Dans les papiers végétaux et cartes du vivant de Laura Conill

Originaire de la région lyonnaise, Laura Conill, est une artiste-designeuse-papetière au sourire radieux, passionnée du vivant, qui s’est établie depuis quelques années en Bretagne, à Morlaix précisément. Cette diplômée en archéologie et philosophie de l’art s’est ensuite tournée vers une pratique plastique en se formant à la Haute école des arts du Rhin. « Dans ce mélange de formations, je trouve une méthodologie commune et hybride entre la recherche de récits, d’inventions d’histoires à partir de fragments et expérimentations, pour proposer d’autres modes de vie possibles », dit-elle.

Laura Conill fait de son récent lieu de vie finistérien, un terrain de découverte, d’expérimentation et de création, entre terre et mer, résolument sous le signe du lien, de là-bas – Indonésie, Vietnam, Mexique, Etats-Unis, Inde… – à ici, dans un esprit low-tech : « ma démarche évolue différemment selon le projet, pour construire des projets incrémentalistes (ndlr : qui se construisent petit à petit, par des ajouts continuels), des toiles d’araignées tissées entre personnes, lieux, matières et techniques. La création engagée est ce qui me fait voyager plusieurs mois en Asie et à Détroit à la recherche de créateur.trices impliquées dans des questions environnementales et sociales, et créer en rentrant en Alsace un collectif, avec trois autres designeuses – Chloé, Morgane et Louna – nommé Bouillons (voir encadré au bas de l’article). »

Laura n’est pas arrivée seule en Bretagne, une autre membre du collectif Bouillons, l’artiste-céramiste Morgane Lozahic à laquelle nous consacrerons également un sujet, s’est établie non loin de Morlaix, à Plougasnou. Parallèlement à leurs projets respectifs, elles travaillent ensemble et toujours avec le collectif Bouillons.

Les projets de Laura Conill se conjuguent toujours en mode collaboratif, avec les habitants humains et non-humains, avec des artistes, des associations : « à travers la coopération et la collaboration avec des métiers différents, mais aussi via le partage de savoir-faire du papier artisanal, de techniques de valorisation des rebuts de matières et du végétal, je crée des objets et des événements qui rassemblent, questionnent et sensibilisent. ».

Cartoletto ou carte-lit, carte qui se lit, carte qui nous relie aux vivants

C’est ainsi qu’en mai 2024, à la faveur d’un appel à projets de la Région Bretagne, « Aide aux jeunes artistes plasticien·ne·s en Bretagne », auquel a répondu l’association Les Moyens du bord, Laura Conill s’est installée en résidence de création aux Chiffonniers de la Joie pour un projet artistique de cartographie géante qui fait actuellement l’objet de l’exposition Cartoletto, jusqu’au 9 mai 2025, à l’espace du Roudour de Saint-Martin-des-Champs.

Sur la page de couverture du petit livret d’accompagnement de l’exposition Cartoletto, concocté par l’artiste et sobrement intitulé Cahier de terrain, s’y déplie dans tous les sens, ce mot italien : «  La carte-lit, de l’italien « carta » : carte, papier, et « letto » : lit. La carte comme une image qui se lit, la carte lue. La carte comme feuille de papier artisanal. Le lit en tamis papetier géant. Le lit comme le point d’ancrage d’un lieu de vie. Le lit de la rivière de Morlaix. »

A l’intérieur de ce Cahier de terrain, « des nourritures livresques et notes de carnet » où se côtoient des extraits d’ouvrages tels que « Le patrimoine culturel de la calligraphie et de l’impression du Gansu » par Yi Xumei, Liu Xiumen ou encore d’archives Archimer « Le microplancton des rivières de Morlaix et de la Penzé » de Gérard Paulmier. Et aussi des citations du philosophe Baptiste Morizot, de l’écrivaine-plasticienne Claudie Hunzinger, de l’écrivaine Juliette Rousseau… des croquis, de la rivière de Morlaix, qui accompagnent la liste des algues et plantes marines et celle des planctons et animalcules de la baie de Morlaix, ainsi qu’un lexique des couleurs végétales des pâtes à papier.

Mais faisons ensemble un petit bond en arrière, jusqu’à la genèse de ce projet.

Collaborer pour créer

Collaborer pour créer, c’est précisément le fil rouge choisi par Les Moyens du bord pour la programmation de ses événements tout au long de cette année 2025, à commencer par l’exposition Cartoletto de Laura Conill. Et cet article lui-même est le fruit d’une collaboration puisque ce sont les mots de l’artiste qui prennent maintenant le relai pour vous relater les coulisses du projet.

Cartoletto s’est imaginé en collaboration avec plusieurs acteurs du territoire pour créer des cartes d’écosystèmes, géographiques et sensibles, des cartes géantes aussi, créées en papier artisanal, qui traduisent l’histoire du lieu et de ses habitant.e.s, du vivant, dans la baie de Morlaix, en mer, et des imaginaires noués autour. « Ces grandes cartes en papier artisanal sont des cartes qui racontent, sensibilisent, informent, traduisent et sentimentent, qu’on ne peut créer qu’à plusieurs mains. »

Parmi ces acteurs : Les Chiffonniers de la joie, comme lieu de création des outils papetiers et des grandes feuilles ; Les Moyens du Bord, pour le lieu d’atelier, l’accompagnement artistique, et pour la teinture végétale du papier avec des plantes locales ; Gladenez, association de préservation du patrimoine de l’île de Batz, comme lien avec les fours à goémons et goémoniers, la récolte de laminaires et de cendres de laminaires ; l’association Traon Nevez, pour la récolte de fibres sur le site ; les deux créateurs de microscopes à plancton à Morlaix, pour l’utilisation de leur microscope afin de lire les cartes à l’eau de mer.

Le projet a été collectif et s’est articulé autour des personnes qui gravitent aux Chiffonniers de la joie. En effet, il s’agissait d’installer un atelier saisonnier de fabrique de papier artisanal, avec les personnes-ressources (équipe, bénévoles, public) et les ressources-matières des Chiffonniers. Cet atelier est une fabrique où les outils papetiers sont à l’échelle du lieu, fabriqués sur place, pour ensuite créer les cartes géantes.

