Le 22 juillet 2009, vers 16 heures, sur la route Launay-Lantic / Binic, Thierry Morfoisse, au volant d’un camion, est victime d’un infarctus du myocarde qui lui sera fatal. Il venait de transporter et de décharger des bennes remplies d’algues vertes en décomposition, provenant de la plage de Binic. Pointées du doigt dans cette affaire, les ulves, et notamment l’un des gaz qui s’échappe lors de leur décomposition : le sulfure d’hydrogène (ou hydrogène sulfuré, H2S). Pour la famille de Thierry Morfoisse, les associations environnementales et des scientifiques, ce serait ce gaz qui, en étant libéré brutalement, aurait causé l’infarctus du myocarde dont a été victime Thierry Morfoisse, qui ne portait pas d’équipement spécifique de protection ce jour-là, ni de détecteur de H2S, comme c’est la règle aujourd’hui. Les analyses toxicologiques post-mortem ont notamment montré un taux d’hydrogène sulfuré de 1,4 mg par litre de sang, ce qui est correspond à une exposition « massive ». « Le rôle des gaz asphyxiants dans le déclenchement de perturbations cardiovasculaires, notamment dans l’induction d’angines de poitrines et d’infarctus du myocarde, est reconnu de longue date sur le plan scientifique par les spécialistes la prévention », mentionne ainsi le docteur Claude Lesné, médecin et spécialiste de la toxicité des produits aériens, dans une note qu’il a rédigé le 4 avril 2014 et inititulée Intoxication au sulfure d’hydrogène et infarctus du myocarde : une relation connue, observée et publiée depuis 60 ans. Le spécialiste suit l’affaire de près, et a rédigé un rapport qui sera remis au juge d’instruction le 25 avril, jour où la famille Morfoisse, qui a déposé plainte contre X pour homicide volontaire en 2010, sera une nouvelle fois convoquée devant le juge, à Paris (voir l’encadré « une longue attente judiciaire »).
« L’infarctus, complication des intoxications au sulfure d’hydrogène »
Claude Lesné, dans sa note synthétisant son rapport, affirme que « Le sulfure d’hydrogène bloque l’utilisation de l’oxygène dans les cellules de l’organisme, et déclenche de façon privillégiée des lésions dans les tissus à forte demande en oxygène, comme le muscle cardiaque ». Par ailleurs, « six infarctus du myocarde, consécutifs à des intoxications au sulfure d’hydrogène, ont été publiés dans les revues scientifiques de 1954 à 2004, dont deux se sont terminées par un décès », note-il. Une thèse d’autant plus plausible, selon le docteur, que l’autopsie pratiquée a montré des défauts d’oxygénation du myocarde, antérieurs, et que donc le danger de mort, à des degrés plus faibles d’exposition au sulfure d’hydrogène, est plus élevé pour des personnes comme Thierry Morfoisse que pour des personnes ayant une oxygénation jugée « normale ». « La justice affirme que l’infarctus du myocarde n’a rien à voir avec les algues vertes, alors que l’infarctus du myocarde est une complication des intoxications au sulfure d’hydrogène, connue et reconnue des spécialistes de médecine du travail, observée et publiée depuis 60 ans dans le « Lancet », la plus prestigieuse des revues médicales de référence », défend aussi le docteur Claude Lesné.
Le comité de soutien à la famille Morfoisse souhaite qu’ « une solution judiciaire enfin juste soit trouvée dans cette affaire dramatique ». « La famille Morfoisse est convoquée au Tribunal de Grande Instance de Paris le 25 avril prochain. C’est, pour elle, la première entrevue avec un juge d’instruction du Pôle Santé de Paris, depuis près de vingt mois d’attente et de doutes », précise Gilles Willems pour le Comité de Soutien et l’association Sauvegarde du Penthièvre. Tous espèrent maintenant que la plainte déposée ne sera pas rejetée.
Une longue attente judiciaire
Le rappel des faits :
22 juillet 2009 : Décès de Thierry Morfoisse d’un infarctus du myocarde, après avoir passé l’après-midi à charger et décharger des algues vertes en putréfaction provenant des plages de Binic (22).
28 juillet 2009 : Un cheval meurt sur la plage de Saint-Michel-En-Grève (22), enlisé dans une vasière à proximité d’algues vertes en décomposition
7 septembre 2009 : Ouverture d’une enquête préliminaire concernant la mort de Thierry Morfoisse
25 septembre 2009 : La famille rencontre pour la première fois le procureur, qui explique que les analyses toxicologiques montrent qu’il y a bien de l’hydrogène sulfuré dans le sang de Thierry Morfoisse. Mais que l’échantillon sanguin n’ayant pas été conservé dans de bonnes conditions, rien de permet d’affirmé que le H2S provient bien des algues vertes.
5 novembre 2009 : Les conclusions de l’autopsie sont révélées. Le procureur conlut que Thierry Morfoisse est mort d’un infarctus du myocarde « récidivant », et qu’il ne peut être établi de lien entre les algues vertes et son décès, la victime étant « un gros fumeur » et ayant des artères bouchées. L’affaire est « close » en « l’ absence d’infraction »
6 décembre 2009 : Création du comité de soutien à la famille de Thierry Morfoisse, animé par l’association Sauvegarde du Penthièvre, présidée par André Ollivro. Il est financé principalement par la fondation pour une Terre Humaine. Le comité comprend les structures suivantes : ACEQV, Collectif Cadre de l’Hurel, U.S Solidaires, Côtes-d’Armor Nature Environnement, Sous le vent les pieds sur terre, BDZE, AE2D, Sauvegarde du Trégor, AE2D, Sauvegarde du Trégor, Sauvegarde du Penthièvre, Fondation Terre Humaine.
25 février 2010 : Le procureur communique les résultats d’analyse à la famille Morfoisse, qui les communique au comité de soutien. Il est mentionné dans les résultats un taux d’hydrogène sulfuré de « 1,4mg/l de sang qui indique une exposition massive à l’hydrogène sulfuré, pour autant on ne peut totalement écarter une formation post-mortem d’H2S dans le cas où les prélèvements biologiques n’auraient pas été conservés dans les conditions optimales (moins de 20°) ». Les analyses sont confiées à Claude Lesné, qui travaillesur celles-ci avec Françoise Riou chef du Département de Santé Publique de Rennes I et André Picot expert européen, créateur et ancien Directeur de l’Unité de prévention chimique au CNRS . Leur contre-enquête ne remet pas en cause les conclusions précédentes, mais ils estiment qu’elles « sont suffisamment explicites pour que les représentants de l’Etat admettent à présent les faits et cessent de faire obstacle à la reconnaissance de ce décès en accident du travail »
22 avril 2010 : La famille dépose plainte contre X pour homicide involontaire
- 20 avril 2011 : Le dossier est transféré au Pôle Santé Parisien. Les juges d’instruction se succèdent, les expertises et contre-expertises aussi.
- 10 avril 2014 : Le Comité de soutien orga
nise une conférence et invite Claude Lesné, qui présente un rapport
qui sera présenté au juge le 25 avril, date à laquelle la famille est convoquée à Paris.