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Centrale à gaz de Landivisiau : convergence de luttes contre le projet

Ce samedi 23 février, à 14h près de 900 manifestants se sont réunis Place du champ de Foire afin de lutter contre l’implantation d’une centrale à gaz à Landivisiau.

Ils se sont rendus devant le site situé dans la zone de Vern.

Arrêtés aux abords du site, à la lisière de la route de Plouvorn, certains manifestants tentent de rentrer sur le site clôturé par des barrières installées dans la nuit du 11 au 12 février. Les forces de l’ordre tentent de bloquer le passage, en vain. Près de 150 manifestants investissent le site, progressant peu à peu vers un engin figé là. Chantant et dansant au rythme d’un cor, les fervents militants repoussent les gendarmes de Morlaix et Saint Pol de Léon. Les manifestants se retirent peu à en direction du centre ville lorsque le renfort de peloton de surveillance et d’intervention de Landerneau et de Brest surgit soudainement.

« Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend » proclame un manifestant portant un masque à gaz.

Déguisements délirants, slogans exhortants, instruments folkloriques

Agrémentée de déguisements délirants, la foule mouvante se laisse cadencer par les instruments folkloriques, les rires vibrants, et les slogans exhortants.

La fanfare se fraye un chemin dans la masse de manifestants. Ils défilent tel un convoi de fourmis qui propage des stridulations, écho d’un air de revendications qui souffle sur Landivisiau. Des points jaunes disséminés dans toute la foule sont venus apporter leur soutient au collectif GASPARE1. Des drapeaux bretons flottent et surplombent le défilé de manifestants. L’onde sonore se rapproche progressivement des 15 hectares destinés à accueillir une centrale à gaz2. Alors que quelques heures plus tôt, assis dans leurs monstres de ferraille des hommes remuaient, retournaient et trituraient la terre qui était, un mois auparavant recouverte d’un duvet vert. La cacophonie des tractopelles brisait ainsi le calme de ce lieu le 24 janvier, date de début des travaux.

« Plus d’un million de tonnes de CO2 par an, des gaz à effet de serre, des particules fines dans l’air »

« Plus d’un million de tonnes de CO2 par an, des gaz à effet de serre, des particules fines dans l’air », ce sont les arguments mis en avant par les membres de l’association « Landivisiau doit dire non à la centrale ». Selon Mélanie, membre de l’association depuis deux ans et demi, la centrale à gaz serait néfaste puisqu’ « entre la voix express, l’usine de lait infantile Sill qui est en train de se construire et potentiellement la centrale à gaz il y a une accumulation de polluants sur la zone de Landivisiau ». Selon la jeune femme accoutrée d’une perruque verte, « la réponse au contexte environnemental actuel serait « la sobriété énergétique qui nécessiterait de repenser notre façon de vivre ».

« On veut des escargots et des coquelicots »

Dans la foule intergénérationnelle, des enfants scandent le slogan « on veut des escargots et des coquelicots » se référent à une espèce protégée d’escargot, l’escargot de Quimper, vivant sur le site classé Zone Natura 2000 de la future hypothétique centrale à gaz.

Un manifestant martèle « on veut des jonquilles, pas du gaz de Russie » en faisant référence au 21 % du Gaz consommé en France provenant de Russie d’après le bilan énergétique de la France pour 2016 du ministère en charge de l’énergie.

Plus loin, dans le convoi porteur de revendications, une militante mobilisée depuis la création de l’association « Landivisiau doit dire non à la centrale » exprime son indignation quant au projet de centrale à gaz « la centrale générera des particules fines à proximité d’une maison de retraite et d’une école maternelle. Or les particules fines touchent les personnes les plus vulnérables ».

Croisé en queue de manifestation, un militant intégré à l’association de lutte contre la centrale à gaz brandit une pancarte sur laquelle il est inscrit « TOTAL ne gazera pas Landi ! Citoyens, renseignez vous ! ». Celui-ci regrette que l’État ne s’attaque pas aux problèmes de surconsommation à la racine « Le problème que ça pose c’est que c’est l’investissement d’un demi-milliard d’euros pour finalement ne pas réaliser de transition énergétique. Cet argent pourrait être investi dans travaux d’isolation et ainsi faire travailler les artisans locaux »

Le collectif GESPER soutient le projet de centrale à gaz.