A l’aide de sommiers de lits réassemblés, de grillages, mais aussi de l’atelier bois et métal des Chiffonniers, il s’agit de construire des tamis papetiers géants, et créer des grandes compositions de papier artisanal, ces grandes feuilles de papier recyclé ou végétal qui sont devenues des cartes à lire. Pour créer de telles feuilles, il y a eu tout un processus collaboratif, car la feuille nécessite d’être soulevée et balancée à plusieurs mains, dans une harmonie et une coordination des gestes, qui suit le savoir-faire papetier mais en créant des feuilles de géant.e.s. Il y avait aussi d’autres outils de création liés au papier à construire, comme une pile hollandaise. Les grandes cartes créées sont en lien avec l’écosystème de Morlaix, son contexte, ses lignes du territoires de la mer et de la terre, et ses plantes qui créent les couleurs et les fibres du projet.

Tamis géant utilisé dans le cadre d’un des ateliers de fabrication de papier que Laura anime depuis son arrivée, dans le lavoir du site de Traon-Nevez (Dourduff-en-mer/Plouézoc’h) où elle exposait également quelques-unes de ses créations de papier végétal.

Une exposition mêlant étroitement art et sciences

Il s’agissait de comprendre le territoire ensemble et voir quelles plantes de terre ou de mer locales pouvaient teinter naturellement les pâtes à papier, fabriquer des encres pour l’impression sur les cartes. La recherche prévue était aussi de prélever des échantillons d’eau de mer dans la baie de Morlaix, pour créer des feuilles à l’eau de mer, et collecter dans chaque feuille de papier formée une cartographie minuscule de cet écosystème : les planctons, les micro-plastiques, les algues récoltés : toutes non visibles à l’oeil nu. C’est avec l’organisation Plankton Planet – œuvrant pour une océanographie internationale et citoyenne dédiée au plancton – et les scientifiques de Fairscope que l’artiste a effectué ces échantillonnage d’eau de mer.

Chaque feuille assemblée avec les autres feuilles/échantillons compose ainsi une grande carte de la zone, une grande cartographie merrienne et terrienne, toujours avec les plantes tinctoriales du territoire de la baie de Morlaix. Laura Conill aimerait aussi poursuivre ses recherches entamées avec des personnes de l’île de Batz : faire du papier de laminaires, en lien avec les fours à goémons et la soude de laminaires.

Il y a plusieurs degrés, didactiques, de lecture dans les cartes créées : à parcourir du regard et y voir les détails d’espèces rencontrées, flux de migrations, villes, plantes, par des traits et formes colorées, créées avec une technique d’impression papetière et par l’impression en gravure. L’autre niveau de lecture est possible avec un microscope parcourant toute la carte, et voir la vie minuscule figée dans le papier, enserrée dans ses fibres. Les planctons sont là, visibles, comme un herbier du vivant, avec les débris d’algues, et les poussières de plastique, reflétant ainsi la globalité des prélèvements à cet instant donné.

Les compositions finales sont à parcourir avec ces deux dimensions, comme une grande carte de navigation qui aurait des mystères et trésors cachés à l’intérieur, une carte sensible aussi, qui signifie, montre à un instant T son état, et comment elle peut encore changer. Les grandes compositions sont vouées à changer de lignes de territoire dans quelques années, et donc c’est un travail vivant qui continuera dans le changement des couleurs et le rajout de pâte à papier sur les cartes. Il s’agit donc de sensibiliser par ce prisme art/science aux changements des écosystèmes, à ce qu’on doit protéger autour de nous et ce qui ne doit pas disparaître.

Laura Conill organise des ateliers d’initiation à la technique papetière, pour créer des feuilles de papier artisanal aux couleurs de saison. Par le biais d’une cueillette de plantes locales et de la technique de l’inclusion végétale, des compositions sont ainsi réalisées dans les papiers créés, en jouant sur les couleurs, tailles et épaisseurs des papiers fabriqués.

Et pour celles et ceux qui souhaitent parfaire leurs connaissances et pratiques, elle a publié en juin 2024, un livre intitulé « Faire son papier – recyclé, artisanal, végétal » (ulmer éditeur)

Interview de Laura Conill effectuée à Traon Nevez, l’été dernier :

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/faire-son-papier-recycle-artisanal-vegetal-979-cl.htm

Bouillons, Un atelier de création engagée pour le vivant

« Nous sommes Bouillons, un atelier de création engagée pour le vivant regroupant quatre designeuses-artistes. Au sein de cet atelier, nous travaillons sur les problématiques écologiques actuelles, qu’elles soient environnementales ou sociales. Nous maîtrisons des compétences

artisanales variées et complémentaires dans cet atelier : le papier artisanal, la teinture naturelle, la céramique, le tissage manuel, la couture et l’illustration. Nous investissons ces savoir-faire dans

des moments de création, de rencontres, de partage et de transmission, que nous mettons en place dans différents cadres et avec des publics variés.

Nous aimons introduire la création dans des secteurs qui ne pensent pas y être destinés, tout comme nous aimons que d’autres univers et métiers s’introduisent dans notre activité. Nous souhaitons mêler nos compétences à celles d’autres personnes d’un écosystème local.

Bouillons est aussi un atelier de production d’objets et d’idées : nous partons des rebuts de matières, mais aussi du vivant, pour créer du beau, et sensibiliser différents publics.»

www.bouillons-atelier.fr 

https://www.facebook.com/bouillons.atelier

Le site de Laura Conill : https://lauraconill.com/

https://www.facebook.com/laura.conill




Portrait de femme n°19. Veronica Gomez Tomas, juriste en droit international de l’environnement

Rencontre avec Véronica Gomez Tomas, morlaisienne d’adoption, argentine de naissance, qui est juriste en droit international de l’environnement. Elle évoque pour nous son parcours, marqué par le voyage, et son engagement, aussi bien associatif que professionnel, pour les droits de l’homme et de la nature, ici et là-bas.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Veronica Gomez Tomas, je suis argentine de naissance et morlaisienne d’adoption. J’habite ici depuis 11 ans. Je suis juriste en droit international de l’environnement, je collabore avec des ONG spécialisées dans les droits de l’Homme, plus particulièrement sur la partie environnement, en France et en Argentine.

Quel a été ton parcours ? Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir juriste ?

J’ai un parcours très atypique. J’ai fait des études de droit en Argentine. Là-bas c’est assez long, ça peut durer 6-7 ans. Et ce n’est qu’à la fin que nous avons des matières en lien indirect avec l’environnement. Mais à cette époque on n’appelait pas ça comme ça. Je me souviens par exemple, quand je révisais mes cours de « droit minier », parfois je m’arrêtais pour pleurer, beaucoup. Je reprenais ensuite mes esprits et je continuais, mais c’était trop violent. Quand j’ai terminé mes études, un prof m’a demandé ce que je voulais faire après. J’ai répondu que je voulais me consacrer aux « intérêts diffus ». Ce qui m’avait le plus marquée, c’était un article de la nouvelle Constitution (Réforme de 1994, suite à la Conférence de Rio de 1992) sur le droit à un environnement sain. C’était fin des années 90 et début des années 2000, on parlait du changement climatique et du Protocole de Kyoto, on commençait à évoquer le droit à un environnement sain, mais englobé dans la notion « d’intérêts diffus ».

