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L’altruisme, au cœur de l’écosystème de la permaculture sociale

Plume citoyenne de Anne-Laure Nicolas*, co-fondatrice de l’éco-domaine du Bois du Barde, à Mellionnec dans le Kreiz Breizh. Cet article complète celui que nous avons publié le 23 septembre dernier, intitulé  » Une approche sensible de la Permaculture Humaine ».

La société occidentale d’aujourd’hui

Notre éducation judéo-chrétienne, depuis 2000 ans, a mis en avant un fonctionnement patriarcal, d’anthropocentrisme. Il en découle qu’à l’arrivée, au début de ce 21 ème siècle, nous fonctionnons dans un système de compétition, d’individualité, de refoulement des émotions, de consommation et sûrement encore bien d’autres choses, dans une énergie très dans le “masculin” ou, comme on peut penser en terme taoïste très dans le Yang, pour dégenrer cette énergie et ces façons de faire.

Constats des personnes en transition

Les personnes qui constatent que cette société, ce monde dans lequel elles évoluent, ne leur convient plus, basculent, transitionnent, bifurquent… elles constatent consciemment ou inconsciemment que cela ne correspond plus à leur imaginaire de vie. Elles souhaitent retrouver de l’Humain, de la nature, une place juste au milieu du Tout.

Elles veulent souvent se noyer dans le Nous, refaire du Nous, refaire corps avec les Humains. Sortir de leur individualisme, redire bonjour aux voisins, œuvrer pour quelque chose de plus grand qu’elles, participer aux changements.

Or, elles arrivent, pour certaines – et c’est bien normal – beaucoup avec les mêmes codes de fonctionnement que le monde qu’elles quittent et souhaitent pourtant voir évoluer, où l’Homme cisgenre** domine, où une sorte de compétition est encore présente, sous-jacente aux processus mis en place et qui ancre un faux-semblant de pratique parfois pseudo bienveillante de coopération.

L Altruisme, la considération, le souci de l’Autre, ou quelle attention je porte à l’Autre

La permaculture, dans sa dimension sociale permet, une fois que chacun, chacune a entamé le chemin de la connaissance de son Moi, de trouver une place dans un écosystème qui lui convient. Etre une pièce du puzzle dans le puzzle, oui mais quel puzzle? Dans ce puzzle social où j’essaie de trouver ma place, il y a déjà d’autres morceaux qui y sont. Pour ne pas les abîmer, les froisser, j’y suis attentif. Considérer l’Autre c’est lui donner une existence, de la matière. Un jour en discutant, il y a quelques années avec une personne que nous accueillions, elle m’a dit qu’il y a pire que la Haine, il y a l’ignorance.

Se soucier de l’Autre, c’est aussi faire le choix de sortir de l’altruisme de surface, ce n’est pas demander à une personne comment elle va sans écouter réellement la réponse! C’est entrer en relation, en reliance avec l’Autre être humain devant moi. Sortir du triangle de Karpman***, qui me fait me sentir exister, en me donnant une place parfois de sauveur. La peur, derrière cette prise de conscience et de qui je suis par rapport à mon environnement, c’est de ne plus être Soi au final. Mais c’est justement en ayant un réel ancrage avec qui je suis, que je peux en profondeur me soucier de l’Autre. Tant que mes bases, mon enracinement avec mon Moi, ne sont pas solides, ma reliance à l’Autre reste de surface et je ne peux donc lui donner une place dans mon écosystème, dans le puzzle, je ne le considère pas à sa juste place.

C’est une des reproductions de la société patriarcale occidentale qu’il reste encore dans ce monde en mutation. Pour trouver sa place, c’est un système de jouage de coude, d’Ego mal équilibré, où le masculin est dominant et qui aura forcément raison sur l’Autre.

Considérer, se soucier : des mots qui amènent au même résultat, je laisse une place à l’Autre, je le légitimise dans son essence, dans qui il EST.

La place dans le Tout

Avec les valeurs et les concepts d’éco-psychologie et d’écologie profonde, l’Humain sort de la toute puissance de l’anthropocentrisme. Il reprend une place juste, qui est la sienne au milieu des vivants. Il redevient donc dans l’imaginaire l’égal des autres espèces quelles qu’elles soient. L’altruisme, et sa traduction concrète au travers de l’éducation populaire, permettent le chemin vers la reconsidération de l’Autre en tant que ma propre image, en tant que Moi. Je me vois en lui, comme il me voit en moi. Je me soucie de lui qui a une place identique à la mienne dans cet écosystème dépassant au final celui de l’Humanité. Je peux apprendre de lui, comme il peut apprendre de moi.

