Poétique des îles, entre Bretagne et Islande

Ayant exploré ensemble depuis des années, l’île bretonne de Carn puis l’île volcanique islandaise de Surtsey auxquels il et elle ont consacré deux ouvrages, le photographe Hervé Jézéquel et l’ethnographe Vanessa Doutreleau sont les invité.es de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans », dans le cadre du Printemps des poètes, qui se déroule samedi 14 et dimanche 15 mars 2025, entre Locquirec, Morlaix et Plourin-lès-Morlaix.

Il est des mystères restant insondables – c’est là toute leur force d’attraction quant aux infinies possibilités d’interprétation – comme ces appels puissants qu’envoient certains lieux à certains vivants humains. Ainsi, cela fait déjà quelques années que les îles ont appelé Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau pour les attirer jusqu’à elles. Deux îles en particulier.

Chronologiquement, il y eut d’abord l’île Carn, un îlot côtier finistérien situé sur la commune de Ploudalmézeau, dans le nord du Bas-Léon. Pour elle, Hervé Jézéquel fit appel à des contributions plurielles dont celle de Vanessa Doutreleau, croisements de regards mêlant des approches multiples de la réalité de l’île et des imaginaires à son endroit. Cela donna lieu à la publication d’un ouvrage, en 2002, par la maison stéphanoise Créaphis Editions (https://www.editions-creaphis.com/), qui se dédie aux livres de photographie, de cinéma et d’arts visuels, de sciences humaines et sociales, de littérature de non-fiction (poésie, essais, récits).

Près de deux décennies plus tard, c’est l’éphémère île volcanique islandaise de Surtsey qui devient l’héroïne d’un très beau livre que lui consacrent Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau, toujours avec Créaphis Editions. Là encore, des regards et formes de témoignages multiples sur nos rapports aux vivants en constituent la substantifique moëlle, à la saveur si poétique.

C’est précisément dans le cadre de la deuxième édition de l’événement « Il fait un temps de poésie »(lien vers le programme complet en fin d’article), consacrée à « la poésie des glaciers et des volcans », que les deux auteurs sont les invités de trois des cinq lieux artistiques organisateurs, à Locquirec, Morlaix et Plourin-lès-Morlaix, samedi 14 et dimanche 15 mars prochains.

Y sont prévues trois rencontres et dédicaces : au Cercle des écrivains de Locquirec ; à la Tannerie, lieu animé par les artistes Ximena De Leon Lucero et Gérard Rouxel ; à la galerie Ísland gérée par Pascale Thomas, laquelle accueille également une première exposition photos de Hervé Jézéquel autour de son troisième livre consacré là aussi à l’Islande, « Materia Prima », avec les contributions écrites de la critique Françoise Paviot et de la géologue Violaine Sautter. Une seconde exposition photos de Hervé Jézéquel sur l’île Surtsey aura lieu à partir du 19 juin 2025.

Et parce qu’en certaines circonstances textuelles, nul n’est besoin de se substituer à des plumes si bien habitées par leur sujet, en l’occurrence celles des deux auteurs et de l’éditeur, nous vous invitons ci-après, à les lire, à propos de leurs deux ouvrages consacrés aux îles Carn et Surtsey.

Carn, ou toutes les possibilités d’une île

Territoire de rencontres et de limites, l’île Carn est un point sur la carte situé à l’extrémité du Finistère (Bretagne). Île déserte près de la côte déchiquetée du Léon, île ou plutôt îlot apparemment banal, car semblable à tant d’autres de cette zone, qui ne dispose ni de la réputation d’Ouessant, ni de l’activité maritime de Molène, ni d’un phare prestigieux comme l’île Vierge voisine. C’est surtout une île-désir, devenue le temps d’une enquête, un catalyseur d’approches multiples réelles ou imaginaires : rencontre en bordure du temps, Carn comme lieu et forme de l’île idéale, quasi mythique.

Résultat d’une authentique approche plurielle et originale, croisant les disciplines, les domaines de l’art (la photographie) et des sciences humaines (l’archéologie, la cartographie, l’histoire, l’ethnologie, la linguistique), ce livre, à l’initiative et sous la direction d’Hervé Jézéquel, réunit les contributions de Michel Colardelle, Pierre-Roland Giot, Patrick Prado, Per Pondaven, Pierre Arzel, Vanessa Doutreleau, Michel Le Goffic, Alphonse Arzel, Olivier Levasseur, Guy Prigent, Denis Lamy, Marie-France Noël, Martin de La Soudière, Pierre Gaudin, Clément Chéroux, Xavier Charonnat, Claude Colin, Philippe Bonnin et Patrick Bramoullé.

Le livre s’interroge sur ce qu’est un lieu, et donc tout lieu possible, à travers la diversité des traces physiques et humaines rencontrées. Les réponses sont autant matérielles que symboliques, scientifiques que littéraires ou esthétiques, objectives que subjectives, de l’ordre du réel que de celui de l’imaginaire. Les contributions dessinent, élément par élément, fragment par fragment, les contours de ce qui constitue le sentiment d’appartenance au temps et à l’espace : cartographie, toponymie, travaux des hommes, mythes, légendes, récits.
Sans a priori ni hiérarchie entre mots et images, entre le scientifique et l’artistique, L’île Carn est un point d’ancrage, mais également un point de départ pour penser et aborder les îles. Quatre thèmes principaux sont successivement abordés : la préhistoire, la cartographie, la récolte du goémon, l’ethnologie. Mais, en fait, l’esprit de la collection est de croiser et multiplier les approches de spécialistes différents pour obtenir une sorte de vue kaléidoscopique : le préhistorien côtoie le sociologue, le photographe, le « toponymiste », le botaniste des algues, le navigateur, le collecteur de mémoire, le cartographe, l’écologiste… Le livre est aussi un livre sur l’imaginaire, sur les mythes (du roi Karn-Midas), sur les rêves, sur les réflexions philosophiques de Kant sur l’eau, sur toutes les représentations engendrées par cet îlot.
Les illustrations, de belles cartes anciennes ou les photographies de goémons, de ciels, de roches, de vagues contribuent à évoquer l’imaginaire de lieux apparemment ordinaires et à travers l’évolution de l’îlot, à s’interroger sur le temps qui passe et, même au-delà, sur la recherche de soi-même. « L’île Carn« , sous la direction de Hervé Jézéquel – Creaphis Editions

