Monnaies locales : quoi de neuf en Bretagne ?

Monnaies locales : quoi de neuf en Bretagne ?

Neuf. C’est le nombre de projets de monnaies locales alternatives et complĂ©mentaires en Bretagne et Loire-Atlantique. En Bretagne administrative, Le Finistère est le dĂ©partement champion en la matière, avec pas moins de trois dĂ©marches, Ă  Concarneau, Brest, et Morlaix. Mais qu’est-ce qu’une monnaie locale ? C’est une monnaie complĂ©mentaire, papier voire numĂ©rique dans certains cas, qui circule entre adhĂ©rents (consommateurs et prestataires) sur un territoire donnĂ©. Elle a pour but de relocaliser l’économie, et permettre aux utilisateurs de se rĂ©-approprier la monnaie. Concrètement, un utilisateur va Ă©changer alors ses euros en monnaie locale (un euro vaut gĂ©nĂ©ralement une unitĂ© de monnaie), et ensuite pouvoir aller chez les commerçants prestataires de biens ou services (alimentaire, biens culturels, services, restauration, Biocoop, Amap) , basĂ©s sur le territoire, adhĂ©rents Ă  une charte et respectant des critères environnementaux, sociaux…  Cela permet alors une relocalisation de l’économie et le dĂ©veloppement des circuits courts, car la monnaie circule sur un territoire limitĂ©. L’objectif est, pour toutes les monnaies locales, de la faire circuler, et que les prestataires essaient ensuite de trouver des dĂ©bouchĂ©s pour l’utilisation de cette monnaie. L’idĂ©al Ă©tant de ne pas reconvertir la monnaie locale en €uros. En France, les premières monnaies locales datent des annĂ©es 2000, avec l’apparition du Sol, sous forme de carte Ă©lectronique, lancĂ©e dans plusieurs villes de France, dont Carhaix (29). DĂ©sormais, elles ont essaimĂ©es dans tout l’hexagone, et dans la rĂ©gion bretonne. Galleco, Sardine, HĂ©ol, Maillette…les noms varient. Et l’avancĂ©e des projets Ă©galement.

 

L’Héol, pionnière, prend son envol

 

Trois monnaies locales circulent aujourd’hui en Bretagne : La Sardine, Ă  Concarneau (29), l’HĂ©ol, Ă  Brest (29) et le GallĂ©co, dans l’Ille-Et-Vilaine. La première a avoir dĂ©marrĂ© est l’HĂ©ol, portĂ©e entre autre par l’Adess du Pays de Brest (Association de dĂ©veloppement de l’économie sociale et solidaire ). « La monnaie a Ă©tĂ© lancĂ©e sur le pays il y a un peu plus de deux ans, en janvier 2012 Â», rapporte Killian Reich-Kervella, chargĂ© de mission en service civique sur l’Heol Ă  l’Adess du Pays de Brest. « Nous comptons aujourd’hui 300 adhĂ©rents (soit autant d’utilisateurs potentiels), et 55 structures prestataires, entreprises ou associations Â», explique-t-il. Avec une Ă©volution notable depuis la fin de l’annĂ©e 2013 : « Aujourd’hui, en mars 2014, nous avons rĂ©ussi Ă  doubler le nombre d’HĂ©ols en circulation, pour le faire passer Ă  11 550 Â». Ceci peut s’expliquer, selon Killian Reich-Kervella, par la dynamique lancĂ©e par certaines structures particulièrement actives comme c’est le cas sur Landerneau ou Daoulas. « Au dĂ©part, l’HĂ©ol a Ă©tĂ© lancĂ© sur tout le pays de Brest. Actuellement, on s’aperçoit qu’il est utilisĂ© surtout sur le territoire de Brest MĂ©tropole OcĂ©ane, Landerneau et Daoulas Â», affirme-t-il.

Du cĂ´tĂ© de l’Ille-et-Vilaine, c’est le galleco qu’on utilise. InitiĂ©e par le Conseil GĂ©nĂ©ral en 2011, la monnaie locale a Ă©tĂ© lancĂ©e officiellement en septembre 2013, dans trois zones qui commencent Ă  s’étendre : Rennes, Fougères, et Redon. « Fin fĂ©vrier, on comptait 127 structures partenaires, pour un total de 431 utilisateurs Â», prĂ©cise Anne Bruzac, directrice de l’association Galleco. « Tous les mois, nous agrĂ©ons de nouvelles entreprises dans l’utilisation de la monnaie, c’est assez encourageant. Les secteurs oĂą le galleco s’échange le plus sont la culture, l’alimentaire, la restauration…tous les commerces de proximitĂ©  », estime-t-elle. Pour 2014, l’association rĂ©flĂ©chit Ă  une Ă©ventuelle dĂ©matĂ©rialisation de la monnaie, en complĂ©ment des billets, et souhaiterait travailler sur le volet social, en sensibilisant un public pour le moment encore Ă©loignĂ© des monnaies locales.

