Ondes électromagnétiques: une proposition de loi jugée « légère »

Cette proposition de loi a été déposée par la députée du Val-de-Marne Europe écologie-Les Verts EELV), Laurence Abeille. «Relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » elle comprend six mesures phares : un meilleur encadrement des installations d’antennes relais, la suppression de la wi-fi dans les écoles maternelles et les crèches, et le soutient de la prévention quant à l’usage des portables. Du côté des risques potentiels, ils seront anticipés via notamment une cartographie d’émission d’ondes sur le territoire. Un milliers de sites les plus sensibles et les plus exposés en France feront l’objet d’études afin de limiter leur impact. Enfin, « des réponses concrètes seront apportées aux personnes électro-hyper sensibles (EHS) dans un rapport ». Pour Catherine Gouhier, secrétaire générale du CRIIREM, (centre de recherches et d’informations indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques ndlr) « C’est déjà bien qu’un projet de loi consacré à l’impact des ondes électromagnétiques ait atteint ce stade. Jusqu’ici, ils se sont toujours arrêtés au Parlement. Il y a un progrès dans la reconnaissance de l’effet des ondes électromagnétiques sur la santé. Néanmoins, le contenu de cette proposition de loi est léger, il manque de transparence et il n’est pas très utile car beaucoup de villes en France adoptent déjà certaines mesures. »

De son côté, Patrick Boulet, porte parole du collectif Alertes Ondes Betagne, dénonce une loi est complètement vide des éléments espérées. « Il n’y a pas de reconnaissance des personnes électro hyper sensibles par la sécurité sociale par exemple. Et on remarque une chose grave : François Hollande a voulu un choc de simplification des réglementations, notamment administratif. Il aurait dû le faire pour les lois : cette proposition de loi renvoie à 7 décrets non explicités et 2 arrêtés. C’est inadmissible, il faut pouvoir lire facilement les lois ».

Autriche, Belgique…Des exemples à suivre !

Autres lacunes pointées du doigt? Le manque de pouvoir accordé aux politiques locales quant au développement des ondes. Et la non reconnaissance des effets de ces ondes à long terme. « Cette loi ne va pas changer grand-chose aux problématiques dans la mesure où les mairies et les collectivités n’auront pas de pouvoir supplémentaire. Or les seuils réglementaires doivent être modifiés». Dans la région de Bruxelles par exemple, les seuils se situent autour de 3 volt/mètres. En France, le niveau d’ondes électromagnétiques toléré se situe entre 41 à 61 volt/mètre. En Autriche, ce taux est de 0,6volt/m. « Nous devrions s’inspirer des mesures prises par ces autres pays » encourage Catherine Gouhier avant de rappeler que « les effets des ondes sur la santé sont connus depuis les années 70. Mais en France, il y a une négation de la réalité dans l’impact des ondes de la part notamment de l’ANSES et du ministère de la santé. Il faut être objectif, concret, surtout que nous avons les moyens technologiques d’agir afin de mesurer l’impact de ces ondes sur la santé».

Des études scientifiques existent

Les contre indications ne seraient pas prises en compte, alors que ce ne sont pas les études qui manquent… « Il y en a eu 1800 au niveau européen. Quelques années en arrière, le professeur Madeleine Bastide avait étudié l’impact des ondes des téléphones mobiles sur des embryons de poulets. Or les résultats n’ont pas été pris en compte. Les lobbys de la téléphonie mobile sont nombreux et protégés, certainement sous couvert de l’emploi » déplore Patrick Boulet. Autre chose, selon le porte parole, les messages préventifs (recommandations, conduites à tenir…) sont diffusés par les opérateurs. De quoi s’inquiéter de l’indépendance de l’information délivrée quant au danger des ondes électromagnétiques…

Pour Catherine Gouhier, « Le dernier rapport de l’ANSES était très curieux : comment peut-on reconnaître des effets biologiques liés à l’exposition des ondes sans conclure des effets cliniques et sanitaires ? Nous proposons des amendements à la Commission, aux députés. A partir de quand décidera-t-on d’agir sur une nouvelle réglementation efficace et objective ? » Pour mieux cerner l’impact de ces ondes, des recensements de personnes électro hyper sensibles, en Bretagne et en France sont actuellement en cours à l’initiative d’associations.

Collectifs, associations: les derniers recours…

Si les actions de décrédibilisation sont surtout tournées vers les scientifiques, les associatifs restent quant à elles libres de sensibiliser et prévenir des risques. Les deux personnes interrogées pour cet article estiment que la mise en réseau, les rassemblements et les débats sont essentiels. Le film de Marc Khanne, « Recherche zone blanche désespérément » ou encore « Mauvaises ondes » de Jean-Yves Billien, permettent à leur tour de développer la connaissance à ce sujet. Rendez-vous donc le 26 février au cinéma Les Studios à Brest pour une projection du film documentaire de Marc Khanne « Recherche zone blanche désespérément » Cette séance sera suivie d’un débat.