Surtsey ou l’impossibilité d’une île

Surtsey est une île volcanique qui a surgi entre 1963 et 1967 à une trentaine de kilomètres de la côte sud de l’Islande. Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008, libre de toute présence humaine car interdite à l’homme, c’est un laboratoire naturel et un lieu d’observation remarquables : la colonisation d’une terre par la vie végétale et animale. Une enquête passionnante sur cette histoire en train de se faire.

Depuis sa naissance, l’île Surtsey ne cesse de rétrécir, rongée par l’océan et les vents violents qui balaient ces régions de l’Atlantique nord. Sa superficie est passée de 2,65 km2 à 1,41 km2. Amenée à disparaître dans quelques décennies pour ne devenir qu’un îlot semblable au chapelet de rochers qui balisent l’archipel des îles Vestmann, Surtsey nous ramène à la fragilité des lieux et à leur perpétuelle évolution.

Les auteurs questionnent ainsi la forme d’une île et sa capacité à produire un imaginaire en relation avec un légendaire historique et littéraire en partie  » localiste  » (la Surtsey signifie « l’île de Surt », dieu de la mythologie nordique) d’une part, et un imaginaire scientifique et environnemental universel d’autre part. Le livre Surtsey, la forme d’une île joue donc sur ces deux tableaux (avec le double sens du terme  » création « ) et mêle autant les récits de l’île, réels et imaginaires, que les regards scientifiques et esthétiques d’un lieu interdit aux humains.
Au-delà de la dimension profondément poétique de l’île, il s’agit ainsi pour les auteurs de cerner la dimension humaine et sensible d’un lieu sanctuarisé, érigé en laboratoire de la création. L’histoire humaine de ce lieu n’a jamais été écrite ni même pensée, puisqu’il s’agit d’un lieu inhabité. Pourtant, une ethnographie de l’inhabité est possible du fait tant des usages scientifiques que profanes, que des représentations portées sur l’île par les Islandais, et notamment de ceux vivant sur l’île voisine d’Heimaey.
Plus encore, Surtsey interroge la notion d’appropriation d’une terre, aussi éphémère soit-elle, tant d’un point de vue physique que symbolique, et de sa mise en patrimoine. C’est aussi et surtout une relation au lieu dont il est question ici ; de l’île, objet de désir, de convoitises, de surprises, avec les hommes et femmes qui l’ont approchée, de près ou de loin, y compris les auteurs de ce livre. « Surtsey, la forme d’une île » par Vanessa Doutreleau (textes et documents), Hervé Jézéquel (photographies) – Creaphis Editions.

Vidéo : Vanessa Doutreleau et Hervé Jézéquel présentent leur projet en 2001.

Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau, effectuent depuis plus de 20 ans de nombreux séjours en Islande, à l’issue desquels sont nés les expositions et ouvrages « Mémoires d’Islande » (2011) et donc, « Surtsey, la forme d’une île » (2020).

Les rendez-vous avec Vanessa Doutreleau et Hervé Jézéquel à Morlaix et alentours, dans le cadre de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans – 14 et 15 mars 2025 :

  • Vendredi 14 mars 18h/20hLe Cercle des écrivains de Locquirec accueille Ísland  // Causerie suivie d’une dédicace du livre. Mémoires d’Islande Rencontre avec Hervé Jézéquel, photographe, et Vanessa Doutreleau, ethnographe, dont l’ouvrage dresse le portrait d’objets récupérés des goélettes bretonnes ou normandes naufragées lors de la pêche « à Islande ». Leur présence dans les paysages, maisons ou musées islandais témoigne des liens tissés entre les deux peuples au siècle dernier. Salle Ti ar Vark, rue du Varq, Locquirec. Gratuit. Renseignements 0759661151 galerie.island@protonmail.com

  • Samedi 15 mars 16h/18hCauserie suivie d’une dédicace du livre Materia Prima. L’Islande est « née de la connivence des glaciers et des volcans », comme l’écrit joliment Violaine Sautter, et le regard du photographe Hervé Jézéquel rend lisible cette double matrice, dont l’Edda (récits de la mythologie nordique) donnait déjà la mesure au XIIIe siècle. A partir de 15hOuverture de l’exposition d’Hervé Jézéquel, Materia Prima, en lien avec son 3e ouvrage consacré à l’Islande. Tirages originaux issus de ce projet, exposés jusqu’au 1er juin 2025.  À partir du 19 juin, exposition photos de Surtsey, la forme d’une île en lien avec le livre du même nom. Ísland, 67 rue du Mur, MorlaixGratuit. Inscription recommandée (galerie.island@protonmail.com). Renseignements 0759661151.

  • Dimanche 16 mars 15h/17h – La Tannerie accueille Ísland – Causerie suivie d’une dédicace du livre Surtsey, la forme d’une île. Surgie de l’océan en 1963 au large de l’Islande, Surtsey est une petite île volcanique protégée. Elle devrait disparaître d’ici quelques décennies, la lave s’érodant sous les assauts des tempêtes et de l’océan. Le photographe Hervé Jézéquel et l’ethnographe Vanessa Doutreleau ont accompagné des chercheurs islandais pour dresser un portrait scientifique et poétique de ce territoire éphémère. La Tannerie, 10 rue de la Tannerie, Plourin-lès-Morlaix. Gratuit. Renseignements 0759661151 / galerie.island@protonmail.com

Programme complet de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans » des 14, 15, 16 et 22 mars 2025 : https://galerieisland.com/pages/poesie-des-glaciers-et-des-volcans-14-15-16-et-22-mars-2025

Montage photos : crédits des images ©Hervé Jézéquel et ©Créaphis Editions.




