OGM et Roundup : la poursuite des recherches est indispensable !
Nous le savons, l’OGM est un gêne d’une espèce introduit dans une cellule d’une autre espèce pour conférer des propriétés nouvelles. Pour le Pr Robert Bellé, il est efficace en médecine, dans le cas par exemple, de la production d’insuline pour le traitement de certains diabètes. Mais dans le cas de la modification génétique des plantes, le risque est mal évalué. « Aujourd’hui, nous n’avons pas de technique pour analyser ni prévoir les conséquences d’une protéine OGM sur les protéines des cellules receveuses du gêne» souligne-t-il. Dans le monde, il existe 170 millions d’hectares de plantation d’OGM (de maïs, soja, colza, coton…). Cela représente 10% des terres cultivées sur la planète. Et 80% des OGM sont rendus tolérants à l’herbicide Roundup. La question des OGM pose ainsi 3 types de problèmes : dans le domaine de la santé, car une protéine ou un produit inattendu et toxique pourrait être généré et dans le domaine de l’éthique du fait des brevets déposés sur du matériel vivant. Enfin, dans le domaine environnemental, car la biodiversité se voit menacée. Robert Bellé ne traite dans son exposé que des questions relatives à la santé en distinguant clairement les deux problèmes: celui du pesticide et celui de l’OGM dans le cas des OGM tolérants au Roundup. Il a expliqué à l’auditoire les domaines clefs de maladies chroniques (à effets non immédiats) dans lesquels les peptides et/ou les OGM pourraient avoir des effets nocifs liés à la santé humaine.
Concernant le Roundup, il a rappelé ses propres résultats et fait mention de très nombreuses études dans le monde démontrant la toxicité du pesticide et/ou du produit actif qu’il contient (le glyphosate, principe actif du Roundup). A ce jour, il existe près de 500 publications dans les journaux scientifiques internationaux, relatives à l’impact du Roundup ou du glyphosate. Selon le biologiste, 80 % d’entre elles en démontrent la toxicité.
Et les OGM… ?
Robert Bellé a ensuite exposé clairement les expériences de l’équipe de Gilles Eric Séralini qui ont fait un buzz médiatique mondial en septembre 2012. Sans entrer dans les détails, des lots de rats nourris pendant 2 ans avec le maïs OGM NK 603 de Monsanto ont fait plus de tumeurs et plus rapidement que les rats témoins. Le plus surprenant, y compris pour les auteurs de l’article, ont été les résultats du lot de rats qui avaient consommé le mais NK 603 non exposé, pendant sa culture, à du Roundup. Robert Bellé partage la conclusion de l’agence nationale (ANSES) qui, dès novembre avait souligné l’originalité du travail, mais aussi l’impossibilité de conclure de façon définitive du fait du nombre réduit de rats par lots. Ces études, pour le moment les seules disponibles sur une vie entière d’animaux, apportent une présomption de toxicité qu’il faudra ou confirmer, ou infirmer sur le plan scientifique. Le conférencier a indiqué sa préférence pour des études sur des cellules qui donneront une réponse bien plus rapide que les expériences de 2 ans avec des rats. Si le maïs OGM fabrique un produit toxique il existe des méthodes cellulaires et/ou moléculaires qui permettent de le mettre en évidence.
Le biologiste a insisté sur la distinction entre le débat scientifique qui se poursuit et le débat médiatique fortement influencé par des groupes d’intérêt. L’article de l’équipe de Gilles-Eric Séralini vient d’être « rétracté » (par l’éditeur) du journal scientifique dans lequel il était publié. La procédure est exceptionnelle mais ne change rien au débat scientifique. L’éditeur affirme qu’il n’y a ni fraude, ni erreur de calculs, ni intention de manipulation des résultats expérimentaux mais bien une incertitude du fait du nombre réduit de rats par lots. Le conférencier souligne que le protocole de l’étude était calqué sur celui des fabricants avec les mêmes rats, les mêmes lots et une durée d’expérience de trois mois. Il pose la question de la correcte évaluation des risques par les agences avec les mêmes incertitudes sur les tests statistiques.
