Portrait de femme n°19. Veronica Gomez Tomas, juriste en droit international de l’environnement.

Rencontre avec Véronica Gomez Tomas, morlaisienne d’adoption, argentine de naissance, qui est juriste en droit international de l’environnement. Elle évoque pour nous son parcours, marqué par le voyage, et son engagement, aussi bien associatif que professionnel, pour les droits de l’homme et de la nature, ici et là-bas.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Veronica Gomez Tomas, je suis argentine de naissance et morlaisienne d’adoption. J’habite ici depuis 11 ans. Je suis juriste en droit international de l’environnement, je collabore avec des ONG spécialisées dans les droits de l’Homme, plus particulièrement sur la partie environnement, en France et en Argentine.

Quel a été ton parcours ? Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir juriste ?

J’ai un parcours très atypique. J’ai fait des études de droit en Argentine. Là-bas c’est assez long, ça peut durer 6-7 ans. Et ce n’est qu’à la fin que nous avons des matières en lien indirecte avec l’environnement. Mais à cette époque on n’appelait pas ça comme ça. Je me souviens par exemple, quand je révisais mes cours de « droit minier », parfois je m’arrêtais pour pleurer, beaucoup. Je reprenais ensuite mes esprits et je continuais, mais c’était trop violent. Quand j’ai terminé mes études, un prof m’a demandé ce que je voulais faire après. J’ai répondu que je voulais me consacrer aux « intérêts diffus ». Ce qui m’avait le plus marquée, c’était un article de la nouvelle constitution (Réforme de 1994, suite à la Conférence de Rio de 1992) sur le droit à un environnement sain. C’était fin des années 90 et début des années 2000, on parlait du changement climatique et du Protocole de Kyoto, on commençait à évoquer le droit à un environnement sain, mais englobé dans la notion « d’intérêts diffus ».

J’ai eu ensuite un autre déclic dans ma vie. J’exerçais mon métier en Argentine, j’avais une vie très ordonnée et ordinaire jusqu’au moment où j’ai pris  une année sabbatique pour aller naviguer. Sauf que là, j’ai fait une petite erreur de calcul : au lieu de rester un an sur le bateau et de rentrer chez moi pour continuer à exercer mon métier d’avocate, je suis restée 7 ans sur le voilier, et j’ai fini avec un mari, deux enfants. Et on a jeté l’ancre à Morlaix ! (rires)

Ce voyage a complètement changé ma vie, ma vision du monde, mes priorités, mon lien avec la nature, avec les éléments, mon lien avec la transition écologique… Il y a eu un avant, et un après. Cela m’a permis de vivre dans plusieurs pays très différents. Et en même temps, j’avais toujours ma façon de penser, une autre culture, un autre métier etc… A chaque endroit, j’avais cette vision par le prisme de l’accès aux droits de l’homme, des problèmes environnementaux, des problèmes sociaux….

C’était une expérience très enrichissante. Déjà le fait de vivre dans un tout petit bateau, ça requestionne sur nos besoins. Au tout début, on habitait sur un bateau de 9 mètres qui n’était pas du tout équipé. Je crois qu’on développe une capacité d’adaptation assez intéressante ! On se rend compte que beaucoup de nos besoins ont été créés et ne sont pas forcément réels. C’est une des choses qui m’a le plus marquée.

Tu es aussi engagée à la Ligue des Droits de l’Homme…

Je suis rentrée en contact avec cette association en 2018, car à l’époque je faisais partie du mouvement des Citoyens pour le Climat. On se retrouvait sur des causes communes. Je me suis dit que c’était un peu dommage que la LDH ne voyait pas le droit à un environnement sain comme un droit fondamental de l’homme. J’ai intégré la Ligue ici, et j’ai travaillé en parallèle dans un groupe national sur l’environnement. Nous avons modifié les statuts de la Ligue en 2022 pour élargir au droit à un environnement sain. C’était une victoire. Je continue à être dans le mouvement à Morlaix, ça me permet de donner de la visibilité à la thématique, notamment dans le cadre du Festisol.