Estimer le potentiel énergétique d’un logement avant de l’acquérir

Savoir estimer le potentiel énergétique d’un logement est un atout précieux pour qui souhaite acheter un bien immobilier. Cela permet notamment d’avoir une idée des factures d’énergie attendues ou encore des travaux qu’il faudra réaliser pour obtenir un confort thermique satisfaisant.

Parmi les diagnostics techniques obligatoirement remis lors de la vente, le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) offre de précieuses informations sur la consommation énergétique et les émissions de CO2 moyennes du logement, mais également – lorsque cela est possible – sur d’autres composantes techniques, comme la nature des matériaux ou encore l’épaisseur des isolants. Il dresse également une liste de préconisations pour améliorer l’efficacité thermique du bâtiment : travaux d’isolation, remplacement du système de chauffage etc. En parallèle, depuis le 1er janvier 2025, les logements classés E, F, ou G sont soumis en plus du DPE à un audit énergétique réalisé par un professionnel qualifié.

Lors d’une visite, il est aussi possible d’estimer le potentiel énergétique d’un logement en portant une attention particulière sur les aspects suivants :

  • L’exposition du logement : une maison dont les pièces de vie sont exposées plein sud sera beaucoup plus chaleureuse qu’une maison exposée au nord ou à l’est. Attention néanmoins à la surchauffe !
  • La nature et la qualité des matériaux et des isolants : certains matériaux sont bien plus écologiques, performants et durables que d’autres. Côté isolation, il convient de vérifier la nature, l’épaisseur et la bonne mise en œuvre des isolants en toiture, sur les murs et éventuellement au niveau du plancher bas. En ce qui concerne les menuiseries, il faut vérifier les matériaux, le vitrage, le niveau d’isolation thermique ou encore la quantité d’apports solaires.
  • Le chauffage et l’eau chaude sanitaire : électricité, gaz naturel, gaz propane, fioul, bois buche ou granulé, plusieurs énergies permettent d’assurer le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire, et leur impact sur l’environnement de même que leurs couts peuvent être très variables. Il convient donc de s’intéresser à l’énergie utilisée, au type de générateur et d’émetteur, au stockage ou encore à l’accès à l’énergie. Existe-t-il par ailleurs une régulation de ces appareils ?
  • Ventilation : l’air est-il sain ou bien chargé d’humidité ? Existe-t-il une VMC ?

Tous ces paramètres ont leur importance, pour acheter un bien immobilier en pleine conscience. Des professionnels peuvent aider à la prise de décision grâce à des conseils entièrement neutres et gratuit, dans le cadre du dispositif public France rénov : https://france-renov.gouv.fr/

L’agence locale de l’énergie et du climat du Pays de Morlaix HEOL œuvre pour la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Elle offre notamment des conseils neutres et gratuits sur la rénovation thermique, les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Plus d’infos sur 02 98 15 18 08 et www.heol-energies.org
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A Morlaix, entre Argentine et Viêtnam, deux soirées au chevet du vivant menacé

Dans le cadre du Festival des Solidarités du Pays de Morlaix, qui programme depuis novembre 2024 des temps forts consacrés aux droits environnementaux des peuples, deux soirées sont proposées en clôture durant ce mois de mars 2025, autour des dégâts causés aux vivants depuis des décennies par la face très sombre de l’industrie chimique et ses entrelacs militaires et civils. Un premier volet de ce diptyque « Nos droits environnementaux/Nos corps empoisonnés », se décline avec un ciné-rencontre « Le grain et l’ivraie », le 18 mars à La Salamandre/SEW, puis avec un spectacle de Marine Bachelot Nguyen. « Nos corps empoisonnés », au Théâtre de Morlaix le 1er avril. Deux événements qui sont le fruit d’un partenariat avec Le cinéma La Salamandre/SEW, le Théâtre du Pays de Morlaix, le Lycée Agricole de Suscinio – avec son projet DRAC/KARTA Région Bretagne/Théâtre autour de l’engagement en matière d’écologie – et Eco-Bretons.

La première soirée à laquelle participeront des élèves du lycée en bac Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant/STAV ainsi que des étudiant.es en BTS gestion et protection de la nature/GPN, nous donne à voir, avec le film de Fernando Solanas « Le grain et l’ivraie », les conséquences néfastes sur les plans sociaux et environnementaux du modèle agro-industriel argentin. En plus de le dénoncer, le réalisateur nous montre qu’un autre modèle, inspiré de pratiques séculaires en harmonie avec le vivant, est possible.

Après la projection, une discussion nourrie sera animée par Eco-Bretons, avec :

  • Veronica Gomes Tomas*, juriste spécialiste en droit international de l’environnement qui allie engagement associatif et expertise juridique en France et en Argentine ;
  • Marine Bachelot-Nguyen, metteuse en scène franco-viêtnamienne de la pièce « Nos corps empoisonnés », retraçant l’histoire exemplaire de la journaliste Tran To Nga** et de son combat depuis les années 1960 auprès des victimes de l’agent orange ;
  • Rachida Collet, professeure en agronomie/biologie/écologie au lycée agricole de Suscinio qui enseigne notamment l’agro-écologie.

