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Colocation étudiante pas chère en échange d’action sociale dans les quartiers : devenez « kapseurs »

Brest, un jeudi d’automne. Le vent s’engouffre entre les bâtiments du quartier Kerbernier, refroidissant l’atmosphère baignée de crachin. La petite cité HLM enclavée dans la ZUP [1] de Bellevue, est calme. Peu de personnes se risquent dehors, la nuit est déjà tombée. Un local, blotti au rez-de-chaussée d’un des immeubles, attire l’œil avec sa fenêtre éclairée. À l’intérieur, une équipe d’étudiants préparent les prochaines heures d’aides aux devoirs auprès des jeunes habitants de la cité.

Attablées à côté, deux jeunes femmes, Nolwenn et Manon, attendent la venue d’habitants. Elles sont « Kapseuses », un nom original pour un concept développé depuis 2010 par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) [2]. Les Kaps signifient « K(c)olocations à projets solidaires ». Elles s’inspirent des Kot belges, ces habitations communautaires rassemblant des dizaines d’étudiants autour de projets sociaux, humanitaires ou sportifs. En France, les Kaps consistent en une colocation d’étudiants, dans un quartier populaire, au sein de laquelle les occupants doivent mener un projet solidaire, en lien avec les habitants du quartier.

À Brest, deux Kaps ont vu le jour depuis 2014. Chaque colocation accueille trois étudiants, dont Manon et Nolwenn. La première, 21 ans, est étudiante en master 1 « métiers de l’intervention sociale ». La deuxième est en troisième année de licence de lettres modernes. Toutes deux ont été rapidement intéressées par la possibilité d’entrer en Kaps. « Lorsque j’ai vu l’annonce en ligne, le concept de “colocation solidaire” m’a tout de suite tapé dans l’œil », se rappelle Nolwenn. Idem pour Manon, qui apprécie de pouvoir vivre à plusieurs, tout en ayant un engagement. Avant d’entrer en colocation, les deux étudiantes ont passé un entretien avec l’Afev de Brest, afin de mesurer leur intérêt pour le projet, leurs goûts, leur motivation et leur disponibilité.

De l’aide aux devoir pour les élèves

Les loyer sont attractifs : comptez entre 180 et 220 euros à Rennes, charges comprises, et 150 euros à Brest, car les appartement proposés font partie du parc social et les loyers sont, du fait de la colocation, divisés entre plusieurs. En échange, les étudiants doivent s’engager dans les quartiers populaires où ils vivent. Chaque colocation a ainsi un projet à mener sur le quartier, ainsi que des actions plus ponctuelles. « Toute l’année, nous animons des séances d’aides aux devoirs », précisent les deux étudiantes. À Noël, des ateliers de confection de décorations ont lieu, et, à partir du printemps, des sessions de fabrication de nichoirs à oiseaux, en matériaux de récupération, prennent le relais. Une idée de David, un autre Kapseur brestois. « Au minimum, tout cela demande deux heures de disponibilité par semaine, évaluent Manon et Nolwenn, mais, au final, on déborde souvent. »

Même principe du côté de Rennes, deuxième ville bretonne à héberger des Kaps. La capitale de la région, avec 65 000 étudiants, est un terrain de jeu idéal pour la déclinaison du concept. « Nous avons cette année 30 Kapseurs répartis en huit colocations », indique Elodie Habert, déléguée territoriale à l’Afev de Rennes. Le dispositif est plus étendu et plus ancien qu’à Brest. Les Kaps sont situées dans plusieurs quartiers populaires : Maurepas, Villejan, Le Blosne-Cleunay et Brequigny. Ce quartier est le dernier en date à avoir vu les Kapseurs débarquer. « À Bréquigny, il y a deux colocations de petite taille, de trois personnes », précise Elsa Jacquiez, référente pour le quartier à l’Afev de Rennes et en charge directe des Kaps.

Repas entre voisins et cluedo géant apaisent les tensions dans le quartier

À Rennes aussi, un projet minimum doit être mené dans l’année par chaque colocation. À Bréquigny, des étudiants ont décidé de mettre en place une zone de gratuité à l’échelle d’un immeuble. À Maurepas, les étudiants colocataires ont invité leurs voisins à manger chez eux, une fois par mois, afin de créer du lien. « Des étudiantes ont organisé un Cluedo géant entre jeunes et adultes afin d’apaiser certaines tensions en cours dans le quartier », raconte Elsa Jacquiez.

Tom, 21 ans, a vécu deux ans en Kaps, à Rennes, dans le quartier universitaire de Villejean. Une expérience qui l’a marqué au point de « continuer aujourd’hui à vouloir vivre en colocation ». « Je suis arrivé il y a trois ans à Rennes, et je cherchais un logement pour mes études. J’ai repéré l’annonce pour les Kaps, et j’ai tenté l’aventure », se souvient-il. Au programme de ces deux années : des rencontres avec les habitants et des projets. « Suite à la demande d’une voisine, on a mis en place des veillées contées. Cela a bien marché. »

« On a aussi travaillé autour des cultures du monde : on proposait par exemple aux habitants de les accompagner à la médiathèque où se tenaient des soirées jeux de société du monde », raconte Tom. De quoi « rencontrer des gens dans le quartier. » Un constat que partagent également les Kapseuses brestoises, Manon et Nolwenn. « Toutes nos actions nous permettent de créer du lien avec les habitants. » Les trois avouent d’ailleurs « se sentir vraiment habitants du quartier et non plus juste Kapseurs ».

« On en ressort avec une vision différente de la citoyenneté »

La formule « engagement contre loyer modéré » semble plaire aux étudiants qui l’ont testée ou qui l’expérimentent actuellement. « Outre la possibilité de se loger à tarif avantageux, cela leur permet de développer le lien social, mais aussi également d’acquérir des compétences en élaboration de projets et en méthodologie », affirme Elodie Habert. « Mais parfois mener des projets pendant seulement un an, c’est un peu frustrant, on aimerait que ça dure plus longtemps », concède Tom, l’ancien Kapseur rennais. « Le problème, c’est de parvenir à tout gérer sur une semaine, le planning peut être vraiment très serré entre la vie étudiante et les actions sur le terrain », avouent de leur côté les deux brestoises.

