Il y a comme cela des mots ou des expressions qui apparaissent, deviennent à la mode et ont un tel succès que, finalement, tout le monde se les approprie. Évidemment, comme il s’agit d’expressions nouvelles, leur signification reste un peu floue et chacun y met ce qu’il veut, un peu comme dans une valise.
Cet été nous nous intéresserons à quatre expressions qui sont dans le ton de ce site : développement durable, transitions (qui peut être énergétique ou écologique, voire les deux à la fois), innovation ( qui peut-être sociale, technologique, commerciale) et démocratie participative (forcément participative, aurait dit Marguerite Duras)
Premier épisode : le développement durable , ce n’est pas la croissance continue
Faisons d’abord un peu de vocabulaire . Mais pour cela il nous faudra passer par la langue anglaise. En effet l’expression « développement durable » est devenu populaire lorsque un rapport des Nations Unies l’a mis en lumière (en 1992) pour expliquer que le monde ne pouvait plus fonctionner comme il l’avait fait pendant un siècle et qu’il fallait envisager une nouvelle façon de voir le monde, en mettant en balance trois vecteurs principaux : la viabilité économique, l’équité sociale et la vivabilité environnementale. La version originale en anglais parle de « sustainable development ». Or les termes employés dans la version anglaise n’ont pas tout à fait le même sens qu’en français. Pour le Cambridge Dictionnary, le mot development caractérise « un processus au cours duquel quelqu’un ou quelque chose croît OU change et atteint un niveau plus élevé » et « sustainable » signifie « capable de continuer au-delà d’une période de temps ». En Anglais, les termes sont déjà soit ambivalents soit ambigus mais en français, c’est parfois encore plus compliqué puisque le Larousse nous donne au moins dix acceptions du mot développement mais une seule pour durable, qui ne correspond assez à l’Anglais « sustainable » tout en étant plus précise : « De nature à durer longtemps, qui présente une certaine stabilité, une certaine résistance ».
Cela dit dans le langage commun, le Français moyen traduit développement par croissance, ne reprenant qu’une seule signification parmi une dizaine d’autre et durable par continu, voire infini. C’est d’ailleurs en se fondant sur cette entendement à courte vue qu’une préfète, jouant le bon sens populaire, se permit de dire un jour : « le développement durable ? Mais bien sûr que je suis pour. Qui ne voudrait pas d’une croissance continue ?’
Mais si on en reste à la version anglaise, un autre sens peut être donné : évolution de la société vers un état meilleur capable de continuer au-delà d’une période de temps .
Et c’est le sens qu’on a voulu donner au graphique qui généralement accompagne toute définition du développement durable, trois cercles disposé en triangle qui se recoupent deux à deux et ont partie commune au centre qui est censée représenter ; »le développement durable » c’est à dire un modèle où l’économie est viable, la vie en société équitable et la planète vivable.
Mais comme cette explication est un peu trop intellectuelle, elle a rencontré peu d’écho et chacun a préféré voir midi à sa porte et voir dans le développement durable ce qu’il voulait y voir. [ à suivre]
Dominique Guizien