J’ai eu ensuite un autre déclic dans ma vie. J’exerçais mon métier en Argentine, j’avais une vie très ordonnée et ordinaire jusqu’au moment où j’ai pris  une année sabbatique pour aller naviguer. Sauf que là, j’ai fait une petite erreur de calcul : au lieu de rester un an sur le bateau et de rentrer chez moi pour continuer à exercer mon métier d’avocate, je suis restée 7 ans sur le voilier, et j’ai fini avec un mari, deux enfants. Et on a jeté l’ancre à Morlaix ! (rires)

Ce voyage a complètement changé ma vie, ma vision du monde, mes priorités, mon lien avec la nature, avec les éléments, mon lien avec la transition écologique… Il y a eu un avant et un après. Cela m’a permis de vivre dans plusieurs pays très différents. Et en même temps, j’avais toujours ma façon de penser, une autre culture, un autre métier etc. A chaque endroit, j’avais cette vision par le prisme de l’accès aux droits de l’Homme, des problèmes environnementaux, des problèmes sociaux….

C’était une expérience très enrichissante. Déjà le fait de vivre dans un tout petit bateau, ça requestionne nos besoins. Au tout début, on habitait sur un bateau de 9 mètres qui n’était pas du tout équipé. Je crois qu’on développe une capacité d’adaptation assez intéressante ! On se rend compte que beaucoup de nos besoins ont été créés et ne sont pas forcément réels. C’est une des choses qui m’a le plus marquée.

Tu es aussi engagée à la Ligue des Droits de l’Homme…

Je suis entrée en contact avec cette association en 2018, car à l’époque je faisais partie du mouvement des Citoyens pour le Climat. On se retrouvait sur des causes communes. Je me suis dit que c’était un peu dommage que la LDH ne voyait alors pas le droit à un environnement sain comme un droit fondamental de l’Homme. J’ai intégré la Ligue ici, et j’ai travaillé en parallèle dans un groupe national sur l’environnement. Nous avons modifié les statuts de la Ligue en 2022 pour les élargir au droit à un environnement sain. C’était une victoire. Je continue à être dans le mouvement à Morlaix, ça me permet de donner de la visibilité à la thématique, notamment dans le cadre du FestiSol.

Eco-Bretons étant un média engagé dans les transitions écologiques, peux-tu nous dire ce que la notion de « transition écologique » t’évoque et ce qu’elle représente pour toi ?

Le mot transition évoque l’action de transiter, de cheminer. C’est un devenir, le passage d’une situation actuelle certaine à une autre situation future, souhaitable…

Face aux défis de notre temps, tels que le changement climatique, des crises sociales, l’épuisement des ressources, le dépassement des limites planétaires, la montée des inégalités… le changement des nos modèles de fonctionnement s’impose.

La transition englobe la notion de transversalité et de pluralité. Il n’y a pas de solution miracle, la transition se prépare. Elle est faite d’actes et de prises des décisions plurielles, en prenant compte des besoins et des savoirs des différents acteurs du territoire.

 La transition est l’opportunité d’imaginer un monde souhaitable, adapté aux nouvelles conditions de vie par le biais d’une convivialité choisie ; en veillant à mettre en place des nouvelles pratiques (économiques, sociales, agricoles) qui garantissent  l’accès aux droits de l’Homme en conditions de dignité en prenant compte de la capacité de régénération de notre planète.

Est-ce que tu t’identifies comme actrice de cette transition ? Pourquoi ? Comment ?

J’essaye d’avoir un rôle actif, dans différents domaines : Participation citoyenne, incidence et sensibilisation, éducation populaire. En contribuant à la réflexion, dans des instances de participation citoyenne et dans des actions associatives comme le FestiSol à Morlaix par exemple. Lors des dernières élections municipales, j’étais engagée dans le Pacte pour la transition qui proposait 32 actions en lien avec la transition écologique et sociale. Et actuellement à Morlaix, avec la Communauté d’action sur la transition écologique*, on réfléchit sur une sécurité sociale de l’alimentation.

J’anime des ateliers d’éducation populaire basés sur l’intelligence collective, tels que la Fresque du climat, la Fresque océane, la Fresque de la biodiversité… Elles apportent un éclairage et donnent des clés de compréhension sur les enjeux écologiques, qui appellent ensuite à passer à l’action.  Au bout de 3-4 heures, on voit la prise de conscience chez les participants. C’est une satisfaction énorme. On sème une petite graine.

J’essaye aussi de créer des ponts entre l’Amérique latine et l’Europe afin d’apporter un point de vue différent, en faisant connaître ici ce qui se passe là-bas et en favorisant l’échange des bonnes pratiques.

J ‘ai été la première animatrice de la Fresque du Climat en Argentine, dont je suis devenue référente pays. J’ai contribué à fonder la communauté et à essaimer le mouvement en Amérique Latine. Des événements dont je suis fière?  J’ai « fresqué » le Ministère de l’environnement, et j’ai emmené la Fresque au Forum Mondial des Droits Humains et à un forum sur l’urgence climatique et les droits de l’Homme dans les Amériques, organisé par REDESCA (le Rapporteur Spécial sur les Droits Économiques, Sociaux, Culturels et Environnementaux à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme).

Depuis quelques mois, avec Anne-Sophie Menand, fresqueuse également, nous avons lancé le Fresk Noz, dans le pays de Morlaix. Il s’agit de la réalisation de deux ateliers de sensibilisation aux enjeux écologiques. Une Fresque climat dans les communes environnantes et une autre Fresque à Morlaix, tous les mois.

Selon toi, y-a-t-il des spécificités propres aux femmes dans la façon d’aborder la transition écologique ?

Oui. Tant l’écoféminisme que les mouvements écologiques ont une origine commune : la remise en question du modèle dominant basé sur le patriarcat et le capitalisme. Cela est bien illustré dans la fameuse phrase du philosophe Francis Bacon à la fin du XVIe siècle  « La nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs. » 

Le courant écoféministe établit le parallèle entre “mon corps, mon territoire”, en faisant référence aux deux terrains d’abus du patriarcat. Même chose avec l’extractivisme dont dépend le modèle capitaliste.