Et il peut être parfois compliqué de mobiliser les habitants du quartier. « Il faudrait qu’on communique davantage sur le projet, même si on commence à être identifiés à Kerbernier », explique Noëllie Dufau de l’Afev de Brest. « Si aller vers les habitants n’est pas toujours simple au début, le
concept des Kaps permet de développer la mixité sociale au niveau d’un quartier ainsi que les relations humaines »,
complète Elodie Habert. « On en ressort avec une vision différente de la citoyenneté. C’est plus que jamais nécessaire par les temps qui courent », conclut la chargée de mission.

 

[1Zone à urbaniser en priorité

[2L’Afev travaille autour de l’éducation populaire et à la création de liens entre étudiants et jeunes des quartiers, notamment via l’accompagnement scolaire et la mise en place d’activités socioculturelles.

 

 

Plus d’infos sur les Kaps :
- Le site des Kaps, et la carte de France des colocations solidaires..

 

Cet article a été réalisé en partenariat avec le journal en ligne Basta ! , dans le cadre du projet Médias de proximité soutenu par la Drac Île-de-France.

 




L’observatoire de la monétarisation vient d’être lancé

L’Association, entre autres missions, préfigure le futur Institut de la monétarisation, qui recensera et diffusera les bonnes pratiques qu’il recueillera et construira au cours de missions rémunérées dédiées auprès de toutes les entités économiques. L’Institut de la monétarisation s’appuiera sur les travaux de l’Observatoire de la monétarisation, qui dans le présent blog, documente les progrès du paradigme de monétarisation et propose aux entités économiques des stratégies novatrices fondées sur le maniement des outils managériaux de la conversion écologique.

Voici maintenant un catalogue de ces Outils managériaux de la conversion écologique, et qui sera donc le premier post de ce blog.

 

1     L’urgence COP 21, la conversion écologique des entités économiques.

La conscience claire du mouvement d’ensemble qui entraîne chaque entité, est le tout premier outil managérial de la conversion écologique.

Cette conversion écologique est le paradigme principal qui découle des urgences pointées et reconnues par la COP21, et il peut permettre aux entreprises à la fois de tenir les engagements pris en matière climatique, et de réussir le découplage de l’activité économique d’avec la consommation des ressources naturelles. Il s’agit de la réunion du concept de la transition énergétique et écologique, avec celui de la définition de la cible vers laquelle on transitionne. La transition énergétique et écologique gagnera en qualité et en rapidité d’exécution si elle est orientée par la vision ex-ante d’une cible énergétique et écologique.

La définition d’une telle cible découlera notamment de la consolidation des initiatives de toutes les entités économiques- entreprises, collectivités, associations, etc…-pour repenser chacune leur propre modèle économique. Ces refondations individuelles, élémentaires, ont été jusqu’à présent imaginées à tâtons par les pilotes des entités économiques. Par exemple, les rapports RSE imposés par loi NRE de 2001 ont été les déclencheurs de grands progrès vers la soutenabilité : – communiquer sur les actions et identifier des champs d’action supplémentaires, – les salariés premiers acteurs des actions « vertueuses », – les fournisseurs premiers contributeurs dans le champ économique en portant leur part du dossier, – les services immobiliers internes qui mettent en oeuvre le passage aux locaux professionnels à énergie presque positive, – les déchets de production qui sont recyclés dans une écologie industrielle innovante, – les modèles économiques qui sont repensés dans une perspective d’économie de fonctionnalité, -etc… Il est maintenant possible, grâce au recul important dont nous disposons, de construire de manière robuste et ordonnée la vision du nouveau modèle économique possible et souhaitable pour chaque entité économique.

 

2       Le choix des enjeux stratégiques grâce au critère de matérialité, recherche des domaines d’action à privilégier.

Le deuxième outil managérial pour la conversion écologique : le repérage de l’état des lieux.

Dans le cadre devenu universel de la lutte contre le dérèglement climatique, il est logique que chaque entité économique commence par inventorier ses forces et ses faiblesses, notamment en termes d’impacts climatiques, de biodiversité et de ressource hydrique. L’outil le plus achevé à notre disposition est le concept de materialité, affiné depuis 2013 par la Global Reporting Initiative, GRI, et qui réclame la pertinence et la tangibilité comme caractéristiques de la qualification des impacts stratégiques pour une entité économique. Par exemple, un grand industriel de la restauration collective est un acteur important de l’alimentation du grand public (le leader en France fournit un pour cent de tous les repas hors domicile= tangibilité) et donc son principal impact (=pertinence) est de santé publique, avec une responsabilité sociétale focalisée sur un rôle d’entraînement vers des modèles alimentaires plus sains et équilibrés. Dans ce rôle seront nécessairement traitées la question des émissions de méthane par le bétail dont on consomme la viande, ainsi que la question de la nécessaire réorganisation d’une fraction significative de l’agriculture (pommes de terres pour les frites, poulets pour les nuggets, salades, tomates, oignons etc…)

Ainsi seront stratégiques pour chaque entité économique les actions portant sur le cœur de métier (éduquer pour, et distribuer des menus équilibrés dans notre exemple) et les actions impliquant les fournisseurs (aider l’agriculture au sens large à basculer vers l’agroforesterie dans notre exemple toujours) A partir de cette identification rationnelle des enjeux pour lesquels l’entité est la mieux placée pour agir (le raisonnement étant : si ce n’est pas elle qui agit, alors qui d’autre le fera ?) il devient possible de rechercher un nouveau modèle économique qui rendra profitable la réalisation de progrès importants et bien ciblés, parce que « material », c’est-à-dire qui améliorent des enjeux pertinents et tangibles.

 

3     Le contrôle de gestion, avec la modélisation de la stratégie par la monétarisation des indicateurs.

Le troisième outil managérial consiste en la monétarisation des indicateurs.

Il va de soi qu’il faut quantifier l’état initial de chaque sujet, afin d’en mesurer ultérieurement les évolutions pour vérifier l’atteinte ou non des objectifs fixés. Concrètement, il faudra donc s’accorder au sein de l’entité sur le choix des instruments de mesure, et cette discussion participera de la définition des actions : discuter sur comment mesurer les résultats de l’action, contribue évidemment à renseigner sur l’action à mener. Le choix des indicateurs une fois effectué, il faudra s’appuyer sur ces notions pour convaincre les actionnaires du bien-fondé de la stratégie, et pour cela un effort de quantification financière des enjeux s’impose tout naturellement.