Eco- Bretons étant un média engagé dans les transitions écologiques, peux-tu nous dire ce que la notion de « transition écologique » t’évoque et ce qu’elle représente pour toi ?

Le mot transition évoque l’action de transiter, de cheminer. C’est un devenir, le passage d’une situation actuelle certaine à une autre situation future, souhaitable…

Face aux défis de notre temps, tels que le changement climatique, des crises sociales, l’épuisement des ressources, le dépassement des limites planétaires, la montée des inégalités… le changement des nos modèles de fonctionnement s’impose.

La transition englobe la notion de transversalité et de pluralité. Il n’y a pas de solution miracle, la transition se prépare. Elle est faite d’actes et de prise des décisions plurielles, en prenant compte des besoins et des savoirs des différents acteurs du territoire.

 La transition est l’opportunité d’imaginer un monde souhaitable, adapté aux nouvelles conditions de vie par le biais d’une convivialité choisie ; en veillant à mettre en place des nouvelles pratiques (économiques, sociales, agricoles) qui garantissent  l’accès aux droits de l’homme en conditions de dignité en prenant compte de la capacité de régénération de notre planète.

Est-ce que tu t’identifies comme actrice de cette transition ? Pourquoi ? Comment ?

J’essaye d’avoir un rôle actif, dans différents domaines : Participation citoyenne, incidence et sensibilisation, éducation populaire. En contribuant à la réflexion, dans des instances de participation citoyenne et dans des actions associatives comme le FestiSol à Morlaix par exemple. Lors des dernières élections municipales j’étais engagée dans le Pacte pour la transition, qui proposait 32 actions en lien avec la transition écologique et sociale. Et actuellement à Morlaix, avec la Communauté d’action, on réfléchit sur une sécurité sociale de l’alimentation.

J’anime des ateliers d’éducation populaire basés sur l’intelligence collective, tels que la fresque du climat, la fresque océane, la fresque de la biodiversité… Elles apportent un éclairage, et donnent des clés de compréhension sur les enjeux écologiques, qui appellent ensuite à passer à l’action.  Au bout de 3-4 heures, on voit la prise de conscience chez les participants. C’est une satisfaction énorme. On sème une petite graine.

J’essaye aussi de créer des ponts entre l’Amérique latine et l’Europe afin d’apporter un point de vue différent, en faisant connaître ici ce qui se passe là-bas et en favorisant l’échange des bonnes pratiques.

J ‘ai été la première animatrice de la Fresque du Climat en Argentine, dont je suis devenue référente pays. J’ai contribué à fonder la communauté et à essaimer le mouvement en Amérique Latine. Des événements dont je suis fière?  J’ai « fresqué » le Ministère de l’environnement, et j’ai emmené la Fresque au Forum Mondial des Droits Humains et à un forum sur l’urgence climatique et les droits de l’homme dans les Amériques, organisé par REDESCA (le Rapporteur Spécial sur les Droits Économiques, Sociaux, Culturels et Environnementaux à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.)

Depuis quelques mois, avec Anne-Sophie Ménard, fresqueuse également, nous avons lancé le Fresk Noz, dans le pays de Morlaix. Il s’agit de la réalisation de deux ateliers de sensibilisation aux enjeux écologiques. Une fresque de climat dans les communes environnantes et une autre fresque à Morlaix, tous les mois.

Selon toi, y-a-t-il des spécificités propres aux femmes dans la façon d’aborder la transition écologique ?

Oui. Tant l’écoféminisme que les mouvements écologiques, ont une origine commune: la remise en question du modèle dominant basé sur le patriarcat et le capitalisme. Cela est bien illustré dans la fameuse phrase du philosophe Francis Bacon à la fin du XVI e siècle  « La nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs. » 

Le courant écoféministe fait le parallèle entre “mon corps, mon territoire”, en faisant référence aux deux terrains d’abus du patriarcat. Même chose avec l’extractivisme dont dépend le modèle capitaliste.