 Quels sont les souvenirs les plus marquants (personnes, événements…), les rencontres qui t’ont donné envie de t’engager ?

Mes 7 ans vécus sur un voilier. J’ai eu la chance aussi de passer du temps avec certains peuples natifs. J’en ai vu plusieurs qui étaient complètement ravagés car ils avaient vendu leurs terres à des particuliers, et se sont fait exclure. Les prix montent tellement qu’ils ne sont plus capables d’accéder aux terres. C’est toute une décadence qui s’installe, qui est sans fin.

Mais j’ai aussi fait la rencontre du peuple Kuna, que j’admire énormément, sur un archipel de plus de 300 îles au large de la Colombie et du Panama. Là-bas, c’est très préservé. Ce peuple est un exemple de résistance culturelle, assurée par le Matriarcat. Ce sont les femmes qui transmettent la culture, la langue. Ils n’ont pas le droit de se marier avec quelqu’un d’extérieur à la communauté, ce qui fait que c’est le peuple le plus petit du monde après les Pygmées. Il y a des problèmes de consanguinité, notamment de l’albinisme. Mais au lieu de les laisser à part et de les stigmatiser, ils les appellent « les enfants de la lune ». Ce peuple qui a fait la révolution en 1925 a une relation à la propriété qui est communautaire. Tout est préservé, avec des femmes au pouvoir !

 Qu’est-ce qui te révolte le plus actuellement ?

Au niveau global, la montée de l’extrême-droite. Au niveau personnel : le déni, l’indifférence, l’égoïsme, le manque de solidarité.

Et qu’est-ce qui t’enthousiasme le plus ?

L’innovation dans tous les domaines. La force de l’imagination pour sortir des sentiers battus, pour faire face aux nouveaux défis de notre époque. Et cela dans tous les secteurs confondus : l’innovation juridique par le biais des litiges stratégiques, des plaidoyers pour la reconnaissance du crime d’écocide ou des droits de la nature, qui ne sont pas encore reconnus dans les textes de loi. L’implémentation de la démocratie environnementale, avec les trois piliers que sont l’accès à l’information publique, la participation citoyenne dans la coconstruction des politiques publiques, qui vont avoir un effet sur la santé ou sur l’environnement, et l’accès à la justice.

Il y a aussi l’innovation sociale, avec l’engagement des jeunes par le biais des mouvements citoyens, des modes de gouvernance plus horizontaux, l’éducation populaire, les ateliers de vulgarisation scientifique tels que la Fresque du Climat et toutes les autres qui se sont inspirées de celle-ci, et qui offrent une vision sémantique des enjeux environnementaux accessible à tous.

L’innovation économique, avec le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Je n’oublie pas non plus la force des réseaux, des think-tanks, le faire ensemble… Car c’est la diversité des points de vue, et l’union vers une finalité commune, qui font la force.

 Y-a-t-il selon toi des domaines d’actions prioritaires ?

Dans tous les domaines, il faut revoir l’échelle des valeurs et des priorités. Et se baser sur des valeurs comme la sobriété et la solidarité.

Générer une prise de conscience sur le besoin d’avoir une vision à long terme, qui prenne en compte non seulement la satisfaction de nos besoins actuels, mais aussi les effets collatéraux sur l’environnement et les générations futures. Et cela à tous les niveaux, dans les stratégies politiques, la planification urbaine ; dans l’éducation : pour sensibiliser les nouvelles générations et générer des prises de conscience, des nouvelles façons de consommer, favoriser des nouvelles méthodes de production.

Chaque prise de décision, chaque action façonne notre future à court, moyen et long terme.

Face au déclin de la biodiversité, face au dérèglement climatique, nous devons aller vers la régénération, vers l’adaptation, vers la résilience.

 En quels acteurs et à quels échelons territoriaux crois-tu le plus actuellement pour accélérer cette transition ?

L’échelle locale est souvent la plus efficace, car il existe un lien direct entre les acteurs du territoire et les connaissances des lieux, des savoirs faire, ainsi que les problématiques, les risques et leurs besoins. Les différents acteurs du tissu social et économique ainsi que les habitants de proximité doivent être écoutés et intégrés dans la prise des décisions liées aux enjeux environnementaux. Il est indispensable de donner leur place aux citoyens et aux divers acteurs des organisations de la société civile. Il y a tellement à faire, que toute contribution est valable. Tout un chacun a son petit rôle à jouer.  La sobriété et la solidarité étant des facteurs clés, pour ne laisser personne sur le côté.  

 Aujourd’hui, qu’est-ce qui compte vraiment pour toi ?

Le maintien de la paix. La préservation de la nature. Assurer le bien-être des générations futures et réduire les inégalités, par le biais de la solidarité, la sobriété, la cohérence.

Pour terminer, est ce que tu as des initiatives et/ou personnes « coup de cœur » que tu souhaiterais mettre en avant ?

Une personne : Paul Watson. Pour ses luttes : sauver les baleines, l’océan… mais tout cet acharnement contre lui !

Des initiatives : l’Agenda 2030 des Nations-Unies qui met l’humain au centre des objectifs de transition, par le biais de la coopération, pour en finir avec les inégalités, dans le respect de la protection de la nature, sans laisser personne de côté.  Il y a aussi La Directive européenne sur le devoir de vigilance qui vise à prévenir des atteintes graves, par les grandes entreprises, aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes et à l’environnement.

Une autre initiative qui existe depuis 2015 : Le projet de Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité, qui est le premier texte à reconnaître des droits et des devoirs pour l’Humanité, vis-à-vis d’elle-même, des générations futures, des autres espèces et de la nature. Cette déclaration propose notamment de créer une interdépendance entre les espèces vivantes, d’assurer leur droit à exister et le droit de l’Humanité, pas seulement les Hommes, mais tous les êtres vivants, de vivre dans un environnement sain et écologiquement soutenable. Là, on sort de l’anthropocentrisme avec un regard plus occidental que celui des droits de la nature ou du « buen vivir ». C’est un projet que j’aime beaucoup, et que j’avais signé et cherché d’autres signatures pour le soutenir.

*https://fonda.asso.fr/ressources/morlaix-une-communaute-daction-pour-une-alimentation-durable







Mélanie Mardelay, la cuisine végane au cœur… et au bout des doigts !

