COP 22 « portraits de femmes en action » n°6 : les pêcheuses des iles aux coquillages

Le delta des rivières Siné et Saloum sur le littoral sénégalais à un peu plus de 100 kilomètres au Sud- Ouest de Dakar est une zone de mangroves, incluse dans un parc national et depuis peu aire marine protégé.

Dans cette zone, parsemée d’iles, la pêche de coquillages est une activité traditionnelle des femmes qui assurent ainsi une part non négligeable de l’alimentation de leurs familles.

Cette cueillette de subsistance est devenue une véritable activité économique car la demande extérieure croît, de Dakar mais aussi à l’exportation. Traditionnellement les femmes assumaient aussi la transformation et la commercialisation de leur production. Comme il s’est toujours agi d’une collecte de subsistance, les pratiques de pêche respectaient spontanément les règles d’une gestion durable de la ressource : sélectivité des prises, fermeture spontanée de zones de pêche pour accorder un repos biologique à la ressource.

Mais depuis une vingtaine d’années, le schéma a profondément changé. En effet, à partir du moment où il y a eu des perspectives lucratives de marché, une concurrence est apparue. L’exode rural a amené vers la côte des hommes qui, faute de trouver une activité, se sont rabattus vers la collecte de coquillages mais ces pêcheurs, exclusivement intéressés par l’aspect économique de leur activité ont constitué un double danger pour l’activité féminine de la pêche aux coquillages : une concurrence directe sur les marchés, et un épuisement prévisible de la ressource.

Dans la zone des iles Niodior- Niodewar, les femmes se sont donc organisées et dès 1996, elles créaient la FELOGIE (FEdération Locale des GIE) qui fédérait 7 GIE regroupant en tout 105 femmes. Le but était d’arriver à des sources de financement plus facilement et assurer l’autonomie économique des membres de ces GIE. A ce jour la FELOGIE regroupe 24 GIE et 750 pêcheuses. Leur production journalière est actuellement de 2 à 3 tonnes de coquillages par jour. Une grande partie fait l’objet d’une première transformation par leurs soins : cuisson puis séchage.

Dans un contexte de concurrence accru entre groupes sociaux, les femmes contre les jeunes, les gens du littoral contre les gens de l’intérieur, les pêcheuses seraient assez rapidement éjectées des circuits d distribution si elles ne s’étaient organisées de façon plus structurées. A partir de 2006, avec l’appui de l’ONG ENDA et surtout de sa branche ENDA-GRAF/Sahel, leur démarche a visé, principalement, à faire prendre conscience aux pouvoirs publics que cette concurrence pouvait être de nature à détruire une ressource naturelle essentielle dans le cadre du parc national et de l’aire marine protégée. Ainsi, en liaison avec l’université de Dakar et plus particulièrement l’Institut Universitaire de la Pêche Artisanale, un programme de recherche a été mis en place afin de suivre l’évolution de la ressource et mieux comprendre comment les pratiques traditionnelles de protection des espèces (repos biologique, réensemencement) sont efficaces. De même, dans le cadre de la gestion de la mangrove, les femmes de FELOGIE ont participé à la replantation d’arbres, menacés comme dans toutes les mangroves par les prélèvements excessifs à usage domestique. Enfin, avec l’aide d’artisans locaux, elles ont conçus des ustensiles de cuisson plus économes en énergie et permettant la mécanisation d’une partie du processus de décorticage des mollusques.

Parallèlement, elle mène un travail de fond auprès des autorités pour faire reconnaître l’activité de pêcheuses de coquillages comme un métier avec ses règles, ses apprentissages et ses modalités d’accès. Cela passe notamment par des actions de formation de leurs membres aux règles de la gestion durable de la ressource. Cette reconnaissance, outre qu’elle permettra de réglementer les questions de concurrence entre groupes sociaux sur l’accès aux zones de pêche, donnera l’accès à ces femmes aux instances de gestion des zones de protection (parc national mais surtout aire marine protégée) dont elles sont actuellement exclues, faute d’être reconnues comme actrices économiques à part entière. Leur absence dans ces instances est préjudiciable notamment parce que, par pratique professionnelle, elles apporteraient leur approche préservatrice qui semble manquait actuellement dans la gestion de cette zone. De plus cela permettrait de corriger une anomalie administrative. En effet, depuis que la loi sur la parité a été promulguée au Sénégal, toutes les instances doivent être intégralement paritaires

Pour ce projet l’ONG sénégalaise ENDA-GRAF/Sahel a été lauréate du prix « Solutions Genre et Climat » dans la catégorie « solutions transformationnelles ».

