1

Habitat participatif. « Multiplier les petits bonheurs et diviser les petits embêtements »

Tout commence en 2011, quand un groupe d’habitants du Bono (56) organise une réunion pour échanger autour de l’habitat participatif. « On ne se connaissait pas tous mais on partageait des valeurs communes », explique Laurent Muguet, un des habitants du FIL. Rapidement, quatre foyers se retrouvent régulièrement et le projet commence à voir le jour.

Les futurs habitants du FIL élaborent une charte, essentielle pour que chacun exprime ses attentes et ses doutes. Toutes les problématiques du vivre-ensemble sont abordées : le financier, l’éducatif, la question de l’intimité, des parties communes mais aussi des animaux… Rien n’est laissé de côté. « Ça s’est fait naturellement mais c’est primordial. On ne peut pas faire sans, prévient Laurent Muguet. Chacun avait des attentes différentes mais on se retrouvait tous sur trois axes : le vivre-ensemble, l’économie sociale et solidaire, et avoir une empreinte écologique faible. »

Les banques, plus gros blocage institutionnel

Très vite, le groupe se met en quête d’un terrain. « Il est important d’arriver rapidement à du concret », souligne Laurent Muguet. Un constat partagé par Pierre Servain, ingénieur d’études et doctorant en sociologie au labers, qui consacre sa thèse aux communs dans les habitats participatifs : « Beaucoup de projets ne se font pas… En général, il y a trois difficultés pour mettre en place un habitat participatif. Tout d’abord, il faut constituer un groupe. Ensuite, il faut trouver le foncier qui soit de bonne taille, au bon emplacement, au bon prix… C’est là que le projet se concrétise et, parfois, que le groupe se reforme. Enfin, le blocage peut se faire au niveau des banques. C’est, à l’heure actuelle, le plus gros des blocages institutionnels ».

Au FIL, le groupe surmonte les difficultés et la construction commence en juin 2013. Quatre logements, de 40 m² à 100 m², sont construits. Aux espaces privatifs, s’ajoutent des espaces communs qui sont le cœur du projet. Garage, jardin, chambre d’amis, buanderie et atelier sont partagés. « Nous mutualisons et nous partageons. Ça nous permet de discuter et de faire des économies », explique Laurent Muguet.

La dimension écologique est importante dans la construction. Le bâtiment en ossature bois est orienté plein Sud avec de grandes baies-vitrées. L’isolation est faite en ouate de cellulose. L’eau de pluie, recueillie dans une cuve de 20 000 litres, alimente les toilettes, les machines à laver et l’arrosage du jardin. Le chauffage se fait avec une chaudière à granulés et des panneaux solaires ont été installés sur le toit.

Une institutionnalisation des projets

Un espace central est également créé. Il permet de recevoir, d’organiser des animations comme des concerts ou des ateliers-cuisine. C’est aussi dans cet atrium que se retrouvent les membres du FIL : « Pendant un an, il y a eu une phase d’appropriation des lieux. Depuis septembre 2015, une fois par mois, nous passons une journée ensemble pour discuter, manger ensemble… Nous sommes aussi ouverts sur l’extérieur. On invite les voisins, on leur explique notre démarche. En partageant, on multiplie les petits bonheurs et on divise les petits embêtements. »

À l’heure actuelle, une quinzaine d’habitats participatifs est installée en Bretagne et autour de Nantes. « On observe une institutionnalisation des projets d’habitats participatifs. Les acteurs se regroupent en réseaux et certaines collectivités incitent à l’implantation de ce type de projet. Il existe maintenant beaucoup d’accompagnateurs », détaille Pierre Servain.

Un accompagnement qui ne peut que favoriser le développement de projets d’habitats participatifs, comme le souligne Laurent Muguet : « Je conseille à ceux qui veulent se lancer de se faire accompagner par des structures associatives qui ont des compétences multiples. »

 

Plus d’infos :

www.habitatparticipatif-ouest.net

www.ecohabitatgroupe.fr

www.habicoop.fr




Eco-quartier de Tréduder : « On apporte de la vie »

Quelle différence y a-t-il entre habiter dans une maison traditionnelle et habiter dans un éco-quartier ?