(Rediff) C’est à l’occasion du veganuary, le plus grand mouvement mondial végan*, encourageant depuis 2014 à manger végan tout au long du mois de janvier, qu’Eco- Bretons part à la rencontre de Mélanie Mardelay, cheffe culinaire de la région de Dinan (22). Mélanie y élabore ses recettes végétales qu’elle transmet avec passion, pédagogie et humour. Et c’est en toute sincérité et simplicité qu’elle nous parle de son parcours de transition professionnelle qui lui a permis d’accorder ses convictions éthiques, environnementales et sociales avec sa passion de la cuisine.


J’ai créé mon blog en 2014, à l’époque j’étais traiteur, très fraîchement végane et j’avais envie de partager mes recettes pour le quotidien, pour contrebalancer la cuisine plus élaborée que je proposais dans mon travail. C’était un peu mon carnet de bord.
J’ai commencé à me questionner en 2013, grâce à mon travail justement. Je proposais des menus de fêtes essentiellement pour des mariages et, bien que travaillant avec des produits bios, locaux, je trouvais que j’utilisais quand même pas mal de produits animaux (il s’agissait davantage d’une réflexion logistique à cette époque que éthique). Un week- end où j’avais une grosse commande de desserts, et que je cassais des dizaines d’œufs à la main, je me suis demandée ce qu’il en était des plus grosses entreprises en restauration : si moi, petite boite, j’avais déjà autant d’œufs à casser, comment se fournissait les autres ? Et comment arrivait-on à les fournir, surtout ! J’ai commencé à me renseigner sur l’élevage de poules et j’ai mis les pieds dans un système dont je n’avais absolument aucune idée avant : les couveuses et le sort réservés aux mâles, les immenses bâtiments fermés, le traitement et la fin des animaux pourtant élevés aux normes bios. Ça a été une claque énorme pour moi qui ne m’étais jamais questionnée dessus (pourtant fille d’éleveur en plein air) et mettant le bio en haut du panier en termes d’éthique de vie.

À partir de là, j’ai déroulé une pelote de laine. Si j’avais déjà arrêté de manger du foie gras un ou deux ans auparavant, je suis devenue pendant plusieurs mois végétarienne puis végétalienne le temps de tout réapprendre et de pouvoir aligner mon travail avec mes nouvelles valeurs. Fin 2019, j’ai arrêté mon activité de traiteur pour me consacrer à mon blog et à mes livres et j’en vis depuis.


Sur votre blog « Le cul de poule » et sur les réseaux sociaux ( melanie.leculdepoule sur Instagram), en plus de l’humour, on sent chez vous une attention particulière à ne pas culpabiliser vos lecteur.rice.s, ne pas être parfait.e en cuisine, y aller progressivement…Le désir de transmission est prégnant et non imbibé d’injonctions à la perfection écologique…
Y êtes-vous attentive dans votre façon de transmettre vos convictions ? Vous parlez également de féminisme, de charge mentale etc…


J’y suis très attentive aujourd’hui, mais j’étais bien plus rentre dedans au début. Quand on ouvre enfin les yeux, on est en colère contre le monde et contre soi, on a envie que tout aille vite et on ne comprend pas que plus de gens ne sont pas déjà engagés dans une transition alimentaire. Si j’ai toujours partagé avec humour et passion je pense que je manquais de nuances au tout début, j’étais très vindicative. Aujourd’hui, je suis toujours très droite dans mes bottes mais j’ai appris à modérer mon discours afin de toucher plus de gens. J’ai appris à prendre en compte les freins des un.es et des autres et à comprendre qu’il est indispensable que chacun.e aille à son rythme et qu’on avance bien plus facilement quand on est soutenu.e que quand on est jugé.e.
Et adopter un mode de vie végan, donc pour les animaux, c’est aussi, irrémédiablement, investir et relier de nombreux combats idéologiques. On ne peut pas être féministe et manger des produits issus de l’exploitation des femelles par exemple**. Quant à la charge mentale, elle est déjà omniprésente chez les femmes, mais quand vient s’ajouter un changement d’alimentation pour le foyer, ça devient carrément colossal. Donc oui, ce sont des sujets qui me tiennent énormément à cœur car être vegan est un choix politique et on ne peut pas se contenter de présenter ses casseroles sans englober tous ces sujets.


Si la nutrition m’a toujours intéressée, j’ai été obligée de m’y pencher un peu plus en ayant des enfants car évidemment, rien n’est fait pour nous aider donc il fallait à l’époque chercher par soi-même. Heureusement aujourd’hui on trouve des ressources scientifiques fiables et en français (ONAV, vegan pratique). Je ne pense pas que ce soit un prérequis pour devenir végan, clairement. Combien de personnes mangeant de la viande se soucient de leur équilibre alimentaire ? On ne leur demande rien, or on exige des personnes végétaliennes une connaissance parfaite afin de prouver que c’est viable et qu’elles ne se mettent pas en danger. Les preuves existent mais ne sont pas du tout véhiculées en France, bien au contraire.
Donc c’est plus par défaut et pour rassurer les gens que je me suis formée sur le tas et surtout que je travaille avec une diététicienne nutritionniste sur de nombreux ouvrages qui traitent de la nutrition. Mon métier, ça reste la cuisine.


Selon vous, quelles peuvent être les raisons en France, en Bretagne terre d’élevage, pour que l’alimentation végétale provoque autant de crispations, de réflexions souvent ironiques ou agressives ? Quels sont vos conseils pour y faire face et emmener un peu plus de
compréhension sur ce choix alimentaire ?


Indiscutablement le patrimoine culinaire français qui peine à se renouveler et à se moderniser et les lobbies agro alimentaires qui pèsent de façon colossale dans toutes les décisions liées à une amélioration des conditions de vie des animaux, à la santé des humains, et à l’environnement de manière générale. Tant que des politiques ne s’empareront pas davantage de ces sujets afin de faire bouger les lignes au niveau législatif, on ne peut que continuer de sensibiliser l’opinion publique, montrer qu’une autre voie est possible. On ne convainc pas, on amène à réfléchir et on propose des alternatives. Personne n’aime s’entendre dire que ce qu’il fait est mal ou qu’aujourd’hui, on peut faire autrement. Il faut sortir du jugement des comportements individuels pour proposer un autre choix de société. Il faut que l’on puisse s’identifier à un mode de vie pour l’embrasser et aujourd’hui, les alimentations végétales peinent à se faire une place à cause de ces lobbies qui se gavent littéralement au détriment du vivant. Mais on avance.
Je nous vois un peu comme un tracteur, lent mais bien solide, plus que comme une voiture de course.