L’ Humain, dans ce souci de l’ Autre et de la place qu’il peut lui accorder grâce à son regard et ses attentions, rééquilibre son Ego qui reprend une juste place. Cet équilibre qui vient chercher à l’intérieur de chacun le Yin et le Yang, où comme disait Carl-Gustav Jung l’Anima et l’ Animus dans son concept d’individuation.

*Notre portrait de Anne-Laure Nicolas : https://www.eco-bretons.info/portrait-de-femme-n3-anne-laure-nicolas-domaine-du-bois-du-barde-a-mellionnec-22/

**Cisgenre : Qui concerne une personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance

*** Triangle de Karpman : C’est une figure d’analyse transactionnelle proposée par Stephen Karpan en 1968 qui met en évidence un scénario relationnel typique entre victime, persécuteur et sauveur. La communication est perturbée lorsque les protagonistes adoptent ces rôles plutôt que d’exprimer leurs émotions et leurs idées.




Une approche sensible de la Permaculture Humaine

Plume citoyenne – Anne-Laure Nicolas est la co-fondatrice de l’éco-domaine du Bois du Barde, à Mellionnec dans le Kreiz Breizh, qui accueille du 22 au 24 septembre 2022, Les Rencontres des Oasis, grand rassemblement annuel des écolieux français (notre article à ce sujet : https://www.eco-bretons.info/au-bois-du-barde-22-une-journee-de-rencontres-autour-du-monde-dapres-et-des-oasis/).  Ouverte au public, la journée de dimanche 25 septembre devient le Festival Oasis et proposera au cours de l’après-midi, une table-ronde /discussion dédiée à trois notions-clés étroitement liées, pour toute personne en chemin de transition : l’écologie profonde, l’écopsychologie et la permaculture humaine. C’est cette dernière qu’Anne-Laure Nicolas s’attache à cerner en la contextualisant.

Education des enfants, place des adultes

En cette rentrée scolaire 2022, où l’interdiction de l’instruction en famille a été pratiquement actée par le gouvernement français, il est bon de faire un petit rappel de la position et l’évolution de la sacro-sainte institution de l’éducation nationale ainsi que de la disparition progressive de l’éducation populaire ainsi que de ses conséquences.

A l’école depuis plusieurs décennies, nous apprenons à passer le Bac et aller à l’Université pour “faire des études”, avoir un poste prestigieux et avoir le salaire qui va avec. Les moins disciplinés et les moins érudits sont aiguillés sur les “voix de garage” dans les métiers manuels, qui eux sont forcément moins méritants. C’est la quête d’une sécurité de vie financière pour acheter ce dont on a envie et avoir une considération sociale. La plupart des familles poussent dans ce sens, en espérant que la progéniture fera mieux que soi.

L’école n’apprend plus à toucher du doigt qui est l’individu.

La disparition progressive de l’éducation populaire qui te permet de découvrir lors des temps de loisirs en dehors de l’institution scolaire et de la famille, qui tu es et surtout ce que tu aimes, et n’aimes pas ; d’apprendre de tes pairs, des plus jeunes ou des anciens, sans pression, juste avec la notion de plaisir.

Ces deux réalités produites dans le même temps ont amené une partie des humains d’aujourd’hui en France à BASCULER ou TRANSITIONNER par perte de sens.

La recherche de sens

Aujourd’hui, au Bois du Barde, encore plus qu’avant, nous voyons arriver, avec la crise sociétale, des personnes en quête de sens. Elles n’ont plus aucun repère. Elles savent qu’elles ne veulent plus la vie qu’elles ont ou qu’elles sont en train de quitter. Certaines parfois dans la douleur et le déchirement : burn-out, divorce, démission. Toutes ont pris conscience que ce qu’elles vivaient n’était pas ce qu’elles voulaient pour elles, pour leur famille parfois*.

L’exode rural de l’après Seconde Guerre mondiale a déraciné un bon nombre de générations qui aujourd’hui, pour leur bien-être mental, souhaitent revenir à la campagne. Beaucoup veulent revenir à des métiers manuels, sortir du mental et revenir au cœur et au corps de ce qui peut faire sens pour elles en tant qu’individu.

Mes capacités, le puzzle, notion de plaisir

Dans cette quête de sens, la permaculture humaine est un concept définissant nos aspirations les plus profondes. C’est pourquoi nous sommes là aujourd’hui et maintenant. Quelle est ma place dans le puzzle de la vie, comment puis-je contribuer à œuvrer pour mes valeurs et l’éthique que je défends?

Nous pouvons aimer faire plein de choses, mais qu’est-ce qui m’anime vraiment tous les jours dans mon quotidien ? Personnellement j’ai fait un coming-out d’écolo : je n’aime pas le jardinage, je n’aime pas mettre les mains dans la terre ! Je peux le faire, je sais le faire, mais en le faisant, je ne suis pas à ma place, et donc je m’épuise à le faire.

