La reconquête de la qualité de l’eau passe entre autres, par la protection de la moule perlière…

La moule d’eau douce, également appelée mulette perlière, ne survit que dans des eaux de grandes qualités. Elle est donc un formidable indicateur de la richesse naturelle. Aujourd’hui en Bretagne, elle ne peut évoluer que dans 3 rivières : l’Elez, le Loc’h et la Bonne Chère. Cela en dit long sur l’état de nos cours d’eau… Pour conserver, protéger et réintroduire cette espèce dans le milieu naturel, le projet européen Life est né en 2012 pour une durée de 5 ans. Il a été élaboré par la Commission Européenne, en partenariat avec la Fédération de pêche du Finistère, et l’association Bretagne Vivante avec un budget de 2,5 millions d’euros. Pour le moment, c’est à la pisciculture de Brasparts (29) que la moule perlière prend des forces. « C’est un site emblématique qui donne de l’espoir », lance Thierry Burlot, vice-pésident de l’aménagement du territoire et de l’environnement. « La Bretagne se soigne, c’est un choix de la reconquête de la qualité de l’eau ».

 
Sanctuaire des pollutions passées

 

Pour se reproduire, cette moule d’eau douce a besoin de la présence de deux autres espèces : le saumon atlantique et la truite fario. En effet, les larves de la mulette se développent à l’abri des branchies de ces salmonidés. Une phase parasitaire qui va durer 10 mois, sachant qu’une moule ne libère pas forcément des larves chaque année et qu’il faut attendre 12 à 20 année pour qu’elle puisse se reproduire. Si son espérance de vie avoisine les 150 ans, elle est aujourd’hui menacée. Pollution, piétinement et envasement du lit de la rivière empêchent les eaux de qualité de franchir les sédiments, entraînant une eutrophisation (asphyxie). Reste que cette moule d’eau douce est une ressource d’informations sans commune mesure. En analysant les stries de sa coquille, on peut retrouver les traces d’une pollution d’un cours d’eau 70 ans en arrière!

 
Des politiques agricoles contradictoires

 

En Bretagne, les naturalistes s’activent pour améliorer la qualité des cours d’eau douce. Et ainsi préserver des espèces menacées comme la mulette perlière. En témoignent notamment le programme Life, et la participation à l’élaboration des Sage (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux). Seulement voilà, en parallèle, des décisions politiques pourraient bien remettre en question cette conquête de la qualité des eaux dans notre région. Un décret a récemment été signé en faveur d’une augmentation du seuil d’autorisation d’élevage porcin en passant de 450 à 2000 bêtes. « Nous sommes un peu inquiets, nous souhaitons très clairement que des dispositions soient prises pour accompagner ce décret, notamment dans le contentieux (nitrates) et les algues vertes » a fait savoir Thierry Burlot. « Le président du conseil régional de Bretagne, Pierrick Massiot, va écrire au Préfet de région dans les prochaines heures pour attirer sa vigilance. Ce seuil d’enregistrement peut quand même se traduire par une enquête publique si le préfet considère l’espace concerné sensible » Selon lui, des garanties et un travail sur la résorption des excédents seront engagés.

 

Accompagner les réglementations ?

 

« Nous voulons maintenir la réglementation, les obligations réglementaires en matière d’environnement. Pourquoi ne pas mettre plus de moyens sur l’accompagnement des réglementations que sur l’accompagnement des enquêtes publiques ? Nous refusons que la pression des réglementations soit relâchée. D’un autre côté, ce n’est pas normal que des éleveurs attendent des années pour bénéficier d’une autorisation d’élevage » estime Thierry Burlot. Pour Daniel Piquet-Pellorce, vice-président de l’association Bretagne Vivante, « le décret doit être suivi par l’arrêté préfectoral -qui sera désormais régional-. Celui-ci est en consultation et il a la capacité de reprendre un certain nombre de problématiques qui n’étaient certainement pas majeures au niveau national mais qui le sont pour la Bretagne. Des efforts de concertation et d’encadrements sont nécessaires afin que l’arrêté préfectoral soit efficace ». Cela suffira-t-il pour reconquérir la qualité des eaux en Bretagne ?