 Quels sont les souvenirs les plus marquants (personnes, événements…), les rencontres qui t’ont donné envie de t’engager ?

Mes 7 ans vécus sur un voilier. J’ai eu la chance de passer du temps aussi avec certains peuples natifs. J’en ai vu plusieurs qui étaient complètement ravagés car ils avaient vendu leurs terres à des particuliers, et se sont fait exclure. Les prix montent tellement qu’ils ne sont plus capables d’accéder aux terres. C’est toute une décadence qui s’installe, qui est sans fin.

Mais j’ai aussi fait la rencontre du peuple Kuna, que j’admire énormément, sur un archipel de plus de 300 îles au large de la Colombie et du Panama. Là bas, c’est très préservé. Ce peuple est un exemple de résistance culturelle, assuré par le Matriarcat. Ce sont les femmes qui transmettent la culture, la langue. Ils n’ont pas le droit de se marier avec quelqu’un d’extérieur à la communauté, ce qui fait que c’est le peuple le plus petit du monde après les pygmées. Il y a des problèmes de consanguinité, notamment de l’albinisme. Au lieu de les laisser à part et de les stigmatiser, ils les appellent « les enfants de la lune ». Ce peuple qui a fait la révolution en 1925 a une relation à la propriété qui est communautaire. Tout est préservé, avec des femmes au pouvoir !

 Qu’est-ce qui te révolte le plus actuellement ?

Au niveau global, la montée de l’extrême droite. Au niveau personnel: le déni, l’indifférence, l’égoïsme, le manque de solidarité.

Et qu’est-ce qui t’enthousiasme le plus ?

L’innovation dans tous les domaines. La force de l’imagination pour sortir des sentiers battus, pour faire face aux nouveaux défis de notre époque. Et cela dans tous les secteurs confondus: l’innovation juridique par le biais des litiges stratégiques, des plaidoyers pour la reconnaissance du crime d’écocide ou des droits de la nature, qui ne sont pas encore reconnus dans les textes de loi. L’implémentation de la démocratie environnementale, avec les trois piliers qui sont l’accès à l’information publique ,la participation citoyenne dans la co-construction des politiques publiques, qui vont avoir un effet sur la santé ou sur l’environnement, et l’accès à la justice.

Il y a aussi l’innovation sociale, par l’engagement des jeunes par le biais des mouvements citoyens, des modes de gouvernances plus horizontaux, l’éducation populaire, les ateliers de vulgarisation scientifique tels que la Fresque du Climat et toutes les autres qui se sont inspirées de celle ci, et qui offrent une vision sémantique des enjeux environnementaux accessible à tous.

L’innovation économique, avec le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Je n’oublie pas non plus la force des réseaux, des think-tanks, le faire ensemble… Car c’est la diversité des points de vue, et l’union vers une finalité commune, qui font la force.

 Y-a-t-il selon toi des domaines d’actions prioritaires ?

Dans tous les domaines, il faut revoir l’échelle des valeurs et des priorités. Et se basée sur des valeurs comme la sobriété et la solidarité.

Générer une prise de conscience sur le besoin d’avoir une vision à long terme, qui prenne compte non seulement la satisfaction de nos besoins actuelles, mais aussi les effets collatéraux sur l’environnement et les générations futures. (Et cela à tout niveau, dans les stratégies politiques, la planification urbaine ; dans l’éducation : pour sensibiliser les nouvelles générations, et générer des prises de consciences, des nouvelles façons de consommer, favoriser des nouvelles méthodes de production. )

Chaque prise de décision, chaque action façonne notre future à court, moyen et long terme.

Face au déclin de la biodiversité, face au dérèglement climatique, nous devons aller vers la régénération, vers l’adaptation, vers la résilience.

 En quels acteurs et à quels échelons territoriaux crois-tu le plus actuellement pour accélérer cette transition ?

