Tout d’un coup, ils ont délaissé leurs maisons, leur confort, leurs écrans, leurs histoires personnelles. Là, dans la rue, ils ont regardé droit dans les yeux, l’image pourtant terrifiante de ces trois assassins qui tuent aussi facilement que dans les jeux vidéo. Ils ont dit à tous leurs commanditaires que plus personne ne leur imposera ce que leurs parents ont gagné pour eux. Les temps de la soumission à un ordre arbitraire et violent sont abolis. En battant le pavé, ils ont dit par leurs pieds qu’ils étaient la liberté d’expression, c’est à dire la liberté originelle, parce que c’est par elle que commencent toutes les autres. Ils ont dit que leur société était laïque, donc qu’elle faisait vivre ensemble toutes les religions et toutes les croyances. Ils ont dit que c’est ni le sexe, ni l’âge, ni la
couleur de la peau, ni la confession qui font le citoyen. Etre citoyen, c’est porter la République tout entière, avec cette volonté de vivre ensemble en s’enrichissant de la singularité de l’autre.
Elles et ils n’étaient pas seuls. A côté d’elles et eux, leurs voisins les plus proches les ont accompagnés pour porter le même message, les mêmes valeurs, la même détermination. Des citoyens africains, américains, asiatiques, à Paris et aux quatre coins de la planète, ont voulu aussi participer à cet événement. Jamais manifestation ne fut si européenne. Et de cette Europe enfin dépouillée de ses oripeaux de père Fouettard de l’austérité, s’est répandue aux quatre coins de la Terre cette leçon d’humanisme, tant dévoyé jusqu’à présent. Et, étaient là pour l’entendre en ce jour de janvier 2014, chefs d’Etat et de gouvernement de plusieurs dizaines de pays. Ne soyons pas dupes. Demain, combien d’entre eux sauront en tirer profit au bénéfice de leurs concitoyennes et concitoyens ? Qu’ils se méfient toutefois. Car, si dans l’histoire, les peuples n’ont pas toujours été sages, en ce 11 janvier 2014, ils ont su pourtant leur donner une grande leçon de sagesse qu’ils auront à coeur de leur rappeler, s’il le faut.