Simplification des autorisations d’élevage porcin: « c’est exactement l’inverse qu’il fallait faire »

Jusqu’à aujourd’hui, les installations d’élevages porcins de grande taille (plus de 450 bêtes) étaient soumises à autorisation – et donc à une longue enquête publique – pour mesurer leur impact sur l’environnement. Désormais, les élevages compris 450 et 2 000 porcs (ou inférieurs à 750 truies) n’auront qu’à s’enregistrer en préfecture pour s’installer ou s’agrandir. Et, seulement au-delà de 2000 animaux, une autorisation avec enquête et étude d’impacts seront requises.

Dans un communiqué adressé le 18 juin dernier au premier ministre Jean-Marc Ayrault, la FNSEA souhaitait participer au « choc de simplification » engagé par François Hollande. Et ainsi «  identifier les incohérences et les complexités inutiles qui nuisent à la compétitivité de nos entreprises ». Un décret relevant le seuil d’autorisation des élevages industriels de porcs a ainsi été publié le 31 décembre dernier au journal officiel. Alors que la récente crise agricole et agroalimentaire bretonne laissait espérer la prise de conscience d’une nécessaire transition, cette décision sonne faux aux oreilles des défenseurs de l’environnement. « C’est une nouvelle qui n’en est pas une, car elle a déjà été évoquée en juin 2013 » souligne Yves-Marie Le Lay, président de l’association Sauvegarde du Trégor. Le 16 juin dernier, un amendement initié par Marc Le Fur destiné à assouplir les normes en matière d’élevage a en effet été voté. Ce texte visait à « harmoniser les seuils nationaux d’installations classées avec les seuils européens, 5 fois moins stricts que les normes françaises ».

Directive nitrates : la grande absente

Pour Yves-Marie Le Lay, « Le seul argument qui peut être retenu aujourd’hui, c’est que ces pratiques sont déjà de mise dans les autres pays d’Europe : en dessous de 2000 porcs, on ne demande pas d’étude d’impact, ni d’enquête publique, seul l’enregistrement suffit. Sauf que dans les autres pays, la directive nitrates est imposée, ce qui permet la traçabilité du lisier. Et en cas de manquement aux règles, des amendes sont déposées. En France, aucune directive nitrate n’est imposée » . Autre chose : la responsabilité des préfets sera quant à elle plus grande, car ce sont eux qui délivreront désormais les autorisations d’élevages porcins.

Un pas en arrière pour la transition

Selon Jean-François Piquot, porte parole d’Eau et Rivières de Bretagne cette mesure va à l’inverse d’une volonté de transition : « nous avions cru comprendre, d’après le plan algues vertes, que nous étions dans un retour à une agriculture plus durable, ce qui n’est pas du tout le cas : la disparition des enquêtes publiques et des études d’impacts en Bretagne va entraîner l’extension des grandes porcheries au détriment des petites. Cette mesure va engendrer plus d’épandages, plus de pollution nitrates… » Pour Christian Bucher, secrétaire départemental de groupe EELV de Brest, « ce décret va permettre de produire plus avec moins de contraintes puisqu’on va pourvoir se passer de réglementations. C’est exactement l’inverse qu’il fallait faire».

Créer de la valeur ajoutée

Et l’élu de pointer des solutions alternatives d’élevage de porcs. « D’autres techniques existent et ont déjà prouvé leur performance. Je ne dis pas de tout convertir en bio. Mais de valoriser des alternatives, comme le porc sur paille. Certes, les éleveurs se plaignent qu’il demande plus de travail. Mais il y a d’autres solutions, comme aller vers de la valeur ajoutée, créer des labels, transformer les produits sur place, favoriser et valoriser la production locale, créer des produits élaborés… A l’heure où le nombre d’emplois agricoles en Bretagne ne cesse de chuter ».

Des exploitations en baisse constante d’effectifs

Selon le recensement agricole 2010 de l’Agreste, le nombre d’exploitations agricoles en Côtes d’Armor est passé de 13400 pour 20 741 unités de travail (travailleurs-travailleuses) en 2000 à 13472 exploitations pour 16227 unités de travail en 2010. En Finistère, il y avait 11283 exploitations pour 20328 unités de travail en 2000 et 7789 exploitations pour 16161 unités de travail en 2010.

Pour Christian Bucher, c’est le modèle agricole dominant qui a engendré la perte des chefs d’exploitation, des paysans, au profit d’une activité peu intéressante et à une main d’œuvre peu qualifiée. Et même si les exploitations agricoles intensives sont moins nombreuses, elles restent tout aussi impactantes pour l’environnement. A ce titre, Christian Bucher ajoute : « Il ne s’agit pas d’idéologie mais de constat : notre environnement est atteint de manière durable. Il y a une telle concentration d’azote dans l’environnement que même si nous arrêtions toute activité aujourd’hui, nos sols et nos rivières seraient encore pollués pendant 20 ans. Ce décret est un feu vert accordé au modèle dominant, ce n’est pas ce qu’on espérait de notre gouvernement ». Quant aux recours juridiques possibles, Eau et Rivières de Bretagne compte saisir la Commission européenne en publiant 4 arrêtés préfectoraux. L’association envisage ainsi un recours en annulation de décret auprès du Conseil d’État. Nous avons sollicité la Chambre d’Agriculture à plusieurs reprises. Elle n’a pas donné suite à notre requête.

Plus d’infos:

http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/media/user/File/Actu2013/RetablirLaVerite.pdf

http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/media/user/File/communique/20131231CPLenvironnementsacrifie.pdf

 

Ce décret relève de 450 à 2000 porcs, le seuil de passage au régime de l’autorisation ICPE. Les installations d’élevage de porcs sont des « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE) soumises à la « police des ICPE ».

les installations classées peuvent être exploitées :

-à la suite d’une simple déclaration

-soit à la suite d’une autorisation simplifiée également nommée « enregistrement » (sans étude d’impact et d’enquête publique).

-soit à la suite d’une autorisation « lourde »