L’échelle locale est souvent la plus efficace, car il existe un lien direct entre les acteurs du territoire et les connaissances des lieux, des savoirs faire, ainsi que les problématiques, les risques et leurs besoins. Les différents acteurs du tissu social et économique ainsi que les habitants de proximité doivent être écoutés et intégrés dans la prise des décisions liées aux enjeux environnementaux. Il est indispensable de donner sa place aux citoyens et aux divers acteurs des organisations de la société civile. Il y a tellement à faire, que toute contribution est valable. Tout un chacun à son petit rôle à jouer.  La sobriété et la solidarité étant des facteurs clés, pour ne laisser personne sur le côté.  

 Aujourd’hui, qu’est-ce qui compte vraiment pour toi ?

Le maintien de la paix. La préservation de la nature. Assurer le bien être des générations futures et réduire les inégalités, par le biais de la solidarité, la sobriété, la cohérence.

Pour terminer, est ce que tu as des initiatives et/ou personnes « coup de cœur » que tu souhaiterais mettre en avant ?

Une personne: Paul Watson. Pour ses luttes : sauver les baleines, l’océan…et tout cet acharnement contre lui.

Des initiatives: l’Agenda 2030 des Nations Unies qui met l’humain au centre des objectifs de transition, par le biais de la coopération, pour en finir avec les inégalités, dans le respect de la protection de la nature, sans laisser personne de côté.  Il y a aussi La directive européenne sur le devoir de vigilance qui vise à prévenir des atteintes graves, par les grandes entreprises, aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes, et à l’environnement.

Une autre initiative qui existe depuis 2015 : Le projet de Déclaration universelle des droits de l’humanité, qui est le premier texte à reconnaître des droits et des devoirs pour l’Humanité, vis-à-vis d’elle-même, des générations futures, des autres espèces et de la nature. Cette déclaration propose notamment de créer une interdépendance entre les espèces vivantes, d’assurer leur droit à exister et le droit de l’Humanité, pas seulement les Hommes, mais tous les êtres vivants, de vivre dans un environnement sain et écologiquement soutenable. Là on sort de l’anthropocentrisme avec un regard plus occidental que celui des droits de la nature ou du « buen vivir ». C’est un projet que j’aime beaucoup, et que j’avais signé et cherché d’autres signatures pour le soutenir.




A Morlaix, une conférence-débat pour repenser nos liens au vivant… là-bas et ici

Organisée dans le cadre du FESTISOL – le Festival des Solidarités dont le thème est « Environnement et droit des peuples », cette conférence-débat qui se déroulera à la MJC de Morlaix dans la soirée du mercredi 20 novembre, invite le public à découvrir les liens entre les droits des peuples autour de l’eau ainsi que leur influence dans le verdissement du droit international et son évolution vers la reconnaissance d’un droit à un environnement sain.

Avec un voyage qui commencera aux points perdus de la planète, où des peuples originaires font entendre leurs voix aux plus hautes sphères dans les cours régionales de droits de l’Homme. Il s’agira de plonger dans les droits culturels des peuples dans une perspective basée sur leur approche de la nature environnante – leurs montagnes, leurs rivières, la mer et la façon dont ces éléments ont façonné leurs styles vie -. Le besoin de les protéger comme une entité à part entière, donne les premières bases de la reconnaissance des droits de la nature.

Il s’agira ensuite d’aborder les droits culturels liés à la Bretagne et à ses rivières, illustrés par les « Atlas socioculturels de l’eau » (1) de l’association Eaux et Rivières de Bretagne. Le Collectif Mammennou Doùr dans les Abers viendra aussi témoigner de la Marche qu’il a organisée au printemps dernier, de la Source de l’Aber Wrac’h jusqu’à l’embouchure au cours de la dernière semaine de mai. Un parcours qui a laissé toute sa place au sensible (2)…

Quel est le lien qui nous unit à nos cours d’eau, là-bas et ici ? Comment nos identités culturelles et modèles de société sont-ils travaillés par nos relations au vivant ? Comment les luttes pour la sauvegarde de l’eau et des rivières se sont technicisés au fil du temps ? Comment valoriser nos savoirs ancestraux, peu considérés dans les instances de gestion de l’eau ? Comment ces sujets sont-ils pris en compte en tant que sujets de gouvernance, enjeux de démocratie environnementale ?  Le droit et la loi : sont-ils les meilleurs moyens de les préserver ?