Je suis une conceptrice, j’ai la capacité de voir les projets ou les humains, c’est la vision globale. Quand je réfléchis au montage de projet ou à l’accompagnement d’autres humains, c’est facile pour moi et j’y prends beaucoup de plaisir, cela me nourrit et met mon coeur en joie.

La permaculture humaine est un cheminement de découverte de Soi, sur la route du développement personnel, il y a aujourd’hui beaucoup d’outils de connaissance de Soi, et de techniques. Dans le puzzle de la vie, la découverte de la forme, de la couleur, de la texture de son morceau de puzzle se fait avec le temps, et surtout nous avons le droit à l’erreur. C’est le chemin d’une vie.

Perte des savoirs ancestraux, 8 shields, etc.

Cette recherche de sens est liée indubitablement à la perte de savoirs ancestraux. En effet, notre éducation judéo-chrétienne et l’évolution d’une société patriarcale en parallèle, nous ont coupé de notre lien au Vivant. L’évolution dans le temps de l’anthropocentrisme, nous faisant croire à notre supériorité – liée au mental – à toutes espèces animales, végétales, nous a fait perdre le sens profond de nos vies.

La plupart des peuples premiers et autochtones du monde entier, qui ont gardé un lien avec le Vivant, nous montre que nous, occidentaux, nous sommes en décalage et de facto en mal-être.

Le concept des 8 shields est né de ce besoin, pour permettre une reconnexion à la nature et donc au Moi. Il relie les savoirs ancestraux autochtones du monde entier, voici ses principes :l’écoute attentive, la présence et la créativité ; la Joie et la vitalité de l’enfant; l’engagement; l’empathie et le respect de la nature ; être au service, dans son Don et dans sa Vision; être reconnaissant pour la vie et se sentir pleinement en vie ; incarner l’Amour, la compassion et le Pardon.

Refaire le lien, guidé par ces peuples, leur spiritualité et leur compréhension du monde est un enjeu majeur et nécessaire dans la prise de conscience que chaque individu est une partie du Tout, tout en étant relié au Tout. Nous sommes tous Unique dans notre Universalité.

En complément :

Sur youtube, l’interview  de Anne-Laure NICOLAS sur « Permaculture Humaine, Sociale et Economique Le Bois du Barde : https://www.youtube.com/watch?v=tNv7Fw4xzWk

https://www.annelaure-nicolas.bzh/

https://www.facebook.com/leboisdubarde

* Une chaleureuse recommandation de lecture qui parlera à toute personne en quête de sens : le livre réjouissant d’Eloïse Bossé-Durassier : « Breizh’ilience, où l’art de sauter dans les flaques » dont une bonne partie de l’action se déroule… au Bois du Barde !

https://www.librinova.com/librairie/eloise-bosse-durassier/breizh-ilience





La première centrale photovoltaïque citoyenne des Côtes-d’Armor mise en service

(Plume citoyenne) Du nouveau dans le paysage énergétique des Côtes d’Armor : la SAS Kerwatt vient de mettre en service le 24 août 2022 la première centrale photovoltaïque citoyenne du département sur le magasin Tinatur à Trémuson. Un résultat rendu possible grâce à l’épargne de 130 citoyens qui soutiennent localement, à travers la SAS Kerwatt, le développement des énergies renouvelables.

D’un budget de plus de 80 000 € (H.T.) et d’une puissance de 92,3 kWc, cette centrale solaire va produire chaque année, et pendant plus de 30 ans, environ 100 000 kWh d’électricité décarbonée ; de quoi répondre aux besoins électriques de 60 personnes, hors chauffage. Un premier pas qui en appelle d’autres *.

L’inauguration officielle aura lieu le samedi 24 septembre à 15h00, sur place au magasin TINATUR, 21 rue Eiffel à Trémuson. Les citoyens-souscripteurs ainsi que les élus locaux sont invités : nous aurons la présence du vice-président de l’agglomération en charge de l’énergie et le maire de Trémuson. Nous sommes accueillis sur place par Jean-Yves Thomas, le gérant de TINATUR, qui a mis à disposition sa toiture pour ce projet.

 

Un covoiturage sera organisé au départ de Lannion, rond-point du Boutil. Pour faciliter l’organisation de l’évènement, les intéressés peuvent s’inscrire via le sondage :https://framadate.org/q7oVWiaCFwbrzib7

Contact :

kerwatt.sas@gmail.com, 07 81 28 22 75 (MONFORT Michel pour plus de détails)

* Une autre centrale solaire Kerwatt verra le jour à Lannion prochainement (travaux au mois  d’octobre) ; un projet également rendu possible grâce à l’implication locale de citoyens en faveur des énergies renouvelables.




