(Plume Citoyenne) L’association Climate Chance a publié le deuxième bilan annuel de l’Observatoire Mondial de l’action climatique des acteurs non-étatique le 26 novembre, c’est à dire une semaine avant l’ouverture de la COP 25 à Madrid. Malgré ses imperfections, ce rapport est certainement un utile complément d’information pour alimenter les négociations qui y auront lieu.
L’association
Climate Chance, présidée par le sénateur écologiste Ronan Dantec,
s’est créée en amont de la COP 21 pour regrouper tous les acteurs
non-étatiques reconnus par la Convention cadre des Nations Unies sur
les Changements Climatiques (CCNUCC) , collectivités locales,
entreprises, ONG, syndicats, communauté scientifique, représentants
du monde agricole, de la jeunesse, des peuples autochtones et des
femmes). L’idée sous-jacente est que ces 9 groupes d’acteurs,
généralement bien ancrés dans des territoires identifiés, sont
autant que les Etats les moteurs des mesures d’atténuation du
changement climatique dont ils accompagnent les efforts voire parfois
pallient les carences.
C’est
pour rendre compte de ces actions multiformes et de leurs effets que
Climate Chance a créé l’Observatoire Mondial de l’action climatique
des acteurs non-étatiques dont ce n’est que la deuxième édition.
Ceci explique vraisemblablement les lacunes de ce rapport, liées
principalement au manque d’informations fiables disponibles.
En
fait, il ne s’agit pas là d’un rapport de plus mais plutôt d’un
méta-rapport, synthèse aussi large que possible de multiples
rapports produits par ces acteurs non-étatiques. Afin d’en faciliter
la lecture, il a été découpé en 4 cahiers, un cahier Sectoriel,
un cahier Territoires, un cahier Finances en collaboration avec
Finance for tomorrow , auquel a été rajouté cette année un cahier
« Adaptation », en collaboration avec le Comité 21,
tellement il est apparu à toutes les parties prenantes que, dans
bien des domaines, l’heure n’était plus seulement à la réduction
des émissions de gaz à effet de serre mais déjà à la mise en
œuvre d’action permettant aux acteurs de s’adapter aux conditions
climatiques en changement rapide.
Ces 4
cahiers sont d’inégale valeur et cette inégalité reflète assez
bien les écarts d’investissement et le degré de maturation de la
réflexion et de l’action.
Sans
conteste, le cahier « finances » est le plus décevant.
Tout d’abord, il est très court, à peine 17 pages là où les
autres franchissent allègrement la barre des 100 pages. Ensuite, il
ne met pas évidence de réalisations tangibles. On sent à travers
les milliards alignés, qui de toute façon restent inférieurs aux
besoins tels que défini par exemple par le rapport Stern, qu’il y a
beaucoup de recyclage de coups déjà partis et quand des engagements
sont pris, leurs auteurs se situent prudemment à l’échelle du
demi-siecle.
Le
cahier le plus touffu est sans conteste celui qui est consacré aux
territoires. En effet, il tente de relater l’action des collectivités
territoriales qui, en dehors ou en plus de l’action de leurs
gouvernements respectifs ont constitués des alliances
intercontinentales incluant le plus souvent des engagements
contraignants. Mais comme ces alliances sont très diverses comme
l’est la taille des collectivités publiques qu’elles rassemblent,
l’observatoire a du mal de rendre compte de l’effectivité de leurs
actions. C’est d’autant plus difficile qu’il s’agit encore d’actions
à caractère expérimental, que les méthodologies ne sont pas
stabilisées et que les données fiables manquent.
Il
reste cependant que ce cahier est un excellent outil pour les
décideurs ou les futurs décideurs locaux puisque, outre la
présentation des résultats obtenus en matière de réduction des
émissions de gaz à effet de serre par 13 collectivités
territoriales réparties sur les 5 continents, ce cahier décrit
surtout 80 expériences menées dans autant de territoires
différents, dans des contextes très variés. La lecture en est
inspirante. Il convient de noter enfin que la partie centrale du
cahier présente un glossaire des différentes coalitions
territoriales existant actuellement, ce qui se révèle utile pour se
retrouver dans cet enchevêtrement d’organisations.