Une soirée riche en témoignages et questionnements de militant·es, avec les éclairages : d’une juriste en droit international de l’environnement : Veronica Gomez (Ligue des droits de l’Homme/LDH), de Aurélie Besenval, chargée de mission « Eau & culture » à l’association Eau & Rivières de Bretagne, de Marie-Laure Floch et Joëlle Colombani du Collectif Mammennou Doùr. Les échanges seront animés par Marie-Emmanuelle Grignon et Laurence Mermet pour Eco-Bretons.

(1) https://www.eco-bretons.info/atlas-socioculturels-de-leau-faire-comprendre-que-la-culture-fait-aussi-partie-du-dialogue-environnemental/

(2) https://www.eco-bretons.info/dans-les-abers-des-rencontres-de-leau-sensibles-avec-le-collectif-mammennou-dour/




Produire de l’énergie collectivement et localement : les énergies renouvelables citoyennes

Produire son énergie collectivement et localement, c’est possible grâce aux énergies renouvelables citoyennes ! Il s’agit de projets de production d’énergie renouvelable portés et financés par les habitants ainsi que bien souvent les collectivités et parfois les autres acteurs locaux (associations, entreprises…).

Ces projets s’appuient sur les 5 grandes technologies de production d’énergie renouvelable, à savoir l’éolien, le solaire, le bois-énergie, la méthanisation, l’hydroélectricité et la géothermie. L’ambition de ces projets est de produire des énergies à faible impact environnemental et de sensibiliser à la sobriété énergétique, tout en apportant à la communauté locale des retombées économiques, démocratiques et sociales.

Ils garantissent aux citoyens la possibilité d’investir dans un projet éthique et rentable, contribuant au développement économique du territoire et aux objectifs de transition énergétique nationaux. Rappelons que la France s’est engagée à porter à 33 % la part d’énergies renouvelables dans son mix énergétique pour 2030, un chiffre loin des 19 % actuels !

Un projet d’énergies renouvelables citoyennes implique la collaboration de différents acteurs : d’un côté des citoyens motivés, de l’autre une collectivité et ou des acteurs locaux qui souhaitent valoriser des ressources exploitables localement.  Les collectivités et autres acteurs locaux peuvent se positionner en tant qu’investisseurs, en participant au capital de la société de projet (et par conséquent à la gouvernance) ou en tant que facilitateurs, en apportant un soutien opérationnel : appui technique, mise à disposition de toitures, subventions….

Pour démarrer un projet d’énergie renouvelable citoyenne, il faut commencer par constituer une association, en vue de définir le projet : objectifs, mode de gouvernance, localisation, etc. Une association ne pouvant vendre de l’énergie, le collectif devra ensuite se structurer en tant que société (SA, SAS, SCIC). Le choix du statut de la société est essentiel dans le montage d’un projet citoyen, puisqu’il détermine par exemple le mode de gouvernance ou encore la distribution et l’utilisation des bénéfices. Bien souvent, le choix se porte sur une gouvernance partagée : les décisions sont prises de manière démocratique et transparente.

La structure devra alors chercher des partenariats et financements, comme par exemple la mise à disposition d’une toiture d’une entreprise pour un projet photovoltaïque. L’énergie produite pourra alors être consommée directement ou revendue. Les revenus pourront quant à eux être réinvestis dans le projet ou servir à financer de nouveaux projets de production d’énergie, des actions pédagogiques… Ces modes de répartition sont à définir en amont ; il est par exemple tout à fait possible de revendre de l’électricité à un coût inférieur que celui proposé par les fournisseurs d’électricité, à des personnes ou des structures en difficulté, comme des EHPAD.

