Pensez-vous que le mouvement citoyen engagé contre le TAFTA en Europe a du poids face à la machine lobbyiste ?
Lee Williams : “Oui, le mouvement citoyen a forcément un impact sur la machine corporatiste et lobbyiste, il s’agit de lutter aussi bien contre les lobbyistes Américains qu’Européens.
Coté Européen, la finalité du TAFTA sera votée par le Parlement et le Conseil des Ministres. Ce sont eux qui auront le dernier mot. Etant donné qu’ils ont été élus démocratiquement, – contrairement aux membres de la Commission Européenne qui négocient les accords – une forte pression des citoyens peut tout à fait influencer leur décision. Voilà pourquoi il est essentiel que nous en parlions autour de nous, à la maison, au bureau, dans les milieux associatifs et que nous continuions à exercer une pression sur nos politiciens et députés.”
Beaucoup de citoyens ignorent encore l’existence de ce traité, or, à cette étape des négociations (en 2013, la Commission Européenne a obtenu le mandat de la part de tous les Etats membres de négocier le TAFTA avec les Etats-Unis ndlr) peut-on envisager un sursaut des consciences, ou est-ce déjà trop tard?
“Il n’est absolument pas trop tard. Les négociations ne pourront pas être effectives avant 2017, voire peut-être même 2019 selon certaines. Cela nous laisse suffisamment de temps pour inverser la situation, informer les citoyens et enfin stopper le processus de négociations.”
Lire aussi:
L’article de Lee Williams consacré au TAFTA; http://www.independent.co.uk/voices/comment/what-is-ttip-and-six-reasons-why-the-answer-should-scare-you-9779688.html
Plus d’infos :
Le collectif STOP TAFTA : https://stoptafta.wordpress.com/
Rapports de la Commission Europeenne:
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/september/tradoc_151787.pdf
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/march/tradoc_150737.pdf
Ici, une coalition en faveur du TAFTA que l’on retrouve facilement outre-Atlantique :
http://www.transatlantictrade.org/
L’essentiel du TAFTA:
Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement PTCI (ou TTIP en anglais), également connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique (TAFTA en anglais) doit théoriquement créer une gigantesque zone de libre échange entre l’Europe et les États-Unis, ce qui représenterait un marché de 820 millions de consommateurs sur 14 millions de km2. Souvent appelé le grand marché transatlantique, ce territoire représente 45.5% du PIB mondial et le tiers des échanges commerciaux. Si ce projet aboutit, il constituera la plus grande zone de libre échange de l’histoire.
Comment ca marche?
Pour instituer cette zone de libre-échange, le traité devra “réduire les formalités administratives coûteuses et coordonner les règlementations techniques pour les rendre plus efficaces”. En clair, il s’agit de supprimer les droits de douane (qui aujourd’hui ne représentent que 2 à 5% pour la majorité des secteurs), et les dispositifs de protectionnismes nationaux (barrières non-tarifaires, démarches administratives lors de l’importation et l’exportation de produits, appellations d’origines contrôlées…).
Le traité vise aussi à converger vers des normes communes afin de faciliter la libre circulation (normes sanitaires, agricoles, pharmaceutiques, environnementales, ou encore libéralisation du service public, de l’éducation, de la santé…) Soit l’uniformisation de normes qui pourraient autoriser les OGM, l’exploitation du gaz de schiste, du poulet chloré ou du boeuf aux hormones… Cet axe représenterait 80% des bénéfices économiques du traité.
Quels résultats?
Il est très difficile d’obtenir des données chiffrées sur le réel impact économique du traité. Même la Commission Européenne se montre prudente. Sur les quatre études engagées, seule l’étude conduite par Bertelsmann/IFO (2013) estime que 2 millions d’emplois seraient créés au sein de l’Union Européenne. Mais il suffit de regarder du coté des traités de libre-échange précédemment signés (par exemple le NAFTA, traité de libre-échange entre les Etats-Unis et le Mexique) pour mesurer leur impact négatif sur l’économie. Quant à l’impact environnemental d’une telle levée de normes? Il constitue une menace pour la transition énergétique, et représente l’anti-thèse d’une consommation locale responsable et d’une économie sociale et solidaire.
Libéralisation sous couvert des arbitrages privés
Enfin, ce traité pourrait instaurer une “obligation de neutralité économique” au nom de la concurrence libre et non faussée. Cela signifie que des services privés pourraient demander les mêmes subventions que des services publics. En cas de litiges, il reviendrait aux tribunaux d’arbitrages privés (ISDS) de trancher, plutôt que la justice d’Etat, et ce toujours dans une logique de simplification des démarches.
Autre chose: les détracteurs du projet estiment qu’il ne s’agit pas de négociations entre l’Europe et les Etats-Unis mais de huis-clos entre les multinationales et les lobbyistes. Une crainte née de la tenu
e de réunions préparatoires aux négociations où étaient conviées les “parties prenantes” : sur 130 de ces réunions, 119 d’entre elles se sont soldées par des rencontres avec des entreprises et/ou lobbys industriels. Soit 11 réunions avec des représentants de la société civile incluant ONG et syndicats.
Procédures de validation
En Europe, si le Parlement Européen valide le traité, il devra encore être examiné par chacun des 28 Etats membres sous forme de vote au Parlement. Aux Etats-Unis, la décision revient au Congrès.
Sources :
https://enjeuxenergies.wordpress.com/2015/07/22/comprendre-le-tafta-en-8-etapes-information-france-culture/