Jean Le Vourch, président du collectif GESPER (Groupe d’Études et de Soutien en faveur de la Production des Énergies Régionales) soutient le projet de centrale à gaz de Landivisiau parce que « La Bretagne ne produit pas plus de 13% de l’énergie qu’elle consomme. La pointe Finistère est en bout de ligne, et donc extrêmement fragile. Un Black-Out3 serait une catastrophe pour le réseau électrique et donc pour les entreprises locales. Il coûterait très cher »

Contacté par téléphone, le partisan de l’implantation de la centrale ne semble pas comprendre les revendications environnementales des opposants. Celui-ci clame qu’ « une centrale à gaz est deux fois moins polluante qu’une centrale nucléaire et trois fois moins polluante qu’une centrale à charbon » et que « la voix express qui passe à Landivisiau rejette bien plus d’émissions que la future centrale »

1 Le collectif GASPARE (Garantir l’avenir solidaire par l’autonomie régionale énergétique) regroupant l’association Force 5 (association agréée pour la protection de l’environnement) et « Landivisiau doit dire non à la centrale » militent depuis 2010, date de la genèse du projet de centrale à gaz, contre son implantation de celle-ci à Landivisiau.

2Né du PEB (Pacte Électrique Breton), ce projet de centrale à cycle combiné au gaz (CCCG) de 400 mégawatts est né afin de réduire la dépendance énergétique bretonne.

3Coupure électrique




“Face à phasme”, à la découverte des insectes à Suscinio

Le samedi 06 avril 2019, un groupe d’étudiants de Suscinio en BTS Gestion et Protection de la Nature organise pour leur Projet d’Initiative et de Communication un forum pour découvrir les insectes. Cette journée se déroule en partenariat avec l’ULAMiR-CPIE Pays de Morlaix-Trégor ainsi que Bretagne Vivante et aura lieu au lycée de Suscinio à Ploujean (29600).

Les étudiants Julia, Océane, Julien et Brewen ont mis en place plusieurs ateliers pour sensibiliser la population à la fragilité des insectes. Pour l’occasion, Mikaël BUORD, un entomologiste membre de Bretagne Vivante, proposera deux animations sur ces petites bêtes (une à 14h & à 16h).

 

Au programme :

  • Exposition de terrariums
  • Dégustation d’insectes
  • Animations nature pour petits et grands

Ouvert à tous. Entrée libre à partir de 10h.

Restauration sur place.

L’équipe “Face à phasme”




Les P’tites Graines, une épicerie ambulante finistérienne de vente en vrac

« Les P’tites Graines « , c’est le nom de l’épicerie mobile de vente en vrac et zéro déchets de Christelle Paugam. On la retrouvera à partir de Mai sur certains marchés du Finistère Nord. Afin de s’équiper, elle a lancé un financement participatif sur la plateforme Kengo. Il reste quelques jours pour contribuer.

Une épicerie mobile qui proposera de la vente en vrac et du zéro déchet, et qui se déplacera de marché en marché dans le Finistère. Voilà le projet de Christelle Paugam. Un projet qui est issu d’abord d’un constat : auparavant paysanne à Sizun, elle a eu l’habitude de vendre le résultat de sa production sur les marchés. Mais sans y avoir vu de vente en vrac. C’est donc le déclic. L’épicerie mobile lui apparaît alors « comme une alternative innovante ».

