siècle, à partir des pays industrialisés, ces semences ont été progressivement remplacées par des semences élaborées en laboratoire pour améliorer la productivité des récoltes et répondre à des exigences industrielles – de rendement, de stockage, de livraison, etc : ce sont les semences dites hybrides F1 en majorité. Ces semences hybrides F1 engendrent des plantes toutes identiques entre elles, homogénéité qui concerne les aspects physiques : taille, forme, couleur des fleurs, goût des fruits etc. Mais elles ont un défaut de taille : si un agriculteur les ressème l’année suivante, la productivité diminue, la plante dégénère et perd ses caractéristiques initiales. Le cultivateur doit donc racheter des semences ou des plants à chaque saison, ce qui conduit à l’érosion de la biodiversité et à la standardisation de l’alimentation, à un appauvrissement du vivant, mais un enrichissement conséquent des « big four », ces grands semenciers que sont Bayer-Monsanto, Corteva, Syngenta et BASF. Cette obsession de l’homogénéité dans la sélection variétale, obtenue par le contrôle de la sexualité et la consanguinité des plantes en vue d’obtenir la « lignée pure » d’une variété, a donc pour conséquence une érosion vertigineuse de la biodiversité cultivée.

Qui connaît encore les Blés poulards ? Ils ont été à la base de la production des pâtes et des biscuits au Nord de l’Europe avant l’importation au XXe siècle des blés durs du sud. C’est une céréale à redécouvrir.

« Si on avait fait du blé de notre race, du blé habitué à la fantaisie de notre terre et de notre saison, il aurait peut-être résisté. Tu sais l’orage couche le blé ; bon, une fois. Faut pas croire que la plante ça raisonne pas. Ça se dit : bon on va se renforcer, et, petit à petit, ça se durcit la tige et ça tient debout à la fin, malgré les orages. Ça s’est mis au pas. »

Jean Giono, Regain – 1930.

http://informations-documents.com

Des Graines d’un Paris et d’une Bretagne d’avenir

Avant Graines de liberté, il y avait eu la campagne Graines d’un Paris d’avenir, joli nom à tiroirs pour raconter la première aventure des graines libres sur le territoire parisien : douze variétés populations issues du patrimoine alimentaire avaient pu être réintroduites, à la place des fameuses F1 ou autres CMSi. Cette opération était portée par l’association Mingaii, par l’Alliance des cuisiniers de SlowFood en Franceiii, et l’OPASE, organisation professionnelle des artisans semenciers. Ont pu être ainsi recultivés l’oignon jaune paille des Vertus, le poireau de Gennevilliers, le chou de Milan de Pontoise, la betterave crapaudine, la laitue batavia blonde de Paris, et quelques autres légumes oubliés.

Le pari suivant, Graines d’une Bretagne d’avenir, est lui aussi le fruit d’un partenariat, qui regroupait Minga, l’Alliance SlowFood des cuisiniers, le Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère et le Syndicat des artisans semenciers grâce auxquels ont pu être remis sur les étals le melon petit gris de Rennes, la tomate précoce de Kemper, l’avoine panache de Daoulas, et le fameux piment de la frite ar Faouiv (jolie histoire que celle de cette « frite ») !

De Graines d’une Bretagne d’avenir à «Graines de liberté – Hadoù ar frankiz»

La création en 2019 de l’association Graines de Liberté a été suivie de sa transformation en société coopérative d’intérêt collectif qui regroupe 17 producteurs bretons associés, le siège social est à Quimper. Elle travaille avec des chercheuses de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) en remettant en culture des variétés anciennes. À la base de ces filières, ces semences sont essentielles pour développer une alimentation moins riche en viande, plus nutritive, plus goûteuse et plus accessible. Comme l’indique leur présentation : « La promotion de semences de variétés populations et la reconnaissance du métier d’artisan semencier sont indissociables de la bataille contre les anciens et nouveaux OGM, contre l’artificialisation et la privatisation du vivant. Parce que c’est un enjeu de territoire, le développement de la production de ces semences est aussi étroitement lié au renforcement des services public en milieu rural. Parce que la semence de variétés populations est un bien commun qui nous permet de mieux comprendre notre rapport aux autres espèces vivantes, la promotion du métier d’artisan semencier a besoin d’une recherche publique indépendante. » C’est donc bien un projet politique, au sens noble du mot, c’est-à-dire qui concerne la vie, dans la Cité, des individus et de leurs biens communs.

