Les bienfaits des enduits chaux chanvre sur des murs en pierre

Elément incontournable du patrimoine bâti de la Bretagne, les maisons en pierre n’en sont pas moins sujettes aux remontées capillaires et aux transferts de vapeur d’eau de l’intérieur vers l’extérieur du bâtiment. Conséquence : les murs peuvent être très humides et apporter une sensation d’inconfort thermique voire même constituer une menace pour la santé des occupants et du bâti.

Si les murs intérieurs et/ou extérieurs sont recouverts d’enduits ciments, ces derniers doivent être dans la mesure du possible enlevés avant d’envisager des travaux d’isolation. En alternative à une isolation classique (laine de bois, laine de roche…), il est possible d’utiliser un enduit perspirant tel qu’un enduit chaux chanvre. Celui-ci possède en effet de nombreuses qualités, et constitue un choix idéal pour rénover des murs anciens en pierre.

Il s’agit d’une couche de béton de chanvre (chaux additionnée de chènevotte : intérieur de la tige de chanvre) déposée sur un mur intérieur propre et humidifié. Son épaisseur est généralement comprise entre 3 et 6 cm.

De par son effusivité, l’enduit chaux chanvre supprime l’effet paroi froide, responsable d’inconfort thermique pour les occupants. Il permet également de conserver l’inertie thermique du mur, très intéressante pour le confort d’été, puisqu’il garde la fraicheur naturelle des constructions en pierre.

Mais son atout majeur réside dans sa perméance (capacité à laisser passer la vapeur d’eau) et ses qualités hygroscopiques (capacité à absorber l’humidité de l’air). Il régule ainsi le taux d’humidité du mur et de l’air ambiant, améliorant la sensation de confort thermique.

On citera également d’autres atouts, tels que ses qualités phoniques, le côté « assainissant » pour le mur grâce aux qualités fongicides de la chaux, ou encore l’atténuation du rayonnement électro-magnétique des fils électriques lorsqu’ils sont noyés sous l’enduit. Enfin, il est esthétique et permet de maintenir le caractère naturel et ancien du bâti en pierre, véritable richesse architecturale de notre région.

L’agence locale de l’énergie et du climat du Pays de Morlaix HEOL œuvre pour la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Elle offre notamment des conseils neutres et gratuits sur la rénovation thermique, les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Plus d’infos sur 02 98 15 18 08 et www.heol-energies.org .




Les coups de cœur littéraires d’Eco-Bretons de décembre

Eco-Bretons vous propose en ce mois de décembre ses coups de cœur littéraires. Au programme, deux livres : un récit autobiographique d’une jeune ornithologue britannique, et un roman graphique sur l’Amoco Cadiz.

« Birdgirl » de Mya Rose Craig , éditions Actes Sud, par Marie Jaouen, administratrice d’Eco-Bretons

Récit autobiographique absolument passionnant d’une jeune ornithologue britannique.

On suit l’autrice, Mia Rose Craig, dans sa découverte des oiseaux autour du monde et dans son engagement dans la protection de la nature qu’elle souhaite la plus inclusive possible. Parce que voir le monde au travers des yeux d’ornithologues privillégiés lui a toujours semblé injuste – elle est d’origine bangladaise- Mia Rose nous décale le regard en toute simplicité vers un regard plus généreux envers les oiseaux et tous les humains de cette planète. S’émerveiller de la beauté du monde, la partager dans le respect de celui-ci permet aussi à la jeune autrice de faire famille. Famille dont la sienne confrontée à la bipolarité de sa mère qui ne s’apaise que lors de leur contemplation commune des oiseaux du monde.

Ornithologie, écologie, santé mentale, voyage, engagement de la jeunesse, émerveillement…C’est tout ce que vous retrouverez dans ce roman à offrir à toutes les personnes autour de vous qui aiment contempler les oiseaux ou la nature plus largement…Vous y découvrirez des oiseaux du monde entier, du continent africain, comme ceux d’Asie ou d’Antarctique, et je vous conseille d’avoir à portée de main un guide ornithologique pour mettre sur votre rétine les merveilleuses espèces que Mia vous décrit.