A Gâvres (56), Maison Glaz, havre de transition écologique et citoyen

A la suite de la deuxième Edition de son Forum des coopérations, le Réseau Cohérence publie en partenariat avec Eco-bretons une série d’articles sur l’engagement. Chaque article présente une initiative inspirante en Bretagne avec un focus sur sa manière d’accompagner l’engagement dans les transitions : comment sortir de l’entre-soi ; comment toucher de nouvelles personnes ou comment se relier à d’autres initiatives et coopérer ? Des enjeux auxquels nous tentons de répondre au travers de ce dossier. Nous continuons notre présentation avec une initiative au cœur du pays de Lorient : le tiers lieu éco-breton Maison Glaz, situé sur la pointe des saisies à Gâvres. Pour en faire sa présentation, nous avons rencontré Akira Lavault, co-fondatrice de Maison Glaz et encadrante technique d’insertion espaces verts et bâtiments du site.

Cohérence : « Peux-tu nous présenter Maison Glaz ? »

Akira : « Maison Glaz est un tiers lieu situé à l’entrée de la rade de Lorient. Il s’agit d’une reconversion d’un ancien centre de vacances de l’armée qui a été abandonné dans les années 2010. Cette ancienne zone militaire date d’il y a plus de 300 ans et a été démilitarisée il y a 3 ans. Le site fait 1 hectare et demi et comporte près de 750m2 de bâtiments. En reconvertissant ce site, on s’est donnés pour mission de remettre de la vie sous toutes ses formes sur la pointe de Gâvres et de travailler également à l’adaptation de ce petit caillou aux effets du dérèglement climatique. Donc c’est à la fois, un projet de revitalisation territoriale sur une presqu’île assez vieillissante et d’action climat par suite de l’érosion du trait de côte. »

Cohérence : « Comment pensez-vous arriver à répandre cette envie de s’engager dans une transition écologique autour de vous ? En somme, arrivez-vous à faire tâche d’huile ? »

Akira : « Je dirais d’abord que tout dépend du niveau d’engagement que l’on vise. Ce que nous essayons de faire à Maison Glaz c’est de susciter l’envie chez les gens. En travaillant sur l’inspiration et en essayant de montrer que c’est désirable d’agir, d’abord parce que c’est bon pour soi. Par exemple à Maison Glaz, on vend des produits au bar qui sont sains pour la santé mais également respectueux de la planète. Nos espaces sont également pensés pour être ludiques, dans le style guinguette. Il faut du récréationnel ou du sport comme notre espace yoga, et aussi de la culture ! On a besoin de faire appel à la détente, à l’imaginaire, au bien-être. Il est essentiel de montrer que la transition n’est pas contradictoire avec le plaisir et le confort mais sont au contraire, intimement liés. Il me semble par ailleurs essentiel d’adopter une posture bienveillante et de d’accueil inconditionnel des personnes, quel que soit leur niveau d’engagement, plutôt que des discours alarmistes ou culpabilisants. Et c’est ce que l’on essaie d’incarner à Maison Glaz. En effet, glaz en breton, c’est la couleur de la nature. C’est un nuancier de couleurs indéterminées entre le bleu, le vert et le gris, c’est une couleur indéfinie, changeante au gré des saisons et de la météo. Cela représente le nuancier de toutes les approches possibles pour aller vers la transition écologique et sociale.»

Cohérence : « Quelles sont pour toi les clés de la coopération pour une transition écologique ? »

Akira : « De manière générale, je pense qu’il faut porter une attention très profonde à l’intégration des gens et au ressenti des personnes dans un groupe. Pour moi, la clé de la coopération réside d’abord dans le fait d’avoir un cadre d’écoute assez fin. C’est ce qui permet d’établir la confiance. Deuxième élément : une raison d’être claire, une direction qui donne envie de s’engager. Si la cause est juste et que la confiance est présente, les choses peuvent aboutir. L’enjeu est alors que le projet se déroule dans les meilleures conditions possibles pour chacun. Bien sûr, tout le monde ne répond pas aux mêmes règles uniformes. Par exemple, certaines personnes dans un collectif vont demander plus d’autonomie que d’autres qui auront besoin d’un cadre plus sécurisant et déterminé. En fin de compte, il faut surtout que soient réunis ces éléments : un cadre d’écoute, sécurisant et une direction claire. Ce sont à mon sens, les clés de la coopération. »

Cohérence : « Aurais-tu un événement en tête qui a suscité un certain engouement et engagement à Maison Glaz ? »