Dans sa plaquette « énergies citoyennes, territoires à vos projets », le ministère de la transition écologique indique qu’en moyenne, 1€ investi dans un projet citoyen d’énergie renouvelable engendre un gain de 2,50 € pour le territoire grâce aux loyers, à la fiscalité, aux salaires locaux et aux autres revenus issus de l’investissement.

Le mouvement Energie partagée fait état de 390 projets labellisés au niveau national, avec 34 096 citoyens et 970 collectivités actionnaires. La Bretagne ne compte pour l’instant que 25 projets labellisés, mais plusieurs collectifs sont en cours de création, notamment dans les pays de Saint-Brieuc, Carhaix et Morlaix. Ils peuvent compter pour cela sur l’appui du réseau Taranis, qui fédère les structures au régional et œuvre à l’émergence de nouvelles structures.


L’agence locale de l’énergie et du climat du Pays de Morlaix HEOL œuvre pour la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Elle offre notamment des conseils neutres et gratuits sur la rénovation thermique, les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Plus d’infos sur 02 98 15 18 08 et www.heol-energies.org .




Les coups de cœur littéraires de Novembre d’Eco-Bretons.

Eco-Bretons vous propose en ce mois de novembre ses coups de cœur littéraires. Trois livres : un roman graphique sur le travail dans le monde, et deux romans naturalistes, sur les traces des ours et des loups, dans les Pyrénées et les Highlands écossais. Place au voyage et au sauvage !

« Les reflets du monde – Et travailler et vivre », de Fabien Toulmé – Edition Delcourt, par Damien Ladan, administrateur d’Eco-Bretons

Le gwarosa, vous connaissez ?

C’est un terme coréen qui signifie « mort par surmenage ».

Pourquoi vous en parler ?

Vendredi dernier, un ami, connaissant mon intérêt pour le monde du travail, m’a prêté cette BD-reportage de Fabien Toulmé.

On y suit son aventure aux États-Unis, en Corée du Sud et aux Comores, le tout parsemé d’échanges avec Dominique Méda sur le travail en général.

On découvre des rencontres variées : des personnes ayant changé de vie, d’autres qui y aspirent, et certaines qui racontent un quotidien difficile et épuisant.

J’ai apprécié les différentes histoires, mais c’est surtout le récit sur la Corée du Sud qui m’a marqué. On y découvre le rapport à l’excellence, l’énorme pression subie dès le plus jeune âge, la semaine de 52 heures, et une relation au travail très particulière.

Si le thème vous intéresse, je vous conseille fortement cette lecture ! 


« Et vous passerez comme des vents fous », de Clara Arnaud – Editions Actes Sud, par Marie-Emmanuelle Grignon, journaliste à Eco-Bretons

Gaspard est berger dans les Pyrénées, et s’apprête à remonter dans les estives, encore sous le coup d’un accident tragique survenu l’été dernier. Alma, éthologue, vient d’arriver au Centre National de la Biodiversité, pour étudier les ours et tenter d’apporter des solutions aux phénomènes de prédation sur les troupeaux. En parallèle, nous suivons en flashback l’histoire de Jules, montreur d’ours parti aux Etats-Unis au début du XXème siècle.

Un livre qui nous entraine en pleine montagne, milieu rude par excellence, mais aussi de toute beauté, à la découverte de personnages liés de différentes manière au vivant et à l’ours. Fascination pour l’animal, mais aussi haine, les sentiments sont ambivalents. On part sur les traces de Gaspard, d’Alma, de Jules, on s’attache à leur destinée, et on prend conscience de la complexité des relations entre l’homme et l’animal. Un beau voyage sauvage, âpre et saisissant.