Bleu Pétrole, de Gwénola Morizur et Fanny Montgermont, éditions Bamboo – par Marie-Emmanuelle Grignon, journaliste à Eco-Bretons

 L’Amoco Cadiz. Ce nom évoque encore bien de tristes souvenirs chez les habitants de la côte nord de la Bretagne. Le pétrolier s’est échoué en face de Portsall, dans le Finistère, le 16 mars 1978. Ce sont plus de 60 000 tonnes de pétrole, sur les 220 000 que transportait le navire, qui vont alors souiller les côtes, provoquant l’une des pires catastrophes écologiques du siècle. Le maire de Ploudalmézeau (où se situe Portsall), Alphonse Arzel, entre dans l’histoire en fondant le Syndicat Mixte de Protection et de Conservation du Littoral du Grand Ouest (devenu Vigipol), et en menant le combat contre le géant Amoco, qui s’est soldé par un procès à Chicago au terme duquel la firme a été condamnée et a dû procéder à  l’indemnisation des collectivités victimes.

C’est la petite-fille d’Alphonse Arzel, Gwénola Morizur, qui a écrit le scénario de la bande dessinée « Bleu Pétrole ». Dans celle-ci, elle mêle fiction et réalité, pour raconter l’histoire de sa famille : comment les différents membres ont vécu la catastrophe et le long chemin vers la condamnation d’Amoco. La « petite histoire » se mêle à la grande et permet de mieux saisir l’extraordinaire engagement du grand-père de Gwénola (ailas Léon Larzé), qu’il a partagé avec sa femme et ses enfants. Un très bel hommage au combat mené contre les marées noires, avec un angle original. Ecologie, famille, handicap, politique…sont notamment au cœur de ce beau roman graphique, sorti en 2017 mais qui bénéficie d’une nouvelle édition en cette fin d’année 2024, et illustré par des dessins très doux de Fanny Montgermont.




Algues vertes : la jeunesse s’empare du sujet avec un fanzine

Avec son fanzine baptisé « Algues vertes, on peut gagner », Evariste Le Vot, artiste de 21 ans habitant à Plougasnou (29) à côté de Morlaix, donne un coup de jeune à la lutte. Via ses textes et dessins, il met en lumière les revendications des associations de lutte contre les algues vertes. Le fanzine sera présenté vendredi soir à partir de 19h au 2D à Morlaix, dans le cadre du Festisol.

Donner un coup de jeune sur la mobilisation contre les algues vertes, et rendre la communication sur celle-ci plus esthétique. C’est l’objectif d’Evariste Le Vot, jeune artiste de 21 ans, habitant Plougasnou à côté de Morlaix. Il a pour cela imaginé et créé un Fanzine, baptisé « Algues vertes, on peut gagner ». Le fruit d’une réflexion menée depuis cet été. « Avec un copain, on avait lu un tract sur les algues vertes. C’était un peu complexe à comprendre. On s’est dit qu’on pouvait rendre l’information et la communication plus claire, faire un support plus joli », explique Evariste. « C’est aussi une cause qui m’intéresse, donc autant travailler sur le sujet, et faire profiter de mes recherches le plus grand nombre ». Car le jeune homme a rencontré les associations locales et a mené de nombreux entretiens avec certains de leurs militants, comme Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, ou encore Jean-Yves Quémeneur, président de Force 5. « J’avais de quoi faire 25 pages ! », sourit Evariste, qui décide alors de se concentrer sur les revendications portées par les associations.

Résultat : un fanzine de taille A3, replié en 8 pages, avec textes et dessins d’Evariste aidé des associations, et un collage de l’artiste morlaisien Elso. On y retrouve les demandes des associations pour « contrer efficacement la prolifération des algues vertes » : renforcement des contrôles et des sanctions, responsabilisation des autorités, réduction drastique des rejets d’azote, plan d’urgence pour la santé publique, transition agricole massive, mises en place de zones tampons… ainsi que de nombreux chiffres. « Cela permet d’avoir une vision globale du phénomène, de savoir pourquoi on se bat, qu’est ce qu’on demande et à qui on le demande », précise Evariste, qui espère ainsi que les lecteurs et lectrices « auront les clés pour s’engager ».