En interaction avec le public, ces échanges permettront de mettre en lumière une continuité dans l’utilisation de molécules chimiques de synthèse fabriquées pour tuer le vivant, que ce soit en temps de guerre, comme ce fut le cas de « l’agent orange », herbicide épandu massivement sur les sols et les populations durant la guerre du Viêtnam, entre 1962 et 1971, comme en temps de paix où la guerre aux vivants se poursuit, en Argentine comme partout ailleurs dans le monde où le « business as usual » de l’industrie agrochimique mondialisée prend le dessus sur nos intérêts communs vitaux.

« Le grain et l’ivraie » : une autre vision de l’Argentine

« Pour ces maudits haricots ( le soja), l’Argentine s’est vendue, a dépeuplé son territoire, a détruit son écosystème et a ruiné sa biodiversité »

Jorge Rulli, expert en eco-agriculture

Le documentaire « Le Grain et l’ivraie » produit et réalisé en 2017 par Fernando Solanas nous montre une autre vision de l’Argentine. Culture de soja expansive, agriculture transgénique, épandages et fumigations abondants d’agro-toxiques sur les cultures… voilà aujourd’hui le modèle de l’agro-industrie du pays. Ce modèle, bien que très productif et économique pour les grandes industries et multinationales a provoqué de nombreux effets néfastes aussi bien sur l’environnement que les populations locales. En effet, l’implantation toujours plus grande de soja transgénique a entrainé, en plus d’une déforestation massive, l’expulsion des populations aborigènes de leurs propres terres ancestrales ainsi que la destruction de leurs ressources alimentaires vitales, ce qui est contraire à la loi internationale de protection de la forêt primaire. De plus, l’épandage et les fumigations d’agro-toxiques à proximité des lieux de vie ont provoqué, en plus d’un exode rural, la multiplication de maladies respiratoires ainsi que de cancers et de malformations.

Des témoignages poignants mais aussi… des alternatives qui existent et peuvent s’appliquer

Avec une atmosphère parfois sombre, «le Grain et l’Ivraie » met en lumière les témoignages authentiques et poignants des populations locales intoxiquées, des agriculteurs ruinés par l’achat d’intrants
chimiques provenant de l’agro-industrie ainsi que des chercheurs universitaires ayant prouvé le lien entre l’utilisation de produits chimiques dans l’agriculture et le taux de maladies élevé.
Une note d’espoir vient montrer qu’une autre agriculture, écologique est possible et qu’il est possible de produire de manière saine des aliments sans pesticides pour régénérer la biodiversité perdues sans pour autant détruire des forêts primaires.

(Reprise d’un article déjà publié : https://www.eco-bretons.info/documentaire-le-grain-et-livraie-ou-voyages-chez-les-populations-intoxiquees-par-lagro-industrie-mondiale/)

La bande annonce:

Nos corps empoisonnés : L’histoire vraie d’une héroïne des temps modernes

« Nos corps empoisonnés retrace l’histoire de Tran To Nga, viêtnamienne engagée toute sa vie dans de multiples combats et plus particulièrement dénonçant les ravages de l’agent orange, un poison pour les organismes vivants, humains et pour la terre.

Jeune résistante dans le maquis pendant la guerre du Viêtnam, Tran To Nga est exposée comme des milliers d’autres civils aux épandages de l’agent orange commandé par l’Armée et le gouvernement américain aux firmes multinationales de la chimie. Depuis la France, elle poursuit aujourd’hui sa lutte en assignant devant les tribunaux une quinzaine de sociétés agro-chimiques responsables de la production de ce produit qui contamine la terre et les corps sur plusieurs générations. Son existence et ses combats s’inscrivent dans les pages de l’Histoire contemporaine, dans leur dimension politique, économique, humaine et écologique. Un crime contre le vivant, qui entre en résonance avec d’autres entreprises de dévastation passées et en cours.

Incarné et porté admirablement par la jeune comédienne Angélica-Kiyomi Tisseyre Sékiné, ce récit théâtral entrelace texte et images d’archives se tissant avec la vie de cette femme hors normes. Il raconte la vitalité de corps blessés et contaminés par les tragédies de l’Histoire, toujours en lutte et en résilience.

  • Débat- table ronde au lycée de Suscinio, mardi 18 mars à 18h avec la metteure en scène Marine Bachelot Nguyen, en partenariat avec Festisol. »

Source : https://www.theatre-du-pays-de-morlaix.fr/Nos-corps-empoisonnes.html

* https://www.eco-bretons.info/portrait-de-femme-n19-veronica-gomez-tomas-juriste-en-droit-international-de-lenvironnement/

**L’appel de Tran To Nga contre l’Agent Orange (France Inter) : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/c-est-bientot-demain/c-est-bientot-demain-du-dimanche-19-mai-2024-7524829




Projet Sainbiote : La prescription nature comme nouveau médicament

Rencontre avec Aurélien Fridman, chargé de projet environnement au sein de l’ulamir-CPIE Morlaix Trégor.

Sainbiote comme Santé Interaction Biodiversité Territoire. Ce projet ambitieux a pour objectif de rassembler divers professionnels de santé (psychologue, sage-femme, médecin, maison de santé, centres sociaux…) pour appréhender et accompagner les individus dans une démarche de bien-être par le contact de la nature.

« Comme on peut prescrire des médicaments lorsque que l’on souffre de maladie mentale par exemple, on pourrait prescrire le fait d’aller prendre l’air 20 min par jour durant 2 semaines »

En phase d’expérimentation, ce projet de trois ans entame sa deuxième année. L’heure est à la création de partenariat avec le personnel de santé.

« Il faut casser les frontières […] créer des relations entre le monde de la santé et le monde de l’environnement »

Aux Etats-Unis, des études étrangères, comme « Prescri-Nature » ont déjà démontré le lien fondé entre nature et bien-être . Au Québec (https://www.prescri-nature.ca/) un programme mis en place par la BC Parks Foundation a été créé, accompagnant les personnels de santé dans la délivrance d’ordonnance nature. Basée sur des données chiffrées, les études démontrent un ratio positif entre bien-être mental et physique lors d’excursions nature, même de courtes durées.