« Je pleure encore la beauté du monde », de Charlotte Mc Conaghy – Editions Gaïa, par Marie-Emmanuelle Grignon, journaliste à Eco-Bretons

Cette fois-ci, place non pas à l’ours, mais au loup. Inti est biologiste et mène en Ecosse, dans les Highlands, un programme de réintroduction de l’animal, qui doit pouvoir aider un écosystème en crise à aller mieux. Elle aussi, comme Alma dans « Et vous passerez comme des vents fous », se heurte à l’hostilité des habitants, notamment des éleveurs qui veulent protéger leur bétail. Quand l’un de ceux-ci est découvert mort et mutilé, Inti prend la décision de cacher le corps, pour protéger les loups, coupables désignés. Mais sont-ils les responsables ? A la fois thriller et livre naturaliste, «Je pleure encore la beauté du monde » nous emmène dans des paysages incroyables, magnifiquement décrits. L’attachement d’Inti pour les loups, mais aussi pour ses proches, qu’elle protège coûte que coûte, nous émeut. On en apprend également beaucoup sur l’animal, grâce à un gros travail de documentation réalisé par l’auteure. Un livre et une héroïne attachants qu’on n’oubliera pas de sitôt, une fois la dernière page refermée. Une belle lecture pour cette fin d’année.




L’environnement, l’ESS et le droit des peuples à l’honneur en Novembre en Bretagne

Novembre signe le retour des campagne citoyennes en Bretagne ! Mois de l’ESS, Festival Alimenterre, Festisol…Ces différents événements s’associent encore une fois pour proposer un programme riche, porté par de nombreux acteurs : associations, collectivités, entreprises de l’ESS…Plus de 600 actions sont prévues, autour des thèmes de la solidarité, de l’alimentation, de l’environnement, du droit des peuples, de l’économie sociale et solidaire, des transitions écologiques…

Le mois de l’ESS

Novembre est traditionnellement le mois de l’économie sociale et solidaire, depuis 2005. « L’économie sociale et solidaire n’est pas un secteur d’activité, mais une façon de faire et d’entreprendre qui rassemblent des organisations alliant performances, démocratie et utilité sociale ». Telle est l’ESS définie par la Cress (Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire) de Bretagne. Elle repose sur des principes forts : une utilité collective ou sociale, un fonctionnement démocratique, et un modèle économique spécifique (pas d’actionnaires à rémunérer, les excédents sont prioritairement destinées au développement de l’activité).

L’ESS est un secteur qui se porte bien en Bretagne. La région est ainsi la première pour le poids de l’ESS dans l’économie. 164 000 salarié.e.s, soit 13,8 % de l’emploi, travaillent dans ce secteur, avec la présence de nombreuses associations, coopératives, mutuelles et fondations.. Plus de 200 événements sont organisés du 1er au 30 novembre dans la région, afin de sensibiliser le grand public à cette économie plus respectueuse de l’humain, et de montrer la diversité des acteurs de l’ESS dans la région.

Tout le programme est disponible sur www.mois-ess.org


Le festival Alimenterre

Chaque année, le Festival Alimenterre revient en France et dans d’autres pays. Pour cette édition 2024, qui se déroule du 15 octobre au 30 novembre, les objectifs de l’événement restent les mêmes : « amener les citoyens à s’informer et comprendre les enjeux agricoles et alimentaires en France et dans le monde, afin qu’ils participent à la co-construction de systèmes alimentaires durables et solidaires et au droit à l’alimentation », et ce via notamment la projection de neuf films documentaires.

Plus d’informations sur le site : https://www.bretagne-solidaire.bzh/les-campagnes-citoyennes/


Le Festisol

Le Festisol, ou Festival des Solidarités, revient aussi pour une nouvelle édition, autour de la thématique « Environnement et droits des peuples ». Coordonné au niveau national par le CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement), le Festisol est supervisé en Bretagne pour l’animation par le Réseau Bretagne Solidaire, qui appuie les acteurs locaux voulant organiser des événements. Ce sont ainsi une dizaine de collectifs, regroupant près de 200 acteurs locaux, qui proposent collectivement des événements pour les scolaires et le grand public.