Son épicerie itinérante sillonnera ainsi des marchés finistériens : Le Faou, Sizun, Ploudalmézeau, Plouguerneau…et également au marché à la ferme de Goasven.On y trouvera des produits en vrac, complémentaires à l’offre existante déjà sur les marchés (céréales, pâtes, riz, amandes, huile, farine…), mais aussi de quoi réaliser soi-même des produits ménagers, des sacs à vrac, des bocaux, des serviettes hygiéniques lavables…et même de la bière ! « Pour le démarrage, je pense proposer une gamme de 150 produits, pour arriver à 250 en fin d’année », souligne la jeune femme. Des produits bios, équitables, et locaux dans la mesure du possible. Le tout présenté dans des silos fabriqués en France, qui sont 25% plus cher que des contenants classiques. Ce qui explique en partie l’opération de financement participatif lancée par Christelle sur le site breton Kengo. Avec cette cagnotte, elle a pour objectif d’acheter ces fameux contenants, et une balance connectée. En contrepartie des dons, les participants recevront des bons d’achat, à dépenser à l’épicerie. Des courses payées d’avance ! Christelle a pour projet également de se déplacer au sein d’entreprises, ou dans des hameaux dans lesquels les voisins se seront organisés pour sa venue par exemple. De quoi sans doute conquérir conquérir de nouveaux adeptes de la vente en vrac et zéro déchets !

Pour contribuer au financement participatif, direction https://kengo.bzh/projet/1642/les-ptites-graines

Et pour en savoir plus sur le projet, direction Facebook : https://www.facebook.com/Les-ptites-graines-%C3%A9picerie-ambulante-329351947676901/




L’idée sortie. Un week-end zéro déchets et consommation alternative dans le Finistère

Ce week-end, place au zéro déchet et au « consommer autrement » dans le Finistère. Rendez-vous samedi à Lampaul-Guimillau (29) pour le forum « Family Sphère », et dimanche à Lanmeur avec les familles du Défi Familles Zéro Déchets, pour le « Festival Kazi zéro Déchet ».

On démarre le week-end avec le forum « Family Sphère », à la salle de la Tannerie à Lampaul-Guimillau. Au programme : un après-midi autour de la consommation alternative, de 14h à 18h. On pourra y trouver un marché de producteurs locaux, avec de la vente en vrac (viande, miel, épices, plantes aromatiques, escargots, bière…), des ateliers pour apprendre à confectionner des cosmétiques et produits d’hygiène, des sacs en tissus ou des lingettes lavables…L’association « Zéro Déchet Nord Finistère » donnera conseils et informations sur son stand sur la manière de réduire ses déchets, tout comme la Communauté de Communes du Pays de Landivisiau qui sensibilisera au gaspillage alimentaire. A noter, une « boite à idées » permettra de recueillir les propositions des visiteurs sur les sujets abordés.

Dimanche, direction Lanmeur pour le festival « Kazi Zéro Déchet ». Il est organisé par les familles du Défi Familles Zéro Déchets de Morlaix Communauté. Dès 14h, les familles accueilleront les visiteurs autour d’ «îlots » thématiques avec des ateliers pour apprendre à faire soi-même par exemple. La maison et le jardin seront notamment abordés. Une conférence sera animée par l’association « Zéro Déchet Nord Finistère ». Un « coin enfants » est également prévu, sur cet événement qui se veut familial, avec une entrée libre.




Les Jeannettes : une épicerie pour consommer local et sans déchet à Morlaix

En Automne, Les Jeannettes ouvriront une épicerie en vrac dans le cœur du centre-ville de Morlaix (27 place Allende), pour consommer local et sans déchet. 

Chloé et Pauline sont à l’origine du collectif Les Jeannettes, qui édite (entre autre) un fanzine trimestriel pour aider à consommer local et à réduire ses déchets. Les deux jeunes femmes se lancent désormais dans une autre aventure : l’ouverture d’une épicerie en vrac sur Morlaix. Pour Chloé et Pauline, « le constat général, c’est qu’il manque une offre de vrac à prix accessibles ». 

Cette épicerie ouvrira courant automne en centre-ville, parce qu’elles « aiment [leur] ville et veu[lent] participer à la dynamisation de Morlaix ». Bien sûr, les produits qui seront proposés seront pour la plupart locaux (pour 80 % d’entre eux). 