En France, ce projet est soutenu par IRESP (Institut pour la recherche en santé publique). Et mis en place par l’association Alliance Santé Planétaire, appuyé par différents médecins français comme le Dr Blandine Mellouet Fort (Rhône-Alpe-Auvergne) ou bien encore Dr Juliette Zimmerman (Haut-de-France) ainsi que le Docteur Eva Kozub Decotte (Occitanie), et également porté par L’union Régionale des CPIE (Centre Permanent d’Initiative à l’Environnement).

Sur notre territoire, trois CPIE sont moteurs dans l’expérimentation : CPIE de Brocéliande, CPIE de Belle-ïle-en-Mer et le CPIE Morlaix-Tégor. Le tout sous la houlette de l’Agence Régionale de Santé, du PRESE Bretagne (Plan Régional Santé), de la Région et de l’Europe.

Au-delà de la recherche partenariale, ce projet souhaite mettre en avant les aspects de sensibilisation grand public comme nous l’explique Aurélien Fridman, chargé de mission du projet au sein du CPIE Morlaix Trégor : « Le but est de créer un catalogue où les personnes pourraient se renseigner pour avoir une prescription nature. Aussi, pour nous les CPIE […] c’est travailler ensemble avec les personnels de santé et de s’auto-former également à la santé, pour apporter une nouvelle dimension et de nouveaux outils à nos actions de sensibilisation… ».

Alors, personnels se sentant concernés par le sujet, n’hésitez pas à contacter le CPIE Morlaix Trégor pour plus d’informations.

Propos recueillis par Sophie Sanchez-Panchout

Je remercie Aurélien Fridman pour le temps accordé à cet entretien.

Contact :

ULAMIR-CPIE MORLAIX TREGOR

02 98 67 51 54

Aurélien Fridman

Aurelien.fridman@ulamir-cpie.bzh


Pour aller plus loin :

A historical and critical analysis of park prescriptions

https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00222216.2019.1617647

La prescription nature , Blandine Mellouet Fort :

La prescription de nature : motivations et freins à la pratique par les médecins généralistes des Hauts-de-France, Université de Lille

https://pepite.univ-lille.fr/ori-oai-search/notice/view/univ-lille-41793?lightbox=true

La nature comme boussole, Pratique, entretien de Julie Zimmerman

https://pratiques.fr/La-nature-comme-boussole




Le Plan-Climat-Air-Energie-Territorial, un outil au service des collectivités

Obligatoire pour toutes les intercommunalités de plus de 20 000 habitants, le Plan-Climat-Air-Energie-Territorial (PCAET) est un outil de planification, qui permet aux collectivités d’aborder l’ensemble de la problématique climat, air et énergie sur leur territoire.

Il définit des objectifs stratégiques et opérationnels pour atténuer le changement climatique et s’y adapter. Il liste des actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance énergétique du territoire, via la réduction des consommations d’énergie et le développement des énergies renouvelables. Il intègre aussi un volet adaptation au changement climatique sur les court, moyen et long termes. Il est rédigé en cohérence avec les engagements internationaux de la France, qui sont notamment de réduire de 20 % la consommation d’énergie finale*, de 40 % la consommation d’énergie fossile* et de porter à 1/3 la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici à 2030, ou encore d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le PCAET est à la fois un projet de territoire et un outil d’animation de ce projet. La collectivité intervient dans le cadre de ses responsabilités directes et compétences réglementaires (urbanisme, transport, bâtiments publics…) mais aussi en tant qu’animatrice auprès de tous les publics de son territoire. Pour une cohérence d’actions, tous les acteurs doivent y être impliqués  : décideurs, services des collectivités territoriales, acteurs socio-économiques, associations, entreprises, universités, habitants…

Le PCAET comporte généralement :

– un état des lieux de la situation énergétique du territoire : consommations énergétiques et émissions de gaz à effet de serre par secteur, spécificités du territoire, potentiel de développement des énergies renouvelables, qualité de l’air… ;

– une stratégie territoriale, qui s’appuie sur cet état des lieux pour établir des priorités et objectifs ;

– un plan d’actions qui concrétise les orientations définies par la stratégie territoriale et propose des objectifs quantifiés dans le temps ;

– des indicateurs de suivi et d’évaluation à l’échelle du territoire.

Si le changement climatique est global, le PCAET permet de définir et coordonner des actions au niveau local. Il est aussi possible d’y intégrer des actions inter-régionales et/ou de coopération décentralisée.

A noter que si la notion d’obligation ne s’applique qu’aux collectivités de plus de 20 000 habitants, les plus petites collectivités peuvent tout de même s’en emparer de manière volontaire.

* Par rapport à l’année de référence 2012.

L’agence locale de l’énergie et du climat du Pays de Morlaix HEOL œuvre pour la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Elle offre notamment des conseils neutres et gratuits sur la rénovation thermique, les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Plus d’infos sur 02 98 15 18 08 et www.heol-energies.org .




De jeunes pousses prometteuses dans les jardins de la « Manu » de Morlaix

Rien de vraiment surprenant à ce que des étudiant.es qui entendent dédier leur future vie professionnelle aux soins du vivant se dirigent vers les Jardins de la Manufacture des Tabacs et leur artiste-jardinier, Tiphaine Hameau, dont l’art et la manière les accompagnent avec autant d’attention que celle accordée à toutes les pousses végétales et animales du lieu.

Nous vous invitons à d’abord emboîter le pas de Raphaël, Alan, Léa et Rachel, qui ont effectué tous les quatre leur stage en ces Jardins, dans le cadre de leur formation de BTS – Gestion et protection de la nature (GPN)du lycée d’enseignement général et agricole de Suscinio à Morlaix et de BTS Aménagements Paysagers (AP)du CFA/CFPPA de Kerliver à Hanvec.