Le fanzine sera distribué aux associations, et disponible gratuitement dans différents lieux morlaisiens, comme par exemple le 2D, où aura lieu la présentation du travail d’Evariste le samedi 7 décembre à 19h. Le vernissage sera suivi d’un DJ Set de Maricela Lixa et d’autres invité.e.s.

Photo : Evariste Le Vot (à gauche) et Elso.







L’Arbre, élément essentiel en Bretagne

(Plume citoyenne) Quelles relations et quels liens avec l’arbre, la forêt et le bois voulons-nous aujourd’hui et demain en tant que société ? Pour creuser ce sujet, Fibois Bretagne avait organisé à Saint-Brieuc le 15 novembre un forum pour l’avenir de la forêt bretonne. Une invitation à questionner notre relation en tant que citoyens-consommateurs-utilisateurs et professionnels.

L’arbre, c’est une question politique, économique, écologique, culturelle, humaine mais avant tout, c’est une question de notre relation avec le vivant. « L’arbre est notre assurance-vie » évoque Carole Le Béchec, élue au Conseil régional de Bretagne, présidente de la commission climat, transitions et biodiversité, en début de cette journée autour de l’arbre, la forêt et du bois. Le Plan arbre de la région prévoit de planter, d’ici 2028, 5 millions d’arbres en Bretagne pour répondre aux enjeux de la biodiversité, de la gestion de l’eau et de la tenue des sols. L’idée, c’est de concilier les usages et de réconcilier la société et la filière, car l’arbre et la forêt touchent aux âmes dans un monde où nous sommes de plus en plus déconnectés du vivant.

Le message des intervenants est clair : Il faut réunir tous les acteurs autour de l’arbre. Le besoin de se reconnecter à la nature est aussi important que la bonne valorisation du bois.

Comment concilier les besoins de notre société en matériaux et en loisirs avec les besoins du vivant autre-que-humain ? De plus en plus de citoyens préfèrent ne plus toucher aux forêts sans connaissances de l’utilité et des options de gestion, mais aussi sans questionner notre demande croissante des produits en bois ou l’effet de notre présence en forêt – la biodiversité souffre de la sur-utilisation des bois dans des zones urbaines. De moins en moins de jeunes ont envie de travailler la terre et la forêt ou de s’investir dans les filières qui en dérivent. Aujourd’hui, 23’000 personnes travaillent dans les filières autour de l’arbre en Bretagne, demain nous aurons besoin de plus. Ces problématiques ne sont pas uniques à la Bretagne – on en discute un peu partout en Europe.

Dans le contexte du réchauffement climatique, l’arbre est vu comme la technologie principale pour décarboner l’environnement bâti ainsi que d’autres secteurs industriels. La demande est en pleine croissance, la disponibilité de la ressource précieuse, limitée. Ici comme ailleurs la notion d’économie circulaire et d’usage en cascade est proéminente dans le discours. Comme chez soi, comme dans l’entreprise…

La forêt bretonne se compose au trois quart de feuillus, mais aujourd’hui la valorisation du bois se focalise sur l’utilisation des résineux. Le réchauffement climatique veut aussi dire se poser la question sur l’arbre de demain et apprendre à valoriser le bois de différentes qualités pour des usages à plus long terme. En Bretagne, on se sent encore à l’abri. Loin sont les images de l’est de la France et de l’Allemagne où les forestiers ont du mal à préserver le hêtre ou bien le chêne, l’arbre qui nous servait de symbole de résilience et de robustesse. Mais le climat change aussi en Bretagne et les hommes et les femmes qui travaillent les forêts en ont bien conscience. On commence à expérimenter à petite échelle avec l’introduction de nouvelles essences qui viennent des climats plus proches de ce qu’on attend ici dans l’avenir.

