Produits bios, librairie, brasserie, théâtre : ébullition d’alternatives en milieu rural grâce à « La Marmite »

Produits bios, librairie, brasserie, théâtre : ébullition d’alternatives en milieu rural grâce à « La Marmite »
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Sortir du cadre habituel, être innovants. De l’apiculture à la permaculture, en passant par le paysan brasseur, le cidrier, ou les fermes pédagogiques, l’association La Marmite, basée dans le Morbihan, accompagne les porteurs de projets en milieu rural. « Notre aide n’est ni technique ni financière mais méthodologique, sous le prisme de l’économie sociale et solidaire, et dans le respect de l’humain et de l’environnement », explique Jean-Pierre Guenanten, l’un des deux animateurs-formateurs. « La Marmite adhère au réseau Civam (Centre d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural), avec une ouverture plus large, car nous n’accompagnons pas uniquement des projets agricoles. » La Marmite a par exemple aidé à la création d’un café librairie dans une ferme, une compagnie de théâtre, un marionnettiste…

Des formations sont proposées aux porteurs de projet, afin de développer leur idée de départ ou de découvrir des « outils d’organisation pour les collectifs ». Des initiations plus courtes et diversifiées sont aussi organisées à la demande des stagiaires. « Il y a quatre ans, nous avons organisé un stage d’autoconstruction d’une éolienne, un atelier de soudure, la fabrication d’un moteur pantone… Notre réseau de compétences est important et nous permet d’organiser ce type d’événement », explique Agnès Le Lay, animatrice et formatrice salariée.

 

Initiée par le MRJC [1], l’association La Marmite a soufflé ses sept bougies en 2015 avec 150 adhérents, et une lettre d’information hebdomadaire envoyée à près de 700 contacts. Basé à La Vraie-Croix, un village de 1 400 habitants situé près de Vannes, ce centre d’accompagnement de porteurs de projets ruraux partage son local avec Terre de liens et la Confédération paysanne. Côté gouvernance, c’est la collégialité qui prime, avec 16 coprésidents, tandis que deux salariés animateurs-formateurs accompagnent, avec le soutien de 28 tuteurs locaux bénévoles, des porteurs de projets qui sont de plus en plus nombreux chaque année.

Il y a trois ans, La Marmite accompagnait 30 porteurs de projet par an. Ils sont 100 aujourd’hui ! La Marmite s’est donc positionnée pour combler le « vide » administratif de la chambre d’agriculture, qui ne dispose pas de cadre adapté à ce type d’activités. « À Saint-Dolay (Morbihan), un collectif désirait créer une communauté basée sur l’autosuffisance alimentaire et énergétique, se rappelle Jean-Pierre, animateur-formateur salarié. Il a fallu créer une société civile immobilière (SCI) pour acquérir des locaux, une société civile d’exploitation agricole (SCEA) pour faire reconnaître la compétence agricole et devenir propriétaire des lieux, et une association pour y animer des ateliers. C’est du bricolage administratif, mais il y a toujours des solutions. »

Autre atout ? La Marmite est reconnue organisme de formation et d’éducation populaire. Des qualités qui ont parfois du mal à être valorisées par les institutions locales, déplore Jean-Pierre. Ce dernier regrette le manque de reconnaissance des élus locaux et la nécessité de devoir régulièrement réaffirmer le rôle de La Marmite dans la dynamique du territoire. Mais l’animateur reste optimiste. « Nous avons au moins quinze lignes de financements. Cela nous rend moins fragiles, Et nous restons très philosophes : si nous n’avons plus de moyens, nous arrêtons ! », ironise-t-il.

 

Le tutorat ? Un échange de services !

Gwennolé Le Galloudec a été le premier salarié de La Marmite. A l’époque, il accompagnait les porteurs de projet. Aujourd’hui, il est producteur de bière au sein de La Bambelle, une brasserie qu’il a créée à Saint-Gravé (Morbihan). Pour partager son expérience, encourager d’autres porteurs de projet, et agrandir le réseau de producteurs locaux, Gwennolé est aussi tuteur bénévole pour La Marmite. Récit de son parcours riche, au service du développement rural.

Comment passe-t-on du statut d’animateur à celui de porteur de projet, puis de tuteur ?

Gwennolé Le Galloudec : J’ai une formation en développement rural. Aider les personnes à concrétiser leurs projets était mon métier. Et à force de rencontrer des porteurs de projets, on finit par avoir envie de se lancer. J’ai donc décidé de créer la brasserie La Bambelle, à Saint-Gravé. Aujourd’hui, je continue à faire du développement rural, mais sous une autre forme. Je suis porteur d’un projet, et aussi tuteur.

Que signifie être tuteur ?