Une question m’intrigue quand je vous écoute sur les RS notamment sur Instagram…Bien que ce soit évidement au cœur de votre choix de vie, vous parlez finalement assez peu d’antispécisme, de votre rapport aux animaux…Le côté émotionnel engendré par l’exploitation animale laisse la place à la joie, le partage, le plaisir de se nourrir sans souffrance animale. Est-ce un choix conscient de ne pas l’évoquer frontalement ?


C’est une bonne question. C’est un vrai choix que de l’aborder comme ça oui. Comme je le mentionnais, au début j’étais assez vindicative et j’ai passé beaucoup de temps à essayer de mettre les gens face à leur contradiction. Je partagerai volontiers tout ce qui me tombait sous la main afin de montrer mes “preuves”. Et je me suis fatiguée, j’étais tout le temps en colère. Je n’avais pas envie de devenir une personne aigrie alors j’ai décidé de me consacrer à ce que je savais faire, mon cœur de métier : la transmission et l’apprentissage de la cuisine. Ça ne m’empêche nullement de proposer de longs articles (les RS c’est quand même très limité et ce n’est absolument pas là que se trouve l’essentiel de mon travail…) sur comment devenir végan, pourquoi, les dessous de l’élevage. Je traite également de ces sujets dans mes webzine dont le dernier en date sur le végétarisme et les dessous des produits laitiers. J’ai réalisé plusieurs vidéos sur mon parcours, sur le choix moral que c’est de devenir vegan et comment le vivre au quotidien vis à vis des animaux.
En résumé, quand on défend une cause, on ne peut pas être à tous les échelons pour faire changer les choses, c’est absolument impossible. Moi je ne me situe pas au début comme élément déclencheur. Mais je suis là quand les gens décident de creuser et de s’y mettre en cuisine. C’est comme si on reprochait aux personnes qui écrivent des livres sur le spécisme ou qui réalisent des podcast sur la condition animale de ne pas proposer en même temps des recettes de cuisine. Chacun sa zone de combat et c’est ensemble qu’on fait avancer les choses, je ne suis qu’un maillon.


Une vraie connexion avec le vivant, ce qui m’entoure, que j’avais très peu avant. Bien qu’ayant vécu toute ma vie à la campagne, entourée d’animaux, la dissonance cognitive était très forte, tout ça c’était un peu acquis pour moi, je ne le remettais pas en cause.

Aujourd’hui je suis bien plus consciente que tout est lié. Rien de spirituel là-dedans : nous sommes des animaux, qui vivons dans un environnement que nous ne respectons pas. Ça ne peut pas durer. On ne peut pas se comporter comme des dieux vivants en crachant sur ceux qui nous entourent, animaux, humains, nature et se regarder dans la glace en espérant que rien ne change.




Votre deuxième livre  » Dépenser moins, manger mieux » sort ce mois de janvier aux Éditions La Plage, comment l’avez-vous conçu et si vous deviez donner un seul argument pour se mettre à la cuisine végétale, quel serait-il ?


Je l’ai conçu comme une boîte à outils afin qu’il soit transposable dans un maximum de cuisines. Je ne crois pas à une seule méthode d’organisation en cuisine, je voulais que, quelle que soit la composition du foyer, les gens puissent se l’approprier et s’investir dans la qualité de leur assiette en préservant leur portefeuille. Le budget est un élément central de nos repas, quel que soit notre régime alimentaire, nous sommes quand même une majorité à y prêter attention et à vouloir mieux manger.
Mon argument est que la cuisine végétale est vraiment très facile. Ce qui est dur, c’est de s’y mettre dans la tête et dans l’organisation. Mais la cuisine végétale du quotidien en soi est réellement très facile et à la portée de tout le monde.


Eco- Bretons étant un média engagé dans les transitions écologiques, pouvez-vous nous dire ce que la notion de « transition écologique » vous évoque et comment est-elle ancrée chez vous en Bretagne ?


C’est un changement et je trouve que le terme transition englobe bien toutes les étapes par lesquelles on doit nécessairement passer. Les brûler ne va aider personne, ni les animaux, ni l’environnement ni les humains… On est encore au stade de l’information en Bretagne avec tous les freins pour y accéder que nous avons vu. On doit réfléchir collectivement à une autre façon de traiter le vivant et je ne pense pas qu’il y ait une solution qui fasse l’unanimité. Cependant, actuellement ce sont les intérêts d’une minorité qui décident pour la majorité et ce n’est pas tenable. Je trouve formidable toutes les alternatives qui se font à l’échelle d’un territoire, aussi petit soit-il. On a tendance à parler pour la France, mais on voit bien que les décisions majeures ne viendront pas d’en haut en premier lieu. La Bretagne est emprisonnée dans sa façon de faire, dans un élevage intensif et toutes les catastrophes qui en découlent, le monde de l’élevage et de l’agriculture n’a que très peu de marge de manœuvre. J’espère qu’un jour on arrivera à trouver une solution pour arrêter ces exploitations qui broient autant les animaux que les humains.


« Si, quand vous pensez à la crise climatique ou à la violence de notre système alimentaire, vous vous sentez impuissant•e et vous vous dites « J’aimerais tellement pouvoir faire quelque chose » : vous pouvez. ». Ces mots de Joaquin Phoenix, célèbre acteur américain et un des parrains du veganuary, résonnent avec ceux de Mélanie Mardelay. Alors n’hésitez pas à découvrir ses recettes savoureuses dans ses livres ou sur son blog !


Pour découvrir :
blog Le cul de poule
Instagram
webzine Le coup de fouet 

Définitions :


*Véganisme : Être végan est un mode de vie basé sur le refus de toute forme d’exploitation animale, la Vegan Society le définit ainsi : « « Une philosophie et façon de vivre qui cherche à exclure – dans la mesure du possible – toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but, et par extension, faire la promotion du
développement et l’usage d’alternatives sans exploitation animale, pour le bénéfice des humains, des animaux et de l’environnement. En matière diététique, il désigne la pratique de se passer de tous les produits dérivés en tout ou partie d’animaux. »


Végétarisme : Le végétarisme est une pratique alimentaire qui exclut la consommation de chair animale.


Pour aller plus loin :


** Chercheuse en philosophie, Myriam Bahaffou s’intéresse à l’analogie historique entre l’exploitation des animaux et l’exploitation des femmes. Article du journal Usbek et Rica

Portrait de femme n°16. Louise Roussel, la vélorutionnaire pour toutes… et bien plus encore !