Le contexte économique de ce projet

Au Sénégal, la principale source de protéines animales est le poisson et de manière générale les produits de la mer. De tous temps, les marchés locaux ont été approvisionnés par la pêche artisanale côtière répartie tout le long de la côte de Saint-Louis à la Casamance. Sur le littoral sénégalais comme partout ailleurs, la pêche artisanale est concurrencée par la pêche industrielle qui non seulement détruit la ressource, mais aussi met à mal les circuits traditionnels de distribution. Les pêcheurs se rabattent sur d’autres sources de revenu en provenance du littoral. Les réseaux de distribution locaux tenus par les mareyeurs, qui sont d’ailleurs le plus souvent des mareyeuses, sont soumis à une forte concurrence.

Le littoral est soumis à une double pression. La première est liée au changement climatique et à l’élévation du niveau des océans qui bouleverse l’équilibre écologique des éco-systèmes fragiles des mangroves. La seconde est également liée au changement climatique qui touche l’intérieur du continent africain et qui chasse vers le littoral des habitants, qui viennent chercher au bord de la mer les moyens de subsistance que leur terre ne peut plus leur fournir.

Focus sur ENDA-GREF/Sahel pôle agro-alimentaire

ENDA-GREF/Sahel est une des branches de l’ONG d’origine sénégalaise ENDA. Son pôle agro-alimentaires de la zone Sénégal-Sahel, d’en faire un diagnostic et d’y repérer les initiatives porteuses d’avenir et éventuellement reproductibles.

En ce qui concerne le secteur de la pêche son rôle est plus spécifiquement d’organiser en fédération toutes les initiatives locales, dont FELOGIE, pour en faire une force de proposition. Dans ce cadre, la principale revendication est la reconnaissance du métier de pêcheur au féminin.

Focus sur ENDA GENDDER

ENDA GENDDER est un projet porté par ENDA Europe dont le but est d’introduire la dimension du genre dans la constitution de projets de développement. C’est ainsi que ENDA GENDDER est partie prenante dans plusieurs projets, outre le projet des pêcheuses. L’un au Sénégal concerne l’agro-écologie comme méthode de lutte contre une plante invasive le Striga ; c’est un projet où la mixité est assurée et une attention forte est portée sur l’analyse de la division du travail. Trois projets, conçus sur le même principe, sont suivis en Colombie, Viet-Nam et Ethiopie sur la gestion communautaire des déchets. Enfin ENDA GENDDER suit un projet de micro-finances à la fois en milieu rural et urbain sur la micro-finances avec des questionnements spécifiques sur l’accès des femmes au crédit, sur le surendettement, sur le droit des femmes.

Pour en savoir plus

Sur ENDA http://endatiersmonde.org/instit/

Sur ENDA GRAF-Sahel www.endagrafsahel.org

Sur ENDA GENDDER http://enda-europe.org/id-4-genre




À Morlaix, le café et le cacao vont arriver à la voile !

 

Un projet de développement local

 

Lorsque le visiteur pousse la porte du magasin de la Torréfaction de la baie, un cocktail d’odeurs à la fois exotiques et familières l’assaille : un doux mélange de chocolat et de café dans une atmosphère dépaysante. Barils, sacs en toile de jute, torréfacteur en fonctionnement… « L’idée de départ de cette société, c’était de coupler des métiers de l’agroalimentaire avec une aventure maritime », explique François Liron, l’un des trois associés à l’origine du projet. C’est ainsi qu’est née leur entreprise Cargo2, qui importe des fèves de cacao et de café, les transforme puis les commercialise localement. D’abord créatrice de la Torréfaction de la Baie, une marque de café, elle se tourne désormais vers le chocolat : une gamme chocolatée baptisée Grain de Sail a vu le jour cette année. La chocolaterie se trouve sur le site de l’Etablissement de Service d’Aide par le Travail (ESAT) de Lanmeur. Là bas, une vingtaine d’ouvriers produisent le chocolat, de la fève de cacao au produit fini.