Puis nous nous attarderons sur le projet tutoré* qu’une équipe d’étudiant.es de BTS GPN composée de Arthur, Enora, Léa et Louna, a consacré principalement aux insectes de ces Jardins, en croisant leurs regards scientifique et artistique.

Nous les avons rencontré.es entre l’été dernier et cet hiver.

Troisième et dernier volet du triptyque d’articles consacré aux Jardins de la Manufacture des Tabacs de Morlaix, après avoir rencontré Tiphaine Hameau, l’artiste-jardinier qui en a la charge (1er volet : https://www.eco-bretons.info/a-morlaix-lartiste-jardinier-tiphaine-hameau-un-humain-du-sensible-et-du-geste-compagnon-de-la-plante/) ainsi que d’autres artistes qu’il accueille (2ème volet :https://www.eco-bretons.info/a-la-manu-de-morlaix-ce-que-les-artistes-font-aux-jardins-ce-que-les-jardins-font-aux-artistes/).

D’un format plus long que les sujets habituellement proposés, libre à vous d’effectuer cette promenade jardinière en une ou plusieurs étapes de lecture et d’écoute.

Des Beaux-arts aux aménagements paysagersRencontre avec Raphaël

Raphaël effectue actuellement en un an son BTS Aménagements paysagers en écojardinage au CFA/CFPPA de Kerliver à Hanvec. Début novembre 2024, nous l’avons retrouvé aux jardins, consciencieusement affairé autour de plots en béton qui furent jadis des supports à pommiers, et désormais disposés dans de petits carrés où la terre a été recouverte de marc de café, collecté dans les services de Morlaix Communauté.

Une installation dont l’esthétique, qui n’est pas sans rappeler le jardin japonais, entre en résonance avec le parcours de l’étudiant, titulaire d’un Master en Beaux-Arts effectué à Toulouse durant lequel Raphaël a exploré aussi bien la sculpture, que des installations mêlant le son et l’organique.

Ici, quasiment rien n’a été planté, tout est fait avec l’histoire du lieu, en valorisant du marc de café, répulsif efficace auprès des merles qui entendaient participer à l’installation en y faisant des trous ! Les bordures enherbées sont taillées aux ciseaux.

Outre cette mission, Raphaël a pu effectuer des opérations d’entretien, réduites au strict nécessaire, avec notamment du fauchage à la faucille, le dégagement des alignements de pavés permettant de cheminer, autant de gestes qui s’inscrivent dans le temps long, comme le rappelle Tiphaine Hameau.

De ce dernier, l’étudiant a particulièrement apprécié la précision dans ses explications, toujours très pédagogiques. Et aussi les discussions animées durant les repas autour de la biologie animale, des oiseaux…

Allier, parfaire connaissances botaniques et ornithologiquesRencontre avec Alan

Passionné de botanique et d’ornithologie, Alan Larvor, qui est en 2ème année de BTS GPN, a choisi de réaliser son deuxième et dernier stage dans les Jardins, avec un objectif précis qui est de développer ses connaissances et techniques, notamment de valorisation des déchets organiques, indispensables au futur projet qu’il caresse : s’installer en tant que paysan-herboriste.

Parmi les missions que Tiphaine lui a confiées, qu’il juge répétitives et physiquement éprouvantes mais néanmoins incontournables, Alan s’est livré au très laborieux fauchage tardif à la faucille, en veillant à laisser des zones de repos pour la faune et en utilisant les déchets verts pour le paillage et les installations. Il a également procédé à l’arrachage partiel avec retrait des ronces et autres liserons, érables sycomores dont les feuilles sont ciselées avant de pailler élégamment les cheminements au sein des jardins, tout comme celles des renouées. Renouées dont les rameaux séchés poursuivent leur destinée en habillant la dalle de béton à l’entrée des jardins, ou bien en intégrant le bac à compost pour une mutation en terreau ou bien encore en entrant dans la composition du projet artistique d’Alan.

Aux Jardins, Une gestion et protection artistique de la natureInterview croisée de Léa/Rachel

Rachel et Léa, avec les artistes Emmanuelle Huteau/clarinette et Stéphanie Tesson/écrivaine-comédienne au cours de la lecture-promenade musicale Les monologues en plein champ, l’été dernier.

L’appel des Jardins : comment les Jardins de la Manufacture se sont-ils manifesté auprès de vous pour que vous veniez y effectuer votre stage d’étude ?
Léa : Pour être honnête, je n’étais jamais entrée dans les Jardins avant d’envoyer ma candidature de stage. La seule interaction que j’ai eue avec ces derniers a été lors d’une visite scolaire du SEW en début d’année, où j’ai pu apercevoir un bout des Jardins par une fenêtre. Cela a attisé ma curiosité et après un peu de réflexion, j’ai tout simplement envoyé ma lettre de motivation ! J’aime beaucoup découvrir de nouvelles choses, surtout quand elles ne sont pas accessibles. En clair, j’y suis allée plus par instinct qu’autre chose. J’avais envie de faire un stage original, j’adore la botanique. Alors pourquoi pas ?

Rachel : A force de passages et promenades dans Morlaix, je tombais régulièrement nez à nez avec les Jardins, voilés par les grillages et toujours secrets. Je n’y suis jamais entré jusqu’à mon stage. C’est en juin, après avoir eu une déception quant au lieu de mon stage, que j’ai pensé aux Jardins de la Manufacture : en effet, ma meilleure amie Léa s’y trouvait et le lieu suscitait en moi curiosité et attirance. Nous avions eu l’occasion de rencontrer Tiphaine lors de la présentation des projets tutorés et la façon dont il évoquait le lieu m’avait fait hésiter quant au choix que j’allais faire ; finalement, pas de projet tutoré aux côtés des jardins, mais un deuxième essai de stage qui j’espérais s’annonçait être le bon ! Après en avoir discuté avec Léa, Tiphaine a pris contact avec moi et de là est née ma première rencontre avec les Jardins, le 1er juillet. 