Bien souvent, dans un lotissement traditionnel les habitants ne se connaissent pas, même s’il peut se créer, au bout d’un certain temps, des liens d’amitiés et d’entraide. Dans un éco-quartier, cette l’idée de partage est primordiale. S’il y a des parties communes (jardin, espace jeux, bâtiments technique…), cet espace partagé conduit à des décisions conjointes ce qui est le cas ici. Ce qui est aussi fédérateur. D’autre part, on ne pense pas les habitations individuellement au départ mais dans une harmonie des formes, des couleurs, ou même des plantations. Dès la construction (si les habitations sont en auto-construction) l’entraide est présente par le biais des coups de mains réciproques, le prêt de matériel, l’achat de matériaux en commun, un espace jeux commun, plutôt que chacun ait une balançoire chez soi et un bac à sable, il peut aussi être intéressant d’avoir cet espace en commun, en limitant les frais, l’entretien, et surtout cette démarche fait plaisir aux enfants qui peuvent jouer ensemble.

Vous pointez les avantages à vivre dans un éco-quartier, mais n’y a-t-il pas aussi des inconvénients à la démarche ?

Vivre dans un éco-quartier ne peut évidemment se faire qu’avec des personnes déjà sensibilisées à cette forme d’échange. A mon sens, une personne trop individualiste y trouverait difficilement sa place et pourrait même y être source de conflits.
Dans la vie de tous les jours, comme on connait un peu la vie et les problèmes de chacun, on reste disponible sans s’imposer. On peut trouver chez ses voisins-amis ce qui nous manque, mais on ne va pas débarquer s’il a de la visite ou si on sait qu’il fait la sieste. L’avantage de vivre en éco-quartier se traduit aussi par les échanges possibles comme la garde d’enfants, les courses, le covoiturage, les légumes, les repas et le potager commun. Voire même nourrir le chat ou arroser les plantes pendant une absence. Cela fait trois ans maintenant que je vis de cette manière et je n’y vois que des avantages ! En ce qui concerne les inconvénients, je n’en ai pas encore trouvés qui soient assez significatifs pour être données. Je parlerais plutôt des obligations que cela implique et qu’il faut accepter au départ, comme le partage de l’entretien des parties communes : plantations, phyto-épuration, espace jeux, chemin d’accès, éventuellement bâtiment-laverie, congélateur ou éolienne…et des frais s’y rattachant qui sont de toutes façons moins onéreux à diviser à plusieurs.

Maison du voisin d’Annie Bozec à Treduder. © AR_BD

 

Avez-vous eu le sentiment d’être parfois considéré comme des marginaux ?

On a eu le sentiment d’être des extra-terrestres au départ, mais notre implication dans la vie de la commune comme les commissions communales, les fêtes, ainsi que l’ouverture de nos maisons aux visites nous a fait accepter par la majorité de la commune. On apporte de la vie. Ce qui n’est pas toujours le cas des habitants des maisons secondaires. Cette façon de vivre engendre une façon de manger, de se déplacer, de se soigner plus proche de la nature et de l’indépendance par rapport aux systèmes en place. Nous sommes dans l’ensemble impliqués dans la vie associative locale et souvent engagés politiquement. Une forme de citoyenneté découlant l’une de l’autre.

 

Plus d’infos

L’éco-lotissement de Kerdudal est privé. Les éco-batisseurs peuvent cependant accueillir les visiteurs sur rendez-vous.
Contact: Mr Herrou, 02 96 35 60 85.

Lien vers l’article : mieux vivre sans se ruiner

 

Nous ne vivons pas ensemble

On apporte de la vie

Un mode de vie plus soutenable

St Nolff voit vert

L’impossible éco quartier

Mieux vivre sans se ruiner

Quimper se lance dans les éco quartiers

 




Extraction de sable « conséquences indéniables sur l’environnement »

Suite à l’interdiction d’exploiter le maërl – ce substrat constitué notamment de débris d’algues marines riches en calcaire qui se forme le long des côtes bretonnes – à l’horizon 2011, la Compagnie armoricaine de navigation (Can), basée à Pontrieux, a demandé l’obtention d’un titre minier. Son objectif : pouvoir disposer d’une autre ressource de distribution, le sable calcaire ou sable coquillier, au niveau de la zone rebaptisée la « Pointe d’Armor », dans la baie de Lannion. Le site a été choisi pour l’importance de la ressource qui s’y trouve – 186 000 m3 de ce sable, selon Bernard Lenoir, le directeur foncier de la compagnie – et pour son éloignement de 5 km minimum des côtes. La demande d’extraction déposée par la Can porte sur un périmètre de 4 km², pour une durée de 20 ans et un volume maximum de 400 000 m3 par an. « L’extraction n’aurait aucune conséquence sur le trait de côte », affirme Bernard Lenoir, s’appuyant ainsi sur les propos d’Odile Guérin, géologue et élue chargée du développement durable à la mairie de Trébeurden. En effet, « les conséquences directes sur les côtes devraient être mineures, étant donné la profondeur de l’extraction et l’éloignement des côtes », confirme celle-ci. Cela ne signifie pourtant pas que les conséquences sur l’environnement seraient nulles. Au contraire, Odile Guérin estime même qu’elles devraient être « catastrophiques », au plan biologique et halieutique. Pas de quoi corroborer les propos de la Can…

