Lendemains d'élections

Une fraction croissante de nos concitoyens est proprement déboussolée et les causes en sont multiples : rapidité des changements sociétaux et perte des repères traditionnels, ampleur des bouleversements induits par la « Techno-science » et la « méga-machine », montée du chômage et des inégalités…

Tous ces phénomènes se conjuguent et les clefs d’analyse héritées du passé ne sont plus appropriées pour décoder les ressorts d’une société qui semble vouloir faire de la consommation l’ultime horizon de l’humanité. Le concept même de progrès, hier encore chargé d’espérance, se mue en porteur de menaces1 et l’on commence à prendre conscience que c’est à l’homme de s’adapter puisque tout ce qui peut techniquement être réalisé le sera quelqu’en soient les conséquences…

Ajoutons à cela que le processus de « globalisation » qui s’effectue sous l’égide de la « main du marché » semble bien donner raison à Margareth Tatcher quand elle s’efforçait d’accréditer l’idée selon laquelle , « aux lois du marché », « there is no alternative » ce qui lui avait valu le surnom de TINA…

Lors même que la sphère politique donne le sentiment d’abdiquer tous les jours un peu plus devant les « forces du marché », les appels au civisme ont peu de chance d’être entendus et face à tout ce qui apparaît comme de nouvelles fatalités, beaucoup se résignent. Certains désertent les urnes tandis que d’autres se replient dans des démarches identitaires tournant ainsi le dos au principe de fraternité sans lequel la Liberté ne peut être que celle du renard dans le poulailler.

Alors, que faire ?

Dans le contexte actuel, donner corps à la formule « penser global, agir local » promue à l’occasion du Sommet de Stockholm en 1992 nous indique peut-être la Voie. Elle nous place en tout cas face à nos responsabilités de « citoyens du monde » car ne l’oublions pas, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, l’anthropocène, et cela nécessite de nouveaux comportements….

Le changement, nous en sommes de plus en plus persuadés, ne viendra pas d’en haut…et la TRANSITION qui s’avère indispensable, tant pour préserver la planète que pour administrer avec sagesse l’humanité qu’elle héberge, a d’ailleurs déjà commencé de prendre corps à la base, c’est-à-dire dans nos villages, nos quartiers, nos communes, nos communautés de communes…

C’est là, qu’en citoyens responsables, non pas seuls, mais en agissant au sein d’associations inspirées par une « éthique du Vivant » et le sens de l’intérêt général, nous pouvons peser sur des choix simples mais aux multiples conséquences économiques, écologiques, sociales, culturelles.

Promouvoir l’agriculture biologique et les circuits de proximité, faire de l’écologie un thème d’éducation populaire, contribuer à la mise en œuvre de COOP, de SCOP, de SIC afin de multiplier les solutions décentralisées de production des énergies renouvelables, développer les réseaux d’entraide et de mutualisation… Autant de manières de retrouver le sens du bien commun et de l’intérêt général, autant de moyens aussi de privilégier la coopération sur la compétition.

 

C’est ainsi que nos associations contribuent à contrebattre l’indifférence et la résignation, ces deux pollutions de l’esprit qui favorisent toutes les autres. C’est ainsi aussi, en redonnant du sens et de l’espérance en un monde plus fraternel que nous ferons reculer….l’abstention en particulier celle des jeunes.

 

Jean-Claude Pierre est porte-parole du réseau Cohérence et président du comité scientifique de l’Institut de Silfiac

 

1BLAMONT, Jacques. Introduction au siècle des menaces, Paris : O. Jacob, 2004 Collection:Sciences