Immersion dans les andes et rencontre avec une communauté native qui a su donner un second souffle à ses alliés sacrés.

Marcos le yachar, sage de la communauté.

 

Au Pérou, il existe au moins 57 groupes indigènes, ce qui représente plus de 9 millions de personnes. Les « Pueblos Originarios » tels que les Quechua et les Aymara des Andes partagent une cosmogonie riche et unique très éloignée de la vision occidentale contemporaine du monde.

Une cosmologie qui invite à se pencher pour embrasser la terre…

C’est mon intérêt pour les pratiques traditionnelles de guérison qui m’a fait venir jusqu’à lui. Ce séjour aux côtés de Marcos démarre très fort puisque nous allons d’emblée participer à un rituel ancestral célébrant les liens de l’homme avec la Terre.

Arrivés au bord d’une superbe lagune, nous déchargeons nos emplettes rapportées de la ville : sacs remplis à craquer de feuilles de coca, alcool et cigarettes, fruits, bouquets de fleurs, bougies, parfum…le complet nécessaire pour accomplir une cérémonie de remerciement à la Pacha Mama. La préparation est minutieuse: Pour commencer, nous plaçons chaque élément par pair sur une étoffe posée au centre de notre cercle. Marcos prononce à mi-voix une série d’incantations, de paroles magiques en quechua pour entrer en contact avec la terre. Il parle avec elle, lui présente les nouveaux arrivants, lui exprime sa gratitude et sa plus haute considération. Dans un silence religieux, nous faisons passer une cigarette autour du cercle et tour à tour, chacun souffle un peu de fumée sur les offrandes (le tabac est présent dans quasiment tous les rituels, il permet de chasser les mauvais esprits). Une bouteille de vin ainsi qu’un petit verre font leur entrée dans le cercle. Un à un, nous voyons le verre arriver dans nos mains, chacun boit une légère gorgée et projette le reste sur le sol (oui mais non, on n’est pas là pour picoler et puis il est14h!). Ça ne m’était jamais arrivé de littéralement trinquer avec la terre! La brise fraiche souffle à mon oreille: «tu es parfaitement à ta place. Tu fais partie du tout» et je me sens recouverte d’une force indéfinissable. En regardant autour de moi je m’aperçois qu’effectivement tout est à sa place, qu’une complète harmonie règne sur l’endroit. Marcos et Silvestre son assistant me convient à les suivre au bord de l’eau. Ils emportent avec soin le tissu refermé sur les offrandes puis déplacent quelques branches séchées, laissant apparaitre une cavité dans laquelle sont enfouis les restes d’une ancienne cérémonie. Le sac est déposé dans la «bouche de la terre» que les deux hommes recouvrent des mêmes branchages avant de s’éloigner. Ainsi se termine le rituel. Existe-t-il une métaphore plus belle pour illustrer l’intimité du lien que l’être humain est capable d’entretenir avec la terre?

 

Les rituels pour le maintien de l’harmonie entre tous.

Je découvre de l’intérieur une culture millénaire basée sur le respect de la relation sacrée qui règne entre la terre, la culture, la nourriture et la santé. La cosmovision andine est fondée sur la recherche de l’harmonie entre les éléments de la communauté comprise dans son sens large: Cela inclut la nature, les hommes et le sacré (par exemple les dieux des montagnes). Ces trois sphères, rassemblées sous le nom de «Ayllu» dépendent les unes de autres et doivent donc veiller à leur bien-être mutuel. Ce soin de la vie repose sur «l’Ayni» qu’on peut traduire par principe de réciprocité. Ainsi les andins dans leurs célébrations rituelles rendent honneur aux montagnes, à l’eau, aux plantes… Les uns se mettent au service des autres et vice et versa ce qui permet aux trois communautés d´atteindre l´équilibre et l´harmonie au sein de la terre sacrée connue sous le nom de «Pacha Mama».

Les rituels ont pour finalité de remercier les divinités pour les fruits obtenus grâce à l’agriculture. Cultiver son lopin de terre, c´est contribuer à enrichir et régénérer la Pacha locale. C´est un espace privilégié d´interaction entre les êtres vivants qui conversent, s’aident et développent une attention mutuelle.

Pour les communautés andines, le temps est circulaire. Il est directement relié aux rythmes et cycles de la lune, du soleil, du climat, de l’agriculture. De ce fait, les «crianzas» (dons, soins à la vie), rites et festivités suivent le rythme des cycles saisonniers.