« Pas question de passer en force »

Au moment de l’étude d’impact, la Can avait demandé au Comité des pêches de Paimpol de réaliser l’inventaire de la ressource halieutique dans la zone convoitée (lire « Un mauvais coup pour la pêche ». Suite à cette étude, le Comité des pêches s’est prononcé défavorable au projet. « Nous avons reçu une opposition ferme des pêcheurs sur le dossier », précise Bernard Lenoir, selon qui la ressource aurait été « surévaluée » par ces derniers. « Nous voulons déterminer les principales contraintes des uns et des autres et exercer notre activité de manière à embêter le moins possible les pêcheurs », affirme-t-il. Le nouveau projet de la Can ? « Etablir un partenariat avec un laboratoire de recherche breton et confier deux sujets de thèse à des étudiants, l’un portant sur l’inventaire et l’amélioration des connaissances halieutiques, l’autre sur les conditions de vie et de reproduction du lançon » – ce poisson qui vit dans le sable coquillier et constitue la base alimentaire du bar. « Il n’est pas question de passer en force », rassure Bernard Lenoir.

Des conséquences sur le plancton

Suite à l’étude réalisée par le cabinet Astérie, à Brest et le cabinet d’experts Safège, pour le compte de la Can, l’impact au plan géologique et biologique serait « limité » sur la zone, compte tenu de la profondeur de l’exploitation (entre 30 et 40 mètres). « Selon la règle préconisée par l’Ifremer, un bilan sera réalisé tous les cinq ans pour étudier l’importance du creusement et les conséquences de la déposition des particules, précise Bernard Lenoir. Cela pourrait aboutir à l’évolution des conditions d’exploitation. » Pourtant, plusieurs scientifiques ont déjà pointé du doigt les conséquences biologiques d’un tel projet (lire « Yves Lebahy : « Des conséquences énormes »). Odile Guérin se dit quant à elle clairement « opposée » à la façon dont la Can souhaite extraire le sable. «C’est un sable très fin, dont les particules vont mettre beaucoup de temps à retomber»
, précise-t-elle. Le problème étant qu’une telle extraction crée des nuages de turbidité – c’est-à-dire des nuages troubles où se déplacent des particules en suspension – très nocifs pour le zooplancton.

Des solutions alternatives ?

Bernard Lenoir ne nie pas les conséquences de l’extraction sur la faune. « L’impact environnemental sur la zone elle-même est incontestable », souligne-t-il, avant d’avancer l’argument agricole. « Il ne faut pas oublier que le sable calcaire est utilisé comme élément de fabrication d’amendement agricole et à l’état brut par certains agriculteurs. Ces amendements sont donc constitués d’une bonne part de produit naturel : le sable. Quand on parle d’impact environnemental, il ne faut donc pas se limiter aux seuls impacts de l’extraction. » Selon le directeur foncier de la Can, se passer de ce gisement signifierait aller chercher le calcaire dans des carrières hors de la Bretagne, ce qui reviendrait à transporter la ressource en camion – une solution guère beaucoup plus écologique. Faudrait-il alors accepter le moins mauvais compromis ?
Odile Guérin estime qu’il existe pourtant des solutions alternatives pour trouver ce calcaire qui devrait nourrir les terres bretonnes, en particulier légumières. « Les besoins ne s’élèvent pas à 400 000 m3 par an, soutient-elle. Si on se limite aux terres légumières, nous n’avons pas besoin de ce volume. Et puis, il existe des possibilités de substitution de ce sable. J’ai proposé trois solutions pour trouver du carbonate de calcium : le ramassage de la crépidule, ce coquillage invasif qui prolifère sur les côtes bretonnes et qui contient du carbonate de calcium ; le tri et le broyage des coquilles de coquillages sur les communes littorales ; ainsi que le sédiment du Mont-Saint-Michel. » Preuve qu’il existe peut-être des solutions plus « durables » que la destruction partielle d’un site pour trouver le calcaire nécessaire à nos agriculteurs…

 

Carte d’identité de la Can

Entreprise implantée à Pontrieux, la Compagnie armoricaine de navigation appartient au groupe Roullier. Elle emploie une trentaine de salariés, dont la plupart sont marins sur les bateaux.




