Plasticienne installée à Tréguier depuis quelques années, Corinne Cuénot s’est lancée jeune dans la peinture au contact d’un grand-père peintre de paysage. A 19 ans, elle entrait dans un atelier préparatoire aux Beaux-Arts à Port Royal, puis de 1983 à 1989, elle devint élève de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Après une quinzaine d’années de pratique picturale, elle quittait Paris pour les Côtes d’Armor, et débuta la sculpture.
Très vite, le fil de fer s’impose comme son matériau de prédilection. Elle y joint d’abord du fil de lin, de la toile de jute et plus récemment de la cire d’abeille. Son travail s’apparente souvent à du tissage, celui de la dentellière ou de l’araignée, un travail foncièrement féminin. Elle parle du temps, celui qui passe, qui abime parfois et qui détruit ; elle parle des corps, de leur fragilité, de leurs métamorphoses…
Trois questions à Corinne Cuénot :
Pourquoi avoir choisi le fil de fer ?
« Je travaille ce matériau un peu comme une dentellière ou une couturière ; j’aime cette matière d’apparence très froide (bleue acier) qui prend au fil du temps, en se patinant ou plutôt en s’oxydant, une couleur plus chaude, presqu’une matière vivante, puisque la rouille, si on n’y prêtait attention, la rongerait comme une maladie. Le fil se modèle à l’infini, joue avec la lumière en projetant des ombres portées qui provoquent une extension de l’œuvre.
Et les robes d’insectes ?
J’ai introduit des insectes dans mon travail alors que je travaillais sur des globes de mariés, ils symbolisaient la décrépitude, le grignotage du temps. Pour la cape de cérémonie qui représente une montée de coléoptères, mon idée était de construire un vêtement qui projetterait les ombres des insectes sur la personne qui la revêtirait. Il y a l’idée de transformation, de passage d’un état à un autre, d’un corps finissant et renaissant. Beaucoup de mes pièces sont en fait des vanités*.
Dans ma série de parures éphémères (robes, châle, gants, pantoufle de vers), j’ai voulu traduire la fragilité et l’impermanence des êtres, du monde vivant. C’est aussi une référence aux robes de « Peau d’âne » dans le film de Jacques Demy, un de mes films cultes. L’épisode des robes me fascine toujours autant et l’impossibilité ou presque de recréer les merveilles de la nature sur celles-ci est un défi que j’avais envie de tenter.
Pourquoi avoir choisi de vivre en Bretagne ?
Parce que, avec mon compagnon, nous partagions ce même désir et amour pour cette région. J’ai besoin de me sentir bien et en parfaite harmonie avec le lieu où je vis, c’est une condition d’épanouissement pour mon travail. Je ne sais pas si mes réalisations auraient été différentes ailleurs, mais c’est ici que je veux vivre et créer.
*La vanité est un genre pictural appliqué aux natures mortes, mettant en contraste des éléments symbolisant d’un côté la vie, l’activité, la nature et de l’autre la mort. Le terme « vanité » signifie littéralement « souffle léger, vapeur éphémère ».
Cet article a été rédigé sur la base du dépliant – fort bien tourné – remis aux visiteurs de l’exposition « Au fil du conte » par les organisateurs.
http://www.le-vallon.fr/le-vallon_art-visuel_expo.htm