Il y a comme cela des mots ou des expressions qui apparaissent, deviennent à la mode et ont un tel succès que, finalement, tout le monde se les approprie. Évidemment, comme il s’agit d’expressions nouvelles, leur signification reste un peu floue et chacun y met ce qu’il veut, un peu comme dans une valise.
Cet été nous nous intéresserons à quatre expressions qui sont dans le ton de ce site : développement durable, transitions (qui peut être énergétique ou écologique, voire les deux à la fois), innovation ( qui peut-être sociale, technologique, commerciale) et démocratie participative (forcément participative, aurait dit Marguerite Duras)
Le feuilleton de l’été « les mots valises » chapitre deuxième la transition
Épisode 1 transition, évolution ou mutation?
Comme toujours, je vais commencer par une exploration lexicographique afin d’avoir une base solide. Le Larousse nous donne trois définitions avec chaque fois un exemple illustratif pour le mot « transition »
« État, degré intermédiaire, passage progressif entre deux états, deux situations »: ex. Passer sans transition de l’enthousiasme à la fureur.
« Passage graduel d’une idée ou d’un développement à un autre » : ex. Cette remarque me servira de transition.
Changement d’état d’un système quantique (atome ou molécule).
Dans la mesure où, comme nous le verrons plus loin, cette notion de transition appliquée à l’écologie vient de pays Anglo-saxons, je me réfère également à l’Oxford Dictionnary qui donne la définition suivante : « The process or a period of changing from one state or condition to another. »
Mais ne direz-vous pourquoi avoir choisi ce terme de transition plutôt qu’un de ses nombreux synonymes ou quasi-synonymes, comme par exemple « évolution » ou « mutation » dont mes sources habituelles donnent les définitions suivantes :
évolution : « Passage progressif d’un état à un autre » et : « The gradual development of something, especially from a simple to a more complex form »
mutation : « Changement radical, conversion, évolution profonde » et « The action or process of changing in form or nature »
C’est vrai que quand on y regarde, ces mots pourraient également convenir. Alors pourquoi « transition » ? Une première explication pourrait être trouver en en prenant l’expression contraire « sans transition »
Sans transition : c’est l’expression, popularisée par une émission de télévision, grâce à laquelle une marionnette de journaliste passait d’un sujet à l’autre, sans qu’il y ait de lien entre eux. L’usage et l’abus de cette expression indique que le journaliste en question a du mal à donner un sens aux différentes informations qu’il relate.
Ah voilà qui est intéressant. Dans la transition, il y a donc un sens, un lien entre la situation d’avant et la situation d’après, une forme de mouvement conscient. Voilà qui est déjà plus parlant. En fait, c’est l’usage qui a popularisé le mot. Tout est parti d’une expérience pédagogique dans un collège irlandais qui est devenue expérimentation en taille réelle dans une commune de 8,000 habitants, Totnes, sur la côte Sud de l’Angleterre, à la limite du Devon et de la Cornouailles qui depuis une petite dizaine d’années font vivre le mouvement « 3T » Transition Town Totnes. Peut-être que si ce mouvement était né, disons à Morlaix, nous aurions eu « 3M » pour Morlaix Municipalité en Mutation et que ce serait le mot mutation qui aurait fait florès, mais je n’y crois pas trop quand même car le concept de transition était dans l’air à l’époque puisqu’à cette époque paraissaient au moins trois livres dont la référence était la transition, livres que j’avais d’ailleurs chroniqué durant l’été 2010
les lectures de l’été « le grand renversement » de Jean-Michel SERVET
les livres de l’été « une crise de transition » de Olivier Brumaire
Et puis dans transition, il y a l’idée que cela se fait progressivement, sans heurt et sans douleur. Puisque maintenant nous sommes d’accord pour dire que « transition » est le mot qui convient le mieux, de quoi parlons exactement ? Si on se renvoie à l’origine du mouvement de ce qui allait devenir « Les territoires en transition » ce fut, en Grande Bretagne, une des réponses à la crise financière, puis économique, sociale et écologiqu de 2007-2008 qui secoua fortement toutes les économies des pays d’Amérique du Nord et d’Europe. En quelques mots, ce furent et cela restent une mosaïque d’expériences qui visent toutes à donner une vision positive de l’écologie. On pourrait appeler cela l’écologie des solutions, l’écologie de l’innovation (autre mot valise qui sera examiné plus tard dans l’été).
Dominique Guizien