Un savoir, un savoir-faire : un métier

Le travail d’un artisan-semencier  est fondamental : il consiste à suivre de près la vie des plantes, jusqu’au moment de la récolte des graines, et à appliquer alors les protocoles stricts nécessaires pour les sécher, trier, tester, conserver, ensacher, commercialiser. L’artisan semencier détient et met en œuvre un savoir-faire qui lui permet d’accompagner le développement de populations de végétaux sur leur cycle complet, de la graine à la graine selon un mode de culture inscrit dans un écosystème. L’artisan-semencier est un chercheur producteur de biens communs mais il affronte ces nouvelles formes d’enclosuresv que représente aujourd’hui la privatisation des gènes via la production de brevets, le tout sous la pression des financeurs.

Les deux campagne qui ont précédé Graines de Liberté promouvaient l’usage des semences variétés-populations auprès des maraîchers, des jardiniers, des paysagistes ; la reconnaissance des qualités des légumes qui en sont issus auprès des cuisiniers, des transformateurs, des épiciers, des mangeurs ; la création d’un catalogue de semences produites en Bretagne, issues de la diversité des sols, des goûts, des modes de culture, des climats et des écosystèmes du territoire ; la reconnaissance du métier d’artisan semencier dans le respect de tous les travailleurs des filières alimentaires, et la création d’établissements coopératifs d’artisans semenciers en Bretagne.

Une première collection de 15 variétés de légumes et céréales a été mise au point, qu’on peut découvrir dans un livre édité par Locus Solus (Graines d’une Bretagne d’avenir). Cette collection s’est depuis bien agrandie et dispose d’un stock de 80 variétés, disponibles sur le marché de Quimper, et dans de nombreux points de vente (voir la liste plus bas) mais aussi dans des librairies indépendantes.

«  Nous avons été trop longtemps gouvernés par l’uniformité, et l’uniformité est un indicateur du fascisme. Nous devons maintenant nous orienter vers la célébration de la diversité, symbole de liberté. Ensuite, vous pouvez agir à votre échelle : même avec un petit pot de plante dans votre salon. Un basilic, un romarin, peu importe… Sauvez cette graine et sa liberté. Et en sauvant sa liberté, sauvez la vôtre ».

Vandana Shivai

Il s’agit d’essaimer … et de disposer d’un capital qui permette la production, la diffusion, l’information, et la formation.

Les mots choisis pour la communication de Graines de liberté l’indiquent assez, on ne peut pas privatiser une graine, sauf à s’accaparer l’avenir et la vie . Graines d’un Paris d’avenir, d’une Bretagne d’avenir, Hadoù ar Frankiz : la semence reste un bien commun libre, et prépare ou assure en quelque sorte l’avenir dans un contexte et en un temps où il peut paraître redoutable à bien des égards.

Il faut ainsi encourager sa diffusion, et pour cela, transmettre les expériences et réalisations convaincantes, comme à Penmarc’h par exemple. La ville a signé une convention de partenariat avec la SCIC Graines de liberté. « Les jardiniers municipaux expérimentent les semences de Graines de liberté à la serre municipale depuis maintenant deux ans. L’idée est de “sélectionner des variétés adaptées au climat et à la terre, de retrouver des semences dites “population” ou paysannes qui s’adaptent et qui résistent plus facilement que les plants hybrides F1” »

Et l’expérience rencontre un succès certain auprès de la population. Elle s’adresse aussi aux enfants des écoles avec lesquels sont menés des ateliers autour de la graine, et du semis (par ex la luffa qui fournira de belles éponges écologiques et efficaces).

