Lettre ouverte : Crise agricole, redonner un avenir à la Bretagne

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La crise est là, à nouveau, et à nouveau des éleveurs de porcs vont être contraints d’abandonner une production qu’ils avaient choisie et des salariés de l’agro-alimentaire se retrouver au chômage. Les places libres seront reprises et la production se concentrera encore.

Certains croient que c’est la logique économique, éliminer les faibles pour avoir demain une filière plus compétitive. Certes, c’est la logique des industries agroalimentaires, fabricants d’aliments, abattoirs, transformateurs, distributeurs qui, chacun à leur niveau, veulent des tonnages plus importants pour faire des économies d’échelle et accroître leurs parts de marché.

La somme des intérêts particuliers de ces opérateurs économiques ne fait pas l’intérêt
général de la Bretagne,
· ni en termes économiques par manque de valeur ajoutée,
· ni en termes d’emplois – l’agroalimentaire non seulement n’en crée plus mais en perd,
· ni bien sûr en termes de préservation des ressources naturelles et de potentiel touristique, car la concentration des élevages hors sol est néfaste à l’attractivité du territoire.

Ce modèle d’agriculture, beaucoup de volume et peu de valeur ajoutée, coûte cher
aux contribuables : aides aux productions en crise, PMPOA, Bretagne Eau Pure, fonds pour lutter contre les algues vertes, aides publiques pour le traitement des lisiers, etc.

1 – Un projet d’avenir pour la Bretagne.

Nous avons la conviction que la prospérité économique de la Bretagne ne se construira
pas sur des productions de masse à faible valeur ajoutée, lesquelles sont et seront de plus en plus concurrencées sur les marchés extérieurs par les poulets brésiliens, les porcs catalans ….

Demain ce seront des porcs produits dans des pays où les contraintes environnementales et sociales ne sont guère prises en compte et où les équipementiers bretons contribuent à l’installation d’élevages de très grande taille. Il faut d’abord se centrer sur la demande locale, bretonne et française : celle des consommateurs en valorisant les produits du terroir, avec des modes de production respectueux des ressources naturelles… et par conséquent des autres secteurs économiques, tels que la conchyliculture, la pêche côtière ou le tourisme. Mieux vaudrait faire jouer les synergies entre ces secteurs économiques que de constater les situations conflictuelles.

Et ce n’est pas parce qu’il y a baisse des quantités produites qu’il y a nécessairement
baisse de revenu. Il faut réinventer des systèmes de production plus économes, plus
intelligents pour plus de valeur ajoutée. L’agriculture durable et l’agriculture biologique, parce qu’elles reconquièrent de la valeur ajoutée, sont plus riches en emplois.

Alors que l’agriculture et l’agro-alimentaire breton aujourd’hui sont en crise, c’est le
moment de montrer qu’il reste un espoir, une alternative au modèle productiviste qui prévaut en Bretagne depuis 40 ans. Et si la preuve est faite que c’est possible pour le porc, ce le sera aussi pour les volailles, les productions bovines,…

2 – Le système d’élevage de porc sur litière.

Le groupe d’éleveurs et de représentants associatifs (consommateurs, environnementalistes…) qui travaillent sur le projet « Porc Durable » de Cohérence depuis près de 15 ans a défini les critères de base d’une production porcine qui s’engage vers un système plus durable :

1) Un engraissement sur litière

Dans le contexte breton d’excédents structurels de déjections animales, la production sur litière bio-maîtrisée a un premier intérêt : elle permet un abattement d’azote important (de 50 à 60 %) sous forme non polluante avant l’épandage (sous les porcs et pendant le compostage). Au titre de la résorption, la mise en place de ce type d’ateliers est d’ailleurs soutenue financièrement par les Conseils Généraux des Côtes d’Armor et du Finistère et également par l’Agence de l’Eau.

En outre, l’azote contenu dans le fumier ou le compost est sous forme organique : il est stocké dans le sol qui le libère aux périodes de chaleur et d’humidité contrairement au lisier dont l’azote, principalement sous forme ammoniacale, est plus facilement lessivé.
De plus, la litière, si elle est bien conduite, ne dégage pas d’odeurs nauséabondes, les éleveurs (et leurs porcs !) peuvent évoluer dans une ambiance plus vivable, le fumier contribue à maintenir le taux d’humus dans les sols, favorise la vie microbienne.

