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Le feuilleton de l’été : Jean de Maillard « l’arnaque : la finance au-dessus des lois et des règles »

A partir de ces exemples tellement exotiques, on peut faire d’intéressants parallèles avec nos mœurs financiaro-politiques françaises de ces trois dernières années. Dans le domaine, nous n’avons pas trop à rougir : de ce point de vue nous sommes bien mondialisés.

Les leçons non tirées des crises successives

1. Les errements du capitalisme financier de la fin du XX° siècle ont commencé avec la crise des « savings & loans », ces caisses d’épargne mutualistes américaines dont le modèle d’équilibre financier vertueux a été mis à mal par la hausse vertigineuse des rémunérations des autres produits financiers poussant ces Caisses d’Epargne locales à se lancer dans des opérations financières de plus en plus risquées pour lesquelles elles n’avaient ni les compétences, ni les moyens financiers. Un parallèle peut être aisément fait avec ce qui s’est passé récemment en France. Premier temps, on réduit l’attractivité des livrets A en baissant de manière autoritaire les taux de rendement et en élargissant le nombre des opérateurs possibles. Le produit devient banal. Du coup, les Caisses d’Epargne, principales opérateurs sur ce produit, se retrouvent sans base et la porte est ouverte à toutes les aventures ;

Deuxième étape, on termine de banaliser les Caisses d’Epargne, banques coopératives en les fusionnant avec une autre banque, coopérative elle aussi, la Banque Populaire. Voilà, les éléments sont en place pour une crise des « savings & loans » à la française!

Que ce soit le conseiller du Président qui a conçu ce montage qui se retrouve à la tête de cet ensemble, au mépris de toutes les règles d’éthique de la haute fonction publique dont il est issu, et s’y octroie des rémunérations plantureuses n’est dès lors plus qu’une péripétie. Que les deux mariés soient de statut coopératif montre que ces gens-là manient en plus avec beaucoup de cynisme l’humour noir. 

2. L’organisation de la pénurie sur les marchés des matières premières, et notamment de l’énergie, est une des conséquences des dérégulations imposées à ces marchés dont une des manifestations patentes est la suppression de toutes les limites sur achats à terme et à découvert pour tous opérateurs professionnels, seuls les spéculateurs étant limités. Ces hausses spéculatives qui sont une des causes de la crise actuelle n’ont été possibles que parce que les autorités de régulation ont reconnu que les spéculateurs étaient des opérateurs professionnels sur ces marchés. Incidemment, constatons que 19 ans après les autorités américaines, l’Etat français a reconnu de jure cette qualité à deux des plus gros prédateurs du marché financier : Goldman Sachs et JP Morgan, qui via leur filiale installée à Londres, sont autorisés à négocier du gaz sur le marché français (décrets publiés au J.O. de la République Française à quelques jours d’intervalle en janvier 2010). Du coup, ils peuvent dans tous les pays être considérés comme opérateurs professionnels, fournisseurs de gaz sur le marché dérégulé français pour prendre toutes les positions spéculatives sans limite sur ce marché. On peut donc craindre le pire quand on sait qu’au début de la chaîne les fournisseurs initiaux de cette matière première ne sont pas non plus d’une probité au-dessus de tous soupçons.  Le marché du gaz sera-t-il la prochaine bulle spéculative ? (une bulle dans le gaz, hilarant, n’est-ce pas?)

3. Concernant la cause la plus visible de la triple crise déclenchée au cours de l’été 2007 : la prolifération des prêts immobiliers accordés à des emprunteurs de moins en moins solvables, on ne peut que se féliciter, si tant est qu’on puisse se féliciter d’une catastrophe économique et sociale, que cette crise ait éclaté avant que le président Sarkozy ait eu le temps de mettre en œuvre la totalité de son programme et notamment la mise en place des instruments permettant l’accession à la propriété de centaines de milliers, voire de millions, de Français. Pour des raisons similaires, mais cette fois-ci impulsée par l’Etat et non par un marché financier déréglé, nous aurions vu apparaître sur les marchés financiers une masse considérable d’actifs financiers risqués.

Conclusions provisoires

1. Lorsqu’il a conçu son programme, le candidat Sarkozy et son équipe, où proliféraient les inspecteurs des finances et autres experts financiers de haut vol, étaient forcément au courant des avis alarmistes publiés sur la montée inexorable vers ce qu’on a appelé ensuite la crise des subprimes;

2. Lorsque le gouvernement Fillon accorde par décret à deux des plus grosses banques américaines le droit de vendre du gaz en France avec tout ce que cela implique comme privilège d’intervention sur les marchés, les cabinets ministériels, des ministères de l’économie et de l’énergie, peuplés de moult inspecteurs des finances, ingénieurs des mines et autres experts de haut niveau sur les marchés mondiaux de l’énergie ne pouvaient pas ne pas savoir que c’est la décision de la CFTC (régulateur états-unien des marchés de matières premières) en 1991 qui avait permis aux banques de tripatouiller les cours des matières premières au premier rang desquelles l’énergie, pétrole, gaz et électricité.

3. On est alors en droit de se poser des questions sur les qualités techniques et morales de ceux qui ont inspiré et pris ces décisions.

Solutions

 A. Mettre la dérégulation des marchés « de réseau » sous haute surveillance du Parlement européen, à défaut de renationaliser le service public de l’énergie c’est-à-dire en fait s’occuper très sérieusement du pilotage des directives européennes en la matière (directive « services » notamment)

B. Remettre le marché immobilier sous perfusion publique : l’important est actuellement de se loger, non de posséder son logement.

C. Redéfinir le métier de banquier et rétablir les règles de prudence qui à la fin des années 30 puis en 1945 avaient permis à deux reprises de redonner confiance aux opérateurs économiques, les producteurs, envers d’autres opérateurs économiques, les financeurs. Là aussi notre président dispose de conseiller éclairé (voir le rapport de Jacques Lepetit sur le risque systémique remis en avril 2010).

Tous ça est évidemment à creuser.

Evidemment, ce livre, écrit il y a 5 ans, ne pouvait pas prendre en compte toutes les turpitudes que ces mêmes entreprises ont pu commettre depuis. A vous d’essayer de les repérer à partir de cette petite grille de lecture.