La monnaie remplit trois fonctions principales : représenter un objet économique, faciliter les échanges de choux contre carottes, et thésauriser au sens de transporter l’épargne dans la durée.

En ce qui concerne ceux des indicateurs qui n’ont pas (encore) de valeur de marché, il ne faut pas s’interdire de proposer, de manière extra-comptable, une révélation de leur valeur, afin de donner une représentation monétaire susceptible d’aider à l’approbation par les actionnaires.

Par exemple, la valeur verte des bâtiments neufs respectueux de la norme RT 2012 repose sur de futures économies d’énergie (aisément monnayables) ainsi que sur des éléments de confort de vie novateurs (urbanisme de la proximité, art de vivre en collectif d’habitats partagés,…) qu’il est judicieux de mettre en valeur au sens propre, en leur affectant (hors états financiers classiques) une valeur financière donc un prix, c’est à dire en les monétarisant. La révélation de la valeur est un processus souvent technocratique, par exemple ce peut être une mesure statistique d’un consentement à payer déclaré par de futurs clients finaux. Mais dans une perspective de réussite d’une stratégie, ce
peut être aussi une délibération collective des parties prenantes intéressées, à partir de propositions expertes.

Si des financeurs potentiels sont associés à cette délibération, en tant que parties prenantes apporteuses de ressource financière, alors rien n’empêche d’utiliser les externalités positives (= impacts positifs non encore monétarisés) comme argument de conviction voire même comme flux financier de cash-flow positifs virtuels, monétarisables. Et même, il est parfois possible de repérer et démarcher des acquéreurs potentiels pour certaines de ces externalités positives, par exemple une Caisse primaire d’Assurance maladie- CPAM, peut financer partiellement et donc indirectement acheter, monnayer, monétiser, certains impacts positifs de santé publique découlant de la réhabilitation thermique de logements sociaux.

 

4           Le rapportage avec la Comptabilité Universelle®, pour communiquer autour de la stratégie avec toutes les parties prenantes intéressées.

Le quatrième outil managérial organise le concert des parties prenantes intéressées en s’appuyant sur une comptabilité (officieuse) élargie, au service de la conversion écologique de l’entité économique.

Pour la faisabilité de la conversion écologique de chaque entité économique, il est plus efficace de mener une démarche constructiviste appuyée sur la concertation avec les parties prenantes intéressées. Il est conseillé de se départir du mieux possible des raisonnements business habituels, du type top down avec secret des affaires et compétition systématique avec les confrères. En effet, la théorie de l’Agence, qui implique que le Principal (le propriétaire de l’entreprise) soit l’ultime bénéficiaire des résultats économiques après apurement de tous les engagements contractuels vis-à-vis des Agents (salariés et sous-traitants) ne se conjugue pas bien avec les nécessités intrinsèques de coopération qui caractérisent les nouveaux modèles économiques.

C’est donc bien davantage la théorie économique des parties prenantes intéressées qui rend compte des implications concrètes du nouveau business model découlant de la conversion écologique. Ainsi et par exemple, on verra ci-après avec l’économie de fonctionnalité, qu’il importe de coconstruire avec les utilisateurs finaux pour leur apporter des services haut de gamme susceptibles de saturer toutes leurs demandes et toutes leurs attentes, en ne laissant aucun besoin insatisfait et en divisant par dix les quantités de ressources-matières à ponctionner dans l’environnement. Moyennant le respect de cette condition de la coconstruction, l’offre de l’entité devient pertinente et il devient légitime de percevoir une rente en échange du service haut de gamme récurrent. L’évaluation partagée de cette rente dépend de la valeur qui est collectivement reconnue aux services rendus, ce qui découlera des actions de monétarisation évoquées précédemment en (3)

Pour structurer cette négociation complexe, nous recommandons l’utilisation de la Comptabilité Universelle®, qui apporte l’extension d’une démarche classique bien maîtrisée de comptabilité financière aux domaines nouveaux de la conversion économique. Des états financiers auxiliaires et non (pas encore) certifiables par les commissaires aux comptes, permettent de décrire les impacts positifs et négatifs (produits et charges dans un compte de résultat) qui modifient un patrimoine (ressources, et emplois de ces ressources dans un bilan) Ceci concerne chacun des cinq domaines supplémentaires qu’il est recommandé de prendre en considération : social (salariés, intérimaires, sous-traitants, et leurs familles) sociétal (collectivités, communautés, appareil d’Etat) environnement (climat, biodiversité, ressource hydrique, …) économie (impacts diffus à consolider, et voire même reconnaissance de nouvelles valeurs telles que des certificats d’économie d’énergie ou des quotas de CO2 non émis ou captés) et gouvernance (sous-système disséminé pour le pilotage de chaque entité économique)

Ce mode de pensée global et les actions innovantes qu’il permet, facilite la réalisation effective et la réussite d’une stratégie de conversion écologique, en réunissant des tiers intéressés pour mener une réflexion et effectuer des actions performatives (=autoréalisatrices) L’identification et l’implication de ces parties prenantes intéressées est une étape importante dans la mise en place de ce dispositif novateur de stratégie de conversion écologique. Il y faut les salariés, les fournisseurs, les clients, et des porte-paroles de parties prenantes intéressées mais silencieuses : l’Etat, la Nature, les générations futures etc… Ces porte-paroles peuvent être recrutés parmi les jeunes éléments de la communauté savante, qui pourront à cette fin recevoir une formation initiale dédiée ainsi qu’une supervision récurrente de réassurance pour les conforter dans ce rôle innovant.

Le bénéfice qui en est retiré est la bonne compréhension des besoins, attentes et demandes dans l’ensemble des champs que la soutenabilité suggère de traiter : social, sociétal, environnement, économique et gouvernance. On se rend bien compte qu’appréhender de manière opérationnelle l’ensemble de ces contextes qui étaient occultés jusqu’à maintenant (« externalisés ») est mission impossible pour un chef d’entreprise qui ne serait pas assisté de ces divers porte-paroles. Et pourtant, la conversion écologique rend indispensable de gérer simultanément tous ces aspects, si l’on désire vraiment apporter les solutions de rationalisation et d’innocuité dont nous avons maintenant un très grand besoin.

 

5       Refonder son modèle de production et de consommation avec l’économie de fonctionnalité, archétype du nouveau modèle économique pour la conversion écologique.