Ainsi, l’arbre et ses filières sont emblématiques du besoin de travailler vers de nouveaux modèles économiques. La spécificité de la Bretagne pourra devenir un atout dans cette quête, propose le géographe Jean Ollivro : Le mode de fonctionnement breton repose sur l’entraide, la coopération et la mutualisation dans une culture individualiste : l’esprit indépendant, la vie en commun. La capacité de travailler ensemble et le principe fondamental de prendre soin de la terre afin qu’elle nous nourrisse sont au cœur de l’identité bretonne. Depuis la nuit des temps, la forêt en Bretagne a été un élément de ressources et de mythes.

Le peuple breton s’est organisé de manière dispersée car il y avait de l’eau partout. La Bretagne, c’était une terre riche et fertile. L’arbre était un élément important et résilient. Statistiquement, la forêt ne couvre que 16% de surface en Bretagne, mais l’arbre est partout. Jean Ollivro et le forestier Hervé Le Bouler nous invitent à honorer l’originalité du territoire si nous voulons trouver de meilleures valorisations pour l’arbre feuillu qui n’a pas les qualités demandées par l’industrie aujourd’hui. L’arbre est depuis toujours omniprésent et fondamental dans tous les aspects de la vie bretonne, que ça soit dans les forêt ou sur des talus au bord des champs. La notion de « Coat » se trouve partout sur le territoire. Autrefois, c’était une source de nourriture, de bois-énergie et aussi du bois d’œuvre. Nous vivions avec la forêt. Aujourd’hui notre société se retourne contre la gestion et les gestionnaires de la forêt. Aujourd’hui l’arbre devient sacré – une vision idéalisée, selon Jean Ollivro, et qui oublie que nous faisons partie de la nature et avons un rôle à jouer dans son évolution. Notion confirmée par les experts forestiers. Comme l’exprime Laurent Le Mercier : il ne faut pas compartimenter nature et homme, c’est un tout dans lequel le travail du forestier s’inscrit. Est évoquée aussi la tendance de notre société à se pencher sur des dogmes au lieu de penser pour nous-mêmes, ce qui nous empêche d’agir avec responsabilité et nuance.

L’invitation au dialogue en forêt autour de ces questions est proposée par plusieurs intervenants. Hervé Le Bouler souligne l’importance de l’ancrage de l’arbre dans les territoires et évoque l’idée des arbres à palabre – de créer des espaces de rencontre autour de l’arbre comme le fait aussi l’association Clim’Action. Un appel à l’action qui vise autant les forestiers que les élus dans les territoires.







Portrait de femme n°19. Veronica Gomez Tomas, juriste en droit international de l’environnement

Rencontre avec Véronica Gomez Tomas, morlaisienne d’adoption, argentine de naissance, qui est juriste en droit international de l’environnement. Elle évoque pour nous son parcours, marqué par le voyage, et son engagement, aussi bien associatif que professionnel, pour les droits de l’homme et de la nature, ici et là-bas.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Veronica Gomez Tomas, je suis argentine de naissance et morlaisienne d’adoption. J’habite ici depuis 11 ans. Je suis juriste en droit international de l’environnement, je collabore avec des ONG spécialisées dans les droits de l’Homme, plus particulièrement sur la partie environnement, en France et en Argentine.

Quel a été ton parcours ? Qu’est ce qui t’a donné envie de devenir juriste ?