2) Des animaux nourris avec des aliments exempts d’OGM

L’alimentation animale est le débouché principal des OGM cultivés dans le monde. Grande région d’élevage, la Bretagne est particulièrement concernée puisqu’elle importe la plus grande partie de ses protéines, essentiellement des tourteaux de soja du Brésil et d’Argentine, pour nourrir porcs, volailles, poissons, bovins… Exiger le non-OGM, c’est encourager une agriculture pérenne de qualité indispensable au développement local et gage d’une santé préservée du consommateur.

3) Elevés en lien avec le sol : l’apport en azote organique est limité à 140 unités par hectare

La notion de hors-sol est définie comme la production d’animaux dans une exploitation ne disposant pas des surfaces nécessaires pour assurer tout ou partie de l’épandage de leurs déjections et tout ou partie de leur alimentation.
L’importance du lien au sol est donc double. Il permet de fertiliser naturellement les sols afin de nourrir les cultures et donc de produire l’aliment nécessaire à l’élevage des porcs.

 

4) Les antibiotiques sont utilisés uniquement à titre curatif

Ni supplémentation systématique en produit antibiotique, ni recours aux facteurs de croissance, l’utilisation d’antibiotiques uniquement à titre curatif permet de limiter les résidus dans la viande de consommation, mais aussi de lutter contre le développement de souches de bactéries résistantes.

 

Depuis juin 2013, notre Réseau Cohérence, en lien avec des éleveurs de porcs, a élaboré sur le Pays de Saint-Brieuc une filière de commercialisation de porcs sur litière via un réseau de boucherie charcuterie sous la marque « porc authentique, élevé sur paille ». Ce projet soutenu par le Conseil Régional de Bretagne, les conseils généraux des Côtes d’Armor et du Finistère et également par l’Agence de L’eau Loire Bretagne, est une contribution réelle et concrète à la construction d’un avenir pour la Bretagne.

Il est primordial de permettre aux éleveurs de porcs qui se sont engagés dans des
systèmes de production qui conjuguent la préservation de l’environnement, le bien être
animal, la liaison au sol et donc des tailles d’élevage souvent plus modestes, se sortent de cette crise. Sinon, quel espoir aura-t-on de promouvoir des systèmes de production porcine durable si les pionniers disparaissent ? Comment imaginer l’installation d’un jeune ?

Pour con
forter ces éleveurs et en inciter d’autres à les imiter, il faut leur garantir un
bon écoulement de leurs porcs, avec un prix plancher garanti et agir rapidement par l’achat de ces porcs pour fournir la restauration collective des départements et grandes villes de sorte à avoir rapidement un nombre significatif de porcs vendus par semaine, en garantissant éventuellement un prix fixe à l’année.

L’offre doit bien évidemment rencontrer la demande. Le consommateur doit pouvoir être en mesure de faire un choix en connaissance de cause. C’est pourquoi, nous vous demandons, en lien avec les éleveurs actuels et futurs de porcs sur litière, de bien vouloir mettre en place, via le pacte d’avenir, une réglementation, par arrêté ou décret, concernant l’étiquetage « porc élevé sur paille » , et donner les moyens financiers aux éleveurs qui le désirent de s’engager structurellement dans cette transition agricole gage d’espoir pour la Bretagne.

C’est un sujet qui peut vous paraître très technique mais compte tenu de l’urgence et de la gravité de la situation il nous semblait nécessaire de bien montrer que notre démarche est réfléchie et structurée et que nous nous tenons à la disposition de vos conseillers et ceux de vos ministres pour redonner un avenir aux éleveurs bretons.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre haute considération .

 

 

Armina Knibbe, Présidente du réseau

Jocelyn Thoraval, Vice-Président du pôle eau-agriculture de Cohérence

Pascal Perrot, éleveur de porc sous la marque "Porc authentique"

 

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Réseau Cohérence