 

Le Torréfacteur en fonctionnement

 

Une activité devenue très rare en France. « Il y a beaucoup de torréfacteurs de café », commente François Liron, « mais des couverturiers, c’est à dire des gens qui travaillent directement à partir du cacao pour produire des tablettes et d’autres produits dérivés du chocolat, c’est beaucoup plus rare ». En effet, cette activité est désormais très concentrée autour de quelques gros fournisseurs. Une rareté qui fut un argument majeur de la Torréfaction de la Baie pour lancer sa propre gamme. L’entreprise s’est ainsi positionnée sur un marché quasiment inexistant en Bretagne. « C’est tout récent, on commercialise le chocolat depuis deux mois et demi seulement », précise François Liron. Le partenariat avec l’ESAT semble quant à lui réjouir toute l’équipe. « On est vraiment ravis de ça, humainement c’est riche », confirme l’entrepreneur. Si les productions demandent encore à être stabilisées et les gammes à être développées, le jeune projet de la Torréfaction de la Baie se porte bien. « On ne vise pas à recréer Bjorg ou une marque extrêmement étendue », plaisante ainsi François Liron, « déjà, commercer dans la bonne humeur avec une Bretagne élargie, en incluant Nantes et la Basse Normandie, ça peut aboutir à une belle entreprise ».

 

Le chocolat Grain de Sail

 

Construire des voiliers pour des produits 100 % écologiques

 

Fenêtres ouvertes, le bruit de l’écluse accompagne la voix de François Liron, qui dévoile le cap que s’est fixé Cargo2 : acheminer le cacao et le café à la voile. Des matières premières qui viennent principalement de coopératives situées en Amérique du sud et dans les caraïbes. « On a de la matière première qui est actuellement en train de traverser l’atlantique sur un voilier existant, qui s’appelle le Tres Hombres », détaille François Liron. Un premier essai à la voile pour l’entreprise qui utilisait jusque là des cargos. Si une ligne régulière va être mise en place avec la compagnie propriétaire du Tres Hombres, cela sera seulement provisoire. En effet, Cargo2 a un projet ambitieux : construire ses propres voiliers pour arriver à terme à un transport entièrement à la voile. « Se passer intégralement des cargos ça prendra encore quelques années, mais on avance, on y travaille », rapporte François Liron. « Comme on avance sur nombre d’autres points, optimiser nos emballages, être de plus en plus propre, parce que ça fait partie de l’aventure, ça nous tient à cœur », ajoute-t-il.

 

Les sacs en toile de jute

 

Leur premier voilier devrait être achevé dans un ou deux ans. Et la jeune entreprise ne s’arrêtera pas là. Dans une dizaine d’années, entre 10 et 15 voiliers sillonneront le golfe de Gascogne, le nord de l’Espagne, la ceinture caribéenne et les États-Unis. Pour leur donner naissance, les membres de Cargo2 font appel à un cabinet d’ingénierie navale. « On a trouvé quelques innovations bien senties, qui sont un peu secrètes pour l’instant », glisse mystérieusement François Liron. Les recherches portent notamment sur l’impact environnemental des bateaux : éco-conception, matériaux, architecture, cycle de vie, etc. « Un voilier, c’est de par sa nature un objet écologique » ajoute l’entrepreneur, « s’il est bien conçu, le bilan de l’objet est exemplaire ». La préoccupation écologique porte aussi sur la qualité des produits achetés : l’intégralité du chocolat et une partie du café sont certifiées biologique. Et si les matières premières ne sont pas estampillées commerce équitable, François Liron assure les payer plus cher que le seuil fixé par le label, afin de s’assurer de leur qualité. « Ce qu’on veut, c’est créer une jolie marque emblématique de l’écologie et de l’aventure maritime », insiste-t-il. Un projet atypique qui séduit. « Il y a, je pense, des générations qui arrivent et qui ont envie de faire de jolies choses », conclut François Liron.

 

Pour en sav
oir plus :

Le site de la Torréfaction de la Baie

Le site de Grain de Sail




24/09 Brec’h (56) : Porte ouverte d’une maison écologique




25/09 Bégard (22) : Ensemble cultivons nos idées !




30/09 Vannes (56) : Agriculture : vers une nouvelle révolution ?




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