J’ai un parcours très atypique. J’ai fait des études de droit en Argentine. Là-bas c’est assez long, ça peut durer 6-7 ans. Et ce n’est qu’à la fin que nous avons des matières en lien indirect avec l’environnement. Mais à cette époque on n’appelait pas ça comme ça. Je me souviens par exemple, quand je révisais mes cours de « droit minier », parfois je m’arrêtais pour pleurer, beaucoup. Je reprenais ensuite mes esprits et je continuais, mais c’était trop violent. Quand j’ai terminé mes études, un prof m’a demandé ce que je voulais faire après. J’ai répondu que je voulais me consacrer aux « intérêts diffus ». Ce qui m’avait le plus marquée, c’était un article de la nouvelle Constitution (Réforme de 1994, suite à la Conférence de Rio de 1992) sur le droit à un environnement sain. C’était fin des années 90 et début des années 2000, on parlait du changement climatique et du Protocole de Kyoto, on commençait à évoquer le droit à un environnement sain, mais englobé dans la notion « d’intérêts diffus ».

J’ai eu ensuite un autre déclic dans ma vie. J’exerçais mon métier en Argentine, j’avais une vie très ordonnée et ordinaire jusqu’au moment où j’ai pris  une année sabbatique pour aller naviguer. Sauf que là, j’ai fait une petite erreur de calcul : au lieu de rester un an sur le bateau et de rentrer chez moi pour continuer à exercer mon métier d’avocate, je suis restée 7 ans sur le voilier, et j’ai fini avec un mari, deux enfants. Et on a jeté l’ancre à Morlaix ! (rires)

Ce voyage a complètement changé ma vie, ma vision du monde, mes priorités, mon lien avec la nature, avec les éléments, mon lien avec la transition écologique… Il y a eu un avant et un après. Cela m’a permis de vivre dans plusieurs pays très différents. Et en même temps, j’avais toujours ma façon de penser, une autre culture, un autre métier etc. A chaque endroit, j’avais cette vision par le prisme de l’accès aux droits de l’Homme, des problèmes environnementaux, des problèmes sociaux….

C’était une expérience très enrichissante. Déjà le fait de vivre dans un tout petit bateau, ça requestionne nos besoins. Au tout début, on habitait sur un bateau de 9 mètres qui n’était pas du tout équipé. Je crois qu’on développe une capacité d’adaptation assez intéressante ! On se rend compte que beaucoup de nos besoins ont été créés et ne sont pas forcément réels. C’est une des choses qui m’a le plus marquée.

Tu es aussi engagée à la Ligue des Droits de l’Homme…

Je suis entrée en contact avec cette association en 2018, car à l’époque je faisais partie du mouvement des Citoyens pour le Climat. On se retrouvait sur des causes communes. Je me suis dit que c’était un peu dommage que la LDH ne voyait alors pas le droit à un environnement sain comme un droit fondamental de l’Homme. J’ai intégré la Ligue ici, et j’ai travaillé en parallèle dans un groupe national sur l’environnement. Nous avons modifié les statuts de la Ligue en 2022 pour les élargir au droit à un environnement sain. C’était une victoire. Je continue à être dans le mouvement à Morlaix, ça me permet de donner de la visibilité à la thématique, notamment dans le cadre du FestiSol.

Eco-Bretons étant un média engagé dans les transitions écologiques, peux-tu nous dire ce que la notion de « transition écologique » t’évoque et ce qu’elle représente pour toi ?

Le mot transition évoque l’action de transiter, de cheminer. C’est un devenir, le passage d’une situation actuelle certaine à une autre situation future, souhaitable…

Face aux défis de notre temps, tels que le changement climatique, des crises sociales, l’épuisement des ressources, le dépassement des limites planétaires, la montée des inégalités… le changement des nos modèles de fonctionnement s’impose.

La transition englobe la notion de transversalité et de pluralité. Il n’y a pas de solution miracle, la transition se prépare. Elle est faite d’actes et de prises des décisions plurielles, en prenant compte des besoins et des savoirs des différents acteurs du territoire.

 La transition est l’opportunité d’imaginer un monde souhaitable, adapté aux nouvelles conditions de vie par le biais d’une convivialité choisie ; en veillant à mettre en place des nouvelles pratiques (économiques, sociales, agricoles) qui garantissent  l’accès aux droits de l’Homme en conditions de dignité en prenant compte de la capacité de régénération de notre planète.

Est-ce que tu t’identifies comme actrice de cette transition ? Pourquoi ? Comment ?