« Tu pourras faire toutes tes courses là-bas »

« Tu pourras faire toutes tes courses là-bas » assure Chloé. Les Jeannettes vendront non seulement des produits secs, mais également liquides (comme l’huile d’olive) et tout ce qu’il faut pour fabriquer ses propres produits ménagers. Pour cela, des fiches recettes et même des ateliers seront proposés. Leur future épicerie, Pauline et Chloé la voient comme un lieu de rencontre et de partage de savoir. « L’idée, c’est de faire soi-même et de permettre l’émancipation du consommateur ». 

Le gramme suspendu

Les deux copines reprennent également le principe du « café suspendu ». Lors du passage en caisse, il sera possible de donner un peu plus (10 centimes pour 1 grammes). Au fil des passages en caisse, lorsque ces « grammes solidaires » atteignent 10 kilos, Les Jeannettes mettrons en place des paniers garnis avec des produits de saisons et de première nécessité pour les plus démunis. 

Pour maintenir l’entraide et la proximité entre tous, Chloé et Pauline espèrent pouvoir atteindre 5 500 euros grâce à leur financement participatif afin de livrer à domicile les personnes à mobilité réduite. Leur souhait, c’est « d’aller jusqu’au public qui n’ose pas ou ne peut pas [venir en boutique], pour ne pas qu’il y ai de fracture sociale ». 

Et puisque les Jeannettes ont pensé à tout, un espace pour les enfants sera mis en place, pour qu’ils puissent s’occuper.

Cette épicerie verra le jour dès cet automne. Pour les aider dans leur projet, une cagnotte a été mise en place sur Kengo. Si vous souhaitez y participer, c’est par ICI que ça se passe. 




« Nous sommes les sentinelles de l’environnement » : Caroline Madec, ostréicultrice à Prat Ar Coum


Caroline Madec représente la cinquième génération d’une famille d’ostréiculteurs établis à Prat Ar Coum (Lannilis, Finistère) depuis 1898. Souhaitant se faire un nom pour elle-même, elle a fait carrière à Paris dans un milieu complètement différent (la communication) avant de revenir travailler sur l’exploitation familiale à l’âge de 25 ans. Elle et sa sœur gèrent l’entreprise avec leurs parents Yvon et Annie, et reprendront le flambeau à leur départ en retraite. Caroline nous parle de son métier, de son interaction avec l’environnement, et de son expérience de femme dans un univers plutôt masculin.

 

Un site unique

Le site où les Madec ont installé leurs parcs est un riche lieu d’échange entre la terre et la mer.

Les deux bras de mer, l’Aber Benoît et l’Aber Wrac’h, remontent loin dans les terres et forment, à l’endroit où ils rejoignent la mer, l’estuaire du pays des Abers. Les bassins à huîtres noirs se détachent en relief sur l’eau, brune vers la terre et bleue vers la mer, le mélange entre les deux éléments clairement visible.

Ce site est exceptionnel à plus d’un titre : « Nous avons à proximité de nos parcs la plus grande forêt d’algues laminaires d’Europe », nous explique Caroline. Ces algues, les matières végétales charriées par les Abers dans le lit desquelles les huîtres « spéciales » sont affinées, et la grande quantité de plancton présent dans la rivière offrent une nourriture de choix à l’huître, la rendant plus charnue tout en lui donnant un goût particulier qui singularise les produits de Caroline, plusieurs fois primés au salon de l’agriculture.

L’isolation des lieux est à la fois un avantage et un inconvénient : « Nous avons 100 hectares de parcs répartis entre les Abers, la rade de Brest et Carantec, et nous manipulons plusieurs tonnes d’huîtres par semaine. Nous ne sommes pas serrés contre les autres exploitations et avons vraiment de l’espace pour bien travailler. En revanche, nous sommes péninsulaires, ce qui complique beaucoup l’organisation logistique. »

L’huître, un filtre naturel

La journée commence à 7h du matin, quand les palettes sont sorties de l’eau purifiée où elles ont passé 48 heures pour nettoyer et affiner les huîtres. Les huîtres, véritables petites pompes des mers, filtrent 10 litres d’eau à l’heure pour se nourrir ; les agents infectieux contenus dans l’eau de la mer peuvent donc se déposer à l’intérieur de leur chair, et la purification est nécessaire pour réduire ce risque. Elles sont ensuite emballées à la demande du client pour garantir leur fraîcheur.