 

 

Perdre la notion du temps, et vivre au rythme des éléments.

Les journées s’écoulent paisiblement à Quispillacta et se ressemblent assez.

Réveillée à 5h30 par le large sourire de Silvestre qui vient prendre des nouvelles, mon air zombifié en réponse lui glisse un imperceptible “j’aurais bien dormi plus longtemps”…Traversée du village pour rejoindre la maison de Marcos et le suivre dans ses activités : Semis de patates -2 des 4000 variétés que compte le pays dont le tubercule est originaire- . Préparation et utilisation d’explosif artisanal pour casser des pierres et monter des murets afin de séparer les parcelles (ha, l’inoubliable air mutin de Marcos à chaque retentissement!). Et bien sûr les innombrables virées sur le versant des montagnes où le yachar me montre les espèces végétales qu’il utilise à des fins médicinales.

Selon la perspective andine, tout est animé de force spirituelle, toutes les espèces ont des esprits tutélaires avec lesquelles la société humaine est reliée en permanence. On accorde beaucoup d’importance aux éléments naturels pour expliquer l’origine de certains maux. De nombreuses plantes soignent contre le très répandu «mal aere» (mauvais vent), un courant énergétique produisant un déséquilibre et donc un mal-être chez celui qui l’attrape. Souvent, les remèdes sont simples à préparer mais Marcos est rigoureux sur l’indication de la posologie (par exemple à quelle fréquence prendre telle infusion) appropriée et une même plante peut soigner plusieurs maladies. Il insiste beaucoup sur l’alimentation et la papa – pomme de terre- tient une place de choix dans ses prescriptions! Mon esprit d’occidentale note que la foi de l’individu affectée conditionne l’efficacité des traitements et le lâcher-prise aidant, je me surprends à ressentir un réel soulagement après que Marcos m’ait simplement soumis à une petite séance de purification en m’aspergeant d’eau de fleurs tout en récitant ses incantations. Le pouvoir de la «crianza», l’attention, le soin porté au vivant. L’intime liaison corps/esprit que les progrès de la médecine conventionnelle nous ont fait oublier mais qui ressurgit dans nos sociétés à l’heure où notre psyché est plus que jamais trouble, déboussolée…

Au cours de ce séjour, je passe beaucoup de temps avec la douce Ilda et son fils Jon, super berger et karatéka autodidacte de surcroit. Je les accompagne quand ils amènent les bêtes en pâture et nous marchons plus de 3 h
eures pour arriver au petit champ où broutent paisiblement les quatre
vaches de la famille. Ilda entame alors sans empressement sa ritournelle quotidienne car elle connait par cœur le moindre geste à effectuer: traire les vaches, laisser reposer le lait 1 heure à peine, puis préparer le fromage pendant que Jon s’en va gambader sur des pentes abruptes avec le troupeau de chèvres. Il est dur à suivre le petit, je m’agrippe aux eucalyptus pour ne pas glisser! Nous rentrons juste avant la tombée de la nuit parce que souvent pour ne pas dire tous les jours,c’est le moment que choisit l’orage pour éclater. S’en suit l´averse qui tourne au déluge et pendant que le tonnerre gronde, nous mangeons papas y queso (le quotidien repas patate-fromage) à la lumière du feu qui flambe et fait office de four. L’orage tonne encore quand j´entre dans mon lit, chargée de la bonne fatigue que ressentent les gens passant leurs journée dehors. «Nous on vit d’air pur!», aere puro comme dit Ilda,

Une vie simple, d’une lenteur infinie. Les éléments sont trop présents, imprévisibles et puissants pour qu’on néglige l’ordre naturel.

Une vie de labeur aussi: Joues tannées par un soleil de plomb, pieds qui vivent mal les écarts de température et craquèlent sous les sandales en pneu, corps abimés par la rigueur des tâches du quotidien. Des vies rugueuses auxquelles viennent se greffer les atteintes du monde extérieur.

Yon

 

 

Préparation du fromage

 

 

Celles qui aux fourneaux font le lien entre la nature et l’homme

 

 

Berger

 

 

Un monde rural fragilisé.

Jusque dans les années 80, les paysans vivant dans la sierra d’Ayacucho ont été particulièrement touchés par des vagues de violence politique. Comme c’est souvent le cas, les civils se sont retrouvés pris au piège d’une guerre opposant l’armée péruvienne au sentier lumineux – mouvement maoïste fondé dans la région et qualifié d’organisation terroriste par la communauté internationale – Beaucoup de paysans furent chassés de leurs terres et les guérisseurs, accusés de sorcellerie, furent persécutés.