« Quand vous voyez passer un cycliste, ne vous fiez pas à son allure inoffensive. A sa façon, il est en train de changer le monde ». Ces mots de Didier Tronchet, tirés de son petit traité de vélosophie, pourraient parfaitement s’appliquer à Louise Roussel. Mais le monde auquel Louise aspire, c’est celui où toutes les femmes ont accès au plaisir de rouler à vélo, vélo vu comme un fabuleux outil d’empowerment et de prise de confiance. C’est à Lorient (56) que nous la rencontrons pour évoquer son parcours et sa volonté de faire découvrir à toutes, la liberté, l’autonomie et l’émancipation que peuvent offrir le vélo. Et si Louise est devenue une des porte- voix de toute une génération de femmes cyclistes, nous découvrons que son engagement est bien plus vaste…

La première fois que nous avons rencontré Louise, c’était à l’occasion de la projection de son film-documentaire autour des femmes et du vélo, « Les échappées », co-réalisé avec sa compagne, Océane Le Pape et c’était déjà à Lorient. Cette ville est devenue depuis, son port d’attache, son point d’ancrage. Il n’a pas été choisi au hasard car la Bretagne et son énergie régénératrice, l’ont déjà sauvée d’un burn-out il y a une dizaine d’années. La beauté de la nature environnante, sa richesse culturelle et associative ont fait de Lorient le choix final des deux trentenaires.
Née dans les Flandres, fille de paysans, le vélo a été présent dans sa vie d’enfant comme un moyen courant de déplacements, de loisirs à la campagne, lui permettant de suivre facilement son grand frère. Mais alors que lui partait déjà seul à vélo vers 8 ans, les premiers souvenirs de Louise à vélo en solitaire se situent plutôt vers ses 12-13 ans… Une première différence entre les filles et les garçons qu’elle remarque aujourd’hui . Pas spécialement sportive, le vélo est relégué dans un coin de sa vie jusqu’au début de sa vingtaine où, pour accompagner son frère, elle décide de faire Amsterdam-Lille en pédalant. Par manque d’argent, le vélo leur semble un moyen accessible de voyager. Elle avoue en rigolant que cette première expérience fût horrible ! Débutants complets dans le voyage à vélo, sacs à dos… sur le dos… trop chargés, Google Maps se révélant le guide le plus foireux qui soit, l’aventure fût épique et reste un souvenir mémorable à raconter ! Et aussi décomplexant pour tous et toutes ! Mais le déclic est là, le sentiment de puissance et de liberté retrouvée, d’avoir réussi à faire cela « seulement avec son corps » lui font aimer et continuer le vélo. L’année suivante, elle part seule jusqu’à Budapest et depuis, n’arrête plus de rouler. Son vélo est devenu son moyen de transport principal et elle prend un malin plaisir à démontrer par l’exemple, qu’elle peut tout faire à vélo, comme arriver à des mariages à l’autre bout de la France ! Ne prenant plus l’avion, il lui permet également de faire des longues distances en Europe.

Louise se rend vite compte que les femmes sont peu représentées dans le milieu du vélo. Pourtant elles existent mais sont souvent invisibilisées… Les comportements sexistes sont légion, les remarques récurrentes sur le physique, sur les équipements vestimentaires, sont accompagnés d’un manque de place laissée aux femmes dans les fédérations, dans les ateliers de mécanique et même dès la conception des vélos, dans les entreprises du secteur… Comment changer cela ? Louise a toujours écrit, plus jeune elle a été correspondante de presse, a fait des études de communication… Son attachement à transmettre, à mettre en valeur les autres va pouvoir s’exprimer dans le domaine des femmes et du vélo. Ouvrir le champs des possibles, créer une communauté d’entraide sont des valeurs fondatrices pour elle. Encouragée par Océane, qui relisait les portraits qu’elle écrivait pour raconter les initiatives créées dans sa ville lors du confinement, l’idée d’un livre a germé.

Un livre et un road-movie pour visibiliser les femmes cyclistes

Ce sera « Le guide du vélo au féminin, à vos cycles ! »( Tana Editions ) en 2021, livre écrit comme un objet-manifeste, « un récit féministe, joyeux et poétique qui propose de découvrir des femmes, de leur 1er coup de pédale à la grande aventure, d’apprivoiser la technique grâce aux fiches pratiques et de prendre la route ». Sur la couverture, on y retrouve les mots « liberté, émancipation et autonomie ». Ce livre, écrit pendant le confinement, Louise et Océane ont eu envie de le faire vivre sur les routes de France, en allant à la rencontre de celles qui roulent, travaillent et luttent pour ouvrir la voie par le biais du vélo. Elles ont rencontré près de 200 femmes, certaines présentes dans le livre, et ont réalisé « Les échappées », road-movie sur ce périple de 3000 km à travers l’hexagone. On y retrouve des femmes comme Swanee Ravonison, artisane cadreuse à Nevers, une des seules en France à fabriquer entièrement des vélos dans son atelier PaRiaH, ou encore Gaëlle Bojko qui a parcouru 900 km sur la glace du lac Baïkal. On y rencontre des femmes de tout âge, de tous milieux sociaux et c’est un vrai choix politique que les deux jeunes femmes ont opéré dans leur désir de visibiliser les femmes cyclistes. Louise nous explique qu’il peut être très facile de rester dans les schémas habituels et de ne présenter toujours et encore que les mêmes profils… Elle jette pourtant en toute humilité, un regard critique sur le fait qu’elles n’ont pas représenté de femmes en situation de handicap visible ou de femmes trans, en regrettant de ne pas être aller jusqu’au bout de leur démarche d’inclusivité. Mais ce tour de France et la centaine de projections du documentaire lui permettent de continuer son travail de réflexion. Elle aurait maintenant choisi de ne pas intituler son livre avec le terme « au féminin » car le mot lui semble trop connoté, comme une injonction à être féminine. C’est un livre pour toutes les femmes, qu’elles soient féminines ou pas, peu importe !
Le livre et le documentaire ont permis d’emmener le sujet du féminisme dans des espaces, comme des clubs de cyclotourisme par exemple, où il n’était jamais évoqué, mais également dans des assos féministes où le sujet du vélo, du sport en général, pouvait sembler « pas assez noble pour certains espaces intellectuels ». La rencontre et le dialogue entre deux mondes qui se méconnaissent parfois, est tout l’intérêt de la démarche.


