L’impulsion initiale vient, souvent, d’une alliance locale entre consommateurs excédés par les faux semblants du marketing agro-alimentaire et paysans rebutés par l’agro-chimie. Mais au delà de la recherche d’une nourriture saine, ces efforts touchent les secteurs le plus divers : habitats, énergie, transport, culture, éducation… agrégeant, désormais, dans chaque pays, plusieurs centaines de milliers de citoyens.
Bien que, par rapport à l’ensemble de la population, ces mobilisations restent partout minoritaires, le nombre de noyaux « d’économie horizontale » (souvent, actifs depuis au moins deux décennies) et celui de personnes impliquées, sont tout à fait considérables. Ils témoignent du désir d’un « vivre ensemble » où vente et achat seraient des moments concrets de communication sociale. Ils fournissent aussi la preuve expérimentale que de tels systèmes d’économie localisée sont viables et permettent aux territoires de conserver une certaine autonomie.
Il n’est pas étonnant que, tout en se réclamant des mêmes principes et en se donnant des objectifs analogues, ces dispositifs de « l’économie horizontale » aient élaborées des formes organisations dissemblables, reflet de leurs interaction avec un territoire spécifique et un environnements politico-institutionnels particulier.
Ainsi l’organisation des GAS italiens et les structures du système AMAP-GASe, qui s’est constitué en France sont moins semblables qu’il n’y paraît. Pour percevoir les différences et s’interroger sur leurs signification, rien ne vaut que de les décrire à partir d’un même point de vue, avec la même methode et les mêmes interrogations, pour pouvoir les observer côte à côte.
C’est pourquoi, après avoir conduit différentes recherches où la micro-industrialisation territorialisée du Nord Italie était mise en perspective avec le modèle de développement basé sur la grande entreprise et la dissociation fonctionnelle des espaces, il m’a semblé judicieux d’appliquer ce même regard croisé au développement, des deux côté des Alpes, des formes locales d’alliances producteurs-consommateurs.
Non que les motivations des militants du « produire-consommer local » ressemblent à celles des manufacturiers des districts italiens, mais parce que, les uns et les autres mettent en place des dispositifs de circulation économique fortement appuyés au tissu social. Parce que, chez les uns et les autres, la petite dimension et l' »agir ensemble en proximité » favorisent un entrelac intime de rapports productif -liens sociaux et parce que, les uns et les autres, visent à faire du territoire le lieux de la prise de décision, de la gestion des fonctions stratégiques, d’appropriation de la valeur ajoutée, de reconversion des ressources dégagées, s’efforçant de conserver, autant que possible, l’autonomie du territoire.
Le premier chapitre de cette entreprise, est une description des formes prises, en Italie, par le mouvement des Gruppi d’Acquisto Solidale, que j’ai élaboré en analysant les matériaux des sites et des blogs mis en ligne par des acteurs de base. La version italienne de ce portrait a été publié sur le site de la coordination nationale des GAS, à l’occasion de leur vingtième rencontre nationale (www.retega.sorg)
Le deuxième chapitre, que j’entreprend actuellement, sera la description du système AMAP-GASE tel qu’il s’est constitué en France, élaborée, toujours, grâce aux matériaux des protagonistes eux mêmes.
On le voit : plus que d’une « recherche comparée » au sens académique du terme, il s’agit d’une sorte de double reportage à travers les sites mis en ligne, de part et d’autre des Alpes, par les acteurs de terrain.
J’espère que cette mise en perspective rendra possible une réflexion collective sur les différences-avantages-inconvénients des différentes modalités de « l’économie horizontale ».