 

Crédit : Laurent Vanhelle

 

 

La communication de Graines de liberté – Hadoù ar Frankiz – le partage des informations et des principes fondateurs – se fait aussi, peut-être avant tout, par les choix graphiques et d’images particulièrement esthétiques. C’est tout le talent du graphiste Laurent Vanhelle, partenaire indispensable de Graines de Liberté  de savoir transmettre le message par des réalisations aux lignes et signes clairement évocateurs, et d’inscrire ainsi le message de Graines de Liberté dans la liaison toute philosophique qu’il a avec le beau-et-bon – le « kalos kagathos » – des Grecs anciens.

Soutenir Graines de Liberté – Hadoù ar Frankiz

On trouvera ici la liste de points de vente où trouver les sachets de graines

https://www.grainesdeliberte.coop/qui-sommes-nous-/nos-points-de-vente/

Pour pérenniser le projet, la SCIC a besoin de capitaux afin de valoriser le travail de celles et ceux qui produisent et sélectionnent ces semences.
Tous les renseignements sont sur https://www.grainesdeliberte.coop/qui-sommes-nous-/

 

 


 

« Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas de modification génétique : des gènes peuvent être ainsi « allumés » ou « éteints », « suractivés » ou « effacés », ce qui en fait bien des OGM, comme l’avait jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 25 juillet 2018. Mais l’oligopole de l’agrochimie, Bayer-Monsanto, Corteva, Syngenta et BASF, les « Big Four » des semences, ainsi que les syndicats agricoles productivistes comme la FNSEA sont montés au créneau dès cet arrêt, avec la rhétorique habituelle : « résoudre le problème de la faim dans le monde » et « adapter les variétés végétales à des conditions climatiques de plus en plus difficiles ». Les dangers sont immenses. Tout d’abord, les consommateurs ne pourront plus savoir ce qu’ils mangent, et les labels AB, AOC, AOP, etc. n’auront plus aucun contenu. Ensuite, la dispersion de ces NTG dans la nature est irréversible, et ses effets sur la biodiversité complètement inconnus. Enfin, les OGM-NTG relèvent du droit des brevets : les « Big Four » pourront ainsi s’approprier la base de la chaîne alimentaire mondiale. Il est urgent d’arrêter cette catastrophe annoncée » Hélène Tordjman, dans Politis, le 10 janvier 2024

ii. CMS : La stérilité mâle cytoplasmique est un phénomène que l’on trouve à l’état naturel chez certaines plantes(betterave, carotte, oignon, orge, panais, tabac, radis notamment) : quelques individus d’une population sont mâles stériles. Cette aptitude peut être transférée chez une espèce ne la possédant pas naturellement via la fusion entre deux cellules.

iii. Cf https://minga.net/

 

Iv. Cf https://slowfood.fr/alliance-slow-food-cuisiniers-france/

 

V.. Le piment de la Frite ar Faou, symbole de la collection « Graines d’une Bretagne d’avenir » est un piment ramassé un jour en pays basque par Tonton Roger (dit « la frite ») qui  depuis 1970, le fait se reproduire et s’acclimater à Châteauneuf du Faou.

Vi. Terme anglais désignant la clôture d’une terre et, par extension, l’évolution qui, à partir du XVIIe siècle, conduisit à la privatisation des terres communales, provoquant du même coup la paupérisation d’une masse de paysans sans terre, dont les animaux se nourrissaient dans ces pâtures communes. Marx a fait des enclosures le début de la prolétarisation qui a permis à la révolution industrielle naissante de trouver sans difficulté la main-d’oeuvre bon marché et exploitée dont le capitalisme avait besoin.

