Souffrance animale : et si on optait pour un réveillon sans foie gras ?

« A Noël, c’est la fête de tout le monde, y compris des animaux » estime Isabelle Dudouet Bercegeay, déléguée de l’AVF (l’association végétarienne de France). « Pour sensibiliser le public, nous organisons des animations, des ateliers cuisine : nous proposons des recettes et des dégustations de terrine végétales, des terrines de truffe au champagne, très appréciées. Et le réveillon, il est bien sûr végétarien. Tout le monde apporte un plat, c’est l’occasion de goûter différentes manières de cuisiner ».

Pourquoi ne pas végétaliser l’assiette de Noël et mettre de côté le légendaire foie gras? C’est en tout cas ce que proposent des associations de lutte contre la souffrance animale en particulier en cette fin d’année. Vendredi et Samedi à Rennes, Vannes ou encore Auray (56), mais aussi dans d’autres villes de France, où les citoyens pourront en discuter avec des associatifs végétariens et engagés pour le bien-être animal. Après plus de 15 ans d’actions de sensibilisation à son actif, Isabelle Dudouet Bercegeay explique : « pour que le végétarisme soit plus développé en France, il faudrait mettre plus de produits d’origine végétale à la disposition des consommateurs dans les magasins et développer des informations pratiques sur la manière de les utiliser et les cuisiner ».

Corps médical : vers une sensibilisation des patients ?

On met de plus en plus souvent en avant le fait que consommer trop de viande est nocif pour notre santé*. Quant aux professionnels de santé, informent-ils systématiquement les patients de l’intérêt de manger moins de viande ? Pour Isabelle Dudouet Bercegeay, « la majorité des médecins généralistes sont encore peu formés sur le sujet : ils ont peu d’heures de nutrition sur l’ensemble de leur cursus. Du côté des nutritionnistes, ils étaient, jusqu’à récemment, assez peu formés. Mais le contexte sociétal dans lequel nous sommes semble changer la donne ». Une association, l’APSARES (association des professionnels de santé pour une alimentation responsable ndlr), est d’ailleurs née dans ce sens : elle vise à promouvoir une médecine responsable à travers des publications scientifiques liées à notre alimentation.

*(CF Hors Série Bretagne N°3 "saine et locale, optez pour la cuisine bretonne" pp19)

Éthique, santé, planète

Pour devenir végétarien ou en tous cas, consommer moins de viande, une poignée d’arguments font mouche : « certains veulent découvrir autre chose d’un point de vue gustatif, d’autres pensent à leur santé, d’autres à la planète » souligne Danielle Sottas, membre de l’AVF (il faut 20KG de céréales et jusqu’à 25000 litres d’eau pour produire 2KG de viande bovine, soit 5 fois plus d’eau que pour la production de légumes par exemple)**. Isabelle Dudouet Bercegeay considère à son tour que « L’intérêt du végétarisme pour la santé, ainsi que les scandales alimentaires sont deux aspects clés dans le changement de mentalités. Sans compter qu’une multitude de recettes végétariennes sont désormais disponibles sur Internet».

**« Etre consom’acteur » Emmanuelle Vibert et Hélène Binet, ED. Nature et Découvertes.

Remettre en question la manière de se nourrir

De son côté, l’association L214 se bat pour la protection des animaux utilisés dans la production alimentaire à travers sondages, enquêtes, débats et autres actions de sensibilisation. « Nous publions des images où l’on voit ce qui se passe, dans une démarche très factuelle» note Bérénice, chargée de campagne pour L214. Dernière enquête en date ? Une visite dans les ateliers de gavage d’oies dont les foies fournissent les tables de grands chefs parisiens. « Nous montrons qui sont ces animaux, ce qu’on leur fait subir, ce qu’il se passe dans les élevages et bien sûr, nous proposons un volet sur la végétalisation de l’assiette ». Une communication qui passe par l’image, « une force, car face aux photographies il n’y a pas d’argument possible : nous montrons ce qu’on nous cache et ça ne laisse jamais le public indifférent. Au contraire, ça remet beaucoup de choses en question : l’éducation, la manière de consommer, les habitudes alimentaires… »

« La sensibilisation est un travail à long terme »

A travers les sondages réalisés sur la demande de l’association L214 par Opinion Way, 44% des Français sont favorables à l’interdiction du gavage des oies et canards. « A l’inverse, en 2009, ce même sondage révélait 10 points en moins dans l’opinion, se félicite Bérénice avant de tempérer : « la sensibilisation reste un travail à long terme où l’on est fait face aux lobbys puissants de l’industrie alimentaire qui ont les moyens d’investir dans des campagnes de communication. Ces filières font de la publicité, sans compter qu’un article du code rural protège le foie gras en France :

« Art. L. 654-27-1. – Le foie gras fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France. On entend par foie gras, le foie d’un canard ou d’une oie spécialement engraissé par gavage. »

La France dans le collimateur ?