Akira : « Bien sûr. Je pense à l’événement du Grand Bain qui a eu lieu début juillet. C’est la jonction entre deux dynamiques, le Festival des Tiers-Lieux de Bretagne et la Tournée des Tiers lieux organisée par l’association des 150 délégués élus de la convention citoyenne pour le climat. Cet événement a suscité un engagement fort, tant de la part des organisateurs, des partenaires que du public. Y ont été abordées les thématiques de l’océan, du climat, des Humains au XXIème siècle avec une focale sur le rôle des tiers-lieux dans la transition écologique, sociale et solidaire. Cet événement a été très partenarial, ce qui en a fait un véritable défi mais également tout son succès. Cela nous a permis de réunir assez de moyens financiers pour organiser une programmation culturelle de qualité. En termes d’engagement, on peut dire que celui-ci a pris multiples formes. On a en effet eu des personnes motrices de la dynamique mais aussi des personnes plus ponctuelles dans leur engagement. Dans tous les cas, il me semble important de se figurer que l’engagement n’est pas un trait permanent, mais qu’il va varier, selon les personnes, mais aussi, pour une même personne, selon les moments de sa vie. »

Cohérence : « Comment Maison Glaz accueille-t-elle les nouveaux porteurs de projets ? »

 Akira : « Avec un café (rire). Non, en fait c’est surtout faire en sorte de pouvoir arrimer le projet ou le porteur en question dans le projet Maison Glaz. Notre tiers-lieu est comme une sorte de coquille, et en règle générale, les choses sont assez ouvertes et libres tant qu’elles intègrent la question du lien social, du vivant et du climat. Par exemple, des jeunes artistes du coin sont venus nous voir pour avec un projet qui nécessitait une structure associative du territoire pour se concrétiser. On a écouté leur projet, puis on a tout de suite accepté de porter l’idée avec eux, car ce qui nous intéressait c’était d’apporter un nouveau regard sur le patrimoine du territoire.

Cohérence : Et comment est-ce qu’on fait pour créer du lien autour de l’engagement et pour le maintenir dans le temps ? »

Akira : « En faisant des projets. Les grandes conventions de partenariat que l’on peut signer entre acteurs sur le territoire ont le mérite d’exister mais ce qui compte avant tout, c’est de faire ensemble plutôt que d’avoir l’intention de coopérer. Et puis, ce n’est pas grave si le lien se détend un peu à un moment. Si celui-ci peut se renouer plus tard lors de nouveaux projets, c’est l’essentiel. »

Cohérence : « Enfin, penses-tu que l’on puisse parler d’un archipel de la transition sur le territoire de Lorient ? »

Akira : « Oui et pas que sur le pays de Lorient ! J’aime beaucoup cette expression d’archipel car on est sur une presqu’île ici et j’ai moi-même des origines japonaises. Un archipel possède comme caractéristique de réussir à créer une connexion forte entre toutes les îles qui le composent, tout en respectant l’autonomie de chacun. Sur certains projets, parfois on agit seul, parfois on mobilise les autres de son archipel. Je crois qu’il y a un archipel de la transition et qu’il est à l’échelle de la Bretagne, de la France, de l’Europe et même du monde ! C’est comme ça que se construit le changement, en travaillant chacun sur nos territoires, mais reliés ensemble par une membrane invisible. »




Le RESAM, au cœur de l’engagement des jeunes du Pays de Morlaix

(Plume Citoyenne) A la suite de la 2ème édition du Forum des Coopérations des Transitions ayant eu lieu le samedi 11 juin à l’Université de Lorient, Cohérence publie une série d’articles sur la thématique de l’engagement.

Pour ce premier article, nous avons pu échanger avec Andrea Lauro, animateur au RESAM, du Centre de ressources, pour le conseil, la formation, le matériel, le site internet et l’engagement citoyen, notamment de jeunes.

Cohérence : « Peux-tu nous présenter le RESAM ? »

Andrea : « Oui, le RESAM c’est le Réseau d’échanges et de services aux associations du Pays de Morlaix. Le RESAM est né au début des années 2000 suite à une recherche-action liée au développement d’emploi pour les jeunes, en tant que service au sein de la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC). On a vu qu’il y avait de nombreuses associations sur le pays de Morlaix mais que celles-ci étaient isolées. On a donc voulu donner tout d’abord donner les moyens à ces associations de se rencontrer. C’est de là qu’est né le RESAM. Puis 10 ans plus tard, en 2011, le RESAM est devenue une association autonome avec un effectif qui s’est étoffé jusqu’à 5 à 7 personnes aujourd’hui.

L’année dernière, le RESAM a réalisé un dispositif local d’accompagnement, dispositif public permettant aux associations employeuses, structures d’insertion par l’activité économique et autres entreprises d’utilité sociale de bénéficier d’accompagnements sur mesure afin de développer leurs activités, de se consolider et à créer ou pérenniser des emplois.