 

Vii. https://www.plantes-et-sante.fr/articles/rencontres/223-vandana-shiva-sauver-les-grainescest-sauver-notre-liberte

 


A noter : Graines de Liberté organise une rencontre/réunion d’information le mardi 5 mars à 14h, à La Ronce, herboristerie-café, à Rostrenen




Municipales : une abstention durable, soutenable pour la démocratie locale ?

Premier constat, avec un record à la clé : celui de l’abstention qui frise les 39%. Au fil des scrutins de ces dernières années, les électeurs boudent de plus en plus les urnes. Fait nouveau : la Bretagne, région où l’on votait jusqu’à présent traditionnellement beaucoup, n’échappe plus à ce phénomène d’ampleur : en hausse de 10 points, par exemple, dans le département du Morbihan, ou de 7 points dans les Côtes-d’Armor. D’aucuns y voient la confirmation d’un délitement progressif de la démocratie représentative, avec des élus de plus en plus perçus comme coupés des réalités socio-économiques, n’intégrant pas ou mal une demande citoyenne grandissante de nouvelles gouvernances locales. Nos confrères de Reporterre.net quant à eux déclarent sans hésitation : « Face à l’abstention, qui manifeste la crise du politique, l’écologie porte un projet de refonte de la démocratie : le municipalisme libertaire ». (1)

Second constat relatif aux familles politiques :  si la gauche de gouvernement semble en recul ou en difficulté, la droite gagne du terrain, et le Front National fait une percée dès le premier tour. Présent à cette élection dans 10 villes, contre une seule en 2008, le parti se hisse au second tour dans trois villes bretonnes : Lorient, Saint-Brieuc, et Fougères. Mais sur le plan hexagonal, toujours selon Reporterre.net, les écologistes font aussi bien que le Front national (2).

Troisième constat, et non des moins intéressants : la présence inédite de listes « coopératives » ou « citoyennes » ou « en transition » (à Lannilis, par exemple), comme à Pleumeur Bodou (22), Douarnenez (29), Morlaix (29), Plouegat-Guerrand (29), Hennebont (56) ou Pontivy (56), avec le maintien de certaines d’entre elles au deuxième tour.  Si ces dernières ont pour la plupart bien intégré la prise compte du développement durable dans ce srutin, qu’en est-il pour celles des formations politiques traditionnelles ? Trop tôt pour y répondre… Alors qu’une étude réalisée fin 2013 par OpinionWay pour le cabinet de conseil en développement durable Auxilia (3) indique que près d’un Français sur six estime que cela comptera dans son vote.

En attendant de revenir sur ces enjeux à l’issue du deuxième tour, nnous vous proposons une vidéo avec Armina Knibbe, présidente d’honneur du réseau Cohérence, laquelle remet en perspective la transition énergétique des territoires, ainsi que le baromètre du développement durable, un questionnaire que les associations locales peuvent proposer à leurs élus, permettant de mesurer ensemble l’investissement de leur commune en matière de développement durable.

Plus d’infos sur le site www.barometredudeveloppementdurable.org

A lire également : http://www.kaizen-magazine.com/la-politique-de-lessuie-glace/

(3) http://alternatives.blog.lemonde.fr/2014/03/20/le-developpement-durable-passera-t-il-a-la-trappe-du-vote-des-francais/comment-page-1/#comment-1178

(2) http://www.reporterre.net/spip.php?article5599

(1) http://www.reporterre.net/spip.php?article5598

 


Transition: Armina Knibbe du Réseau Cohérence par BD_info




On parle de nous

  • Emission radio de RCF du 04/09/2023 : Eco-bretons, web-média des transitions en Bretagne :

https://www.rcf.fr/culture/magazine?episode=397873

 

 

  • Article de Ouest-France du 10/04/2023, pour parler de notre partenariat avec l’Agence Locale de l’Energie et du Climat du Pays de Morlaix Heol :

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/heol-et-eco-bretons-informeront-sur-la-renovation-thermique-a-morlaix-9323cf72-d394-11ed-b0a4-6b21df97497d

