Les paradis fiscaux ne sont pas des nirvanas

Les paradis fiscaux ne sont pas des nirvanas
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1°) Quand la France contribue à sortir les paradis de l’enfer !

Le Monde  rappelle judicieusement ce qu’on appelle (appelait devrait-on dire à la lecture de cet article) un paradis fiscal et comment on « blanchit » une liste noire

http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/08/18/qu-est-ce-qu-un-paradis-fiscal_1561157_3234.html

La France a largement contribué à assainir les paradis fiscaux puisque dans la seule année 2010, pas moins de 19 lois ont été adoptées « autorisant l’approbation de l’accord relatif à l’échange de renseignement en matière fiscale ».

La particularité de ces accords, c’est que la majorité d’entre eux se sont fait par échange de lettres, c’est dire la densité des accords.

La liste des pays concernés est intéressante aussi :

Lois du  23 juillet concernant les Iles Vierges, l’Ile de Man, Guernsey, Andorre, Liechtenstein, Saint-Marin, Gibraltar, Les Iles Caïman, les Bermudes, les Iles Turques et Caïque, le Commonwealth des Bahamas, et Jersey

Lois du 13 novembre : Saint Christophe-et-Nevies, Saint Vincent-et-Grenadines, Sainte Lucie, Grenade, Antigua et Barbuda, Vanuatu et le Vénézuela.

Il convient de rajouter les lois visant à éviter la double imposition ( et parfois on rajoute dans l’intitulé de la loi du revenu et du patrimoine pour être parfaitement explicite) avec la Suisse , le Luxembourg, Barheïn, la Malaisie, Singapour, le Kenya, Malte,
la Géorgie.

Une nouvelle fournée de lois d’approbation d’accords fiscaux est en cours de  « validation » par le Parlement puisque les dossiers sont actuellement consultables sur le site de l’Assemblée Nationale. Les rapports parlementaires qui accompagnent ces
textes de loi sont explicites : ces accords ne sont pas très contraignants…..même s’ils représentent un indéniable projet par rapport au vide existant préalablement.

 

2°) En Suisse, le secret a un prix

Le Monde, toujours lui (il faut dire que pendant les mois d’été on a le temps de lire) a consacré une série d’articles à cette incroyable proposition que les Suisses font à leurs voisins

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/08/18/rubik-le-plan-des-suisses-pour-sauver-le-secret-bancaire_1560833_823448.html#ens_id=1560646

L’histoire de Rubik, le projet des banquiers helvètes pour sauver leur sacro-saint secret

Il faut dire qu’a priori, on a du mal à imaginer un banquier zurichois en agent du fisc berlinois ou en auxiliaire de Bercy, mais que ne ferait-on pas pour préserver la tranquillité de 700 milliards d’€uros « soustraits-évadés » ?

Proposer aux Etats de leur verser ce qu’auraient dû leur verser leurs ressortissants est parfaitement stupide sauf si vous pensez que les Etats en question sous-estiment l’ampleur de la « soustraction » et surtout que vous tenez par-dessus tout à préserver votre réputation de discrétion.

Manifestement cela a suffi à convaincre les Allemands, qui pragmatiques pensent qu’ « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».

10 milliards d’un coup, en cette période de disette budgétaire, cela en ferait saliver plus d’un. Imaginez ce que cela représente de coups de rabot dans les niches ! Avec ensuite une sorte de rente garantie de 1 milliard tous les ans.

Sachant que le montant des avoirs allemands évadés en Suisse est estimé à 100 ou 180 milliards d’€uros, le prix à payer n’est pas élevé même à un taux d’imposition affiché de 26%. Et les banquiers suisses osent parler d’un nirvana fiscal pour les Allemands. Tant qu’à se f… de la gueule des Allemands, ils auraient au moins pu parler de Walhalla ! parce qu’en fait ce qu’il propose n’est ni plus ni moins qu’une forme de transaction pénale et nous savons que dans la plupart des cas, ce genre de transaction profite surtout au délinquant !

3°) Les paradis sont aussi pavés de bonnes intentions

Face à cette proposition retorse des banquiers suisses, les services fiscaux
français ont une réponse vertueuse (toujours d’après Le Monde, décidément
incontournable pendant l’été)

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/08/18/la-france-refuse-de-ceder-aux-avances-de-la-suisse-sur-l-evasion-fiscale_1560811_823448.html#ens_id=1560646

La France refuse de céder aux avances de la Suisse sur l’évasion fiscale

Et pour étayer sa position vertueuse, l’administration fiscale s’appuie sur les résultats de sa cellule anti-fraude mise en place par l’anté-prédécesseur de l’actuelle ministre des finances. Avec des méthodes digne des romans policiers, ils auraient récupérer entre 1.2 et1.3 milliards d’Euros, ce qui est bien mais qui comparé aux 10 milliards plus une rente annuelle de 1 milliards fait un peu pauvre. Il faudrait singulièrement renforcer les contrôles et vérifications pour arriver à pérenniser ce résultat de 1.2/1.3 milliards.

Certes la posture est avantageuse, mais pour l’instant le seul résultat tangible risque d’être que d’un côté, des capitaux allemands resteront anonymes mais payeront 26% sur leurs revenus (ou sur une partie selon la qualité de l’anonymat suisse) alors que de l’autre, la majorité des capitaux français « évadés » resteront anonymes mais ne payeront RIEN DU TOUT. Par contre pour les malchanceux qui se feront prendre, ce sera toute la rigueur de la loi et l’honneur sera sauf : on ne badine pas avec la loi. Manifestement en France, le concept de transaction pénale à du mal à se faire un chemin.

En fin de compte, cette attitude vertueuse va surtout profiter aux « évadeurs ». Comme quoi le paradis est comme l’enfer, pavé des meilleures intentions du monde.

Mais une chose est sûre, c’est qu’en ouvrant cette boîte de Pandore, les Suisses ont
réussi un joli coup qui lézarde l’unité dans la rigueur affichée par ses voisins. Il y a un pays qui devrait se précipiter pour profiter de l’aubaine : la Grèce. En premier lieu parce que c’est quand même un des champions du monde de la dissimulation fiscale et il serait fort surprenant qu’il n’y ait pas dans les banques helvétiques plusieurs milliards de dollars  et qu’en second lieu les taxer à 26% permettraient à la Grèce de résoudre son problème principal actuel, trouver des liquidités pas chères. Je suis sûr que les marchés apprécieraient. Pour le coup les Allemands qui viennent de passer au guichet pourraient donner un petit coup de main à la Grèce pour négocier au mieux cet accord avec Berne ET Zurich.

Ah au fait ! Comment s’appelait le paradis dans la mythologie grecque ? Je ne me souviens plus si c’était l’Olympe ou les Champs-Elysées !

En fin de compte.

 

 

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Dominique Guizien