À la suite de cet accompagnement, il a été décidé de changer le modèle de gouvernance pour adopter un modèle inspiré des principes de la sociocratie. Le RESAM est composé de 7 cercles autonomes et reliés (richesses humaines, finances, engagement, formation et services, observatoire, porte vois, vie associative et territoire et salarié.e.s). Chaque cercle est représenté au Conseil d’administration qui participe également à la prise de décisions (ressources humaines et financements, etc.). Les adhérents rejoignent librement les cercles. Ce nouveau modèle de gouvernance est surtout pensé pour permettre la participation des associations (qui représentent 84% des adhérents) ainsi que des salariés du RESAM.

Le RESAM porte un projet d’accompagnement de la vie associative sous la forme de services. Mais la vocation principale c’est la volonté de faire réseau, de créer des rencontres dans une démarche d’éducation populaire. Les activités du RESAM sont principalement l’engagement des jeunes, la formation, la location de matériel, la mise à disposition d’informations, comme avec l’annuaire qui recense les associations en activité du pays de Morlaix. »

Réunion des jeunes au sein de l’espace 2D

Cohérence : « Comment parvenez-vous à susciter un engagement à travers vos activités ? »

Andréa : « Parfois, on y arrive et parfois pas. On arrive à susciter l’engagement dans la façon dont on approche les personnes. Faire réseau permet de faire connaître les associations et susciter l’engagement. On oriente les bénévoles vers les associations. Par exemple, en diffusant des informations, comme une demande de financement participatif d’une association, on aide des personnes à connaître une association.

On se fait l’intermédiaire entre les initiatives des associations avec des outils partagés. On suscite l’engagement en faisant connaître et en valorisant les missions des bénévoles sur le territoire. Pour ce faire, une plateforme pour le bénévolat qui recense toutes les missions existantes sur le pays de Morlaix a été créée. C’est un outil à la fois numérique et physique à travers l’animation de temps de rencontre. Cela fait le lien entre les acteurs, les nouveaux arrivants sur le territoire mais également les jeunes qui veulent s’engager dans la vie associative.

Il y a un réseau de solidarité à Morlaix et on essaie de faire « tâche d’huile » en communiquant par thématique. »

Cohérence : « Comment accueillez-vous les personnes venant vers vous ? »

Andrea : « Le RESAM a créé des outils et des ressources nécessaires à l’accueil des bénévoles. Par exemple, des soirées de rencontres avec les associations pour savoir comment on mieux accueillir les bénévoles.

Le RESAM porte également le projet du 2D-Espace libre, un lieu librement accessible aux jeunes de 18 à 30 ans afin qu’ils développent leurs initiatives, en dehors de toute institution. Cela favorise leur engagement sur un territoire.

Des structures, comme l’Université, le Lycée, la Mission Locale, les Points d’Accueil et d’Écoute Jeunes (PAEJ), la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC), la Ville de Morlaix, Morlaix Communauté y organisent également des événements pour créer du lien. Les clés de l’espace sont dans divers lieux dans la ville. Dans notre dimension d’accueil, y a l’idée que c’est un lieu brut et modulable pour y développer n’importe quel projet. Cela casse un peu les barrières.

Le 2D accueille un chantier d’insertion numérique de l’ULAMIR, des chantiers de jeunes bénévoles ou encore Odyssée, service d’accueil des mineurs étrangers isolés sur le département du Finistère. Tout cela favorise le croisement et la mixité des différents publics et participe à la dimension d’accueil. »

Cohérence : « Quels sont les facteurs de la coopération et les difficultés rencontrées pour la créer voire la maintenir une fois établie ? »

Andrea : « On coopère à différentes échelles. Par exemple, avec l’État au niveau départemental, le RESAM s’est engagé cette année dans la démarche Guid’Asso. Cette démarche existe également au niveau national et vise à labelliser les acteurs qui accompagnent les associations. On coopère également avec les collectivités et les bénévoles, qui eux-mêmes coopèrent entre eux. Les difficultés que l’on peut rencontrer sont souvent d’ordre financier ou politique. Par exemple, la collectivité avec laquelle on va travailler peut avoir une vision différente de la nôtre sur certains projets et coopérer peut s’avérer difficile surtout lorsque la collectivité est chargée du financement.