J’essaye d’avoir un rôle actif, dans différents domaines : Participation citoyenne, incidence et sensibilisation, éducation populaire. En contribuant à la réflexion, dans des instances de participation citoyenne et dans des actions associatives comme le FestiSol à Morlaix par exemple. Lors des dernières élections municipales, j’étais engagée dans le Pacte pour la transition qui proposait 32 actions en lien avec la transition écologique et sociale. Et actuellement à Morlaix, avec la Communauté d’action sur la transition écologique*, on réfléchit sur une sécurité sociale de l’alimentation.

J’anime des ateliers d’éducation populaire basés sur l’intelligence collective, tels que la Fresque du climat, la Fresque océane, la Fresque de la biodiversité… Elles apportent un éclairage et donnent des clés de compréhension sur les enjeux écologiques, qui appellent ensuite à passer à l’action.  Au bout de 3-4 heures, on voit la prise de conscience chez les participants. C’est une satisfaction énorme. On sème une petite graine.

J’essaye aussi de créer des ponts entre l’Amérique latine et l’Europe afin d’apporter un point de vue différent, en faisant connaître ici ce qui se passe là-bas et en favorisant l’échange des bonnes pratiques.

J ‘ai été la première animatrice de la Fresque du Climat en Argentine, dont je suis devenue référente pays. J’ai contribué à fonder la communauté et à essaimer le mouvement en Amérique Latine. Des événements dont je suis fière?  J’ai « fresqué » le Ministère de l’environnement, et j’ai emmené la Fresque au Forum Mondial des Droits Humains et à un forum sur l’urgence climatique et les droits de l’Homme dans les Amériques, organisé par REDESCA (le Rapporteur Spécial sur les Droits Économiques, Sociaux, Culturels et Environnementaux à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme).

Depuis quelques mois, avec Anne-Sophie Menand, fresqueuse également, nous avons lancé le Fresk Noz, dans le pays de Morlaix. Il s’agit de la réalisation de deux ateliers de sensibilisation aux enjeux écologiques. Une Fresque climat dans les communes environnantes et une autre Fresque à Morlaix, tous les mois.

Selon toi, y-a-t-il des spécificités propres aux femmes dans la façon d’aborder la transition écologique ?

Oui. Tant l’écoféminisme que les mouvements écologiques ont une origine commune : la remise en question du modèle dominant basé sur le patriarcat et le capitalisme. Cela est bien illustré dans la fameuse phrase du philosophe Francis Bacon à la fin du XVIe siècle  « La nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs. » 

Le courant écoféministe établit le parallèle entre “mon corps, mon territoire”, en faisant référence aux deux terrains d’abus du patriarcat. Même chose avec l’extractivisme dont dépend le modèle capitaliste.

 Quels sont les souvenirs les plus marquants (personnes, événements…), les rencontres qui t’ont donné envie de t’engager ?

Mes 7 ans vécus sur un voilier. J’ai eu la chance aussi de passer du temps avec certains peuples natifs. J’en ai vu plusieurs qui étaient complètement ravagés car ils avaient vendu leurs terres à des particuliers, et se sont fait exclure. Les prix montent tellement qu’ils ne sont plus capables d’accéder aux terres. C’est toute une décadence qui s’installe, qui est sans fin.

Mais j’ai aussi fait la rencontre du peuple Kuna, que j’admire énormément, sur un archipel de plus de 300 îles au large de la Colombie et du Panama. Là-bas, c’est très préservé. Ce peuple est un exemple de résistance culturelle, assurée par le Matriarcat. Ce sont les femmes qui transmettent la culture, la langue. Ils n’ont pas le droit de se marier avec quelqu’un d’extérieur à la communauté, ce qui fait que c’est le peuple le plus petit du monde après les Pygmées. Il y a des problèmes de consanguinité, notamment de l’albinisme. Mais au lieu de les laisser à part et de les stigmatiser, ils les appellent « les enfants de la lune ». Ce peuple qui a fait la révolution en 1925 a une relation à la propriété qui est communautaire. Tout est préservé, avec des femmes au pouvoir !

