NAEVUS, de Myriam Martinez, où l’impossible séparation du bon grain de l’ivraie
Plongée dans l’univers artistique et le parcours de Myriam Martinez, plasticienne installée dans le Trégor finistérien, qui présente actuellement à La Virgule de Morlaix (jusqu’au 24 septembre), avec la complicité de l’artiste sonore Iomai : NAEVUS, sa dernière installation… d’une étrange et inquiétante beauté. Texte suivi d’un entretien audio.
Les œuvres céramiques de Myriam Martinez portent le sceau de rencontres à la fois fortes et fragiles. Des œuvres tantôt claires et collectives, comme l’installation sonore en porcelaine suspendue, TAMBOUR D’EAU*, qu’elle a réalisée avec les résident.e.s de l’établissement médico-social Saint Michel à Plougouvest. C’était entre 2020 et 2021, dans le cadre du dispositif « Jumelage solidaire – L’art dans la chapelle » de l’association morlaisienne Les Moyens du Bord, soutenu par la DRAC Bretagne (Direction Régionale des Affaires Culturelles), l’ARS (Agence Régionale de Santé) et du dispositif Culture Solidaire du Conseil départemental du Finistère. Une expérience humainement intense, en plein confinement sanitaire qui lui a permis de prendre le temps – auquel elle tient tant – de la rencontre avec les personnes, avec le lieu, et avec en point d’orgue une inauguration musicale sous la forme d’un concert improvisé par Myriam, à la flûte traversière et Christelle Le Faou, « chamane à la vielle à roue », dans la chapelle de la résidence.
Et puis des œuvres tantôt sombres et personnelles, telle que l’installation NAEVUS**. Présentée une première fois au cours de l’automne 2021 à la Galerie parisienne Grès, NAEVUS est, là aussi, le fruit hybride de rencontres fortes : avec en premier lieu, la proposition du musée de la Briqueterie, à Langueux dans les Côtes d’Armor, ainsi que le Centre d’art sonore Le Bon accueil – l’installation ayant été conçue et finalisée avec l’artiste sonore Iomai, binôme de Myriam au sein de leur collectif MIOM. Avec le lieu même, un atelier du musée qui se situe face à la mer dans un contexte très beau et très sauvage, mais marqué par la présence envahissante d’algues vertes. Avec enfin, un ouvrage qui l’a beaucoup portée au cours de sa résidence : celui de William Hope Hodgson, « La chose et les algues », relatant des histoires hallucinées de mer et d’hommes, entre fantastique et épouvante.
En un hiver de tempête, depuis ces entrelacs de rencontres et des profondeurs de la création toujours mystérieuses, sont venues à Myriam des idées de restes archéologiques humains, de matières en décomposition, de résidus se démultipliant jusqu’à l’envahissement, ainsi que l’envie de travailler sur des textures d’accumulation avec un rendu d’émail donnant un aspect mouillé, vivant. Celle aussi de ne pas aborder frontalement la problématique des algues vertes, mais de la rendre bien présente, en l’inscrivant dans les désordres croissants de l’anthropocène, avec sa langue d’artiste. Ainsi, dans une mise en condition la mettant « dans un état particulier de travail», Myriam a créé en mode intensif, durant 2/3 mois, 12 heures par jour non-stop, beaucoup de pièces, « toutes sorties dans une même direction».
Dans la présentation écrite de l’oeuvre, elle précise : « NAEVUS signifie en latin grain de beauté et maladie de la peau à la fois, la frontière entre les deux me permet de donner couleur à mes sculptures noires, dans leur expression. Les sculptures en grès noir sont point par point émaillées, ce qui donne l’aspect d’un épiderme visqueux et vivant. NAEVUS impose un paysage maritime qui survit au passage d’une vague, qui laisse derrière elle les restes d’une archéologie du vivant. Un retour à l’état de mollusque marin, qui pourtant est à notre origine. NAEVUS comme un point de Beauté qui demeurera après notre passage. »
L’exposition NAEVUS est visible jusqu’au 24 septembre prochain, à La Virgule, tiers-lieu culturel de la Ville de Morlaix (9, rue de Paris) : https://www.facebook.com/LaVirguleMorlaix/
Dans l’entretien audio qui suit, Myriam Martinez nous livre des éléments de son parcours artistique pluriel, de son installation en Bretagne après Perpignan puis Paris, de son goût à faire avec d’autres qui ne vivent pas dans les mêmes conditions que nous, de son regard d’artiste, empreint à la fois d’une belle étrangeté et d’une sourde inquiétude.
* Vidéo de l’installation TAMBOUR D’EAU : https://www.youtube.com/watch?v=rR13j2JgZwY&t=41s
** Vidéo de l’installation NAEVUS :https://www.youtube.com/watch?v=l8JYbxxZSfY&t=45s Soutiens: musée de La briqueterie, Le Bon Accueil, La Drac Bretagne, Les Fonds Régnier pour la Création.
Crédit Photo : Myriam Martinez : https://www.myriammartinez.com/
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