Je ne pouvais rêver mieux pour amorcer mon exploration d’initiatives citoyennes!
Contrairement aux officiels qui débattent dans leur tour de verre, la Cumbre de los Pueblos aime le plein air; Elle a pris ses quartiers au sein du parc des expositions, superbe lieu initialement crée pour accueillir l’exposition universelle de 1872. Dans une ambiance bon-enfant festivalière mais pas moins chargée de matière grise, s’enchainent 4 jours durant conférences-débats autour du partage d’expériences positives, concerts de musique trad’ engagée et présentation des trésors naturels, parfois comestibles dont recèle tout le continent!
Les femmes à l’honneur au contre-sommet
Rituel à la Pacha Mama
Rappelons que les bouleversements climatiques impactent en 1er lieu les pays du Sud et les populations paysannes. Et que la COP 20 a pour but de préparer l’élaboration du 1er accord mondial engageant pays industrialisés et pays en développement dans une action commune contre le réchauffement climatique.
Groupements citoyens en tous genres, leaders, représentants des communautés andines et amazoniennes, confédérations paysannes, syndicats des travailleurs miniers, ONG environnementales… Une foisonnante diversité de mouvements sociaux est venue des 4 coins du monde pour faire entendre sa voix dans un seul et même élan de fraternité. Pendant que les “grands patrons” de la gouvernance mondiale planchent sur la rédaction d’un brouillon d’accord non contraignant qui devra être signé à Paris en décembre 2015 (la très attendue COP21), la société civile s’active pour présenter des formes de développement qui respectent les limites et capacités régénératrices de la Terre Mère.
Confédération Paysanne du Pérou
Syndicat de travailleurs miniers
Association Régionale des Peuples de la Selva Centrale
L’urgence d’agir sur les causes structurelles du changement climatique en reconsidérant les modèles de production et de développement était au centre de toutes les discussions menées par des groupes de travail participatifs.
Non, la société civile n’en est pas à sa 1ère tentative de faire pression sur les décideurs pour construire un projet politique universel basé sur la justice environnementale, la reconnaissance de la dette écologique, la lutte contre la marchandisation de la nature et des fonctions vitales de l’homme (avec en tête, l’eau et l’alimentation).
Oui, le palpitant et génant sujet des gaz à effet de serre a déjà été retourné dans tous les sens ces dernières décennies (voir encadré ci-dessous) … Seulement, rien ne nous dit que 8 États d’Amérique Latine (Colombie, Costa Rica, Équateur, Pérou, Argentine, Chili, Guatemala et Mexique) se seraient engagés à replanter 20 millions d’hectares de forêts et de terres agricoles dégradées – afin de recréer des puits de carbone naturels et ainsi lutter contre le réchauffement – lors de la conférence s’il n’y avait pas eu un brin de mobilisation citoyenne pour encourager le processus à voir le jour.
Oui sur certains points, il y a des avancées mais que faire à notre échelle quand les grandes lignes étatiques ne vont pas dans le sens du peuple, ce qui est quand même souvent le cas?
Quels leviers d’action pour le peuple quand la gouvernance n’est pas établie par et pour lui?
Les mouvements sociaux se sont forcément métamorphosés en traversant les époques: de la révolte spontanée (d’esclaves ou d’ouvriers) au processus d’institutionnalisation qu’on connait aujourd’hui, on ne peut nier l’intérêt de voir les organisations de la société civile intervenir sur la scène des négociations internationales.
Mais quel est l’impact réel des mouvements sociaux sur les décisions politiques? Ne sont-ils qu’un pion de plus sur l’échiquier dans le jeu des négociations? Leur accorde-t-on une place pour mieux les contrôler? Je m’interroge…
Et si le vrai contre-pouvoir, ce n’était plus de chercher à le faire tomber mais de construire en parallèle,au quotidien, conformément à ses convictions?
Sur les points non négociables- et il y en a!-, l’acte de désobéissance civile me semble la réponse la plus pertinente.
La Boétie avait 18 ans quand il a rédigé en 1549 son “Discours de la servitude volontaire”: “Dès l’instant qu’un peuple cesse de coopérer, l’État perd son pouvoir”.
Les mêmes notions de résistance à une autorité ou une loi illégitime seront reprises 300 ans plus tard par David Henry Thoreau dans son essai “Résistance au gouvernement civil”(renommé par la suite “la désobéissance civile”) qui inspirera notamment Gandhi et Luther King dans leur lutte pour la défense des droits civiques. Thoreau est également considéré comme un pionnier de l’écologie: il a publié en 1843 “Le Paradis à (re)conquérir” dans lequel il passe en revue les sources d’énergie possibles et renouvelables (provenant des vagues, du soleil ou du vent…).
