Compétiteur cannois sorti en 1971, Walkabout relate l’histoire d’un frère et d’une sœur abandonnés dans le bush australien par leur père. Ce dernier se donne la mort après avoir essayé de les abattre. La jeune fille fait preuve d’un étonnant pragmatisme et d’une grande maturité. Elle ne panique pas face à la mort de son père et son premier réflexe est de protéger son frère, âgé quant à lui d’environ six ans, de ce père. Et, quasi instantanément, ils se mettent en route, sans pleurer leur père, sans larmes, sans panique.
Un film à portée universelle ?
De ces deux enfants on ne sait rien de précis, ni leur âge ni leur nom, seulement qu’ils sont issus d’une famille visiblement aisée, un anonymat comme pour donner à cette histoire une dimension universelle et c’est effectivement, un film sur l’humanité.
Survivants à l’infanticide, les deux enfants, plus particulièrement la grande sœur, adolescente d’une quartorzaine d’années, font preuve de beaucoup de courage et de sens pratique.
Après avoir trouvé refuge quelques heures dans un oasis dont l’eau s’assèche bien vite, ils font la rencontre d’un adolescent aborigène en plein « walkabout », un rite de passage à l’âge adulte consistant à vivre seul dans la nature pendant plusieurs mois, celui-ci les prend, très naturellement, sous son aile. Le jeune homme connait parfaitement la géographie, la faune et la flore l’« outback ». S’ensuivent des jours qui semblent, heureux composés de jeux, de chasse et de longues baignades. Si ces trois jeunes gens semblent former une fratrie, des sentiments amoureux ou du moins d’attirance naissent quasi instantanément dès la rencontre entre les deux adolescents. A aucun moment, l’un ou l’autre ne fera preuve d’irrespect, de comportements déplacés, ce malgré la difficile communication entre ces deux jeunes gens que langue et culture séparent. Les rapports des adultes, semblent reposer sur le non-dit, la tromperie et, malgré une langue et une culture commune ne semble ne pas parvenir à se comprendre.
De la puissance des images.
Le film repose en grande partie sur une vision utopique mais non naïve, du mode de vie aborigène de l’époque, en opposition au mode de vie occidental. Cette vision n’est jamais exprimée verbalement, le film ne contient d’ailleurs que peu de dialogues et aucune narration, ce qui d’ailleurs laisse au spectateur la liberté de « trancher ». Cette opinion est en effet plutôt exprimée par l’image, par une opposition de plans dont on se demande parfois la provenance. Sont ainsi opposées les différentes méthodes de chasse du jeune aborigène à celle d’hommes en 4×4, le rapport à l’art lorsque petit garçon arbore fièrement sur son dos, comme un blason, une peinture de kangourou que lui a dessinée le jeune aborigène en opposition au spectacle d’autres aborigènes exposant des dizaines de petites sculptures identiques réalisées pour un genre de foire à folklore. Sont également comparées les relations homme/femme avec du côté des deux adolescents, une relation saine, basée sur le respect et la douceur, et de l’autre, des flirts graveleux (un groupe de scientifiques travaillant dans le désert où l’unique femme fait figure de proie et d’objet sexuel) reposant sur la duperie et la moquerie.
Au-delà, du sens que l’on peut donner à ces images, Walkabout est également, d’un simple point de vue esthétique, un très beau film et l’on reconnait dans ces images aux couleurs tangerine et indigo, la patte de celui qui fit ses débuts dans la direction artistique de Lawrence d’Arabie. Ces images presque kaléidoscopiques de drôles d’animaux et de superbes paysages australiens sont sublimées par la musique de John Barry. On peut d’ailleurs supposer que ces animaux et ces paysages sont filmés comme du point de vue d’un aborigène.
Un film qui invite à la réflexion avant et après 14 ans.
Si Walkabout est un film de survie, il est aussi un film d’amour, d’initiation et semble être le fruit d’une réflexion non simpliste, ouverte et approfondie, sur le consumérisme, le rapport de l’homme à la nature, de l’homme à ses semblables.
Si Walkabout figure sur la liste British Film Institute des 50 films à voir avant d’avoir 14 ans, ne vous estimez surtout pas trop âgé pour le regarder, il s’agit d’un film qui fait réfléchir à tout âge, et qui -selon moi- peut encore, si ce n’est plus profondément, résonner à l’âge adulte.
A lire :
- Le chant des pistes (The Songlines) – Bruce Chatwin (1987) : l’auteur britannique voyant sa vue le quitter, abandonne sa vie d’expert en peinture moderne pour partir à la rencontre des nomades du monde et dans ce livre des aborigènes australiens et leurs itinéraires chantés.
- Walkabout – James Vance Marshall (1959) : roman librement adapté par Edward Bond et Nicolas Roeg pour le film éponyme, retraçant l’histoire d’un frère et d’une sœur devant se débrouiller dans le désert australien suite à un crash aérien.