Le cinquième outil managérial de la conversion écologique est l’implémentation au cœur du métier de l’entité économique, du modèle général de l’économie de fonctionnalité.

C’est à dessein que l’outil managérial « communication de la stratégie » a été évoqué avant de décrire l’outil qui permet de définir le contenu de la stratégie, parce que la conception et la réalisation de la stratégie seront l’œuvre commune de l’entité et des parties prenantes intéressées. La principale prémisse de l’économie de fonctionnalité est la nécessité du découplage de l’activité économique d’avec la consommation de ressources matérielles et énergétiques prélevées sur notre biosphère, découplage absolu c’est-à-dire en faisant diminuer les valeurs absolues des quantités de ressources consommées, et donc sans se satisfaire d’un découplage relatif portant sur les consommations unitaires. Un tel découplage n’est concevable et ne peut découler que du succès qui sera remporté dans la réduction des externalités négatives (par exemple les émissions de gaz à effet de serre) Les actions possibles pour réduire chaque externalité négative sont : l’atténuation (dans l’exemple des gaz à effet de serre : diminuer les quantités émises unitaires et globales) l’évitement (substituer par une technologie totalement non émettrice) la réparation (retour arrière en capturant les gaz à effet de serre déjà présents dans la biosphère) la compensation (capter d’autres gaz à effet de serre en compensation de ceux qui sont émis) l’adaptation (faire avec les conséquences des émissions de gaz à effet de serre)

Donc, en recherchant de telles soluti
ons pour les externalités négatives, on est conduit à imaginer des modifications plus ou moins substantielles pour les processus qui sont à l’œuvre dans les entités économiques, on s’attaque bel et bien au cœur de son métier, on est bel et bien dans la matérialité-pertinence et tangibilité, on ne se raconte plus d’histoires, c’est fini de contourner l’obstacle, fin du greenwashing et des comportements d’évitement…

L’économie de fonctionnalité remplace la possession d’objets par la faculté de disposer des fonctions qu’ils permettent de remplir. C’est une sophistication complète des classiques locations, et qui peut s’appuyer sur des pratiques de coopération et collaboration tant des utilisateurs entre eux, qu’entre utilisateurs et fournisseurs. Il en découle une montée en gamme très impressionnante, et aussi la substitution d’un modèle économique de fabrication en série pour des ventes avec obsolescence programmée, par des mises à disposition au long cours de services, d’infrastructures et d’objets durables et maintenables. Les salariés du fournisseur deviennent ainsi les acteurs d’une production matérielle de durée, robuste, de petite série, évolutive et qui intègre continuellement le progrès technique. Ils deviennent aussi les interlocuteurs des utilisateurs, chargés de faire vivre l’affection et le désir de chaque utilisateur pour la solution fonctionnaliste. On le voit d’évidence, le modèle fonctionnaliste économise les ressources, et il peut les économiser d’un facteur dix.

Il faut le privilégier pour avancer rapidement et sûrement sur les chemins de la décarbonisation de l’économie, de la cessation de l’obsolescence programmée, et du plein emploi.

6             Pilotage holiste et systémique : séquencer les actions de la stratégie de conversion écologique, transitionner en sécurité.

Le sixième outil managérial de la conversion écologique opère concrètement les changements nécessaires au sein de l’entité économique, il en réfléchit le séquencement pour organiser la plus grande efficacité possible.

Le séquencement conceptuel et logique des actions se cale sur la représentation analytique propre au développement soutenable : gouvernance, social, sociétal, environnement, économique. Selon les ressources humaines et financières disponibles, on ne s’interdira pas in vivo de lancer simultanément en parallèle des actions qui a priori seraient plutôt à séquencer en série.

Au commencement, il y a la structuration indispensable de la gouvernance, étoffer son conseil d’administration avec un administrateur indépendant dédié capable d’animer un Comité de la conversion écologique, muscler son Comex avec des utilisateurs avertis des concepts et méthodes de la soutenabilité, recruter un Directeur fonctionnel (à l’instar du Directeur de la Qualité) diffuser la culture générale correspondante dans le tissu humain de l’entité, qu’il faut s’attacher à sensibiliser et former, et importer les nouveaux métiers verts (par exemple pour le service immobilier, intégrer concrètement la compétence « bâtiments avec valeur verte »)

Au commencement et juste après l’étape précédente, au plan social, pour créer le climat indispensable de coopération sincère et consciente, solder tous les contentieux prégnants éventuels avec le collectif des collaborateurs, et initialiser les temps nouveaux en satisfaisant des revendications anciennes et lourdes, en faisant par tous moyens les premiers pas dans l’esprit de démontrer une volonté d’apaisement et de fraternisation, dire ce que l’on va faire, et faire ce que l’on a dit qu’on ferait.

Au commencement toujours, au plan sociétal (collectivités, communautés, clients, sphère d’influence) créer le climat psychologique favorable auprès des parties prenantes susceptibles d’être intéressées, c’est-à-dire qu’il faut les intéresser. Par exemple, il est très fécond d’organiser une investigation locale quant aux possibilités de circularisation économique (déchets, mais pas seulement, aussi les ressources en énergie..) et dans le même ordre d’idées il est bon, le cas échéant, de rapatrier en local un maximum d’achats afin de favoriser les fournisseurs de proximité.

Sur ces bases assainies, solides fondations, il est enfin possible de reconcevoir les rapports de l’entité avec son environnement physique, et de lancer les nouveaux processus et les nouvelles offres commerciales qui épargnent les ressources, qui découplent…
Enfin, ces travaux d’Hercule aboutissent à des cash-flows positifs effectifs et à des cash-flows positifs virtuels, cash-flows dont on mesurera les volumes avec l’appareil comptable classique et aussi avec l’éclairage de la Comptabilité Universelle®.

 

7         Conduire le changement soutenable, définir les projets constituants de la transition écologique pour l’entité économique, arbitrer les dilemmes.

Le septième outil managérial de la conversion écologique, est la capacité de conduire le changement soutenable.