À la même époque, le monde agricole connut l’apogée de la révolution verte jusque dans les villages les plus reculés. Impuissants, les petits producteurs ont alors assisté à la destruction de leurs parcelles familiales, c’est-à-dire de leurs seuls moyens d’existence.

Parallèlement, le changement climatique a contribué à la dégradation des conditions de vie des populations paysannes. Il suffit de mentionner que le dernier glacier de la région a disparu en 2005.

ABA, un projet de développement global crée par et pour les membres des communautés de Quispillacta.

L’association ABA nait officiellement en 1991. Parmi les 5 membres d’une fratrie originaire de Quispillacta, 2 d’entre eux, Magdalena et Marcella ont eu l’opportunité d’étudier l’agronomie. Elles se retrouvent vite en désaccord avec cet enseignement qui prône une agriculture mécanisée détruisant leurs traditions, et plus particulièrement la relation affective avec la semence et tous les éléments vivants reliés à la terre. Les 2 sœurs en arrivent au constat suivant: Envisager l’agriculture sans culture provoque la détérioration d’un processus qui a plus de 10000 ans. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les thèses de fin d’étude de Magdalena et Marcella ne plaisent pas à leurs professeurs.

Le contexte de violence politique et la modernisation agricole des années 60 pousse la fratrie à booster le potentiel de sa communauté. L’association ABA décide de relever le défi de la lutte contre l’abandon des terres. Elle se fixe pour objectif de récupérer les chacras («fermes» en espagnol) familiales de Quispillacta. Et décide bientôt de concentrer son travail sur les problèmes de désertification dûs au manque d’eau.

Renforcement des ressources naturelles…

L’équipe d’ABA est confrontée à un phénomène d’homogénéisation qui a peu à peu marginalisé les communautés paysannes et notamment leur langue, le quechua; La cosmovision d’un peuple étant directement visée, il s’agit pour l’association de la réintroduire au centre des programmes qui vont progressivement être mis en place.

ABA a tenu à monter un projet transversal et participatif. Tous les habitants de la communauté ont donc été impliqués dans les 2 principaux axes de travail que sont la lutte contre la sécheresse et la récupération de la biodiversité.

La construction de canaux d’irrigation et de lagunes artificielles a permis d’augmenter la disponibilité en eau dans le sol et d’obtenir une récupération rapide de la couverture végétale. À ce jour, 71 lagunes ont été formées et 19 nouvelles sont en cours d’élaboration. Ces lagunes ont pour fonction de remplacer les glaciers. Ce programme d’Aba est nommé «siembra y cosecha del agua» (semis et récolte de l’eau). Les membres de la communauté évoquent souvent la gestion de cette ressource naturelle comme on parlerait d’un enfant: «criar el agua con cariño y respecto», l’élever avec soin et tendresse.

 

Groupe d’hommes de la communauté travaillant à la construction d’une lagune.

 

 

 

et réaffirmation culturelle de la communauté.

Les violences visant la cosmovision andine ont également eu pour effet de discriminer tous les paysans et ceux parmi eux qui exerçaient la médecine traditionnelle furent accusés de sorcellerie. Les Yachars ont fait l’objet de persécution jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Avec lui, ABA va commencer à former de nouveaux guérisseurs par la voie ancestrale de la transmission orale: Marcos est l’un d’entre eux. Grâce à l’intervention d’ABA, il est parti faire de nombreuses retraites à Tarapoto dans la selva (forêt amazonienne) péruvienne, effectuant parfois des diètes de plusieurs mois.

Après plus de 20 ans d’un
travail holistique qui s’est décuplé dans de nombreuses communautés de la région, ABA constitue aujourd’hui un modèle de développement rural apparaissant comme une référence pour les politiques publiques. Cette reconnaissance s’est confirmée lors de la COP20 -conférence annuelle de l’ONU sur le climat- qui se déroulait en décembre dernier dans la capitale. ABA y a remporté le 1er prix environnemental de l’année dans la catégorie des bonnes pratiques face au changement climatique.

Un projet ambitieux et intelligent qui s’est montré capable de restaurer un écosystème conditionnant l’existence de communautés dont l’identité est basée sur les richesses de son environnement.

