« J’adhère pleinement à l’objectif 2 degrés car c’est le seul qui puisse permettre aux générations de la fin du siècle et au-delà, de continuer à vivre dans le bien être. Mais si on réussit à limiter de 2 degrés le réchauffement climatique, c’est déjà dramatique ». Voici le constat sans équivoque dressé par Jean Jouzel, climatologue vice-président du GIEC (Groupement Intergouvernemental d’Etudes sur le Climat, organisme international chargé d’évaluer les risques liés au réchauffement climatique). Le scientifique était présent lundi 15 juin au CAC de Concarneau, alors qu’il donnait une conférence consacrée au climat, en compagnie du président de l’association Nature et culture Jean-Claude Pierre.
Le réchauffement climatique est global
« Lorsqu’on regarde les trois décennies passées, chacune a été plus chaude que la précédente. D’une part, ce réchauffement n’est pas homogène : il est deux fois plus rapide en Arctique et moins rapide dans l’océan qu’en moyenne globale. D’autre part, il est présent partout sur la planète et cette chaleur supplémentaire se dirige directement dans la mer dont le niveau augmente de 3 mm par an, soit 3 cm par siècle » explique Jean Jouzel avant d’entrer dans les détails : « la moitié de ces 3 mm est liée à la fonte des glaciers (en particulier hors région polaire comme l’Himalaya, les Alpes, l’Alaska). Depuis quelques années, le Groenland et sa calotte glacière de 3 km d’épaisseur contribue à l’augmentation du niveau de la mer à presque 1 mm chaque année. Un autre tiers du réchauffement climatique est lié à l’augmentation globale de chaleur des océans qui se dilate. 10 à 15 % de cette augmentation du niveau de la mer est à l’extraction de l’eau souterraine qui se retrouve dans la mer. Mais elle peut monter encore beaucoup plus haut si nous ne faisons rien ».
Contenir l’impact du réchauffement
Les conséquences sont dans le rouge, si on imagine une augmentation de la température de 4 à 5 degrés : baisse de la production agricole, appauvrissement grandissant de la biodiversité, insécurité… A l’inverse, si un accord international opte pour un scénario sobre de l’ordre de 2 degré d’augmentation, (l’objectif de la conférence de Paris), on fait face à un réchauffement notable certes, mais les espèces réussiront à s’y adapter pour l’essentiel. « Le problème, explique Jean Jouzel, c’est que nous sommes trop tournés vers nous-mêmes lorsque l’on parle de réchauffement climatique : beaucoup d’espèces ont la capacité de développement inférieure à celle du changement climatique. Or c’est l’ensemble de l’équilibre vivant qui est menacé ».
L’efficacité énergétique et les énergies renouvelables : des opportunités à saisir
Pour ralentir cette augmentation des températures, et ainsi contenir le réchauffement climatique, Jean Jouzel estime que les investissements dans l’efficacité énergétique et les désinvestissements des ressources fossiles sont la priorité. Reste à saisir l’opportunité de la recherche dans le développement des énergies renouvelables : un secteur qui nécessite de la créativité, de l’innovation et qui promet la création de nombreux emplois ! « Or, aujourd’hui, 2/3 des investissements mondiaux liés à l’énergie sont consacrés aux énergies fossiles » explique-t-il. Il faut donc inverser la tendance…
« L’homme est capable de modifier l’évolution de la planète. Cela lui confère une responsabilité inédite »
De son côté, Jean-Claude Pierre, président de l’association Nature et Culture, penseur et militant écologiste depuis une quarantaine d’années, en appelle à la capacité de la société civile à coopérer : « En Allemagne, existent 900 coopératives énergétiques*. Et 25% de la consommation énergétique du pays est d’origine renouvelable. Nous entrons dans une nouvelle ère : l’anthropocène. Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’homme est capable de modifier l’évolution de la planète. Cela lui confère une responsabilité inédite ».
Si la conférence de Paris est le rendez-vous à ne pas louper pour que les gouvernements trouvent un accord visant à limiter le réchauffement climatique, la société civile a aussi les moyens d’agir : les actions quotidiennes constituent des leviers majeurs pour réduire l’augmentation inévitable de la température. Le temps presse. N’attendons pas la COP 21 pour sauver notre climat.
*A Beganne (56) l’actionnariat populaire a permis l’installation de 4 éoliennes de 2 MW chacune. L’énergie produite est redistribuée à 8000 foyers et représente une production annuelle estimée à 20 400 MW heure. Découvrez ou redécouvrez nos articles publiés sur ce sujet:
Participez à la prochaine conférence de Jean Jouzel jeudi 18 juin au centre des Congrès et des Expositions de Saint-Brieuc ! .
Qu’est ce que la COP21 ?
Du 30 novembre au 11 décembre 2015, « la France va accueillir et présider la vingt-et-unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 COP21, aussi appelée « Paris 2015 ». Son objectif ? Aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C.