 Qu’est-ce qui te révolte le plus actuellement ?

Au niveau global, la montée de l’extrême-droite. Au niveau personnel : le déni, l’indifférence, l’égoïsme, le manque de solidarité.

Et qu’est-ce qui t’enthousiasme le plus ?

L’innovation dans tous les domaines. La force de l’imagination pour sortir des sentiers battus, pour faire face aux nouveaux défis de notre époque. Et cela dans tous les secteurs confondus : l’innovation juridique par le biais des litiges stratégiques, des plaidoyers pour la reconnaissance du crime d’écocide ou des droits de la nature, qui ne sont pas encore reconnus dans les textes de loi. L’implémentation de la démocratie environnementale, avec les trois piliers que sont l’accès à l’information publique, la participation citoyenne dans la coconstruction des politiques publiques, qui vont avoir un effet sur la santé ou sur l’environnement, et l’accès à la justice.

Il y a aussi l’innovation sociale, avec l’engagement des jeunes par le biais des mouvements citoyens, des modes de gouvernance plus horizontaux, l’éducation populaire, les ateliers de vulgarisation scientifique tels que la Fresque du Climat et toutes les autres qui se sont inspirées de celle-ci, et qui offrent une vision sémantique des enjeux environnementaux accessible à tous.

L’innovation économique, avec le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Je n’oublie pas non plus la force des réseaux, des think-tanks, le faire ensemble… Car c’est la diversité des points de vue, et l’union vers une finalité commune, qui font la force.

 Y-a-t-il selon toi des domaines d’actions prioritaires ?

Dans tous les domaines, il faut revoir l’échelle des valeurs et des priorités. Et se baser sur des valeurs comme la sobriété et la solidarité.

Générer une prise de conscience sur le besoin d’avoir une vision à long terme, qui prenne en compte non seulement la satisfaction de nos besoins actuels, mais aussi les effets collatéraux sur l’environnement et les générations futures. Et cela à tous les niveaux, dans les stratégies politiques, la planification urbaine ; dans l’éducation : pour sensibiliser les nouvelles générations et générer des prises de conscience, des nouvelles façons de consommer, favoriser des nouvelles méthodes de production.

Chaque prise de décision, chaque action façonne notre future à court, moyen et long terme.

Face au déclin de la biodiversité, face au dérèglement climatique, nous devons aller vers la régénération, vers l’adaptation, vers la résilience.

 En quels acteurs et à quels échelons territoriaux crois-tu le plus actuellement pour accélérer cette transition ?

L’échelle locale est souvent la plus efficace, car il existe un lien direct entre les acteurs du territoire et les connaissances des lieux, des savoirs faire, ainsi que les problématiques, les risques et leurs besoins. Les différents acteurs du tissu social et économique ainsi que les habitants de proximité doivent être écoutés et intégrés dans la prise des décisions liées aux enjeux environnementaux. Il est indispensable de donner leur place aux citoyens et aux divers acteurs des organisations de la société civile. Il y a tellement à faire, que toute contribution est valable. Tout un chacun a son petit rôle à jouer.  La sobriété et la solidarité étant des facteurs clés, pour ne laisser personne sur le côté.  

 Aujourd’hui, qu’est-ce qui compte vraiment pour toi ?

Le maintien de la paix. La préservation de la nature. Assurer le bien-être des générations futures et réduire les inégalités, par le biais de la solidarité, la sobriété, la cohérence.

Pour terminer, est ce que tu as des initiatives et/ou personnes « coup de cœur » que tu souhaiterais mettre en avant ?

Une personne : Paul Watson. Pour ses luttes : sauver les baleines, l’océan… mais tout cet acharnement contre lui !