 

 

  • Article de la Revue Mutualisée du Réseau Bretagne Solidaire, présentant Eco-Bretons

A lire ici :  REVUE-3-Transitions-14

 

 

Intervention de Dominique Guizien, président d’Eco-Bretons, sur la webradio de Plougasnou Naan’Art, pour parler du financement participatif, en 2017 :

 

Interview de Marie-Emmanuelle Grignon, journaliste, sur la radio associative de Sérent (56) Plum’Fm, pour parler du financement participatif, en 2017:




Pourquoi si peu d’algues vertes à Saint-Michel-en-Grève cette année ?

Les algues vertes type ulva, ici ulva armoricana, prolifèrent deux fois au moins leur volume par jour dans de bonnes conditions de lumière, de chaleur et de nutriments. Il suffit qu’un de ces paramètres fasse défaut et la machine s’enraye. Les algues ainsi produites massivement au printemps et en été essentiellement, occupent toute la lame d’eau parce qu’elles ne vivent que flottantes, jamais fixées. Par le jeu des vents et des courants la plupart d’entre elles échouent sur les côtes. Ou elles sont ramassées, ou elles pourrissent sur place avec le danger qu’elles représentent alors avec le dégagement d’hydrogène sulfuré. Mais elles sont aussi, ce qui est délibérément ignoré par la quasi-totalité des pouvoirs publics, enfouies dans le sable par le courant et les vagues. Là, à tous les niveaux de la marée, elles disparaissent à la vue et même souvent à l’odorat. Se constituent ainsi des vasières composées d’un substrat meuble gorgé d’hydrogène sulfuré issu de la décomposition de ces algues enfouies privées de lumière. C’est dans une vasière de ce type qu’est mort le cheval à Saint-Michel-en-Grève en 2009, et qu’a été gravement intoxiqué son cavalier. Ceci est officiellement reconnu par le dernier jugement de la Cour d’Appel de Nantes. Aucune de ces zones dangereuses n’est à ce jour signalée. Il est prévu de la faire en collaboration avec Sauvegarde du Trégor sur la Lieue de Grève.

L’hiver, en l’absence de chaleur et surtout de lumière, la production cesse ou tourne au ralenti. Ne subsiste au large de la baie de Locquirec et de Saint-Michel-en-Grève qu’un stock réduit de ces algues dérivantes. C’est à partir de ce stock que redémarre la prolifération dans de bonnes conditions de lumière, de chaleur, c’est à dire à partir du printemps. C’est donc la météo de l’hiver qui détermine la production de marées vertes de l’été suivant. Hiver doux et sans tempête, à quoi rajouter un printemps ensoleillé, sont marées vertes assurées. C’est le cas en 2011. Et l’inverse cette année en 2014.

Ce n’est pas le froid qui a fragilisé le stock hivernal, comme en 2013. Ce sont les tempêtes. Comment ont-elles agi ? D’abord, l’effet des vagues au large ne se réduit pas à une agitation de surface. C’est à plusieurs mètres de profondeur, en fonction de la hauteur des vagues, que le brassage de l’eau se fait sentir. Il atteint donc les couches d’algues posées sur le fond sableux le plus souvent, les agite au point de les disloquer, de les émietter, sans qu’elles puissent se développer en l’absence de lumière, et occasionnellement de chaleur.

Ce brassage est d’autant plus efficace que ces algues sont très fragiles. De cet émiettement, on passe rapidement à la pulvérisation en trop petites cellules pour que la croissance puisse repartir au printemps.

Deuxième facteur, ce brassage n’affecte pas que les algues. Il agit directement sur les mouvements de sable et provoque un enfouissement des algues, qui en l’absence de lumière sont condamnées à pourrir et à disparaître.

