Les jeunes bretons ont-ils toujours la réputation de globe-trotters ? La jeunesse se caractérise par la construction de l’indépendance, de l’identité, l’apprentissage des responsabilités et la curiosité. Chacun sait qu’en se cherchant, elle recherche l’expérimentation. Elle apprend non seulement à faire des choix, mais aussi à gérer ses désirs et les contraintes d’une société dans laquelle elle est amenée à trouver sa place. Dans ce parcours de vie, une année à l’étranger ou plus peut être bénéfique au niveau de la connaissance de soi et de l’ouverture culturelle, qui favorisent un développement personnel tout au long de la construction de ses projets d’avenir.
En Bretagne, que ce soit pour découvrir une autre culture ou s’engager pour une cause, les voyages sont une priorité pour un tiers des 550 000 jeunes Bretons, un chiffre en progression constante depuis 2006. Dans l’enquête réalisée par le Centre Régional Information Jeunesse l’année dernière, il est recensé que la notion de plaisir est la plus souvent évoquée comme motivation à l’engagement avec un chiffre de 57%. Ainsi, quatre jeunes sur dix se sont engagés par esprit de solidarité, et 35% d’entre eux se sont engagés pour approfondir leurs connaissances. Si l’engagement se fait plutôt au niveau local selon l’enquête, il n’en reste donc pas moins une très grande curiosité pour découvrir d’autres horizons… (Enquête réalisée sur 3500 jeunes, dont 64% issus de l’enseignement supérieur.)
Emmanuel Motte : « J’avais prévu de faire un an de césure pour découvrir d’autres choses que les études, voir les choses par moi-même, faire quelque chose d’original en aidant les autres, et découvrir l’Afrique. »
Voyager, cela peut être aussi pour s’engager et être volontaire pour une cause qui nous tient à coeur. Pour aller dans ce sens, la solidarité internationale est un moteur important dans les actions que chacun peut mettre en œuvre dans le but d’aider les autres, améliorer les conditions de vies des populations et dans la prise de conscience des inégalités Nord-Sud.
C’est ce qu’a vécu Emmanuel Motte, étudiant à Rennes 1 et résident à Pordic (22), qui a décidé lui aussi de partir pendant 6 mois à Lomé, capitale du Togo :
« J’avais prévu de faire un an de césure avec mes études pour voir les choses par moi-même, faire quelque chose d’original en aidant les autres, et découvrir l’Afrique. C’est un continent dont on n’entend pas beaucoup parler dans les médias. La première étape était donc de bien me renseigner pour connaître les possibilités d’actions qui existaient. J’ai fais des recherches sur Internet, pris rendez-vous avec des associations à Rennes et à Saint-Brieuc, et c’est finalement une association parisienne qui m’a accompagné dans mes choix. J’ai été guidé vers l’association du Comptoir des Jeunes Togo située dans la capitale de Lomé, car je voulais allier la découverte d’une culture à l’action de volontariat. Elle agit pour le développement local et la réduction de la pauvreté, mais aussi pour l’éducation, l’environnement et la vie sociale. Je suis donc parti d’octobre 2012 à avril 2013 : j’avais vraiment envie de faire un séjour assez long pour vivre cette expérience à fond et m’intégrer.