Des initiatives : l’Agenda 2030 des Nations-Unies qui met l’humain au centre des objectifs de transition, par le biais de la coopération, pour en finir avec les inégalités, dans le respect de la protection de la nature, sans laisser personne de côté.  Il y a aussi La Directive européenne sur le devoir de vigilance qui vise à prévenir des atteintes graves, par les grandes entreprises, aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes et à l’environnement.

Une autre initiative qui existe depuis 2015 : Le projet de Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité, qui est le premier texte à reconnaître des droits et des devoirs pour l’Humanité, vis-à-vis d’elle-même, des générations futures, des autres espèces et de la nature. Cette déclaration propose notamment de créer une interdépendance entre les espèces vivantes, d’assurer leur droit à exister et le droit de l’Humanité, pas seulement les Hommes, mais tous les êtres vivants, de vivre dans un environnement sain et écologiquement soutenable. Là, on sort de l’anthropocentrisme avec un regard plus occidental que celui des droits de la nature ou du « buen vivir ». C’est un projet que j’aime beaucoup, et que j’avais signé et cherché d’autres signatures pour le soutenir.

*https://fonda.asso.fr/ressources/morlaix-une-communaute-daction-pour-une-alimentation-durable







A Morlaix, une conférence-débat pour repenser nos liens au vivant… là-bas et ici

Organisée dans le cadre du FESTISOL – le Festival des Solidarités dont le thème est « Environnement et droit des peuples », cette conférence-débat qui se déroulera à la MJC de Morlaix dans la soirée du mercredi 20 novembre, invite le public à découvrir les liens entre les droits des peuples autour de l’eau ainsi que leur influence dans le verdissement du droit international et son évolution vers la reconnaissance d’un droit à un environnement sain.

Avec un voyage qui commencera aux points perdus de la planète, où des peuples originaires font entendre leurs voix aux plus hautes sphères dans les cours régionales de droits de l’Homme. Il s’agira de plonger dans les droits culturels des peuples dans une perspective basée sur leur approche de la nature environnante – leurs montagnes, leurs rivières, la mer et la façon dont ces éléments ont façonné leurs styles vie -. Le besoin de les protéger comme une entité à part entière, donne les premières bases de la reconnaissance des droits de la nature.

Il s’agira ensuite d’aborder les droits culturels liés à la Bretagne et à ses rivières, illustrés par les « Atlas socioculturels de l’eau » (1) de l’association Eaux et Rivières de Bretagne. Le Collectif Mammennou Doùr dans les Abers viendra aussi témoigner de la Marche qu’il a organisée au printemps dernier, de la Source de l’Aber Wrac’h jusqu’à l’embouchure au cours de la dernière semaine de mai. Un parcours qui a laissé toute sa place au sensible (2)…

Quel est le lien qui nous unit à nos cours d’eau, là-bas et ici ? Comment nos identités culturelles et modèles de société sont-ils travaillés par nos relations au vivant ? Comment les luttes pour la sauvegarde de l’eau et des rivières se sont technicisés au fil du temps ? Comment valoriser nos savoirs ancestraux, peu considérés dans les instances de gestion de l’eau ? Comment ces sujets sont-ils pris en compte en tant que sujets de gouvernance, enjeux de démocratie environnementale ?  Le droit et la loi : sont-ils les meilleurs moyens de les préserver ?

Une soirée riche en témoignages et questionnements de militant·es, avec les éclairages : d’une juriste en droit international de l’environnement : Veronica Gomez (Ligue des droits de l’Homme/LDH), de Aurélie Besenval, chargée de mission « Eau & culture » à l’association Eau & Rivières de Bretagne, de Marie-Laure Floch et Joëlle Colombani du Collectif Mammennou Doùr. Les échanges seront animés par Marie-Emmanuelle Grignon et Laurence Mermet pour Eco-Bretons.

(1) https://www.eco-bretons.info/atlas-socioculturels-de-leau-faire-comprendre-que-la-culture-fait-aussi-partie-du-dialogue-environnemental/

(2) https://www.eco-bretons.info/dans-les-abers-des-rencontres-de-leau-sensibles-avec-le-collectif-mammennou-dour/