Parmi les collectifs particulièrement actifs cette année, on peut citer Brest, Saint-Brieuc, Rennes, Pontivy, et Morlaix, avec le collectif « Maison du monde », animé par le Resam. Une trentaine de structures locales y sont présentes (dont Eco-Bretons, ndlr), et proposent cette année une trentaine d’animations, un record ! Au programme : des projections, balades autour de l’eau, conférence sur le vivant, journée « coup de mains » à la ferme, expositions…et un « village des assos » les samedi 16 et dimanche 17 novembre à la MJC de Morlaix.

Pour le programme général du Festisol : https://www.festivaldessolidarites.org/evenements/

Pour le programme morlaisien : https://www.resam.net/




Avec leur association, Christie et Marie veulent transformer des coques de bateaux abandonnés en mobilier urbain

L’association Crab souhaite récupérer les coques de bateaux abandonnées qui encombrent les côtes bretonnes, pour les transformer en mobilier urbain, notamment en « bateau-livres », boites à livres revisitées. L’installation dans l’espace public, sur la Côte d’Emeraude pour le moment, permettra aussi de sensibiliser le public à la pollution provoquée par l’abandon des bateaux, une problématique encore peu abordée. Un financement participatif est lancé, pour la réalisation du projet.

Offrir une nouvelle vie aux coques de bateaux abandonnées en Bretagne, c’est l’objectif de la toute jeune association Crab, acronyme de Coopération, Revalorisation et Aménagement de Bateaux. A l’origine : un projet de Christie et Marie, alors toutes deux étudiantes en master de gestion de projets d’innovation sociale et solidaire. « On voulait monter un projet de récupération de coques de bateau pour les transformer en habitat léger », rembobine Marie. « Mais nous nous sommes vite aperçues que c’était compliqué pour un lancement, notamment en termes de normes ». Si l’idée reste toujours en tête des jeunes femmes pour le futur, elles ont réorienté la finalité du projet. « On a terminé deuxième de la Social Cup l’année dernière, un concours d’entreprenariat social, et on a vu que récupérer les coques de bateaux était une idée qui plaisait. On s’est dit alors qu’on allait partir sur quelque chose de plus simple à mettre en œuvre ». Les voilà donc qui imaginent créer du mobilier urbain, et notamment des « bibliothèques ». Un premier prototype a été imaginé : un « bateau-livre », une boite à livres réalisée à base de coque de bateau en fin de vie. Celle-ci sera installée par la suite sur une commune de la Côté d’Emeraude, en Ille-Et-Vilaine. « Et s’il pouvait y en avoir partout en Bretagne, ce serait le rêve ! », s’exclame Marie.

Afin de mener à bien leur projet, Marie et Christie créent leur association en septembre. « L’idée, c’est de créer un collectif regroupant des menuisiers, des architectes, des professionnels du nautisme, des personnes pour travailler avec nous, car nous ne serons pas salariées de notre association », souligne Marie. Autre objectif : sensibiliser le public à la pollution créée par les coques de bateaux abandonnées, et que celui-ci, ainsi que les collectivités, passent à l’action. « On en trouve partout sur les côtes, dans les ports, les chantiers navals…la problématique est là, mais elle passe encore sous les radars », selon Marie.

L’association Crab et ses deux fondatrices viennent de lancer un financement participatif, sur la plateforme KissKissBankBank. Objectif : récolter 10000 euros, qui serviront à la réalisation du premier prototype et au développement d’un second. Chacun.e peut contribuer selon ses moyens, à prix libre, ou alors à partir de 30 euros pour recevoir en contrepartie une invitation à visiter le chantier.

Pour participer : https://www.kisskissbankbank.com/en/projects/bibliotheque-urbaine-en-coque-de-bateau