● Quelles ont été vos missions respectives durant votre stage ?
Léa : Nous avons participé à la gestion courante des lieux : arrachage de ronces et de jeunes arbres, transformation des “déchets verts” et revalorisation de ces derniers par divers moyens (paillages, remplissage de chemins..). Notre mission passait aussi par la participation aux animations des Jardins : visites classiques ou encore accueil d’évènements artistiques « Station verger », « Monologue en plein champs »*.
Concernant ma mission spécifique, son but était de créer et d’animer une animation sur les espèces végétales invasives, avec des thématiques allant de la gestion de ces dernières jusqu’aux différentes visions et débats qu’elles causent. Le tout était de créer une discussion perpétuelle et d’opter pour des méthodes pédagogiques ludiques et artistiques dans le but de toucher un maximum de personnes.

Rachel : Les Jardins ont besoin de petites mains pour arracher, ciseler, effeuiller, rencontrer les visiteurs et accompagner le lieu. Dès lors, nous avions d’abord des missions de « gestion » qui permettaient d’épauler Tiphaine dans son travail. S’est ajoutée à cela ma mission principale, sur laquelle je me suis penchée durant 6 semaines : la création d’une animation sur l’ethnobotanique, c’est-à-dire plus simplement, sur la symbolique des plantes et les liens qu’elles ont entretenu avec l’humain au fil du temps. Je devais la présenter la dernière semaine de mon stage, et la nourrir de recherches personnelles, d’échanges avec Tiphaine et Léa. 


● Y-a-t-il des choses qui vous ont surprises, déconcertées, parues comme évidentes et attirées dans la démarche de Tiphaine Hameau, notamment le fait de rebaptiser GPAN votre formation GPN, pour Gestion et protection artistique de la nature ?
Léa : J’ai été assez surprise par la somme de travail énorme que l’entretien des Jardins et la répétition perpétuelle de certains gestes à l’aide d’outils manuels, Tiphaine se donne beaucoup de mal pour réaliser un jardin tel qu’il l’envisage, avec une immense rigueur. C’est un travail très sisyphéen, mais qui paye ! Les personnes qui visitent les jardins sont assez impressionnées par l’ambiance des jardins. Il me paraissait évident qu’il est important de recycler les déchets verts au maximum et de les réutiliser au sein du jardin, mais le faire de manière artistique est un parti pris très original et inspirant ! Du coup, je n’ai pas vraiment été surprise que Tiphaine renomme notre mission “Gestion et Protection Artistique de la Nature”, tout simplement parce qu’en venant aux Jardins de la Manu faire son stage, l’art
devient un attribut nécessaire pour pouvoir penser les Jardins. Sans poser un certain regard sur ce qui nous entoure, on ne voit pas grand-chose ici ! On le voit bien quand certaines personnes visitent les jardins et commentent “Il n’y a rien à voir ici” ou encore “Quelle friche !”. La beauté est dans l’œil de celui qui regarde !

Rachel : Oui ! Agréablement surprise. Ce qui m’a particulièrement déconcertée est le fait que tout soit fait à la main, que l’usage de machines est secondaire et que même l’effeuillage ou encore la coupe de rameaux se fassent par nous-mêmes ! Mais ce fut un plaisir : la gestion artistique du lieu a tout de suite résonné avec ma vision des choses et la notion spirituelle que j’offre à la Nature. Tiphaine prend soin des jardins et ce fut à notre tour à Léa et moi de poursuivre cet amour qui leur était donné, par le respect de la démarche de Tiphaine et l’intérêt que nous y avons accordé. 

Ce passage dans les Jardins de la Manufacture a-t-il transformé votre « rapport à la nature », de quelles façons ?
Léa : De manière évidente, mon rapport à la nature a évolué après avoir passé deux mois dans les Jardins. Tiphaine nous a initiées à sa vision de la nature, passant par un éloge de la lenteur et de l’observation. Il était aussi très intéressant de voir à quel
point Tiphaine prenait soin de chaque plante des jardins, un type de végétation qui n’a pourtant rien d’exceptionnel de prime abord !
Donc je dirai que d’être passée par les Jardins de la Manu m’a rendue beaucoup plus attentive à ce qui m’entoure et auquel on ne fait en général plus vraiment attention à force de passer devant tout le temps. J’ai compris que ce n’est pas parce qu’une plante est commune qu’elle n’est est pas pour le moins précieuse !

Rachel : Pas transformé, mais éclairé. En effet, avant de rencontrer Tiphaine et les Jardins, mon rapport à la Nature était proche de celui que j’allais découvrir auprès des lieux. Cependant, il a été éclairé par le regard de Tiphaine et les différentes pratiques et démarches qu’il associe aux jardins. Le mantra des lieux : « Faire le plus avec, le moins possible contre » (citation de Gilles Clément que Tiphaine répétait souvent).  Ainsi, c’est la façon dont les Jardins de la Manufacture ont accompagné mon rapport à la Nature et donné des outils et arguments pour le nourrir, qu’ils l’ont d’une certaine façon transformé. 

● Une ou deux anecdote(s) particulière(s) à partager ?
Léa : Je me rappelle avec nostalgie de toutes les fois où nous étions en train de discuter et Tiphaine nous arrêtait dans notre élan pour attirer l’attention sur un jeu de lumière, un oiseau qui se posait ou encore une musaraigne qui passait au loin. On restait sur le qui-vive en silence pendant quelques minutes parfois, puis la vie reprenait !