Il était loisible ces dernières années, de procéder par tuilage, en remplaçant progressivement les pratiques existantes par des modalités innovantes, plutôt incrémentales que de rupture. Par exemple les énergéticiens pouvaient s’initier progressivement aux énergies renouvelables en développant des pilotes. Maintenant et selon les décisions de la COP21, il faut acter la notion de la très grande urgence et réfléchir et agir dans la rupture, intelligente mais rapide. Pour poursuivre avec l’exemple des énergéticiens, il faut à la fois légitimer la poursuite de l’amortissement financier des installations existantes en extrayant et neutralisant les gaz à effet de serre (atténuation des émissions polluantes) et bien sûr, simultanément, il faut ne plus installer que des équipements non émetteurs de gaz à effet de serre (évitement des émissions) avec une optimisation financière en faveur des énergies renouvelables, maintenant beaucoup moins onéreuses que le nucléaire et beaucoup plus rapidement disponibles.

Mener ces projets de rupture doit aussi aménager une rupture en faveur de la résilience, et qui consiste en un changement profond de la manière de penser l’efficacité par rapport à l’adaptabilité. Pour une entité, sa résilience résulte d’une compétence spécifique qu’elle a forgé au cours de son histoire, et qui consiste essentiellement dans une acceptation de plusieurs redondances, et donc au renoncement d’une optimisation absolue de ses processus. La redondance permet de substituer dans l’instant telle ou telle manière de faire par une autre, qui est déjà opérationnelle et usuelle, puisque redondante. C’est un recours pour trouver une solution d’adaptation tout à fait efficace, qui s’appuie sur la disponibilité de plusieurs manières de faire concurrentes et simultanément établies. La non-optimisation absolue des processus, conduit à ne pas éliminer ceux d’entre eux qui sont les moins efficaces et donc à ne pas supprimer tout espoir de redondance donc tout espoir d’adaptabilité. Par exemple, l’industrie de la mobilité individuelle aurait pu conserver son savoir-faire initial en matière de véhicules électriques, ce qui lui aurait facilité aujourd’hui le désamour des moteurs thermiques qui dérèglent le climat. Il n’est plus acceptable de rechercher des optimums d’efficacité au détriment d’une dose importante de redondance, parce que la redondance est très utile pour sécuriser des possibilités d’adaptation rapide et donc éviter de disparaître. Dans notre exemple des énergéticiens, il faut raisonner en vue du déploiement urgent d’un bouquet d’énergies et non pas envisager le recours exclusif au gaz naturel, dont on v
ient de se rend compte qu’il émet davantage de méthane à l’occasion de sa production et de son transport, qu’il n’évite d’émissions de CO2 par rapport au pétrole et au charbon.

Pour conclure, je recommande de procéder systématiquement pour chaque projet, à un test de non régression, en l’étalonnant par rapport aux 17 Objectifs 2015 du Développement Durable-ODD de l’ONU  : Cibles de l’ODD 1 : pauvreté Cibles de l’ODD 2 : faim Cibles de l’ODD 3 : santé Cibles de l’ODD 4 : éducation Cibles de l’ODD 5 : genre Cibles de l’ODD 6 : eau Cibles de l’ODD 7 : énergie Cibles de l’ODD 8 : économie Cibles de l’ODD 9 : infrastructures Cibles de l’ODD 10 : inégalitésCibles de l’ODD 11 : villes Cibles de l’ODD 12 : production et consommation responsables Cibles de l’ODD 13 : agir contre le changement climatique Cibles de l’ODD 14 : écosystèmes des mers Cibles de l’ODD 15 : écosystèmes des terresCibles de l’ODD 16 : citoyenneté mondiale et pacifique Cibles de l’ODD 17 : partenariat mondial

Cette vérification de non régression est utile parce que la complexité des affaires peut provoquer des paradoxes, surtout le cas d’effet pervers insoupçonné par création d’externalités négatives inattendues dans un ou plusieurs domaines, et qui seraient provoquées involontairement lors de la création d’externalités positives dans d’autres domaines. Par exemple, la culture du coton de très haute qualité, le meilleur du monde, matière vertueuse et renouvelable, produit dans la haute vallée du Nil, n’a été généralisée qu’au détriment des superficies des cultures vivrières traditionnelles et donc a peu ou prou affamé les Egyptiens ; et elle les a aussi assoiffés en consommant l’eau du fleuve. Il y a de très nombreux cas de décisions bien intentionnées mais involontairement contre productives, et qui ont fait plus de mal que de bien, je pense bien sûr aux agrocarburants qui présentent le même type d’inconvénients au Brésil et en Indonésie, que le coton biologique en Egypte.

Pour s’éviter de tels errements, il faut intégrer dans la stratégie les démarches globales d’analyse de cycle de vie ainsi que le mode de raisonnement holiste et systémique pour détecter des contradictions et ne pas se fourvoyer.

En somme, il y faut de la culture : connaissance de l’état de l’art, approche systémique et holiste.

 

 

Plus d’infos :

https://observationsdemonetarisation.wordpress.com/

 




A Brest Métropole, on cartographie la mobilité !

Utiliser le numérique pour constituer une base de données sur les équipements et services en terme d’accessibilité au sens large, et de mobilité douce, sur le territoire de Brest Métropole. Tel est l’objectif du projet « Carto-mobilité », mis en place par les associations Tiriad et la Cantine Numérique. La première forme et accompagne les élus, les associations, les réseaux, au travail coopératif et propose de l’accompagnement de projets autour du numérique dans les territoires, ainsi que de la formation aux outils collaboratifs libres, et autour des biens communs numériques. La deuxième est un espace de coworking, espace d’animation, et tiers-lieu brestois. Toutes deux ont ainsi eu l’idée de coopérer et d’utiliser le numérique, pilier de leurs activités, afin de « Travailler à l’accessibilité multi-handicap et la mobilité douce (déplacement à pied, à vélo..) sur Brest Métropole», explique Margot Chrétien, l’une des trois salariés de l’association Tiriad.

L’idée est donc, avec Carto-mobilité, « d’identifier et de relever collectivement sur le terrain tous les éléments existant en matière d’accessibilité et de mobilité : voirie, bancs, escaliers, bâtiments, transports, mais aussi pistes cyclables… », poursuit Margot. Les données sont ensuite entrées sur OpenStreetMap, carte numérique libre, collaborative et disponible sur Internet. « On peut l’enrichir et la modifier de manière collective et citoyenne, et les données n’appartiennent pas à OpenStreetMap. », précise Margaux. Chacun peut donc participer à l’opération. Des sessions de formation à l’utilisation de l’outil sont organisées, ainsi que des « cartoparties », qui réunissent des acteurs d’univers différents : citoyens, acteurs associatifs du monde de l’environnement ou du handicap, agents des administrations…Le projet permet la rencontre d’acteurs d’horizons multiples.