Cette expérience humaine me montre à quel point les éléments nature et culture sont interdépendants, s’absorbant l’un et l’autre parfois jusqu’à complete fusion. Et si la nature se suffit à elle-même, la culture andine nous rappelle combien nous ne pouvons pas nous passer d’elle.

 

La femme du sage.

 

 

 

Point sur la révolution verte.

Ses origines remontent aux années 40. À l’issue d’une conférence panaméricaine jetant les bases de la gouvernance mondiale d’après-guerre, la Fondation Rockefeller incite l’administration du Mexique à créer sur son territoire l’Office of Special Studies, un centre de recherche agronomique. Ces investigations seront encadrées par Henry Agard Wallace, ministre de l’agriculture sous la présidence Roosevelt mais également fondateur en 1926 de Pioneer Hi-bred, la plus grande firme mondiale de semences de maïs hybride à l’époque et qui pratique encore aujourd’hui son activité dans la plus parfaite hégémonie.

La fondation Rockfeller embauchera ensuite l’agronome Norman Borlaug (prix nobel en 1970 pour ses fameuses trouvailles…) afin d’approfondir les études au Mexique sur l’augmentation du rendement des semences et le croisement des espèces. Ces découvertes technologiques seront ensuite testées au début des années 60 au Pakistan, en Inde et aux Philippines et mèneront à la création d’un réseau de centres de recherches et banques de semences sur les 5 continents.

1960/90: l’apogée d’une révolution verte par les dollars qu’elle engrange.

L’énorme bond technologique réalisé en agriculture au cours de la période 60-90 va avoir entre autres effets:

– L’effondrement de la diversité génétique des espèces végétales.

Il aura pourtant fallu près de 10 000 ans à l’humanité pour accumuler une grande diversité de plantes comestibles, originaires pour la plupart des régions tropicales et subtropicales. Les migrations de population notamment ont amené des espèces dites alimentaires dans les pays du Nord qui jusqu’à ce jour continuent de dépendre des matériaux génétiques du Sud. Révolution biologique dès 1492, les conquistadores espagnols et portugais ramenèrent virus, germes et bactéries qui décimèrent les populations natives mais y introduisirent aussi riz, blé, canne à sucre, chevaux, vaches…Ils ramenèrent en Europe la pomme de terre, la cacahuète, tomate, mais, quinoa, tabac, coca et bien d’autres espèces…

En Europe et en Amérique du Nord, sous prétexte de développement urbain, plus qu’un style de vie l’agriculture va devenir une science et entrainer l’introduction de machines, engrais minéraux,produits phytosanitaires…De nouvelles variétés à haut rendement vont être mises au point grâce à la sélection variétale. Dans le but d’accroitre la productivité, les fondateurs de la révolution verte vont donc opter pour une uniformisation des espèces comestibles. Ils prétendront contrer cette érosion génétique par l’installation de banques de germo-plasma ainsi qu’une nouvelle génération de variétés crées en laboratoire. Pourtant, les 16 centres du Groupe Consultatif International d’Investigation Agricole (CGIAR) qui existent à l’heure actuelle se sont toujours concentrés sur un petit nombre d’espèces commerciales comme le blé, le riz et le maïs. Poussés par les donations et pressions commerciales, ils ont causé d’importantes altérations dans les habitudes alimentaires de nombreuses populations dans le monde.

En résumé, les anciennes régions d’approvisionnement de comestibles hautement diversifiés sont à ce jour inondées des semences génétiquement uniformisées qu’offre un marché international dominé par les consortiums agroalimentaires. La sécurité alimentaire de l’ensemble de l’humanité s’en trouve menacée.

– Les impacts sociaux, politiques et environnementaux découlant des réformes agraires.

«Les structures sociales coopératives du Tiers-Monde doivent être réduite en faveur d’une orientation agressive du marché.» Ces mots ont été prononcés par le président de l’Agriculture Development Council de la fondation Rockfeller. La population-cible des programmes de la révolution verte: les moyennes et grandes unités de production capables d’acheter des agents externes -semences modifiées- et produits chimiques allant de pair. Les conséquences ne se sont pas faites attendre: Destruction des structures agraires ↠ élimination des unités familiales de production ↠ exode rural ↠ augmentation de la faim.