Femme engagée, militante, Louise l’était bien avant sa rencontre avec le vélo. Sa sensibilité au monde qui l’entoure, à l’écologie, aux inégalités et dominations, lui ont fait très tôt participer à de multiples initiatives, en cherchant où s’impliquer pour être utile. Louise évoque avec simplicité la création de l’association lilloise, Vai ma poule, qu’elle a co-créée en 2018 avec des amies. Elle accueillait déjà régulièrement des personnes réfugiées, en demande d’asile, pour dîner simplement chez elle et l’idée de rouler ensemble leur est venue en regardant les vélos qu’elle entreposait dans son petit appartement… Vai ma poule était née comme une évidence… Le vélo , pour faire du lien, pour se faire du bien, pour découvrir un nouveau territoire de vie… et aussi pour « pouvoir s’identifier en tant que cycliste, pouvoir se sentir comme tout le monde, pour permettre de prendre une place dans la société et de se sentir légitime de le faire ».

On ressent chez Louise une vision globale du monde, ses observations sont fines et sensibles, réfléchies et tendent vers le vivre-ensemble, le commun, dans le respect des différences, dans l’entraide et le partage. Dans son nouveau territoire de vie qu’est la Bretagne, elle évoque déjà le
problème de l’accès au logement en citant le livre « Habiter une ville touristique » du collectif Droit à la ville Douarnenez ou encore la réalité du milieu agricole en citant celui d’Aurélie Olivier, « Mon corps de ferme ». L’aspect politique des choses l’intéresse, dans son ancienne région, elle a déjà fait partie d’une liste électorale aux dernières élections municipales, et elle voit la politique comme pouvant permettre de réellement transformer la vie des gens. Pour le moment, elle découvre la région lorientaise et ses dynamiques, en s’y impliquant déjà dans sa vie professionnelle et associative, comme par exemple en animant des ateliers d’autoréparation chez Syklett en mixité choisie.

« La joie est un acte de résistance »

Eco-bretons étant un média engagé dans la transition écologique, nous demandons à Louise ce que cette notion lui évoque: «C’est comment passer du monde d’avant au monde d’après» , sans vouloir être dans une phrase-clichée s’exclame-t’elle aussitôt! « Nous sommes dans un monde qui ne peut plus fonctionner parce qu’il consomme trop de tout, trop d’énergie, trop de vêtements… Nous avions l’impression de pouvoir continuer comme cela, de prendre l’avion tous les week-end, d’acheter de tout, tout le temps… Mais nous savons que cela n’est plus possible alors comment fait-on? ». Après une phase angoissante, c’est l’excitation de réussir ce monde nouveau qui l’emporte, l’enthousiasme de tout ré-inventer qui prévaut, joie et colère mêlées comme moteur d’actions. Une phrase prononcée par l’ancienne ministre belge, Sarah Schlitz l’a particulièrement touchée : « La joie est un acte de résistance ».

Et le vélo dans tout çà ? La réponse semble évidente sur l’empreinte carbone, moins de CO2 à l’usage comme à la fabrication, moins de pollution visuelle et sonore, moins de bétonisation de l’espace public, désengorgement des villes, amélioration de la santé physique et mentale… Et encore et toujours, Louise évoque et revendique le caractère populaire du vélo. Elle peste contre la mode du vélo «nouveau golf», qui ne serait réservé qu’aux plus nantis. Le vélo est et doit rester populaire et accessible à tous et toutes, un vecteur de lien social et d’égalité… Pas d’écologie sans justice sociale somme toute…

Louise Roussel est en mouvement, elle avance déterminée et attentive au monde. Elle semble aller vite mais sa vitesse est à échelle humaine pour ne laisser personne de côté. Les projets foisonnent et Louise qui avait pourtant dit « j’arrête de parler vélo ! », évoque en souriant malicieusement, la préparation d’un podcast sur deux femmes préparant le Paris-Brest-Paris, épreuve mythique de cyclotourisme car elle adore le côté désuet que peut refléter cette épreuve et aime son côté accessible. La création d’un « festival du voyage féministe et populaire » est aussi d’actualité avec Océane : projections, rencontres, podcasts, bivouac collectif… sont dans les projets des deux femmes. Avec toujours l’idée d’inclure le plus possible tous les publics, par des journées avec des scolaires, dans les quartiers de Lorient, à imaginer « comment voyager en restant chez soi », des ateliers de balisage de randonnées ou de lectures de cartes… « Voyage féministe » parce que oui, les femmes voyageuses, exploratrices ont été nombreuses et une idée suggérée par une de ses amies, la réalisatrice du film « Women don’t cycle », Manon Brulard, a fait naître le désir d’un marathon d’élaboration de fiches Wikipédia sur ces femmes. Et cela pour les rendre visibles parmi les 80% de fiches masculines !

Transmettre, partager, inspirer et s’il ne fallait retenir qu’un seul conseil de Louise, ce serait celui « d’oser, d’essayer… au pire, cela ne te plaira pas ! ». Mots en résonance avec ceux de Lael Wilcox, icône mondiale du bikepacking, cycliste de longue distance : « Tu ne sais pas
que tu peux faire quelque chose jusqu’à ce que tu essaies. »

Recommandations de Louise :
* livre : « Les femmes aussi sont du voyage, l’émancipation par le départ » par Lucie Azema (Editions Flammarion ). Parce qu’Ulysse parcourt le monde et Pénélope reste immobile… et si cela changeait ?
*livre : « A vélo en famille » par Jeanne Lepoix et Camille Boiardi-Franchi ( Tana Editions).

*vidéos : celles de The Adventure Syndicate, la Resolution Race. Quatre femmes en vélo-cargos qui relient Edimbourg à Copenhague dans une aventure drôle et pleine de sens et qui montre « dans quelle mesure la détermination collective, la collaboration et la bienveillance peuvent nous porter dans la course pour sauver notre planète » http://theadventuresyndicate.com/resolution-race
A noter, rencontre avec Louise Roussel et Océane Le Pape au café-librairie Boucan
de Pont Aven (29) le vendredi 12 mai à 18h30 : Projection du film documentaire « Les échappées » à prix libre suivi d’un échange autour du film et du livre « Le guide du vélo au féminin ». Réservation fortement conseillée auprès d’Anne et Mathilde de Boucan au 0950917953 ou 0609203580. https://www.facebook.com/boucanpontaven/
 



Portrait de femme n°17. Emilie Cariou-Ménès ou la fibre de l’engagement social et solidaire

Droit du patrimoine, ruralité, et habitat groupé

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Portrait de femme n°13. Yolande Bessong, créatrice engagée de cosmétiques naturels

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