A partir des données, le souhait des initiateurs du projet est d’initier et de favoriser le développement d’applications web et mobile permettant à tous de se repérer et de se déplacer dans l’agglomération brestoise. Une application a ainsi été développée, Lizmobility Breizh, qui permet de mettre en valeur tous les détails du territoire liés à l’accessibilité. Et carto-mobilité intéresse désormais d’autres territoires en France. «L’aspect collaboratif plaît beaucoup, et se mettre aux normes concernant l’accessibilité est un enjeu important pour les collectivités », rappelle Margot. En effet, Dans les années à venir (et non plus 2015, suite à un aménagement de la loi en juillet dernier, ndlr), tous les établissements recevant du public devront être accessibles aux personnes handicapées. D’où l’intérêt d’un tel projet pour mieux prendre en compte la mobilité et les facilités d’accès sur les territoires !

 

OpenStreetMap : Qu’est ce que c’est?

OpenStreetMap est un projet international né en 2004, qui a pour objectif de créer une carte libre du monde. Chacun peut voir, réutiliser, modifier, améliorer les cartes existantes. Les données peuvent êtrz également réexploitées pour d’autres applications sur les territoires. Elle fonctionne sous licence « Open Data Commons Open Database Licence »

Plus d’infos sur OpenStreetMap : http://openstreetmap.fr/

 

 
Plus d’infos

www.tiriad.org/carto-mobilite

http://lizpoi.3liz.com/breizh/index.php/lizpoi/map/?tree_id=3

 

 

 

 




Produits bios, librairie, brasserie, théâtre : ébullition d’alternatives en milieu rural grâce à « La Marmite »

Sortir du cadre habituel, être innovants. De l’apiculture à la permaculture, en passant par le paysan brasseur, le cidrier, ou les fermes pédagogiques, l’association La Marmite, basée dans le Morbihan, accompagne les porteurs de projets en milieu rural. « Notre aide n’est ni technique ni financière mais méthodologique, sous le prisme de l’économie sociale et solidaire, et dans le respect de l’humain et de l’environnement », explique Jean-Pierre Guenanten, l’un des deux animateurs-formateurs. « La Marmite adhère au réseau Civam (Centre d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural), avec une ouverture plus large, car nous n’accompagnons pas uniquement des projets agricoles. » La Marmite a par exemple aidé à la création d’un café librairie dans une ferme, une compagnie de théâtre, un marionnettiste…

Des formations sont proposées aux porteurs de projet, afin de développer leur idée de départ ou de découvrir des « outils d’organisation pour les collectifs ». Des initiations plus courtes et diversifiées sont aussi organisées à la demande des stagiaires. « Il y a quatre ans, nous avons organisé un stage d’autoconstruction d’une éolienne, un atelier de soudure, la fabrication d’un moteur pantone… Notre réseau de compétences est important et nous permet d’organiser ce type d’événement », explique Agnès Le Lay, animatrice et formatrice salariée.

 

Initiée par le MRJC [1], l’association La Marmite a soufflé ses sept bougies en 2015 avec 150 adhérents, et une lettre d’information hebdomadaire envoyée à près de 700 contacts. Basé à La Vraie-Croix, un village de 1 400 habitants situé près de Vannes, ce centre d’accompagnement de porteurs de projets ruraux partage son local avec Terre de liens et la Confédération paysanne. Côté gouvernance, c’est la collégialité qui prime, avec 16 coprésidents, tandis que deux salariés animateurs-formateurs accompagnent, avec le soutien de 28 tuteurs locaux bénévoles, des porteurs de projets qui sont de plus en plus nombreux chaque année.

Il y a trois ans, La Marmite accompagnait 30 porteurs de projet par an. Ils sont 100 aujourd’hui ! La Marmite s’est donc positionnée pour combler le « vide » administratif de la chambre d’agriculture, qui ne dispose pas de cadre adapté à ce type d’activités. « À Saint-Dolay (Morbihan), un collectif désirait créer une communauté basée sur l’autosuffisance alimentaire et énergétique, se rappelle Jean-Pierre, animateur-formateur salarié. Il a fallu créer une société civile immobilière (SCI) pour acquérir des locaux, une société civile d’exploitation agricole (SCEA) pour faire reconnaître la compétence agricole et devenir propriétaire des lieux, et une association pour y animer des ateliers. C’est du bricolage administratif, mais il y a toujours des solutions. »

Autre atout ? La Marmite est reconnue organisme de formation et d’éducation populaire. Des qualités qui ont parfois du mal à être valorisées par les institutions locales, déplore Jean-Pierre. Ce dernier regrette le manque de reconnaissance des élus locaux et la nécessité de devoir régulièrement réaffirmer le rôle de La Marmite dans la dynamique du territoire. Mais l’animateur reste optimiste. « Nous avons au moins quinze lignes de financements. Cela nous rend moins fragiles, Et nous restons très philosophes : si nous n’avons plus de moyens, nous arrêtons ! », ironise-t-il.

 

Le tutorat ? Un échange de services !

Gwennolé Le Galloudec a été le premier salarié de La Marmite. A l’époque, il accompagnait les porteurs de projet. Aujourd’hui, il est producteur de bière au sein de La Bambelle, une brasserie qu’il a créée à Saint-Gravé (Morbihan). Pour partager son expérience, encourager d’autres porteurs de projet, et agrandir le réseau de producteurs locaux, Gwennolé est aussi tuteur bénévole pour La Marmite. Récit de son parcours riche, au service du développement rural.

Comment passe-t-on du statut d’animateur à celui de porteur de projet, puis de tuteur ?

Gwennolé Le Galloudec : J’ai une formation en développement rural. Aider les personnes à concrétiser leurs projets était mon métier. Et à force de rencontrer des porteurs de projets, on finit par avoir envie de se lancer. J’ai donc décidé de créer la brasserie La Bambelle, à Saint-Gravé. Aujourd’hui, je continue à faire du développement rural, mais sous une autre forme. Je suis porteur d’un projet, et aussi tuteur.

Que signifie être tuteur ?

