Sables coquilliers : « Monsieur Macron, il existe d’autres solutions ! »

Sables coquilliers : « Monsieur Macron, il existe d’autres solutions ! »
image_pdfimage_print

Du bon usage du principe de précaution

L’argument invoqué « comme il n’est pas prouvé que cette exploitation peut être nuisible à l’environnement, j’autorise. » Monsieur Macron aurait dû lire la Constitution et notamment la charte de l’environnement qui dit dans son article 5 : «  Article 5. Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » c’est-à-dire exactement l’inverse : puisqu’il n’est pas prouvé que cette exploitation n’est pas inoffensive , on ne peut pas l’autoriser avant d’en savoir plus. Or, cela tombe bien : une étude sur les effets des extractions de sables coquilliers est en cours non loin de là sur le site des Duons, en Baie de Morlaix. On aurait pu au moins attendre les résultats des recherches de l’Université Pierre-et-Marie Curie/station biologique de Roscoff, avant de se lancer dans ce qui reste quand même un pari hasardeux.

 

Le prétexte agricole

En effet, cette extraction massive de sable coquillier est encore récente puisque c’est suite à l’interdiction de massacrer les bancs de maërl que des groupes comme Roullier se sont lancés dans cette aventure. Il paraît que l’agriculture bretonne en a besoin parce que les terres sont trop acides et qu’il faut leur ajouter régulièrement du calcaire si on veut y faire pousser autre chose que du blé noir ou de la pomme de terre. Le problème est que les services de l’Etat ne savent pas exactement quels sont les besoins de l’agriculture en la matière. Il aurait peut-être fallu commencer par là. Suramender des sols pour développer de force des cultures mal adaptées aux conditions géologiques n’est pas vraiment dans l’esprit du développement durable. Là, c’est peut-être le collègue de Monsieur Macron, en charge de l’agriculture qui devrait relire la charte de l’environnement et notamment son article 6 : « Article 6. Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

 

Et pourtant des solutions existent

L’acidité des sols ne concerne pas que l’agriculture. On la retrouve aussi dans l’eau et alors qu’ailleurs certains se battent contre le calcaire dans les conduites d’eau potable, les fournisseurs d’eau potable bretonne sont obligés d’en rajouter pour éviter la corrosion de leurs réseaux. Le maërl était pratique. Son interdiction a donc posé un problème. Le ministère de la santé a été plus rapide que les autres puisque dès 2008, un arrêté fixait la liste des produits de substitution (http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2009/09-01/ste_20090001_0100_0271.pdf)

Parmi lesquels on retrouve la soude, le carbonate et le bicarbonate de soude, la chaux vive et la chaux éteinte, c’est-à-dire des produits très courants. Certes les besoins agricoles, quand on les aura mesurés, sont plus importants que ceux de Veolia et de ses concurrents, mais voilà une piste qui ne peut être ignorée.

Et puis, il y a des agriculteurs, dont l’intimité avec la nature est plus forte et que le maërl, pas plus que le sable coquillier n’intéressent. Pourtant ils ont également besoin d’amender leurs sols. C’est pourquoi la Capbio Bretagne, émanation de la Chambre Régionale d’Agriculture a proposé, il ya quelques années déjà une petite fiche technique ( http://www.capbio-bretagne.com/ca1/PJ.nsf/TECHPJPARCLEF/17129/$File/FT-agronomie-Amendement-calcaire.pdf?OpenElement) dans laquelle on retrouve deux informations intéressantes. La première est moins d’azote réduit l’acidification et cela est une piste à creuser. La deuxième est que la source la plus riche en calcium est… la crépidule. Il y aurait double bénéfice à exploiter cette ressource, puisque cette crépidule est considérée comme une espèce invasive et que dans certains points du littoral sa prolifération est devenue réellement problématique pour la biodiversité locale.

 

Et puis, il y a d’autres pistes plus exotiques à explorer : http://www.nationalgeographic.fr/11174-larbre-miraculeux-qui-pourrait-changer-le-monde/ Il ne doit pas s’agir de la seule plante oxalogène. Mais cela mériterait qu’on y regarde de plus près. Associer des arbres à d’autres cultures est une piste déjà explorée pour l’agriculture mais si en plus ces arbres produisent du calcaire entre leurs racines ce serait tout bénéfice.

 

Sans aller aussi loin, il reste une piste : puisque nous avons besoin de calcaire et qu’une partie du calcaire vient de la mer, où trouve-t-on le plus de calcaire ? Dans les carapaces et coquilles des coquillages et crustacés. Et qu’en fait-on de ces déchets alimentaires ? Rien. C’est surtout une source d’embêtement pour les collectivités locales en charge de la collecte des déchets. Organiser la collecte, le traitement et le conditionnement de ces tonnes de déchets est donc un gisement possible avec pour le coup, un triple bénéfice : on dispose d’un gisement qui n’est pas prêt de s’épuiser, on retire une épine du pied des collectivités locales et de toutes les entreprises (restaurants, campings, etc.) que ces tas que coquilles encombrent et en plus cela crée des emplois, sûrement plus que l’extraction de sable.

Mais voilà, les ingénieurs ont dit comme d’habitude « Il n’y a pas d’autres solutions, Monsieur le ministre ! » et Monsieur le ministre l’a cru. De là à donner corps à la rumeur comme quoi ces titres miniers d’exploitation des dunes sous-marines seraient la contrepartie à l’interdiction d’exploiter le maërl obtenue par les entreprises qui en vivaient (« c’est dans notre ADN » a dit un dirigeant du groupe Roullier), il y a un pas que nous ne franchirons pas. Nous préférons rechercher d’autres solutions que dénoncer d’hypothétiques arrangements honteux.

 

Force 5

Vous avez aimé cet article? Vous pouvez désormais le partager !

association FORCE 5