Mais
les deux cahiers les plus riches en matière d’information sont sans
conteste le cahier adaptation » et le cahier « sectoriel ».
Le
premier, qui est une innovation au sein de l’Observatoire de Climate
Chance, présente l’immense avantage de préciser ce qu’on entend par
« adaptation » et surtout capitalise sur l’expérience
accumulée depuis plus d’une décennie par l’ONG Comité 21. Il
permet également de montrer le chemin parcouru au fil des COP pour
faire comprendre que dans certains cas, l’urgence n’est déjà plus à
la mise en œuvre de mesure d’atténuation mais bien au déploiement
immédiat de mesures d’adaptation. Mais surtout l’intérêt final de
ce cahier est d’illustrer le caractère innovant et parfois
inéluctable de cette démarche en reprenant, en effet miroir en
quelque sorte, les thématiques développées par l’Observatoire dans
les 3 autres cahiers « Territoires », « Secteur »,
« Financement » .
En
dernier lieu, l’observatoire publie un quatrième cahier dit
« sectoriel ». Compte tenu de la difficulté actuelle à
produire rapidement des données fiables, cette analyse par secteur
se focalise sur 6 secteurs : «énergie », « transport »,
« bâtiment », « industrie », « déchets »,
« usage des sols ».
S’il
fallait résumer en peu de mots ce cahier de 160 pages, cela
tiendrait en trois séries de chiffres :
en
2018, la croissance économique a été de +3,8%, la consommation
d’énergie de +2,1% et celle des émissions de gaz à effet de serre
à +1,7%
En
2017, les chiffres étaient respectivement de + 3,7%, 2,3% et
2,2%
Sur la
période 2005-2016, incluant donc la récession de 2008-2011, de
+3,4%, +1,5% et +1,4%
Ainsi
donc, avec quelques fluctuation, la croissance économique est de
moins en moins gourmande en énergie et cette énergie est de moins
en moins émettrice, ce qui pourrait être un bon signe si les
progrès en matière d’efficacité énergétique et en matière de
décarbonation de cette énergie n’avaient été systématiquement
inférieurs à la croissance toujours très forte de l’activité
économique. Comme il semble acquis que les pays émergents, mais
aussi les pays en développement revendiquent de rattraper le
standard de vie des pays les plus avancés alors que ceux-ci ne sont
pas près à réduire ne serait-ce qu’un peu le leur, la croissance
économique, toutes choses égales par ailleurs, continuera d’être
forte au moins pour la prochaine décennie, ce qui implique
évidemment que les différents secteurs devront accentuer fortement
leurs efforts en matière d’efficacité énergétique et surtout dans
le remplacement des sources fossiles par des sources plus propres
dans le mix énergétique.
Le
choix des sous-titres de chaque fiche de ce cahier suffit à définir
la tonalité générale de ce bilan
ÉNERGIE
Production d’électricité – Les mutations du secteur doivent
encore porter leurs fruits
TRANSPORT
Deux pas en avant, un pas en arrière
BATIMENTS
Orchestrer les acteurs du bâtiment pour accélérer la baisse des
émissions
INDUSTRIE
Dans l’attente de ruptures technologiques
DÉCHETS
Un secteur porté par les actions locales sous tensions
internationales
USAGE
DES SOLS La pression sur les forêts ne fléchit pas malgré la
mobilisation croissante des acteurs
Pour
paraphraser le titre donner à la fiche « transports »,
il convient de passer du rythme « deux en avant, un pas en
arrière » au rythme « deux pas en avant, quatre pas en
arrière » si au niveau mondial, on souhaite atteindre
l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé
par l’Accord de Paris. Cela veut dire que pour la plupart des
secteurs, il s’agit maintenant de passer aux travaux pratiques,
partout.
Pour
aller plus loin :
les
liens avec les documents de l’Observatoire (en PDF)
https://www.climate-chance.org/wp-content/uploads/2019/11/fr_c1_complet_def.pdf
- cahier territoires (en version anglaise)
https://www.climate-chance.org/wp-content/uploads/2019/11/en_c2_complet_def.pdf
https://www.climate-chance.org/wp-content/uploads/2019/11/fr_c4_complet_def.pdf
https://www.climate-chance.org/wp-content/uploads/2019/11/climatechancef4t-cahier-finance-2019-version-numerique.pdf