Selon Bérénice, « en Europe, plus que cinq pays dont la France gavent encore des animaux en vue de produire du fois gras. Les autres pays de l’Union ont interdit le gavage pour cause de cruauté animale. Le 21 novembre dernier s’est déroulée la première journée mondiale contre la production de foie gras. 12 pays ont relayé cet événement et ont manifesté devant les ambassades françaises. En ce qui concerne la production et la consommation de foie gras, la communauté internationale a désormais le regard tourné vers la France ».

Une prise de conscience réelle

Les trois militantes que nous avons interrogées pour ce papier sont unanimes : le changement des mentalités est indéniable. « L’attitude des consommateurs n’est plus la même : ils sont plus curieux, ils viennent plus facilement discuter. Les réactions très négatives que nous pouvions rencontrer avant sont de plus en plus rares. Le public prend de plus en plus conscience de ce qui se passe dans l’environnement. Et puis, le nombre d’adhérents à l’AVF est en augmentation constante » se réjouit Danielle Sottas.

Des éléments confirmés par Dr Jérôme Bernard-Pellet, médecin nutritionniste membre de l’APSARES: « l’acceptation sociale des régimes végétariens est bien meilleure qu’elle n’a été. Le végétarisme est même considéré comme relativement noble par certains et pertinent par d’autres, qui, omnivores ne se voient pas pour autant franchir le pas. Reste qu’il n’existe pas un régime meilleur que l’autre : il y a une multitude de façons de s’alimenter relativement à la culture, l’économie, les connaissances…»

 

Quel est l’intérêt d’être végétarien pour notre santé ?

Dr Jérôme Bernard-Pellet, nous explique : « le régime végétarien ou végétalien bien organisé peut faire baisser la mortalité humaine globale, toutes causes confondues. Il est par ailleurs scientifiquement prouvé qu’une prédominante végétale à un régime alimentaire diminue le risque de maladies chroniques, et ce pour plusieurs raisons :

les végétaux apportent des lipides de meilleure qualité: ils sont moins riches en graisses saturées et plus riches en graisses polyinsaturées, en phytonutriments et contiennent davantage de fibres alimentaires. Mêmes si celles-ci sont mal digérées, leurs propriétés sont indéniables : elles diminuent le risque du cancer du colon, de la prostate, baissent le taux de cholestérol, et modifient de manière bénéfique la flore intestinale. »

Selon le nutritionniste, manger moins de viande induit des avantages pour la santé avec la diminution :
-des risques de diabète type 2,
-du cholestérol,
-de l’hypertension artérielle de 10 à 40%.

«Ce sont des fléaux de santé publique. Et quel que soit notre type d’alimentation, on contribue à une meilleure santé si l’on consomme, en majorité ces 5 groupes d’aliments :
-Légumes
-Légumineuses,
-Céréales,
-Fruits entiers
-Produits riches en arginine :  (fruits secs, noix, cacahuètes, amendes, arachides, noisettes)

 

Conférences:

Isabelle Dudouet Bercegeay, déléguée de l’Association Végétarienne de France (AVF) anime régulièrement des conférences et débats consacrés notamment à l’impact de la consommation de viande sur la santé. Prochain rendez-vous en date ? Une conférence intitulée : « Les bienfaits de l’alimentation végétarienne pour le bien-être et la santé » qui se déroulera lors du salon bio « Respire la vie », à Vannes les 24 et 26 janvier 2014.

Une victioire pour le bien-être animal…

Notamment suite aux actions des associations de lutte contre la souffrance animale ( Fondation Brigitte Bardot, GAIA, L214, AVF), l’enseigne Monoprix s’est engagée à retirer les œufs de batteries de ses rayons depuis septembre 2012.

Plus d’infos:

http://www.alimentation-responsable.com

www.l214.com

www.vegetarisme.fr/

http://www.respirelavie.fr/

 

A lire:

"Petit précis pour cuisiner sans produits d’origine animale" Ed Marabout, de Céline Steen et Joni Marie Newman. Mars 2013.

"Aujourd’hui, je cuisine végétarien!" Ed Terre Vivante, de Claude Aubert, Amandine Geers, et Olivier Degorce, octobre 2013;