Plus d’infos:

http://www.alerte-ondes22.org/index.php/fr/

http://www.ae2d.infini.fr/

La bande annonce du Film documentaire: « Cherche zone blanche désespéremment »: http://www.youtube.com/watch?v=fWxrUgKRHjg

TEMOIGNAGE de Sylvie,EHS (électro-hyper-sensible)
 
Je m’appelle Sylvie P. et travaille en bibliothèque depuis 1983 comme adjoint du patrimoine. Je souhaite raconter mon histoire pour essayer d’expliquer à mon entourage les souffrances que je vis au quotidien, pour que mon témoignage puisse servir à d’autres personnes et peut-être faire avancer la législation sur les champs électro-magnétiques (CEM) et la reconnaissance de l’électro-hyper-sensibilité (EHS). Depuis 2008, je travaille à la médiathèque des Quatre-Moulins à Brest. Mon employeur est Brest métropole océane (Bmo). Au mois de juin 2012, la bibliothèque est équipée en wifi et en RFID (de l’anglais  »radio frequency identification », méthode pour mémoriser et récupérer des données à distance ; ici, pour enregistrer les livres).
En juillet 2012, je commence à avoir très mal à la tête sur mon lieu de travail (impression d’avoir un bonnet trop serré sur la tête), et de gros problèmes de concentration, puis plus tard, des sensations de brûlure sur la langue. Je découvre que je suis atteinte des symptômes de l’électro-hyper-sensibilité (EHS). Je le signale à ma hiérarchie qui pense que c’est psychosomatique. Elle m’envoie vers la médecine du travail, qui me dirige vers un neurologue. Après un examen neurologique classique, ce médecin déclare que tout va bien, que mes troubles ne sont pas dus aux ondes, car je suis la seule de mon équipe de 8 personnes à les ressentir. Selon lui, si cela était lié aux ondes, en passant les portes de la bibliothèque, les troubles devraient s’arrêter net. Or, je ressens ces malaises jusque vers 23 h. Je reprends donc mes activités, mais au bout d’une semaine, n’y tenant plus, mon médecin me prescrit un arrêt de travail. Je consulte alors le Dr Pascale Choukroun, spécialiste en médecine environnementale au CHU Morvan de Brest. Après différents examens et analyses, elle constate que mes troubles sont bien réels. N’étant pas entendue par la médecine du travail, je décide d’aller consulter le Pr Belpomme à Paris. Il est cancérologue et s’intéresse aux problèmes de EHS. J’obtiens un rendez-vous fin octobre 2012. Je passe de nouveaux examens sanguins et un électroencéphaloscan. Début décembre, les résultats des analyses du Pr Belpomme montrent que je suis devenue une EHS (électro-hyper-sensible). Il me délivre un certificat médical que je transmets aussitôt à mon employeur. Celui-ci me dirige vers le médecin du travail, puis vers divers experts. Le médecin du travail affirme que mon cas relève de la psychiatrie et que je dois m’exposer aux ondes (ses références étaient Wikipédia !). Un médecin-expert consulté déclare son incompétence sur ce sujet. Un autre prescrit une reprise de mon activité dans une zone blanche (non soumise aux rayonnements). La DRH en prend note, mais n’adapte pas mon poste de travail. Etant arrêtée plus de 6 mois, mon dossier passe en commission de réforme, puis au Comité médical départemental. Mais mon problème n’est pas pris en compte. Mes malaises et souffrances ne sont pas reconnus. En décembre 2012, pour tenter de trouver une issue, je fais des stages d’observation en cuisine dans deux crèches et une maison de retraite. Mais ces lieux sont trop chargés en ondes. On me propose alors un poste à la voirie, poste que je refuse.
En juin 2013, je suis sommée de reprendre mon activité à la médiathèque (sinon…) J’aimerais reprendre mon travail mais j’en suis incapable au même poste. BMO ne me propose rien d’autre en bibliothèque. Il n’y a rien pour moi ! Je propose de travailler aux espaces verts et je deviens jardinière des ronds-points municipaux. Malheureusement, je me rends vite compte que c’est un travail physiquement trop dur pour moi. Je suggère alors de faire un travail en serre. Mais les serres, elles aussi, sont trop chargées en ondes (chauffage, électricité, systèmes automatiques…). Aujourd’hui, je me retrouve donc dans un tunnel en plastique, seule, à l’écart de tout et de tous. Je balaie et rempote toute la journée… et dépéris. Pour ne pas sombrer, je me dis qu’il faut que je m’en sorte autrement. Je songe à créer mon entreprise. Je fais donc les démarches auprès de ma hiérarchie en temps et en heure pour demander un mi-temps à partir de février 2014 afin de démarrer mon activité. Ma demande d’autorisation s’égare dans un bureau … Aujourd’hui, après 30 ans de travail en collectivité, pour garder ma dignité, trouver la force et le courage de continuer, je n’ai pas d’autre alternative que de prendre un congé pour convenance personnelle.
 
Être EHS…
 
– c’est une souffrance physique et morale,
– c’est souffrir au quotidien des ondes qui nous entourent,
– c’est perdre ses repères,
– c’est se mépriser de ne plus être ce que l’on a été,
– c’est perdre son activité professionnelle,
– c’est risquer l’isolement social,
– c’est ne pas être pris au sérieux, voire même être pris pour un fou, une folle
– c’est être perçu-e comme différent, marginalisé-e,
– c’est se battre chaque jour pour tenter de mener une vie normale,
– c’est chercher des moyens pour se protéger et des endroits où l’on n’est pas exposé-e…
07 février 2014

http://www.youtube.com/watch?v=fWxrUgKRHjg