C’est un échange de services. En tant que paysan ou producteur local, nous voulons être le plus nombreux possible, multiplier le nombre de fermes bio dans la région. La Marmite aide les porteurs de projets d’un point de vue méthodologique et administratif, tandis que le tutorat apporte une aide sur le terrain. C’est une transmission d’expériences qui nécessite du temps. Lorsqu’on accueille un stagiaire, la semaine est plus fatigante, mais aussi plus dynamique et intéressante. La Marmite nous aide à accompagner les stagiaires, et on se retrouve entre tuteurs pour échanger sur nos méthodes.

Le tuteur ne doit pas avoir de qualités particulières : à partir du moment où il réussit et aime ce qu’il fait, il devient expert dans son domaine, et il est forcément bon pour en parler et répondre aux questions des stagiaires. Le tuteur se retrouve souvent dans deux cas de figure : soit il ne fait que donner des conseils et se ferme à la remise en question de son travail par le stagiaire, soit il l’accepte. C’est là que cela devient intéressant : le regard extérieur du stagiaire peut remettre en question la manière de travailler. Ses remarques peuvent être liées à des détails sur le mode de production, à des pratiques culturales… Tout dépend de son expérience et de ses formations. Et c’est toujours bénéfique !

 

« Sans La Marmite, je ne me serais sans doute pas lancée. Ou en tous cas pas aussi vite, ni aussi bien ! »

Amélie Codron est productrice de jeunes arbres fruitiers greffés que l’on appelle les « scions », à Saint-Laurent-sur-Oust (Morbihan). Elle a créé sa pépinière cette année avec l’aide de l’association La Marmite. Alors que ses premières commerciali
sations auront lieu en décembre 2016, elle nous parle de son parcours.

De quelle manière a germé votre envie de créer une pépinière ?

Amélie Codron : J’étais ingénieure dans le traitement des eaux usées pendant plus de dix ans. Mes postes m’ont amenée à côtoyer de près le monde agricole. Avec l’âge et l’expérience, certaines de mes valeurs se sont affirmées, jusqu’à ne plus me retrouver dans le monde de l’eau « industrielle ». J’ai toujours été proche des plantes et des arbres. Mettez tout ça dans un chapeau et mélangez : le murmure de la reconversion agricole est très vite devenu assourdissant. J’ai pris les choses en main en janvier 2015. J’avais plein d’idées mais je voulais les tester : rencontrer des professionnels, et participer à leur quotidien pour me faire une idée précise de leur activité.

Comment avez-vous découvert La Marmite ?

Grâce au bouche à oreille, et en participant à des événements que l’association organisait. Jean-Pierre (l’animateur-formateur de l’association), m’a donné une liste de contacts. De stage en coup de main, petit à petit, j’ai abandonné toutes mes idées de départ ! J’ai compris qu’elles étaient soit pas pertinentes dans le contexte local ou actuel, soit impossibles à mettre en œuvre pour moi (seule, sans foncier). J’ai participé à la formation organisée par la Marmite pour accompagner les porteurs de projets. L’échéance s’approchait et me stimulait pour continuer mon exploration. Et puis j’ai rencontré Frouezh, un producteur d’arbres fruitiers en bio, dans les Côtes-d’Armor. Cela été un déclic et une évidence !

 

 

Que vous a apporté la formation ?

Les douze jours de formation « de l’idée au projet » m’ont confortée dans mon projet. À ce stade crucial, on prend le temps de définir nos valeurs et exigences, et de se projeter pour les confronter à celles du projet. On analyse les risques, les fragilités. Cela permet de « rectifier le tir » en amont, plutôt que de faire fausse route en réalisant trop tard que le rythme de travail ou la solitude inhérente à l’activité ne correspondent pas à ce qu’on souhaitait. Cela m’a donné de l’assurance et la solidité d’une base pour être efficace par la suite. Et ça n’est pas une chose facile à acquérir dans une reconversion totale et sur un projet jeune. Sans La Marmite, je ne me serais sans doute pas lancée. Ou en tous cas pas aussi vite ni aussi bien !

Où en est votre projet aujourd’hui ?

Comme Frouezh, je vais produire des scions de fruitiers en bio, principalement en variétés anciennes et locales, commercialisés en vente directe en racines nues. Des pommiers, poiriers, pruniers, pêchers, etc. Je commence ma production cet hiver, les premières ventes auront lieu en décembre 2016. En parallèle, je souhaite animer des ateliers auprès de différents publics pour enseigner la greffe, la taille, mais aussi pour réapprendre le goût des fruits, leurs bénéfices pour la santé, et redécouvrir l’arbre au sens général. Un des buts lointains, utopistes et homéopathiques que je poursuis à travers mon activité, c’est de contribuer à faire changer les mentalités à mon échelle, si petite soit-elle, en utilisant l’arbre fruitier comme vecteur.

 

[1Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) est une association d’éducation populaire gérée et animée par des jeunes de treize à trente ans.

 

 

Plus d’infos

http://www.association-la-marmite.fr/

 

Cet article a été réalisé en partenariat avec le journal en ligne Basta ! , dans le cadre du projet Médias de proximité soutenu par la Drac Île-de-France.

 

 

 




L’économie circulaire, une opportunité de transition en pays de Morlaix ?

Le pays de Morlaix a été fragilisé par plusieurs crises, notamment dans le domaine agroalimentaire. Il s’agit pourtant d’un territoire fertile, avec un grand nombre de TPE et PME et des domaines d’activités variés. Partant du constat d’une économie à réinventer, le Pays de Morlaix et l’ADESS se sont rapprochés autour de la volonté commune d’accompagner les acteurs du territoire à coopérer et à innover, techniquement et socialement, à travers l’économie circulaire.

Contrairement au modèle linéaire dominant (produire-consommer-jeter), l’économie circulaire consiste à concevoir des filières d’activités permettant de diminuer la pression sur les ressources et d’allonger la durée de vie des produits. L’ESS est pionnière de l’économie circulaire, avec certaines structures dont les activités sont depuis longtemps basées sur la frugalité, la réparation ou le recyclage. S’appuyant sur la coopération entre acteurs locaux (de l’économie classique et de l’ESS), et diminuant la dépendance envers les marchés internationaux, l’économie circulaire représente une opportunité de transition économique, sociale, et environnementale.

