Le sonar : arme lourde pour la faune marine ?

Le sonar : arme lourde pour la faune marine ?
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Le constat, dans les années 2000, de l’échouage de mammifères marins lors d’exercices militaires en mer, a suscité une réelle prise de conscience dans le milieu maritime. Dès lors, des programmes de recherche scientifique, financés par l’US Navy, ont révélé un lien de causalité directe entre l’utilisation de certains sonars et l’échouage des cétacés. Le sonar est un dispositif utilisant la propagation du son dans l’eau pour détecter des formes et des objets sous l’eau. La marine de guerre s’en sert notamment pour repérer les sous-marins. Mais il sert aussi aux pêcheurs, pour situer les bancs de poissons et aux professionnels de l’hydrographie pour cartographier le fond des océans. Les mammifères marins, qui utilisent les ondes sonores pour communiquer et se réperer, sont sensibles aux sons émis par les sonars. Yves Le Gall et Xavier Lurtons, ingénieurs acousticiens à l’Ifremer, se sont penchés sur le problème. « Il existe différents types de sonars, dotés de différentes caractéristiques. Ceux utilisés dans le civil ne semblent pas poser de problème. », expliquent-t-ils.

Un impact bien réel, s’expliquant par différents phénomènes

Le sonar impacte les mammifères marins à des degrés différents selon la fréquence, la durée, la nature et l’amplitude des ondes émises. Il peut s’agir d’un effet de gêne : les animaux vont alors s’éloigner du sonar et fuir. Cette réaction peut leur être fatale, si par exemple, l’individu se retrouve dans une baie refermée, où il sera alors soumis à un risque d’échouage. A intensité plus forte et selon la durée d’exposition, on peut observer des effets physiologiques, comme la surdité temporaire ou définitive. La perception des sons étant indispensable à la vie de ces espèces au sein du milieu marin, la surdité les met directement en danger de mort, entraînant une perte d’orientation qui peut leur être fatale. Aussi, suite à l’observation de lésions sur les organes, la thèse selon laquelle il s’agirait d’un effet directement engendré par les niveaux d’emission des sonars, a été envisagée. Cependant elle n’a pas été prouvée et une autre explication au phénomènea été proposée : « La panique occasionnée par les signaux de certains sonars militaires va entraîner chez certains mammifères une perturbation comportementale. Ils peuvent plonger très profondément et remonter trop rapidement, ce qui peut provoquer une embolie gazeuse. », analysent Yves et Xavier.

La surexploitation des océans reste de loin la principale menace pour la survie des espèces

Mais l’utilisation de sonars est loin d’être la cause principale d’échouage des mammifères marins. Seuls quelques centaines d’individus se seraient échoués en vingt ans à cause des sonars. « Il s’agit bien d’un problème réel, dont il faut tenir compte. Mais les quelques dizaines d‘accidents imputables à l’utilisation des sonars sont à prendre relativement aux centaines de milliers d’animaux victimes de captures accidentelles et de la pollution », constatent les deux ingénieurs de l’Ifremer. En effet, selon un rapport du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), publié en 2005, la capture par les engins de pêche reste la cause anthropique principale de mortalité des cétacés : plus de 70 % des petits cétacés seraient directement menacés par le risque de s’empêtrer dans les filets de pêche et 56 % risquent la malnutrition en conséquence de la surexploitation des océans du monde. En comparaison, toujours selon le même rapport, la pollution sonore associée au sonar et aux manœuvres navales constituerait une menace pour 4 % des espèces.

Il n’existe pas, actuellement, d’alternative au sonar pour l’exploration et la surveillance des océans. Cependant, des aménagements sont à chercher dans l’utilisation de la technique. Les militaires disent faire plus attention en employant, notamment, la méthode de démarrage progressif des sources. Associée à une surveillance par des observateurs spécialisés et indépendants, cette mesure de protection est également mise en œuvre lors de certaines campagnes océanographiques ou pétrolières.

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