« Le solide tissu associatif breton joue un rôle dans le bien-être de ses citoyens »

Le colloque que vous animez à Redon aujourd’hui et demain met en relation les déterminants sociaux et la santé. En quoi ces deux éléments sont-ils liés ?

Eric Breton : depuis les années 50, les professionnels de la santé publique considèrent que les habitudes de vie comme l’addiction, l’activité physique, le tabagisme, l’hygiène…sont directement liées à l’état de santé. Aujourd’hui, on se rend compte que le comportement n’est pas forcément le moteur principal d’une bonne ou mauvaise santé. Les études de l’OMS nous expliquent en effet que ce sont les inégalités sociales qui en sont les facteurs les plus déterminants. Il faut entendre par là, les inégalités de condition d’existence comme l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi, l’isolement, la cohésion sociale…

Autant les comportements dépendent de la volonté de chacun, autant ces déterminismes sociaux ne sont pas liés au bien vouloir des citoyens. Comment exercer une influence sur ces domaines qui sont plutôt entre les mains des politiques?

C’est en effet très difficile d’agir sur ces domaines, non seulement parce qu’ils sont politiques, mais aussi parce qu’ ils sont transversaux. Pour autant, les professionnels de la santé doivent jouer un rôle de sensibilisation, de médiation quant à ces approches. La santé n’est pas forcément une histoire de soin lorsqu’on sait qu’un cancer met parfois 20 ans à se développer. En revanche, les déterminants sociaux sont des facteurs primordiaux et le fait de les rapprocher de notre état de santé est une démarche sensible.

Les professionnels de la santé ont beau jouer un rôle de sensibilisation, cela ne fera pas changer les conditions de logement, de travail ou d’éducation des citoyens…

Justement, des actions plus agressives face à ces déterminants sociaux doivent être menées. Notamment grâce à l’innovation sociale dont les pays Scandinaves se font l’écho. Il s’agit par exemple, d’aider les acteurs scolaires à cerner puis à prendre en charge les élèves en difficultés dès le primaire. Car, même si il ne s’agit que de moyennes à grande échelle, le niveau scolaire est lié à la réussite professionnelle : j’entends par là la pénibilité du travail, liée au bien-être et à la bonne santé.
L’école à un rôle à jouer dans sa transmission de savoir, mais aussi dans l’éveil à des activités comme l’art et la culture. Des éléments qui permettent souvent de développer une bonne santé mentale.

Vous évoquez les pays Scandinaves dont nous devons prendre l’exemple. En quoi se démarquent-ils de la situation française ?

Ces pays ont réussi à créer des niveaux d’égalité plus grands. Prenons l’exemple de l’école. Grâce à des systèmes scolaires intégrés, (c’est à dire qui comportent une structure commune à tous les élèves, sans filière, ndlr) l’égalité des chances à l’école est plus grande. La réussite des élèves dépend moins qu’ailleurs, de l’origine socioculturelle des familles.
La France a beaucoup à apprendre de ces initiatives. Dans ses prérogatives, l’OMS prévoit de développer des actions intersectorielles : les professionnels de la santé, de l’école…doivent communiquer et collaborer. Mais l’école n’est qu’un exemple. Il y a d’autres domaines sur lesquels nous pouvons agir.

Si on prend en compte les conditions d’existence et non uniquement les comportements à risque (tabagisme, sédentarisation, malbouffe…) il y a en effet des efforts à faire. Mais ces efforts sont d’une autre nature : ils constituent le fondement de nos sociétés. Pouvez-vous nous donner quelques perspectives en Bretagne ?

La Bretagne possède une force identitaire. C’est forcément un avantage dans l’affirmation de soi et donc le bien être, l’épanouissement. Mais la réalité froide des chiffres, révèle aussi une Bretagne mal positionnée au niveau sanitaire, avec un fort taux de maladies cardiovasculaires, et des problèmes d’alcoolémie. D’une autre manière, son  solide tissu associatif joue un rôle dans le bien-être de ses citoyens, tout comme celui du Nord-pas-de-Calais, une autre région française performante dans ce domaine. L’innovation sociale est ainsi facilitée dans ces régions, car la mobilisation et la solidarité des populations est forte.

Vous voulez-dire qu’une vie associative, autrement dit une vie sociale intense, où l’on s’implique dans des projets collectifs contribue à notre bonne santé ?

Tout à fait. A titre d’exemple, nous travaillons à la mise au point d’un projet dans le Pays de Redon et de Bretagne Sud, qui vise à mobiliser des citoyens autour d’une réflexion sur la santé et les conditions d’existence. Le but est de réfléchir ensemble sur des solutions pour améliorer ces conditions. Or un tel projet ne peut fonctionner sans un tissu associatif fort. Et c’est le cas à Redon. C’est l’atout de la Bretagne. Elle doit surfer sur cet acquis pour développer une réflexion intersectorielle afin d’améliorer les conditions d’existence des individus. Le bien-être est liée à la bonne santé, qui s’acquiert par un épanouissement dans le travail, la maison, mais aussi avec nos semblables.

 

Plus d’infos:

www.ehesp.fr/2013/07/01/agir-sur-les-determinants-sociaux-de-la-sante-un-appel-a-linnovation-sociale-quels-nouveaux-modes-de-promotion-de-la-sante-des-populations-10-et-11-octobre-2013/

www.ehesp.fr/recherche/les-chaires/chaire-inpes-promotion-de-la-sante-a-ehesp/

ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/revue-francaise-de-pedagogie/INRP_RF150_1.pdf