Portait de femmes n°1 : Johanne Gicquel, de l’agriculture à la culture

Rencontre avec Johanne Gicquel, ancienne paysanne-boulangère bio, qui travaille actuellement dans une association environnementaliste bretonne, et qui mène en parallèle des projets autour de la peinture et de la photo. Elle est notamment l’auteure d’ouvrages photos autour de l’eau.

C’est à Concarneau que nous rencontrons Johanne Gicquel. La quarantenaire est arrivée là « Grâce au hasard des rencontres ». Celle qui se définit comme « une fille qui aime la nature et pratique la peinture et la photo » travaille aujourd’hui pour une association qui œuvre autour de l’agriculture durable et du développement durable et solidaire en Bretagne, et ce pour quelques mois. Une nouvelle étape dans son riche parcours.

Tout commence dans le Morbihan, où Johanne passe son enfance, entre bois et ferme. Une exploitation porcine, « Une des plus grandes de Bretagne », menée par ses oncles. « Petite, j’avais déjà le goût de la nature », confie-t-elle. « Mais aussi une certaine frustration de ne pas connaître le nom des plantes, des arbres… ». Les années passent, et Johanne part étudier les sciences à Rennes. Cela lui permet d’acquérir un certain nombre de connaissances. Mais c’est surtout le parcours sur le terrain qui la forme : grâce à des lectures, elle apprend le nom des fleurs et des plantes. Après l’obtention d’une maîtrise en environnement littoral, elle entame sa carrière dans le milieu associatif, au sein d’une association de consommateurs., en tant que « conseillère aux économies d’eau ». Après des passages chez Inter Bio Bretagne et dans le Réseau Cohérence, elle change de cap et décide de devenir « faisou ». « Je me sentais très « disou », et j’avais envie d’aller sur le terrain, j’avais envie de me frotter à la réalité d’un métier », explique-t-elle. Son compagnon de l’époque s’engageant alors en agriculture, elle le rejoint pour créer une exploitation bio, dans laquelle elle sera paysanne-boulangère. « Produire du blé, le moudre, faire du pain et le vendre… tout ça en complémentarité avec une activité maraîchère », précise Johanne.

Une aventure de 10 ans, qui s’arrêtera en 2015-16, qui lui a apporté « beaucoup de satisfaction personnelle ». Ayant en parallèle depuis longtemps des projets de livres avec photos, elle décide alors de se lancer dans cette activité d’artiste, à la fois peintre et photographe.

Quelques réalisations de Johanne

Johanne se définit comme quelqu’un « ayant conscience des enjeux environnementaux et intéressée par la nature ». « Dès lors qu’on commence à se poser des questions, on a plus envie de se cacher les yeux. Et on essaie de se mettre un peu en adéquation avec un certain nombre d’idées ou de convictions, telle que préserver la nature ». Son engagement pour la préservation de l’environnement a toujours été présent, depuis son plus jeune âge. « J’ai toujours eu une curiosité pour les choses de la nature ». Ayant grandi sur une grande exploitation agricole, elle a vu des pratiques qui « posent question ». « C’est vraiment la base de ma réflexion intellectuelle ». Elle se remémore ainsi une pratique étonnante : la section des queues des porcelets ainsi que le meulage des dents, qu’elle trouvait à l’époque « normal ». « Un jour, j’ai compris que si on coupait leur queue, c’était pour éviter le cannibalisme, chose qui peut arriver car ils grandissent dans des conditions qui sont concentrationnaires . Forcément, à ce moment là, c’est le déclic ».

« Je n’ai pas de réponse théorique sur ce qu’est la transition, mais beaucoup de questionnements, et envie d’interpeller les élus sur ces sujets »

De rencontres en rencontres, comme par exemple avec Jean-Claude Pierre, l’un des fondateur d’Eau et Rivières de Bretagne et actuel porte-parole du réseau Cohérence, son engagement mûrit. « Tout cela participe d’un cheminement intellectuel, qui consolide des convictions autour de la nature ». L’aménagement du territoire, la consommation de l’espace agricole, les déplacements… sont autant de problématiques qui lui posent question aujourd’hui. « Je n’ai pas de réponse théorique sur ce qu’est la transition, mais beaucoup de questionnements, et envie d’interpeller les élus sur ces sujets ». Autre sujet qui la passionne : la culture. « Il y a énormément de choses à faire concernant l’accès à la culture. Il faut penser aux auteurs, aux artistes, et qu’on arrête d’y voir quelque chose d’accessoire. ». « Il faut de la culture, de la magie, de la poésie, notamment au niveau de la protection de l’environnement », soutient-elle.

