« Hold-up à Bruxelles. Les lobbies au coeur de l’Europe »
Député européen et Vice-président de la Commission Parlementaire Agriculture et Commerce International depuis juillet 2009, José Bové vient de boucler son douzième essai : « Hold-up à Bruxelles » publié par La Découverte. Depuis les coulisses du Parlement Européen, le paysan syndicaliste nous livre un témoignage poignant : il met en lumières les forces lobbyistes qui s’exercent dans le berceau même des décisions politiques de l’Europe. A travers 250 pages, José Bové revient sur sa bataille pour l’indépendance des agences de contrôle infiltrées par de puissantes multinationales. Il dénonce ainsi la fâcheuse tendance à breveter toute nouvelle avancée de la connaissance scientifique sous couvert de « l’économie de la connaissance ». Alors que 80 % des européens refusent de consommer des OGM…
Échec et mat
Accuser à tort pour prendre du retard dans l’avancée d’un texte afin de mieux préparer un dossier ou une offensive politique? Ce serait une stratégie courante, dans les bureaux du Parlement. Stratégie dictée par certaines multinationales, celle du tabac, par exemple. On apprend ainsi comment José Bové et son équipe ont mené leur propre enquête afin d’éclaircir l’étrange démission de John Dalli, commissaire européen chargé de la santé et de la politique des consommateurs. Les mois passent, le parlementaire a du pain sur la planche : réformer la PAC « la plus ancienne et la plus importante politique de la Communauté économique européenne (CEE) devenue l’Union européenne », alors que 20% des aides sont captées par 80% des exploitations. Il nous livre son long combat pour défendre les petits paysans de l’accaparement des terres et des richesses produites, par des firmes agroalimentaires et agrochimiques. Enquêteur au-delà de son champ d’action ? Certainement. Et il l’assume : « c’est l’institution européenne qui est attaquée et j’en suis un garant dans ma circonscription. Plus loin, il estime : sans les parlementaires mobilisés au jour le jour, la démocratie est grignotée ».. Il dénonce également les accords de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis en pointant un affaiblissement de la démocratie européenne sur ce dossier brûlant… En plus d’agir dans la transparence, José Bové s’adonne à un travail d’analyse des causes aux effets. Conscient qu’il a affaire à « une armée d’un nouveau genre », formée d’experts des chiffres, des statistiques et des équations au service d’une « économie du bien-être », il se penche sur la carrière de chacun, pour en déduire une logique de pensée, « parce qu’elle oriente et formate les politiques publiques ».
Un Iceberg à Bruxelles ?
Ce livre est passionnant. Non seulement parce qu’il s’agit d’un témoignage au cœur d’une institution qui dessine notre paysage politique, mais aussi parce qu’on y retrouve un homme engagé dans la mission qui lui est confiée, dans un souci permanent de transparence et de démocratie. Cet ouvrage relate une vérité et décrit des concepts que l’on croirait tous droits sortis d’un thriller politico-économique avec des thermes comme revolving doors, équivalence en substance, en passant par la règle de Chatham House et l’économie du bien-être… Et finalement, on découvre un parlement européen aux allures d’iceberg, dont la plus grande partie immergée est secrète… Cela fait froid dans le dos, lorsqu’on réalise que cette institution est censée œuvrer pour la démocratie, la santé, la justice. Heureusement que José Bové, a fait son Hold-Up à Bruxelles. A défaut d’être mieux dirigés, nous sommes au moins plus informés.
« Hold-up à Bruxelles. Les lobbies au coeur de l’Europe ». José Bové, préface de Daniel Cohn-Bendit. Ed La Découverte, février 2014, 17 euros.