à gauche : huître creuse, à droite : huître plate

Caroline produit des huîtres creuses, et des huîtres plates (aussi appelées belon), espèce beaucoup plus rare qui représente moins de 1% de la production nationale. Des départs quotidiens pour le marché de Rungis (le plus gros marché de produits alimentaires frais au monde) et deux départs par semaine pour l’export, le lundi et le jeudi, permettent d’écouler la production.

L’équipe conditionnement est essentiellement composée de femmes, et seules les plus expérimentées manipulent les précieuses huîtres plates. L’entreprise compte 27 employés, auxquels s’ajoutent des intérimaires en période de fêtes. Marie est une des doyennes, elle a passé l’âge de la retraite mais revient faire des heures de temps à autres.

Une vie d’huître

Avant de passer par le stade final du conditionnement, les huîtres sont cultivées avec soin tout au long de leur vie d’huître.

Le naissain (les larves d’huîtres) est capturé l’été dans la rade de Brest, où il se dépose de façon naturelle sur des coupelles. Au printemps, ces bébés huîtres sont transférés dans des poches (environ 1000 bêtes par poche) qui les protègent des poissons pour qui elles sont un mets de choix.

coupelles à naissain

«Nous n’utilisons pas de tuile chaulée pour capter le naissain car l’extraction des jeunes huîtres pour les mettre en poche est plus traumatisante qu’avec les coupelles», précise Caroline (La tuile est enduite de chaux et de sable et offerte au naissain pour qu’il vienne s’y fixer. Avant d’être transférés dans les poches à huîtres, les bébés doivent être détachés, ndlr). Même avec de telles mesures de protection, la mortalité est de 70% sur les huîtres creuses, plus encore sur les huîtres plates. Une recrudescence des pertes a d’ailleurs pu être observée ces dernières années.

A 18 mois, les huîtres sont sorties des poches, triées et ressemées au fond du parc. Chaque espèce a ses préférences et les huîtres plates sont élevées plutôt dans des eaux profondes, dans des conditions différentes des huîtres creuses.

Lorsqu’elles ont atteint 3 ans, les huîtres sont ramassées en utilisant un système de drague, avant d’être calibrées, purifiées et conditionnées. « La drague n’abîme pas les fonds car nous faisons cela avec des filets spéciaux », indique Caroline. Son entreprise possède une flotte d’une dizaine de bateaux qui sert à l’entretien des parcs.

La controverse des huîtres triploïdes

Caroline cultive des huîtres naturelles, lesquelles produisent des gamètes durant la période de reproduction (de Mai à Août), les fameux mois « sans r » pendant lesquels les huîtres sont hors saison. Durant cette période leur consistance devient «laiteuse», au grand désespoir de certains gourmets. Pour répondre à leur demande, les huîtres triploïdes (aussi dites « quatre saisons ») ont été créées de façon artificielle. Elles possèdent trois paires de chromosomes sexuels (au lieu des deux paires habituelles) et produisent peu ou pas de gamètes, évitant ainsi de devenir laiteuses. De plus, elles grossissent plus vite que les huîtres naturelles car elles n’investissent pas autant d’énergie dans la production de gamètes, ce qui les rend compétitives économiquement. Cependant, elles ont des détracteurs qui leur reprochent de parvenir malgré tout à se reproduire avec les huîtres naturelles et de modifier leur patrimoine génétique. De plus, comme les triploïdes sont un OVM (Organisme Vivant Modifié) et non pas un OGM (elles sont issues de manipulations mais aucun gène étranger n’est introduit), elles ne sont pas soumises aux réglementations d’étiquetage et sont vendues sans distinction des huîtres naturelles, ce qui signifie que le grand public ignore leur existence et les enjeux concernant la biodiversité.

Caroline n’élève pas d’huîtres triploïdes mais en propose pendant l’été en « flux tendu » (achat aux éleveurs et purification puis livraison) afin de satisfaire la demande de ses clients. Elle ne les introduit pas dans les parcs afin d’éviter tout croisement avec les huîtres naturelles. « La diversité génétique des huîtres naturelles leur permet de mieux résister aux maladies », affirme-t-elle. Elle préfère donc éviter l’élevage de triploïdes, malgré l’avantage économique que cela comporte.