L’étude de Gilles-Eric Séralini a des conséquences très positives: des appels à projets à partir de fonds publics ont été lancés et des réflexions sur les réglementations sont engagées. « Par exemple, il y a quelques jours, la commission européenne a refusé l’autorisation de mise sur le marché d’un OGM estimant qu’il avait une mauvaise évaluation du bénéfice et du risque » note Robert Bellé. Il ajoute : « Un programme national a été lancé : risk’OGM, qui consiste à créer un comité qui sera un peu comme le GIEC en matière de climat ».
Et le 26 novembre 2013, l’ANSES) a lancé un appel à projet, sur le thème : environnement, santé, travail, à partir de fonds publics.
« 37 projets viennent d’être retenus pour une première sélection avec une enveloppe globale de 5,5 millions d’euros. Cependant, dans la liste des projets retenus disponibles sur le site de l’ANSES, aucun ne semble pouvoir infirmer ou confirmer les études de Séralini ». Robert Bellé se demande si les équipes de recherches craignent de s’engager dans cette voie par peur de pressions. Il montre une grande confiance dans l’ANSES, (créée en 2008 à partir de l’ancienne agence l’AFSSA) qui de son point de vue, examine les propositions avec le plus grand sérieux et la plus grande objectivité, ce qui n’a peut être pas toujours été le cas. Il fonde son opinion sur sa rencontre avec les agences à l’occasion d’un débat parlementaire le 19 novembre 2012. Lors de cet événement, il a expliqué pourquoi la toxicité des pesticides était sous-évaluée dans la toxicologie « réglementaire » réalisée par les firmes elles mêmes.
Le public a posé de nombreuses questions au conférencier
L’occasion d’évoquer les inquiétudes des citoyens : dans la salle, on met le doigt sur la dangerosité de l’accumulation de petites doses ingérées, en buvant l’eau du robinet par exemple. Robert Bellé rappelle que la toxicité est bien sûr liée à la dose. Il souligne ainsi que personne n’a encore démontré que le glyphosate (principe actif du Roundup), présent dans l’eau du robinet provoque des problèmes, car personne ne l’a jamais étudié par défaut de contrats de recherche et d’argent. En revanche, le biologiste souligne que l’existence d’OGM tolérants au Roundup, fait consommer aux animaux ou humains s’en nourrissant, des concentrations de Roundup supérieures aux doses toxiques connues. En effet, par définition, ces plantes ne sont pas éliminées mais consommées avec le Roundup qui a servi à les traiter dans les champs.
Autre question. Des critiques envers les recherches de Séralini estiment que les rats utilisés sont naturellement propices aux tumeurs. Est-ce une erreur de les avoir utilisés ? « Séralini a délibérément travaillé avec des rats commerciaux, les mêmes utilisés par les fabricants et avec le même protocole (à l’exception du temps plus long). Ces rats ont effectivement tendance à faire des tumeurs. La nouvelle question devient pourquoi les autorisations de mises sur le marché des produits, réalisées avec ces tests courts ne sont-ils pas remis en cause dès maintenant ? »
Cette conférence s’est achevée sur une interogation fondamentale : demain, pourra-t-on nourrir le monde sans OGM, à un prix abordable ? « Un gros débat persiste. Je dirais qu’il n’y a pas de réponse claire : si on veut ne produire que par une agriculture « biologique » en conservant le modèle actuel, il est peu probable que cela suffise. En revanche, si cela
est associé à un changement de pratiques, alors certains spécialistes affirment que c’est possible. La faim dans le monde aujourd’hui touche plus de 840 millions d’êtres humains. Elle ne résulte pas d’un problème scientifique et aucune évidence scientifique ne vient confirmer que l’existence des OGM contribue à solutionner le problème.