« Pas mal d’hommes me l’ont dit, c’est grâce à elles ou par elles qu’arrivera la transition écologique. Mesdames, faites-vous connaître, faites savoir que vous êtes là, et faites connaître vos initiatives  »

Autre constat au niveau de l’environnement et des transitions écologiques : que les femmes y prennent leur place. « Pas mal d’hommes me l’ont dit, c’est grâce à elles ou par elles qu’arrivera la transition écologique. Mesdames, faites-vous connaître, faites savoir que vous êtes là, et faites connaître vos initiatives », exhorte-elle. Johanne a par ailleurs dans les cartons un projet d’ouvrage, mêlant texte et photos, autour des femmes paysannes. Nous ne manquerons pas d’en reparler !

Pour le moment, on peut retrouver les deux ouvrages qu’elle a créés, rassemblant ses photos autour de l’eau, baptisés « Saut(e) dans l’eau » et « Chante la mer ». Dans ses ouvrages, elle a pour objectif, de « montrer à voir la nature toute proche, celle sous nos pieds ». Mais aussi « interpeller, interroger, faire rêver aussi… Susciter l’intérêt et dès lors, donner envie de connaître. ». On peut découvrir son travail sur son site web : https://www.johannegicquel.com/


Ecoutez l’interview audio de Johanne

Autre série de réalisations de Johanne




Edito. Portraits de femmes en transition : Ces Eco-Bretonnes qui font bouger l’écologie dans nos territoires !

Lorsque en 2013, une partie des rédacteurs et rédactrices s’en est allé pour créer ce qui allait devenir « Sans transition ! » , l’un des premiers actes de notre nouvelle équipe fut de changer le logo et de remplacer le petit reporter par une bigoudène pétulante, marquant ainsi l’importance que nous reconnaissions naturellement aux femmes dans le dynamisme des transitions écologiques et solidaires en Bretagne. Si depuis notre logo a encore changé, nos convictions, qui s’appuient sur des faits, sont elles restées intactes : ici comme partout dans le monde, les femmes sont souvent la force motrice de ces initiatives dont nous rendons constamment compte.

C’est pourquoi Eco-Bretons lance à partir de ce mois-ci une série au long cours de « Portraits de femmes en transition » qui, par leur action mais aussi leur parcours, illustrent chacune à leur manière ce que les femmes apportent quotidiennement aux mouvements actuels de transition et chemin faisant, participent amplement à faire bouger petit à petit les lignes.

En ces temps où la puissance du féminin (re)prend sa place tant bien que mal face à un patriarcat qui a hélas bien malmené depuis des siècles autant les femmes que l’ensemble du vivant, et tandis que certain.e.s rendent hommage au matrimoine breton, il nous est apparu aussi évident qu’indispensable de vous donner à voir et à mieux connaître celles qui « font leur part  de colibri » sur les territoires de Bretagne.
Il ne s’agira pas nécessairement de mettre en exergue des personnalités déjà connues de tous, telle l’écoféministe indienne Vandana Shiva que nous avions rencontrée à Rennes, mais plutôt de montrer que ces « petites révolutions du quotidien » sont l’affaire de toutes les femmes et que chacun.e d’entre nous est le moteur de sa propre transition. Il s’agira surtout de témoigner du fait que, si le statut de la femme dans notre société peut être un atout, il reste encore hélas trop souvent un obstacle aux initiatives. Comment peut-on le mieux faire l’usage de l’un pour faire sauter l’autre !

Ainsi tous les mois, l’équipe d’Eco-Bretons vous présentera le portrait d’une femme, effectué à partir de dix questions qui se déclinera sous la forme d’un reportage à la fois écrit et audio ainsi que d’une vidéo chaque fois que cela sera possible.

Nous avons prévu de mener cette série sur au moins trois ans. Nous espérons ainsi collecter suffisamment de portraits pour à ce terme constituer un livre, et pourquoi pas un film documentaire.

Nous sommes très heureux de vous offrir pour ces fêtes de fin d’année un premier portrait que nous nous apprêtons à publier dans les prochains jours. Nous vous en souhaitons bonne découverte et sommes bien sûr curieux de vos réactions. Alors n’hésitez surtout pas à nous les faire savoir.

 De même, si vous pensez que parmi vos amies et connaissances, il en est qui mériterait de figurer dans cette galerie, dites-le nous aussi. Nous sommes comme toujours, à l’écoute de toutes les propositions.

A noter que ce projet a d’ores et déjà reçu le soutien financier de la Région Bretagne.

Très
belles fêtes à toutes et tous.

 

 L’équipe
d’Eco-Bretons