Les sentinelles de l’environnement

Pour Caroline, préserver la biodiversité et l’équilibre fragile de l’environnement marin est en effet capital : « Nous sommes les sentinelles de l’environnement ». De fait, les ostréiculteurs sont particulièrement exposés aux aléas de l’environnement marin. L’huître étant un filtre naturel, la qualité de l’eau impacte immédiatement celle du produit, et comme elle est consommée crue, il ne faut prendre aucun risque.

« En 1978, l’Amoco Cadiz s’est échoué près d’ici. La marée noire a été telle que nous n’avons pas pu produire d’huîtres pendant presque dix ans. C’est à cette période que nous avons diversifié notre activité avec le commerce de crustacés. » Cela a été une période très difficile pour l’entreprise familiale. D’une manière générale, les moindres naufrages et rejets industriels impactant la qualité de l’eau, les ostréiculteurs doivent être constamment en alerte.

L’eutrophisation des sols est également un problème car elle génère une prolifération des algues vertes. Même si des mesures drastiques ont été prises pour limiter l’utilisation exagérée d’engrais, les sols sont encore gorgés de nitrates qui continuent à gagner la mer. En conséquence, les algues vertes, dopées aux nutriments, sont en pleine forme et envahissent les lourdes poches à huîtres qui doivent être régulièrement soulevées et retournées pour limiter cette prolifération, tâche pénible que les travailleurs, qui ont parfois de l’eau jusqu’aux aisselles, effectuent à la main. Les autres mesures de contrôle sont l’introduction de bigorneaux brouteurs dans les poches et le hersage des parcs pour éviter de trop grands dépôts d’algues.

L’acidification des océans aussi est une menace. Elle impacte la faune et la flore marines, et les huîtres ne font pas exception, car la calcification de leur coquille devient plus difficile. Pour pallier à cette situation, les coquilles d’huîtres mortes sont utilisées pour désacidifier l’eau des parcs.

Investie de leur mission de protection de la biodiversité, la famille Madec fait partie des rares ostréiculteurs à cultiver les huîtres plates dites belon, l’espèce indigène d’Europe qui a été victime de graves épizooties en 1920 et 1970 et a failli disparaître. Désormais minoritaire et en difficulté à cause entre autres de l’appauvrissement de son patrimoine génétique, elle a été supplantée par l’espèce dite creuse, originaire du Japon, qui a été introduite en France afin de compenser la perte des autres espèces d’huîtres. Les belons demeurent fragiles avec une mortalité très importante, et les ostréiculteurs spécialistes lui apportent tout le soin possible pour éviter sa disparition définitive.

Une femme dans un monde d’hommes

A la question « Comment ça se passe quand on est une femme dans un univers majoritairement masculin ? », Caroline répond avec bonne humeur : « Je ne me prends plus la tête à ce sujet. Je ne sais pas faire autant de choses que mon père, qui peut absolument tout faire sur l’exploitation. Cependant, quand c’est nécessaire, je travaille sur la chaîne à partir de 7h du matin comme tout le monde, et je peux aussi travailler dans les parcs à huîtres ». En effet, Caroline est une grande femme à fort tempérament, à qui soulever et retourner les poches à huîtres ne fait pas peur. « Pour nos activités commerciales, nous sommes souvent conviés à des événements prestigieux », ajoute-t-elle. Tout terrain, elle est aussi à l’aise dans une réception diplomatique que sur un parc à huîtres.

D’une manière générale, Caroline essaye de trouver des solutions naturelles aux problèmes rencontrés au quotidien, et de préserver l’environnement de manière active lorsque son travail le permet. Les ostréiculteurs sont directement en interaction avec l’environnement marin. Ils observent avec attention (et subissent de plein fouet) la moindre évolution de l’environnement, ce qui en font d’efficaces lanceurs d’alerte ainsi que des acteurs locaux pour la protection de la biodiversité.