Le troisième facteur agit comme le second, mais plus à partir des effets de la houle, mais de celui des rivières dont la force du courant est décuplée par les volumes d’eau issus de l’abondance des précipitations. Quand on voit les mètres d’épaisseur de vase emportés par le courant du Douron le long de son estuaire, on comprend sans mal comment ce fort courant a pénétré dans la mer et agit bien au-delà de la laisse de basse-mer en accroissant encore l’enfouissement des algues ou leur dispersion vers le large, bien au-delà de la zone d’une profondeur de 20 mètres, là où les algues ne survivent plus à cause de la moindre luminosité.

Le quatrième facteur est aussi lié au débit décuplé d’eau des rivières parvenant à la mer. Comme ces rivières reçoivent l’eau de toutes les pluies des bassins versants en amont, cette eau a ruisselé à travers des champs, souvent à nu l’hiver, et a entrainé avec elle, en même temps que le nitrate, la terre et la matière organique du sol, d’autant plus que les zones humides et les talus supprimés ne jouent plus leur rôle de tampon. Cet apport de matière en suspension a provoqué un voile opaque marron, très visible de la côte au débouché de ces rivières, voile qui a occulté les zones tapissées de ce stock hivernal d’algues, a persisté au printemps et privé de lumières ces ulves.

Pendant plusieurs mois, le stock hivernal d’algues a subi ces assauts répétés des tempêtes et des fortes précipitations, au point de ne laisser que quelques algues survivantes, bien insuffisantes pour réalimenter une prolifération massive.

Alors pourquoi cette forte réduction dans la baie de Lannion et l’abondance dans les baies de Saint-Brieuc et Douarnenez ? Tout simplement, puisque dans ces deux baies, le stock hivernal est beaucoup plus important et qu’il a été, de fait, moins affecté. Ensuite des configurations locales peuvent jouer. Ainsi les moulières de Hillion cassent une grande partie de la houle du large et atténue ses effets sur les algues dérivantes.

Ainsi, l’homme n’y est pour pas grand chose dans cette réduction des marées vertes. Et quand il l’est, c’est bien involontairement. Preuve s’il en est : un taux de nitrate toujours important dans l’eau des rivières. Mais, en l’absence d’ulva armoricana, bien malmenées par les tempêtes hivernales, ce sont d’autres algues moins fragiles qui profitent de ce nutriment. D’où l’abondance d’entéromorphes, algues vertes filandreuses, qui n’ont pas, fort heureusement, le même potentiel de croissance que les ulves et qui se dessèchent plus qu’elles ne pourrissent quand elles s’échouent. Elles ne sont vraisemblablement pas les seules à profiter de ce nitrate agricole dans le milieu marin.

Chaque fois que vous arpentez aujourd’hui la Lieue de Grève, ouvrez grands les yeux ! Respirez et faites le plein d’iode marin ! Ne perdez pas une miette de cet exceptionnel moment de vie. Car demain, hélas ! nous ne sommes assurés de rien… Les marées vertes et leur bouillonnement d’hydrogène sulfuré rôdent. Même si elles ont plus de mal à reconstituer leurs stocks, parce qu’une grande partie du nitrate dans le milieu marin a été consommée par d’autres algues, qui peut croire qu’elles ont dit leur dernier mot ?

Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor le 3 août 2014

Note de la rédaction et pour plus d’information concernant ce sujet :

Algues Vertes. Plan de lutte en baie de Saint-Brieuc : quels résultats ?

Pour aller plus loin :

Notre article




Corinne Lepage « La coalition des citoyens a beaucoup de pouvoir »

 

 

A lire aussi

http://www.eco-bretons.info/ecomag/echos/un-colloque-autour-femmes-sant%C3%A9-et-lenvironnement

 

Plus d’infos

http://www.wecf.eu/francais/

http://www.reseau-coherence.org/

http://www.force5association.fr/

 

 

A venir, un article retraçant les moments forts du colloque.

 




Corinne Lepage « La coalition des citoyens a beaucoup de pouvoir »

 

 

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A venir, un article retraçant les moments forts du colloque.