Et l’Union Européenne dans tout ça? Soucieuse de booster sa productivité, elle va créer en 1961 la Politique d’Agriculture Commune (PAC). Initialement prévu pour stabiliser les prix et assurer la régulation des marchés, le dispositif va instaurer un système d’aides à l’exportation fonctionnant selon le mécanisme suivant: Incités à vendre à un prix inférieur à leurs couts de production, les bénéficiaires des subventions vont écouler leurs stocks -en Afrique par exemple- où ils vendront à perte ce qui va avoir pour effet d’écraser la concurrence. Les prix vont alors chuter, ce qui sera forcément fatale pour les petits producteurs locaux. Puis, ils vont remonter en flèche ce qui aura des répercussions sur toute la population locale.

Notons que cette pratique commerciale dite de «dumping agricole» est considérée comme de la concurrence déloyale et qu’elle est donc interdite…

Les organisations internationales accordent des crédits aux gouvernements pour développer une agro-industrie orientée sur l’expansion et exportation des productions agricoles primaires. En accord avec le modèle européen et nord-américain, les pays du Sud dépensent leurs rares ressources publiques en subvention pour de grosses firmes au détriment du soutien aux petites et moyennes unités de production. Les seules aides dont bénéficient ces derniers sont alors des paquets technologiques qui contribuent à la disparition des techniques ancestrales.

En 50 ans, la population agricole en France est passée de 20% à 2%.

Les années 90: Une seconde révolution, celle des biotechnologies.

Si l’on ne peut nier l’immense potentiel de la microbiologie pour la médecine et l’agriculture, les avancées récentes en ce domaine constituent une arme dangereuse une fois aux mains des multinationales de l’agrochimie.

L
es variétés hybrides à haut rendement obtenues par croisement d’espèces ont été éclipsées par des semences transgéniques obtenues au moyen de l’introduction du code génétique d’une espèce dans une autre.

Grâce à un savant système de brevetage, un petit nombre d’entreprises va bénéficier d’un monopole sur ces OGM et les produits chimiques dont ils dépendent. Détenant un droit exclusif de propriété, ces consortiums vont contraindre les agriculteurs à utiliser des semences «terminator» stériles et leur interdire de semer les graines de leurs propres récoltes.

Parallèlement,au début des années 2000, on assiste à la flambée des biocombustibles et les terres arables sont envahies de monoculture intensive de canne à sucre pour l’éthanol, soja et palme pour l’agrodiesel, le tout génétiquement modifié bien sûr.

Outre la détérioration des sols et les impacts sur la santé des producteurs (on peut citer le cas du glyfosate ou RoundUp, désherbant de synthèse crée par la firme Monsanto, récemment classé dans la catégorie des pesticides cancérigènes par l’OMS), cette nouvelle vague d’agriculture extensive détournant les denrées alimentaire de leur vocation 1ère creuse encore davantage le fossé existant entre ceux qui souffrent de la faim et ceux qui en font un business.

L’ agriculture “moderne” était censée nous nourrir tous alors comment se fait-il que le monde ait traversé une crise alimentaire majeure en 2008 ?

Les mexicains ont été les 1ers à descendre dans la rue pour protester contre l’explosion soudaine du prix du maïs (40% d’augmentation en quelques mois). Un an plus tard, l’inflation du prix des denrées alimentaire de base fera éclater des émeutes de la faim partout en Afrique.

Parmi le nombre incalculable de causes de cette crise également énergétique et financière: les agrocarburants, l’homogénéisation des habitudes alimentaires (la demande croissante en viande de la Chine par exemple), l’abandon des cultures vivrières, la volatilité des prix sur le marché international…

Autre phénomène qui gangrène aujourd’hui le monde rural, celui de la privation des terres arables: Chaque année, des millions d’hectares se retrouvent aux mains des spéculateurs, multinationales et capitaux étrangers investissant dans la monoculture, la construction d’aéroports …

La dynamique d’ accaparement des terres et de concentration foncière sévit désormais sur tous les continents.

Le combat pour faire reconnaitre l’évidence: la terre est un bien public et non une marchandise, ce combat est le même pour tous les petits producteurs du monde menacés dans leur organisation économique et sociale et dans leurs traditions millénaires.

Mais en fait la résistance n’est pas seulement l’affaire des sans terre, de via campesina ou de toute autre organisation paysanne, il s’agit du combat de tous pour tous et pour ce grand tout qu’on peut rassembler sous le nom de biodiversité: le combat des consommateurs qui se soucient de leur santé, et sans nécessairement être militant écologiste, celui de tous ceux qui ne peuvent tolérer la destruction de l’environnement, maison de l’humanité.