Les solutions existent mais l’autorité établie rechigne à les mettre en oeuvre, alors que faire?
Que faire quand ce n’est pas une loi qui entrave notre bien-être mais plutôt l’absence de régulation et l’abandon de poste de nos gouvernants pris dans l’engrenage de la toute-puissante loi du marché?
Dans “Change The World Without Taking Power” (paru en anglais en 2002), le sociologue John Holloway a mis en évidence que chacun pouvait changer le monde par des actes de résistance ancrés dans le quotidien. Il appelle ça le pouvoir-action.
Cette mission incomberait aux personnes qui veulent
s’impliquer à localement pendant que les organisations de la société civile exercent leur mission de plaidoyer dans la sphère des relations internationales, dans ce village planétaire où le pouvoir consiste désormais “en la capacité à diffuser et faire adhérer à des idées” (“Contre-pouvoirs, de la société d’autorité à la démocratie d’influence”, Ludovic François et François-Bernard Huyghe, 2009).
Ce qui m’intéresse dans cette double réalité, ce sont les gens qui n’attendent pas qu’on leur dise quoi faire, qui n’attendront jamais que les gouvernements se bougent pour impulser le changement qu’ils veulent voir dans leur sphère d’influence. Qui les aime les suivent…Ya voy (j’arrive)!
En ce 10 décembre 2014, au beau milieu de la grande marche des peuples pour le climat, point de convergence de 10 000 citoyens, je me fonds dans la foule et fusionne avec la folle énergie de l’émulation collective. Et je finis par chasser mes doutes et infinies questions pour me laisser porter par ces forces vives, citoyennes, qui dans leur réalité quotidienne, font émerger les VRAIES solutions!
Marche des peuples : Mouvement citoyen face au changement climatique
Mouvement des sans-terres.
Ashaninkas, peuple de l’Amazonie péruvienne
La marchepasse devant la cour de justice avec une banderole réclamant vie et souveraineté
Rassemblements politiques sur le thème du climat: 50 ans de rendez-vous ratés ou l’art de prendre des accords inopérants.
Comment est née l’idée de réunir 195 états pour parler de la pluie et du beau temps ou plutôt de leurs causes et conséquences?
– Les 1ères prévisions officielles de réchauffement planétaire dateraient de 1967. Deux scientifiques prévoyaient le doublement de la concentration de CO2 d’ici le début du 21ème siècle ainsi qu’ une élévation de la température moyenne de 2,5°.
– L’environnement devient une “priorité mondiale” lors de la Conférence de Stockholm en 1972 (1ère rencontre entre les dirigeants mondiaux, connue sous le nom de Sommet de la Terre et qui aura ensuite lieu tous les 10 ans). Les États y dressent le 1er plan d’action- simplement déclaratoire- de l’histoire en matière d’environnement. L’année 72 marque donc le début des politiques publiques concernant le développement durable et l’énergie.
– 20 ans plus tard, la Conférence de Rio donne lieu au 1er texte international relatif au changement climatique, la Convention sur le climat. Elle contient l’Agenda 21, un programme d’actions sous formes de recommandations. Cette conférence conduit également à la création d’un rendez-vous annuel, la Conférence des Parties à la Convention sur le Climat (COP en anglais).
– Le Protocole de Kyoto en 97 (qui entre en vigueur seulement 8 ans plus tard) marque une étape: Il fixe des objectifs avec délais pour que les États réduisent leurs émission de gaz à effets de serre. S’il s’agit du seul traité juridiquement contraignant à ce jour, dans les faits, l’accord est trop flou pour avoir le moindre effet légal. Le protocole n’a toujours pas été ratifié par les USA faute d’acceptation par le sénat républicain. Et la Chine en tant que pays en développement ne s’est pas vu imposer d’objectifs chiffrés.
– En décembre 2009, durant la Conférence de Copenhague (COP n°15), de nombreux blocages politiques enrayent la dynamique des négociations climatiques. Kyoto avait fixé des objectifs jusqu’en 2020, Copenhague devait prévoir la suite…Pays développés et en voie de développement se renvoient la responsabilité…et on aboutit à un accord à minima non contraignant visant à réduire de moitié les GES en 2050 par rapport à 1990.Il s’agit donc d’un nouvel échec même si l’on peut saluer la mise en place du fonds vert, un instrument financier destiné à dégager 100 milliards d’euros par an à partir de 2020 pour financer l’adaptation des pays en développement aux conséquences du changement climatique.