Rachel : Nos journées furent des anecdotes à elles seules ! Je plaisante, c’est que nous riions beaucoup tous les trois et que les Jardins regorgent de surprises qui n’ont pas fini de nous amuser ou de nous surprendre. Par exemple, j’ai dû rentrer chez moi avec un manteau attaché autour des hanches, car, après m’être assise sur un muret sur lequel se trouvait d’anciennes attaches de grillage, afin de faire ma mission d’effeuillage, je me suis retrouvée une fesse à l’air, mon pantalon déchiré ! Léa et moi étions en fou rire. 

Autre petite anecdote qui n’en est finalement pas vraiment une : nous avons eu la chance de rencontrer plusieurs artistes et de découvrir un monde artistique encore différent de ceux que nous croisons au théâtre, au cinéma, au musée… Aux Jardins, ce sont des personnalités singulières et sensibles qui viennent rencontrer les lieux et Tiphaine. Nous avons fait la rencontre de Stéphanie Tesson, Emmanuelle Huteau et Olivier Depoix, dans le cadre des « Monologues en plein champ », concert proposé dans les Jardins. De ces rencontres ont ainsi découlé diverses anecdotes, propres aux personnalités de chacun et à la rencontre avec les nôtres : échanges, discussions, aide au spectacle et répétition. En effet, un jour avant le spectacle, Léa et moi avons vécu l’effeuillage d’une façon différente de d’habitude : les musiciens répétaient et Stéphanie incarnait ses personnages juste à côté de nous. Ce fut particulièrement agréable de ressentir les jardins vibrer sous cette musique et rayonner différemment ce jour-là. 

*Parmi les rencontres artistiques au cours de l’été 2024 figuraient Station verger, entresort sonore, manuel, ludique et poétique du collectif Les Aimants et Les monologues en plein champ, lecture-promenade musicale de l’écrivaine-comédienne Stéphanie Tesson accompagnée par Olivier Depoix/accordéon, et Emmanuelle Huteau/clarinette-tuba-chant qui ont enchanté les participant.e.s.

Quand un projet tutoré allie regards scientifique et technique à l’expression créative sensible

Arthur, Léa, Louna, Nonna et Enora ont effectué leur projet tutoré de BTS GPN autour d’un inventaire des insectes et des plantes invasives auprès de Tiphaine Hameau. Ce projet a été l’occasion d’étudier durant huit mois les dynamiques de ces populations dans les Jardins de la Manu et d’y porter un autre regard, notamment artistique, sur quelques mal-aimés ou mal-menés de nos jardins. C’est en s’appuyant sur un livret de 70 pages, rigoureux et soigné, concocté par l’équipe étudiante que celle-ci a présenté fin décembre son projet tutoré devant un jury composé de professionnel.les et d’enseignant.es. Un livret récapitulant le contexte de leur projet avec : ses objectifs, la détermination des méthodes employées, les résultats et leur analyse, les fiches-espèces de trois plantes présentes dans les Jardins (la Grande Berce, la Renouée du Japon, le Buddléia de David, la présentation succincte de quelques insectes hôtes (papillons Moro-Sphinx, Vulcain, Aurore ; Abeilles cotonnière, domestique, charpentière ; cétoine dorée, Oedémère noble, Lepture tacheté). Un livret dans lequel on peut également glaner des citations d’Albert Einstein, Victor Hugo, Henry David Thoreau, Jean-Henri Fabre (humaniste-poète-artiste-éthologue), Baptiste Morizot, Gilles Clément ainsi que des dessins du botaniste Xavier Jaouen.

Parmi leurs objectifs, l’inventaire et les résultats des insectes pollinisateurs (choisis en raison de l’abondance des plantes à fleurs), l’analyse de leurs interactions avec les plantes, le suivi d’orthoptères (sauterelles et criquets) et de coléoptères ainsi que l’élaboration d’une cartographie des différentes parties des Jardins mettant en avant les massifs de plantes inventoriés, font partie des attendus « classiques » d’une formation en gestion et protection de la nature.

Avec un élément important à souligner, à savoir des considérations éthiques quant au respect des êtres vivants du lieu qui on amené l’équipe à mettre en place « un procédé expérimental ayant pour avantage de ne tuer aucun des insectes capturés, même si cela affectait le degré de précision dans leur identification. »

L’équipe a également choisi d’adjoindre à son projet un volet artistique qui a amené ses membres à créer des œuvres en s’appuyant sur leurs savoir-faire respectifs en dessin, vannerie et sculpture pour « donner à voir » les insectes des Jardins tout en respectant leur esprit, avec le choix de matériaux naturels.

Dans ce domaine, l’approche socioculturelle dispensée dans le cadre de leur formation permet à n’en point douter d’allier leur rigueur scientifique et technique à l’expression créative de leur sensibilité, au service de la sensibilisation d’un public plus grand et non spécialiste.

Mission brillamment accomplie puisque le groupe d’étudiant.es a reçu les félicitations du jury, à la fois pour les qualités de présentation de leur exposé, de réalisation du carnet et de leur outil ludico-pédagogique.

Tiphaine Hameau prévoit, au sortir de l’hiver, une restitution publique aux Jardins de la Manu et probablement dans la Galerie du Léon du SEW, avec une exposition des différentes contributions (dessins, sculpture, vannerie…): « L’occasion de célébrer le retour à la vie chantante, bourdonnante dans les Jardins! ».

Dans le prolongement de cet article, nous vous invitons à écouter nos deux entretiens effectués dans les Jardins de la Manu, le premier avec trois des étudiant.es sur leur projet tutoré, le second avec Tiphaine Hameau.

*Le projet tutoré de la formation BTS vise à instruire une réponse à une commande professionnelle de gestion environnementale et de valorisation de la nature. Durant plusieurs mois, il s’agit de rendre autonome les étudiant.es dans leurs investigations de terrain tout au long de leur démarche, accompagné.es par un tutorat commanditaire professionnel/enseignant.es.