Le 7 novembre dernier, un car d’élus en provenance d’Ille-et-Vilaine a débarqué à Saint Gilles du Mené (22). Dans cette petite commune de 500 habitants, la transition est sur toutes les lèvres. En effet, l’initiative « Le Mené en transition » rassemble sept communes voisines dans un programme énergétique ambitieux. Objectif : devenir un territoire à énergie positive d’ici 2025-2030.
Naissance d’une mobilisation
10h, dans la mairie de St Gilles du Mené. Réuni autour d’une table, un groupe d’élus est arrivé d’Ille et Vilaine afin de découvrir le Mené en transition. Les participants suivent avec attention le récit du maire Jacky Aignel. Tout a commencé dès les années 60, alors que se réunissent des milliers de personnes inquiètes pour l’avenir de la commune. « On s’est dit que si on ne se bougeait pas dans nos petits territoires ruraux, on allait mourir », retrace Jacky Aignel. Les agriculteurs sont notamment mobilisés avec la volonté de défendre leur profession, face aux scandales environnementaux de plus en plus nombreux. Ils se regroupent dans les années 90 pour former l’association Mené Initiatives Rurales (MIR). « On voulait lutter contre la métropolisation et la mondialisation qui nous étouffaient », témoigne Jacky Aignel, agriculteur de profession.
Paul Houée, sociologue, retrace l’histoire du Mené
En 1999, les membres du MIR s’envolent pour le Danemark. Objectif : découvrir la gestion des déchets dans un pays en avance sur son temps. « On a découvert la méthanisation », explique Jacky Aignel, « et on s’est dit qu’on avait raté une étape ». C’est le début d’une réflexion qui se veut globale. Le groupe de militants découvre ainsi, étude à l’appui, que l’importation d’énergie coûte chaque année neuf millions d’euros au territoire du Mené. Comment relocaliser cet argent ? La décision est prise de lister l’ensemble des ressources disponibles localement sur le territoire du Mené, composé de sept communes. Et de monter un projet pour chacune de ces ressources.
De nombreux projets solaires et éoliens
Les élus d’Ille et Vilaine découvrent avec attention l’état des lieux du Mené et les nombreux projets mis en place. Céline Blaison, chargée de développement durable du Mené, détaille les différentes sources d’énergie répertoriées sur le territoire. Le Mené en transition a par exemple choisi d’utiliser la ressource solaire. Des panneaux photovoltaïques ont ainsi été installés chez des particuliers, mais aussi chez un agriculteur, sur une surface de toiture de 300m2. Le même dispositif recouvre également les toits de bâtiments publics : école de Plessala, plateformes bois-énergie du Gouray, de Saint Gouëno et de Langourla. « Mais si on veut atteindre l’autonomie énergétique, il faut réduire de moitié les dépenses de chauffage », prévient Céline Blaison. Dans cette optique, un programme solaire thermique a été lancé, avec la construction de 35 maisons solaires : celles-ci ne nécessitent aucune dépense de chauffage.
Une éolienne (image d’illustration)
Par ailleurs, la ressource éolienne a été valorisée sous une forme originale : un parc éolien participatif a vu le jour en 2013. Il est détenu à 30 % par 147 ménages du territoire réunis en Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Épargne Solidaire (CIGALES). L’initiative fait réagir : dans la salle, les questions des élus fusent. En tête des préoccupations des visiteurs, la question de l’acceptabilité sociale. Jacky Aignel les rassure. « L’éolien ne fait pas le même bruit quand on a participé financièrement », plaisante-t-il. Pour autant, il conseille d’être raisonnable. « Il ne faut pas en mettre partout, ça n’est pas notre intention », explique-t-il, « mais pour arriver à l’autonomie énergétique sur un territoire, c’est un outil très performant ». « C’est le mélange de plusieurs énergies différentes qui est intéressant », approuve un élu dans la salle.
Valoriser la biomasse
La suite de la journée est consacrée aux visites. A l’honneur : la biomasse, dans tous ses états. Le groupe se rend tout d’abord sur le site de Geotexia, une unité de méthanisation inaugurée en 2011 à Saint Gilles du Mené. La visite suit le parcours des effluents, de leur arrivée à l’usine jusqu’à leur transformation en biogaz puis en électricité. Les installations, impressionnantes, permettent à 35 agriculteurs regroupés en coopérative (CUMA) de traiter leurs lisiers. L’unité de méthanisation est également utilisée par des entreprises agroalimentaires locales. Casques vissés sur la tête et gilets jaunes de sécurité sur le dos, les élus bretillien écoutent les explications de Céline Blaison. Ils découvrent ainsi la partie de l’usine réservée au traitement de l’eau. Une fois le processus achevé, ce sont 58000m3 d’eau propre qui sortent de Géotexia. Cette eau sert à alimenter des plantations de taillis à très courte rotations, destinés à fournir en bois les chaufferies collectives.
Les élus en visite à Géotexia
C’est sur la visite de l’une de ces chaufferies que se conclut l’après-midi. A Collinée, une chaudière communale collective à été installée en 2013. Changement d’atmosphère pour les élus en visite : la chaleur du local confiné remplace la fraicheur extérieure. Reliée à 1km de réseau, la chaudière alimente bâtiments publics et particuliers, grâce à la combustion de bois local. Un approvisionnement de proximité encore difficile à stabiliser. Pour le pérenniser, le Mené en transition a choisi de favoriser le reboisement : un programme de plantation de 40 hectares de taillis a été mis en place, et 17km de haies ont d’ores et déjà été replantées chez des agriculteurs. Un chiffre à faire progresser. Pour cela, le Mené en transition cherche encore à mobiliser. « On aimerait être plus nombreux », souligne Jacky Aignel, « les politiques sont juste un maillon de la chaîne et il n’y a pas forcément besoin d’être élu pour agir ».
Les élus découvrent le remplissage de la chaudière collective