C’est un échange de services. En tant que paysan ou producteur local, nous voulons être le plus nombreux possible, multiplier le nombre de fermes bio dans la région. La Marmite aide les porteurs de projets d’un point de vue méthodologique et administratif, tandis que le tutorat apporte une aide sur le terrain. C’est une transmission d’expériences qui nécessite du temps. Lorsqu’on accueille un stagiaire, la semaine est plus fatigante, mais aussi plus dynamique et intéressante. La Marmite nous aide à accompagner les stagiaires, et on se retrouve entre tuteurs pour échanger sur nos méthodes.

Le tuteur ne doit pas avoir de qualités particulières : à partir du moment où il réussit et aime ce qu’il fait, il devient expert dans son domaine, et il est forcément bon pour en parler et répondre aux questions des stagiaires. Le tuteur se retrouve souvent dans deux cas de figure : soit il ne fait que donner des conseils et se ferme à la remise en question de son travail par le stagiaire, soit il l’accepte. C’est là que cela devient intéressant : le regard extérieur du stagiaire peut remettre en question la manière de travailler. Ses remarques peuvent être liées à des détails sur le mode de production, à des pratiques culturales… Tout dépend de son expérience et de ses formations. Et c’est toujours bénéfique !

 

« Sans La Marmite, je ne me serais sans doute pas lancée. Ou en tous cas pas aussi vite, ni aussi bien ! »

Amélie Codron est productrice de jeunes arbres fruitiers greffés que l’on appelle les « scions », à Saint-Laurent-sur-Oust (Morbihan). Elle a créé sa pépinière cette année avec l’aide de l’association La Marmite. Alors que ses premières commerciali
sations auront lieu en décembre 2016, elle nous parle de son parcours.

De quelle manière a germé votre envie de créer une pépinière ?

Amélie Codron : J’étais ingénieure dans le traitement des eaux usées pendant plus de dix ans. Mes postes m’ont amenée à côtoyer de près le monde agricole. Avec l’âge et l’expérience, certaines de mes valeurs se sont affirmées, jusqu’à ne plus me retrouver dans le monde de l’eau « industrielle ». J’ai toujours été proche des plantes et des arbres. Mettez tout ça dans un chapeau et mélangez : le murmure de la reconversion agricole est très vite devenu assourdissant. J’ai pris les choses en main en janvier 2015. J’avais plein d’idées mais je voulais les tester : rencontrer des professionnels, et participer à leur quotidien pour me faire une idée précise de leur activité.

Comment avez-vous découvert La Marmite ?

Grâce au bouche à oreille, et en participant à des événements que l’association organisait. Jean-Pierre (l’animateur-formateur de l’association), m’a donné une liste de contacts. De stage en coup de main, petit à petit, j’ai abandonné toutes mes idées de départ ! J’ai compris qu’elles étaient soit pas pertinentes dans le contexte local ou actuel, soit impossibles à mettre en œuvre pour moi (seule, sans foncier). J’ai participé à la formation organisée par la Marmite pour accompagner les porteurs de projets. L’échéance s’approchait et me stimulait pour continuer mon exploration. Et puis j’ai rencontré Frouezh, un producteur d’arbres fruitiers en bio, dans les Côtes-d’Armor. Cela été un déclic et une évidence !

 

 

Que vous a apporté la formation ?

Les douze jours de formation « de l’idée au projet » m’ont confortée dans mon projet. À ce stade crucial, on prend le temps de définir nos valeurs et exigences, et de se projeter pour les confronter à celles du projet. On analyse les risques, les fragilités. Cela permet de « rectifier le tir » en amont, plutôt que de faire fausse route en réalisant trop tard que le rythme de travail ou la solitude inhérente à l’activité ne correspondent pas à ce qu’on souhaitait. Cela m’a donné de l’assurance et la solidité d’une base pour être efficace par la suite. Et ça n’est pas une chose facile à acquérir dans une reconversion totale et sur un projet jeune. Sans La Marmite, je ne me serais sans doute pas lancée. Ou en tous cas pas aussi vite ni aussi bien !

Où en est votre projet aujourd’hui ?

Comme Frouezh, je vais produire des scions de fruitiers en bio, principalement en variétés anciennes et locales, commercialisés en vente directe en racines nues. Des pommiers, poiriers, pruniers, pêchers, etc. Je commence ma production cet hiver, les premières ventes auront lieu en décembre 2016. En parallèle, je souhaite animer des ateliers auprès de différents publics pour enseigner la greffe, la taille, mais aussi pour réapprendre le goût des fruits, leurs bénéfices pour la santé, et redécouvrir l’arbre au sens général. Un des buts lointains, utopistes et homéopathiques que je poursuis à travers mon activité, c’est de contribuer à faire changer les mentalités à mon échelle, si petite soit-elle, en utilisant l’arbre fruitier comme vecteur.

 

[1Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) est une association d’éducation populaire gérée et animée par des jeunes de treize à trente ans.

 

 

Plus d’infos

http://www.association-la-marmite.fr/

 

Cet article a été réalisé en partenariat avec le journal en ligne Basta ! , dans le cadre du projet Médias de proximité soutenu par la Drac Île-de-France.

 

 

 

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Estelle Caudal