Quand les citoyens prennent l’électricité en mains…
On compare souvent l’histoire de EWS (Elektrizitäts Werke Schönau) avec celle de David contre Goliath. Une aventure qui a démarrée en 1986, lors de la catastrophe de Tchernobyl. Certains habitants du village de Schönau, au cœur de la Forêt-Noire, ont alors pris conscience du danger représenté par le nucléaire. « Nous nous sommes demandés comment nous pouvions nous passer de cette énergie », explique Eva Stegen, responsable de la communication. Différentes initiatives sont alors mises en place, comme des concours d’économies d’énergie ou des réflexions sur l’utilisation d’énergies vertes. En 1991, les habitants apprennent que la concession de la distribution d’électricité de Schönau arrive à échéance. « Nous nous sommes alors dit : pourquoi ne pas racheter nous même cette concession? », raconte Eva. Démarre alors une longue bataille juridique, ponctuée de référendums et d’actions de l’ancien fournisseur d’électricité pour ne pas laisser filer le marché. En 1997, les « rebelles de Schönau », comme on les appelle alors, parviennent à prendre les commandes du réseau de distribution électrique, gràce à la création d’une coopérative citoyenne. C’est la naissance d’EWS.
« Les collectivités ont un rôle à jouer dans la problématique électrique »
En 1998, le marché de l’électricité allemand se libéralise, et EWS commence à distribuer aux habitants de Schönau de l’électricité verte, « issue uniquement d’énergies renouvelables et de cogénération », affirme Eva Stegen. Un an plus tard, le marché de l’électricité s’ouvre aux ménages, et EWS peut alors distribuer de l’électricité verte dans tout le pays. 140 000 allemands choisissent alors la société coopérative de Schönau comme fournisseur. Une réussite que salue Enercoop, notamment la coopérative régionale Enercoop Bretagne. « C’est notre rêve d’avoir autant de clients ! », s’amuse Markus Kauber, chargé de communication et de formation de la structure. « Les conditions sont quand même un peu différentes en France », reconnait-il, « Ici, il y a très peu de régies locales d’électricité, alors qu’en Allemagne, les collectivités ont leurs propres réseaux de distribution. Avec Enercoop, notre objectif est d’inciter les collectivités à reprendre leur réseau électrique en main. Nous pensons que ce sont elles qui sont les plus à mêmes d’agir sur la problématique électrique », commente Markus.
La part belle aux citoyens
Enercoop, fournisseur d’électricité verte comme EWS, laisse aussi la part belle aux citoyens, comme en Allemagne. « La participation des citoyens est un outil idéal. Le consommateur a un pouvoir extraordinaire, au niveau commercial, mais aussi au niveau politique », analyse-t-il. « Ici aussi, le citoyen peut s’impliquer dans le domaine de l’énergie : l’implication citoyenne ne se limite pas seulement à changer de fournisseur d’électricité : on peut aussi se regrouper en coopérative pour créer un groupe de fourniture d’électricité, investir dans des Cigales qui financent des projets d’énergies renouvelables, ou dans le fond Energie Partagée… », développe Markus. Un bon moyen selon lui de faire levier sur la transition énergétique, domaine dans laquelle l’Allemagne semble avoir un temps d’avance sur la France !