Là-bas, j’étais assistant secrétaire et travaillais alors pour la communication et le renforcement associatif du CDJ Togo (recherche de partenaires, de financement, de volontaires…) C’est une association où les personnes sont très ouvertes sur tes envies d’agir ! Par exemple, il y a un orphelinat à Lomé et spontanément je me suis rapproché d’eux. Ainsi, j’allais deux fois par semaine faire du soutien scolaire en allant chercher les enfants à l’école, les ramener chez eux, les emmener au sport. J’ai également vécu au rythme d’un camp chantier avec notre équipe de volontaires, qui visait à aider à la mise en oeuvre de projets pour l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs, en leur donnant des graines et des conseils par exemple. Pour Noël, nous avons pu être en partenariat avec une école de Rennes pour offrir des jouets aux enfants de Lomé. Un autre partenariat a été créé avec une pharmacie de Pordic (22) pour sensibiliser la population à la carie dentaire, une infection répandue qui s’aggrave vite dans le pays, car l’hygiène dentaire n’est ni facile d’accès, ni remboursée. Nous avons donc pu distribuer des brosses à dents et du dentifrice à la population. Pour une association locale togolaise, cela apporte de la crédibilité auprès des structures étrangères, et notamment européennes, d’avoir des volontaires expatriés dans le cadre de partenariats potentiels. On peut voir que le travail que font les associations est souvent celui que sont sensées faire des instances politiques. Celles-ci ne sont pas forcément fragiles mais surtout indifférentes à la misère de leur peuple, car le Togo est gouverné par la même famille depuis plus de 40 ans. »
Entre les cours de géo-politique et l’immersion dans une autre culture, la prise de conscience des inégalités Nord-Sud prend une dimension réelle toute autre sur le terrain. Un voyage nécessite donc une préparation et un accompagnement avec des associations prévues à cet effet, car « 6 mois au Togo, c’est totalement dépaysant, ça crée un choc culturel assez important. Je me suis habitué à vivre autrement, et ce que j’ai pu retenir de cette expérience est ma capacité à relativiser les problèmes qu’on peut rencontrer en France, assuré d’avoir un toit. Et je retiens surtout la spontanéité et la chaleur humaine des Togolais ! »
Les Togolais(es) en action pour le projet de reboisement à Nigmana © CDJ TOGO
Quand « Voyage » rime avec Engagement associatif et Vision d’avenir
Ainsi, Emmanuel ne s’est pas arrêté à ces 6 mois d’expérience. Lorsqu’on lui propose de reprendre l’antenne française du Comptoir des Jeunes Togo qui est presque inactive, il fait revivre l’association avec Tommy Halleybone, trésorier de l’association. « Après réflexion, je voulais continuer à aider le Togo depuis la France et j’ai remarqué que mon travail était encore plus efficace depuis la France. Mais attention, il ne s’agit pas de mettre les pieds dans les affaires des autres en imposant quelque chose de « meilleur.» Aider, cela se fait selon les besoins et demandes de la population. Autrefois, les associations françaises étaient très directives quant aux actions à mener, mais l’idée ici c’est que les Africains savent d’eux-mêmes ce qui est bon pour eux, et qu’ils prennent donc des décisions en autonomie. Pour nous, la solidarité internationale c’est être une association partenaire du pays en question et à l’écoute des Togolais(es) pour les aider à réaliser leurs projets. »
Le CDJ France apporte donc un appui humain, matériel et financier au CDJ Togo en agissant sur plusieurs volets : le soutien des projets menés localement par l’ONG à Lomé dans les domaines de l’éducation (soutien scolaire, construction de salle de classe, sensibilisation/animation…), le social (réinsertion des enf
ants des rues), l’environnement (projet d’assainissement des quartiers, reboisement, banque de semence…).
« On accompagne également les futurs volontaires en France dans leurs démarches, avec la possibilité d’effectuer des stages et des conventions prévues à cet effet. » précise Emmanuel. « Avec le recul, je dirais que les gens vivent au jour le jour. En France on essaie toujours de prévoir l’avenir, mais là-bas ce n’est pas possible. Ça se traduit aussi par la spontanéité des gens qui peuvent nous offrir des choses et nous accueillir même s’ils ne pourront peut-être pas manger le lendemain ; pour eux l’important est le moment présent qu’ils vont vivre. Cette proximité entre les gens est remarquable et vraiment chaleureuse ! »
En ce qui concerne l’engagement, l’ancien volontaire agissant aujourd’hui aux côtés des Togolais(es) rapporte que l’essentiel est d’identifier ce qu’on aime faire avant toute chose. Agir dans ce sens permet de s’ouvrir l’esprit et de ne plus être seulement un étudiant en se sentant plus utile. C’est une expérience qui lui a même permis de dessiner son avenir, en s’orientant vers un Master spécialisé dans l’Économie sociale et solidaire, mais également avec une année consacrée à une spécialisation dans le domaine du développement durable.
En savoir plus :
Soutenir un programme à destination des enfants des rues
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