La Sardine est aussi en circulation sur le Pays de Concarneau, depuis décembre 2012. Elle est portée par une association de citoyens, qui sont une soixantaine pour le moment. En Loire-Atlantique, le Retz’L se déploie depuis novembre 2012 dans le secteur de Rézé (44), là encore porté par une association loi 1901. On peut noter aussi la présence du Confluent, une monnaie totalement virtuelle, initiée dès 2011 par l’association EcoRéseau du Pays Nantais.

 

Une autre monnaie est quant Ă  elle sur le point d’être lancĂ©e. Il s’agit de la Maillette, dans le Pays de Rance, du cĂ´tĂ© de Dinan. En projet depuis 2 ans, elle devrait faire son apparition dès le 17 mai. C’est une monnaie totalement portĂ©e par les citoyens, qui vont imprimer par ailleurs eux mĂŞme les billets sur du papier artisanal ! Deux cent familles seraient partantes pour l’adopter, ainsi qu’une trentaine de prestataires. L’association « Pour une monnaie locale en Pays de Rance Â» a par ailleurs organisĂ© en novembre dernier les huitièmes rencontres nationales des monnaies locales complĂ©mentaires sur son territoire.

 
« Sans prestataires, pas de monnaie locale Â»

 

Si des projets sont bien avancĂ©s, voire aboutis, d’autres sont en pleine construction. Du cĂ´tĂ© de Morlaix, le projet de monnaie locale se poursuit. Un petit groupe d’habitants du territoire s’est fĂ©dĂ©rĂ© autour d’une association. Il travaille aujourd’hui, avec l’Adess du Pays de Morlaix, Ă  la constitution d’un rĂ©seau de prestataires pour pouvoir lancer la monnaie idĂ©alement dès l’annĂ©e prochaine. «Sans prestataires, nous ne pourrons pas mettre en place la monnaie Â», expliquent FrĂ©dĂ©ric FaurĂ©, prĂ©sident de l’association pour une monnaie locale dans le Pays de Morlaix. Des prestataires qui pourront aussi jouer le rĂ´le de « comptoir d’échanges Â» auprès des utilisateurs pour convertir les euros en monnaie locale. Une rĂ©union a Ă©tĂ© organisĂ©e afin de sensibiliser les commerçants et partenaires potentiels, et une volontaire en service civique vient d’être recrutĂ©e par l’Adess pour travailler sur le sujet.

Dans le Morbihan, Ă  Auray, l’association de citoyens « Pourquoi pas ? Â» essaie lĂ  aussi de crĂ©er une monnaie complĂ©mentaire. Mais le projet est en veille pour le moment. « Nous avons adhĂ©rĂ© au mouvement national des monnaies locales, et avons organisĂ© des rĂ©unions de sensibilisation Â», explique Gilbert Lauvergnier, membre de « Pourquoi pas ? Â». « Mais nous travaillons Ă©galement sur d’autres projets en parallèle, et le projet de monnaie locale demande beaucoup de travail », commente-il.

 
Comment mobiliser sur le long terme ?

 

Et cela semble bien l’un des « freins Â» au dĂ©veloppement de ces projets, quand ils sont portĂ©s par les citoyens. La dĂ©marche peut ĂŞtre longue, et peut durer plusieurs annĂ©es, comme ce fut le cas pour la plupart des projets bretons (deux ans Ă  Brest, Ă  Dinan, au moins autant Ă  Morlaix…). Difficile alors de mobiliser les Ă©nergies sur le long terme. De mĂŞme, les monnaies locales souffrent encore d’un dĂ©ficit de notoriĂ©tĂ©, et d’image, auprès des citoyens mais aussi des prestataires potentiels .« Paradoxalement, mĂŞme si nos chiffres sont plutĂ´t bons, l’hĂ©ol reste pour certains de nos prestataires, surtout pour les grosses structures, une contrainte supplĂ©mentaire, une dĂ©marche compliquĂ©e Ă  mettre en place, qui ne fait pas toujours consensus », explique quant Ă  lui Killian Reich-Kervella. Idem pour les citoyens, qui
selon lui « ne sont pas encore vraiment rentrĂ©s dans la dĂ©marche Â». L’Adess de Brest va d’ailleurs dans quelques mois aller Ă  la rencontre des habitants et prestataires, par le biais de rĂ©unions dans diffĂ©rents lieux du Pays de Brest, afin d’échanger avec eux sur l’HĂ©ol. Un moyen de partir aussi Ă  la conquĂŞte de nouveaux adeptes ?

 

 

Marie-Emmanuelle Grignon