Entre associations, la coopération rencontre ses limites. Le sentiment d’exclusion sur des projets, la mise en concurrence entre les associations peut être des freins à la coopération. La coopération est difficile à maintenir quand une nouvelle personne intègre une équipe avec une vision des choses différente. Dans les périodes de surcharge de travail, on oublie de coopérer. La coopération demande du temps. Certains sujets amènent plus de coopération notamment sur l’accompagnement de la vie associative, sur l’engagement des jeunes, pour les formations des volontaires en service civique et lors de grands événements comme le festival des Solidarités, Festisol. »

Cohérence : « Quels moyens (communication, d’animation, humains) mobilisez-vous pour faire pour toucher le plus de monde ? »

Andréa : « Nous utilisons surtout des outils numériques comme la lettre d’informations hebdomadaire. Cela permet de faire découvrir les initiatives des membres du réseau aux adhérents et aux autres structures associatives. On utilise aussi un agenda partagé.

On a aussi créé un outil appelé Bénévol’art, qui est une sorte de charte expliquant le parcours de vie de l’association et la façon dont on accueille les bénévoles.

La rencontre directe fait aussi partie de nos outils. Au mois de septembre, le RESAM est présent sur les forums des associations. C’est l’occasion pour nous de rencontrer les associations et identifier leurs besoins, les mettre en relation avec d’autres associations, avoir des retours sur nos activités. On organise également des temps de travail collectif, des moments de rencontre comme les speed dating où les associations et les jeunes échangent en quelques minutes. »

Cohérence : « A quelle occasion et par quels moyens avez-vous réussi à toucher le plus grand nombre ? Pouvez-vous nous parler de cette expérience ? »

Andrea : « Une expérience qui a rencontré pas mal de succès, c’est le Festival des solidarités (Festisol), qui a eu lieu en novembre dernier et organisé par La Maison du Monde, collectif animé par le RESAM. C’est un festival très riche. Ce festival existe depuis plus de 20 ans et a lieu chaque année. C’est le rendez-vous annuel sur la solidarité qui réunit plusieurs associations autour de l’entraide. Il y a une thématique nationale (environnement, solidarité, etc.) sur laquelle on organise des conférences, des débats, des projections de films avec intervenant, spectacles, animations et témoignages. C’est toujours une réussite. C’est un événement qui mobilise les gens et sur lequel de nombreuses associations sont présentes et qui crée une dynamique territoriale. On a une communication collective et une mobilisation du réseau de chaque association. C’est un bon exemple de réussite et de mobilisation ce Festival et ce, grâce à la coopération entre association différentes, la mobilisation collective et le réseau de chaque association qui est mobilisé. »

Cohérence : « Comment est-ce que vous favorisez la connexion entre les acteurs de la transition sur le territoire du Pays de Morlaix ? »

Andrea : « On travaille en partenariat avec d’autres acteurs comme l’espace associatif de Quimper, le Mouvement Associatif de Bretagne (MAB) et le Réseau national des Maisons des associations. On travaille dans une dynamique de coopération avec les autres acteurs du territoire. »

Cohérence : « Merci beaucoup Andréa pour ce moment d’échange. »

Andréa : « Merci à vous. »




Paysages, un festival régional en zone rurale pour changer d’échelle et de perspectives

Par Françoise Ramel

Du 1er au 3 juillet 2022, le bourg de Saint-Aignan situé sur la rive Sud du Lac de Guerlédan en Morbihan, favorisera la rencontre entre chercheurs, artistes, poétes et habitants sur différents temps d’échange. Cette proposition associative s’inscrit dans une ambition régionale. Elle est pensée en continuité avec plusieurs thèses dont celle conduite à Motten Morvan par Anaïs Belchun pendant quatre ans sur la thématique « Art, écologie, paysage ».

Plusieurs éléments de contexte permettent de mieux comprendre l’invitation lancée dans cette commune rurale. D’abord la présence à Saint-Aignan de Motten Morvan, site archéologique millénaire sorti de l’oubli grâce à l’accueil de doctorant.e.s sur la durée de leur thèse, puis l’organisation de deux chantiers de fouilles archéologiques en 2020 et 2021 malgré la pandémie.

L’obtention par 35 communes rurales du label Pays d’Art et d’Histoire après deux décennies de mobilisation des acteurs locaux est un autre élément moteur. Implantée depuis sa création dans ce Pays des Rohan, l’association à l’initiative du festival fait partie des premiers lauréats de l’appel à projet régional « Engageons-nous pour le patrimoine ».

A l’occasion des 20 ans de Timilin*, moudre nos idées ensemble, l’envie d’innover, de coopérer s’est faite plus forte que les raisons factuelles de ne pas le faire, notamment faute de moyens humains et financiers pour porter une telle programmation sur trois jours.

Enfin, la presse s’en est fait l’écho maintes fois, la commune de Saint-Aignan s’est retrouvée au cœur d’un débat dont les habitants se sont sentis exclus et facilement montrés du doigt parce que désireux de connaître les tenants et les aboutissements d’un gros projet pensé au-dessus de leur tête : la création d’une passerelle au-dessus du lac de Guerlédan.