– Les Accords de Durban en 2011 visent l’adoption d’un accord universel en 2015 (nouveau délai de 4 ans!). Est alors lancé un processus de travail ayant pour objectif de définir un nouveau protocole ayant force de loi dont l’adoption en 2015 devrait en permettre la mise en œuvre dès 2020.
– COP n°19 à Varsovie en 2013: Le processus onusien imposant l’unanimité des 196 parties pour l’adoption d’un accord, les membres de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques issue de la Conférence de Rio) retiennent une approche dite « bottom-up » (du bas vers le haut), permettant de fixer un niveau d’ambition minimal en laissant les pays quantifier eux-mêmes leurs objectifs nationaux. Les pays pauvres et émergents vont disposer d’un délai pour atteindre leur pic d’émission avant de les réduire eux-aussi. C’est le cas de la Chine, qui prévoit d’atteindre son pic d’émission entre 2020 et 2025!
– En 2012, le Sommet de la Terre dit « Rio + 20 » permet de dresser le constat suivant: Sur 90 objectifs dits prioritaires en 1992, seulement 4 ont connu des progrès significatifs. En outre, l’objectif de réduction des émissions de gaz carbonique n’a pas connu de progrès et ceux-ci devraient doubler d’ici 2050.
– La prolongation du protocole de Kyoto a été actée lors de la Conférence de Doha en décembre 2012. Le Japon, la Russie et le Canada ont refusé de poursuivre leurs efforts de réduction dans un cadre ne s’appliquant pas à la Chine et aux États-Unis.
– La COP 20 de Lima (2014) se contente de mettre au 1er plan la nécessité d’efforts supplémentaires pour parvenir aux objectifs de maintien d
Manque de volonté politique et mutation de la “carte des polleurs” En 1997, les pays en développement, non concernés par le protocole, comptaient pour moins d’un quart des émissions de CO2. Aujourd’hui, ils sont à l’origine de plus de la moitié de ces rejets, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud faisant la course en tête. Si ces pays ont admis qu’ils devaient s’engager, ils refusent néanmoins de fournir plus d’efforts que les Etats-Unis. Les Etats-Unis, plus gros pollueur au monde, ont toujours refusé de signer des objectifs de réduction chiffrés et de montrer l’exemple. Et Barack Obama, qui a les mains liées par une chambre des représentants à majorité républicaine, ne se montre pas plus entreprenant sur ce dossier. « On assiste à un retour des intérêts nationaux court-termistes, exacerbés par la crise économique des pays développés et le besoin de financement des pays en développement »( source: Réseau Action Climat).
Le 12 novembre 2014, les USA et la Chine (les 2 plus gros émetteurs de CO2 dans le monde), affichent la volonté d’un accord contenant des objectifs mais se gardent encore une fois de signer quoi que ce soit de contraignant…Xi Jinping a simplement annoncé qu’il stabiliserait les émissions chinoises à partir de 2030…
Grosse pression pour la cop 21! La 21è Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques qui se déroulera au Bourget entre le 30 novembre et le 11 décembre prochains est censée aboutir à un texte contraignant applicable à compter de 2020.
Les débats tourneront autour des objectifs suivants: Maintenir le dérèglement climatique en deçà de 2°C d’ici la fin du siècle. Or le 5è rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) indique que si les émissions se poursuivent au rythme actuel, la hausse des températures sera plutôt de 4,8°C! L’autre mission du sommet sera de recueillir les promesses de dons pour remplir les caisses du fonds vert…
Les nouveaux amis du climat! “Tout va bien”, dixit le patron d’Engie (ex GDF-Suez), un des nombreux sponsors privés de la COP21, qui prédit que la conférence sera un succès!
Tout va bien, vraiment? Notons quand même que seuls 4 % de la production d’énergie du groupe sont issus de sources renouvelables. Le reste provient du gaz, du charbon – qui émet 30 % de plus de CO2 que le gaz naturel –, du nucléaire et des grands barrages, érigés notamment en Amazonie brésilienne avec des impacts sociaux et environnementaux délirants!
“SOMOS UN RIO, NO SOLO GOTAS” Nous sommes une rivière, pas seulement des gouttes d’eau…
Pour de multiples raisons*, je m’en vais donc miser sur le beau qui se construit et se protège vraiment et MAINTENANT!
*parce que je ne compte pas trop sur les rassemblements politiques et leurs répétitifs effets d’annonce inopérants, ni sur toute autre amélioration prochaine pleinement consentie par les détenteurs du pouvoir, parce que j’ai plutôt l’impression qu’ils cesseront d’agir comme les rois du monde quand ils n’auront plus le choix, quand par la force des choses, ils devront se soumettre aux irrépressibles lois de la nature, parce que je ne veux pas finir blasée, tout simplement! |