Depuis 2014, 20 structures variées du pays de Morlaix (entreprises, associations, chambres consulaires, établissements de formation, etc.) ont contribué à l’élaboration du projet CIPEC. Puis en octobre dernier, un poste de chargée de mission Economie Circulaire a été créé au sein de l’ADESS, structure porteuse du projet.

Il s’agit dans un premier temps de faire émerger des activités liées au réemploi, au recyclage et à la valorisation des déchets en lien avec le programme Zéro Déchet Zéro Gaspillage de Morlaix Communauté. Les principaux chantiers identifiés pour 2016 sont dans l’alimentation (valorisation des invendus agricoles et industriels), le BTP (réemploi des matériaux de la déconstruction) et les couches lavables (étude de faisabilité d’un service de location-entretien). Cette mission s’étendra progressivement à tout le pays de Morlaix et à des piliers de l’économie circulaire en amont, comme l’approvisionnement durable (circuits-courts), l’économie collaborative ou l’écologie industrielle et territoriale.




Climats intérieurs, éthiques versus Climat médiatique et toc…

Élaboré au printemps 2015, le projet « Climats intérieurs, paroles d’habitants » était resté dans un carton faute de financement. Le recours au financement participatif, nouvelle manière d’impliquer les citoyens dans l’économie, aura permis de relancer ce projet qui leur tenait à coeur car né de considérations communes pour les questions écologiques. Comme le dit Paul « A force de taper dans la cagnotte Terre, qui va finir par payer l’addition ? « 

C’était aussi l’occasion d’expérimenter leur travail collectif et de produire rapidement de premiers ouvrages concrets, valorisables lors de leurs prospections. Cela permet à la fois de faire connaître leur activité et obtenir le financement d’un beau projet porteur de sens. Ainsi démarrait le projet « Climats intérieurs, paroles d’habitants » !

 

Donner, ensemble, place à la parole individuelle et collective

Dans la lignée de la coopérative d’éducation populaire le Pavé2, Singuliers Collectifs considère que l’histoire n’est pas uniquement écrite par ceux qui impriment leur nom dans les ouvrages. Chaque femme, chaque homme a son mot à dire et contribue par son histoire singulière à l’Histoire avec un grand H. Chacun est en capacité de poser un regard critique sur l’état du monde. Et il serait sensé et peu énergivore de donner place à la parole des habitants sur tous les territoires pour que s’expriment divers ressentis mais aussi des réflexions, des pistes d’actions, des esquisses de solutions individuelles et collectives face aux enjeux colossaux de notre présent, qu’ils soient écologiques, démocratiques ou sociaux.

La démarche des histoires de vie pratiquée par Singuliers Collectifs s’inscrit dans un courant de pensée et une éthique3 internationales. Par l’animation d’une réflexion collective sur les sujets environnementaux, la retranscription écrite des échanges enregistrés (validée par les participants) et leur médiatisation via l’édition d’un ouvrage et une exposition, Singuliers Collectifs a souhaité donner place à la parole citoyenne et contribuer à mettre la pensée habitante en mouvement.

Des regards sensibles sur cette parole d’habitants sont apportés par quatre photographes amateurs : trois photographes du club photo de Redon et une toute jeune photographe de Séné (lycéenne). Les habitants sont invités à proposer le lieu dans lequel ils souhaitent être photographiés, en lien avec leur témoignage.

 

 

Extrait N°1 Parole de Jean-Yves

Tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a un réchauffement climatique avec des conséquences dramatiques. On se réunit, on se congratule, on se fait des promesses. Mais concrètement y a rien ! Et un jour va falloir prendre des mesures dignes de ce nom. Quand le mal est fait, il est trop tard pour trouver des remèdes. Vaut mieux prévenir qu’essayer de guérir.

 

 

 

 

Extrait N°2 Parole de Titouan

[…] les grands magasins comme Décathlon ou Leclerc, je sais qu’ils ont des bennes et qu’ils jettent plein de trucs alors que ça peut encore servir. On pourrait réparer si c’est cassé un peu mais pas jeter. Y a un ami à ma tata il récupère plein de truc et comme ça il m’a rapporté une combinaison de plongée qui avait juste un petit trou qu’il a trouvée dans une grande benne de Décathlon. C’était juste un peu décousu, du coup ma grand-mère a réparé et je m’en sers. C’est devenu comme neuf.

 

 

 

 

 

Extrait N°3 Parole d’Élisabeth

Je sème des petites graines auprès de mes petits-enfants. Je leur apprends ce que ma grand-mère m’a appris, je leur dis qu’il ne faut pas faire ceci, qu’il faut pas faire cela, qu’ils sont responsables de leur planète. C’est de l’éducation qu’il faut.

Ma grand-mère disait qu’on fait partie d’un tricot et qu’on ne sait pas quelle maille on est. Quand une maille lâche, tu peux avoir un trou. Maintenant faut retricoter ce qu’on a détricoté dans notre planète.

 

 

 

L’histoire d’une entreprise singulière

Singuliers Collectifs, c’est l’histoire d’une rencontre entre trois « jeunes » étudiants. En novembre 2013, Anne Warin, Paul Maisonneuve et Thierry Brulavoine ne se connaissent pas. Ils habitent le même département : le Morbihan. Leur engagement, durant deux ans dans la même formation « Histoires de vie en formation »4, à la faculté de Lettres et langages de l’Université de Nantes, va constituer le terreau d’où germera, en septembre 2014, l’entreprise « Singuliers Collectifs, Histoires de vie en partage ».

Colporteurs des valeurs de l’ESS (coopération, démocratie, solidarité), ils bénéficient de la confiance de la coopérative d’activités et d’emplois (CAE) Elan créateur-Inter’Activ5 depuis mai 2015.

Ils affirment avec ce projet leur responsabilité sociale et environnementale.

 

Alors si vous désirez en savoir un peu plus et éventuellement soutenir ce projet, rendez-vous sur http://www.bulbinmorbihan.fr Leur objectif est de récolter, du 15 février au 15 mars, plus de 3000 € pour financer l’édition du livre et de l’exposition « Climats intérieurs, paroles d’habitants. »

 

 

 

2Cf. revue Silence de Décembre 2015

3 Association internationale des histoires de vie en formation et de recherche biographique en éducation http://www.asihvif.com/1/upload/charte.pdf

4 https://www.univ-nantes.fr/3392/0/fiche___formation/&RH=1183788243864

5 http://cae35.coop/