Dans cette région, c’est depuis la création du barrage sur fond de premier grand krach boursier mondial (1929) que s’invitent dans les ordres du jours des dossiers d’envergure comme l’ascenseur à bateau dont on ne voit jamais l’aboutissement.

La 1ère édition du festival Paysages s’est déroulé de façon expérimentale à Motten Morvan en juillet 2021 avec des retours très positifs de tous les participants. Promouvoir la qualité et l’originalité d’une programmation éclectique valorisant différents espaces du bourg de Saint-Aignan est un nouveau défi pour les organisatrices, parmi lesquelles on compte Magali Kergal, restauratrice, élue de la commune en charge du patrimoine et du tourisme jusqu’en mai 2022, Céline Kergonnan, créatrice d’Archéo lab et médiatrice du patrimoine, Marie-Ange Dumas, présidente de l’association Xavier Grall, Françoise Ramel, présidente de Timilin.

A Timilin, moudre nos idées ensemble, la question du vivant et de nos relations avec le vivant est centrale

Elle s’enrichit de l’idée que nous gagnons à croiser nos imaginaires et à partager nos savoirs, à condition d’accepter parfois qu’il n’est pas nécessaire de réduire le champ à une thématique donnée et à un seul espace-temps. Pourquoi s’interdire d’être gourmand, curieux, audacieux, surtout quand la géographie vous place en cœur de Bretagne au carrefour de zones géologiques et de zones linguistiques sur lesquelles des organisations humaines dessinent des frontières depuis des siècles ?

Des experts et des passionnés vont se croiser à Saint-Aignan à partir de vendredi soir à l’invitation de Timilin. Il y aura aussi d’autres publics, moins férus de patrimoine, de poésie ou de science. Le marché estival organisé par la municipalité chaque année à cette date, comme le Pardon de St-Aignan, sont des éléments qui ont pu être intégrés au programme de Paysages, conformément à l’effet recherché et à l’invitation faite aux habitants d’être les premiers publics mais aussi les premiers ambassadeurs du festival régional.

« C’est ce qui nous intéresse dans cette deuxième édition. Les habitants de Saint-Aignan ne viennent pas spontanément si nous les invitons à Motten Morvan. Or nous ne pouvions pas fêter l’esprit de coopération et de partage des savoirs que nous cultivons depuis 20 ans sans tenter de créer cet espace de respiration dans notre paysage local pour voir ce que cela produit d’intéressant, de différent, de nouveau peut-être », explique Françoise Ramel.

Une librairie éphémère tenue par des habitantes et des bénévoles venus de loin ouvrira ses portes dans la salle des associations pour permettre à tous les auteurs et autrices qui le souhaitent de venir présenter des livres, les vendre, les dédicacer, en toute simplicité et convivialité. A l’étage de la librairie, un espace est prévu pour accueillir des ateliers d’écriture spontanés et autogérés.

Coté concerts, de nombreux artistes ont saisi l’opportunité pour se produire dans des lieux chargés en énergie, en émotion, que ce soit à l’église de Saint-Aignan ou à Motten Morvan. Là encore, les espaces-temps au service du vivant à explorer par les sens plongeront le passant dans des univers et des répertoires très différents.

La balade poétique à Motten Morvan préfigure ce que pourrait devenir un des usages du site historique qui s’était fondu dans le paysage dans l’indifférence générale pour mieux réapparaître aujourd’hui dans nos cartes mentales grâce à l’engagement de jeunes bénévoles et au savoir-faire d’une association.

Les artistes se posent dans un espace naturel gardien d’une architecture de terre millénaire, où l’abandon devient une stratégie dans un projet de développement et de questionnements contemporains. Par cette immersion, les publics sont conviés à déambuler et à redécouvrir leur propre pouvoir d’écoute et de création, à agir leurs sensibilités, leurs imaginaires, et leurs projections spécifiques dans ce lieu.

« Le festival Paysages repose sur cet adage qui est notre ADN depuis 20 ans à Timilin, conclut Françoise Ramel, nous sommes les auteurs de notre histoire, les acteurs de nos savoirs ».

*Timilin : Territoires de l’imaginaire de l’initiative locale et de l’innovation 

Timilin a été créé avec des élèves de Bac professionnel tous urbains, au lycée agricole du Gros chêne, en mars 2002 sous l’impulsion de Françoise Ramel alors enseignante en éducation socio-culturelle, avec l’appui d’un service régional en charge de la Jeunesse (ex DRJS). 20 ans plus tard, d’autres jeunes et les habitants bénéficient encore de cette dynamique collective ancrée à une vision du monde rural, novatrice et en phase avec les grandes questions de notre époque, tout en puisant dans les imaginaires d’autres époques.

 

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