Extraction de sable « l’équivalent de 4 pyramides de Khéops » !

Il ne décolère pas. Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, use des métaphores pharaoniques pour dénoncer le chantier qui s’annonce au large de la Baie de Lannion. « Nous sommes face à un énorme projet, engage-t-il. La CAN (Compagnie Armoricaine de Navigation) prévoit d’extraire 400 000 m³ de sable par an. Dans vingt ans, ils auront prélevé l’équivalent de quatre pyramides de Khéops. »
Face à lui, Sébastien Floch, le président de la CAN, tente de défendre un projet qui pourrait bien chambouler tout un écosystème. « Nous faisons notre travail le plus sérieusement possible, à destination de la filière agricole. Le sable coquillier est un produit naturel et sain, nécessaire à l’agriculture bretonne. L’impact écologique est mesuré », tente-t-il de rassurer.

Ecologie et emploi, les maîtres mots du débat

Face aux deux opposants, une cinquantaine de personnes s’interrogent sur les conséquences d’un tel projet sur les emplois dans la pêche ou le tourisme. Un des aspects remis en cause par les habitants : la turbidité, à cause de l’extraction de sable, l’eau pourrait s’agiter et se troubler. Jean-Christophe Pettier, président d’un club de plongée, craint pour sa profession. « On ne peut pas prévoir les mouvements de sable, c’est dangereux. Je m’interroge sur les conséquences pour les plongeurs professionnels et occasionnels. » Un autre habitant évoque les conséquences « inévitables » sur le lançon, un petit poisson, principale source de nourriture des bars. « Trop de questions restent sans réponse, s’insurge Yves-Marie Le Lay. Pourquoi ne pas récupérer des coquillages qui prolifèrent, comme la crépidule, et les concasser pour créer du sable coquillier ? » Une idée rejetée d’un revers de la main par Sébastien Floch, le président de la CAN. Un ancien éleveur en système herbager durable, Daniel Desjard, émet aussi des réserves quant à la faisabilité du projet. En attendant, les actions de Sauvegarde du Trégor se poursuivent. La manifestation de samedi sur la plage de Beg Leguer met un peu plus la pression sur les élus et autres acteurs partenaires de ce projet qui pose questions.

 

Pour ou contre ce projet d’extraction de sable ?

CONTRE. Jean-Christophe Pettier est président du GISSAGC (Groupe d’intervention et de Sports subaquatiques de la Côte de Granit). Il craint que le projet de la CAN ne vienne troubler son activité. « Nous sommes sur des sites exceptionnels. Or, ce qui est essentiel dans notre profession, c’est la visibilité. Avec ce projet d’extraction, je crains que la turbidité (lire texte principal) vienne altérer notre perception de l’environnement sous-marin. C’est potentiellement un danger si on ne peut pas mesurer les impacts de l’extraction sur les déplacements de sable. Quant à l’écosystème, quel intérêt pour les touristes si la faune et la flore disparaissent ? »

POUR. Daniel Desjard est un ancien éleveur en système herbager durable (méthode Pochon). Il est aujourd’hui transporteur et fournit les agriculteurs en sable coquillier dans le Finistère et les Côtes d’Armor. Pour lui, l’extraction de sable est indispensable pour les agriculteurs biologiques.
« Si le projet de la CAN n’est pas mené à bien, les agriculteurs n’auront pas accès à la fermentation naturelle. Les sols de Bretagne sont connus pour leur acidité. Et la fermentation avec du sable coquiller est la manière la plus naturelle de contrer ce phénomène. Les agriculteurs biologiques et durables seront donc les plus affectés. Grâce à l’extraction de sable, on utilise une ressource locale. Sans cela, les bio et les durables vont devoir faire venir de la route des carbonates de calcium terrestre des régions voisines. Quant à la proposition de mettre en place une collecte et un tri des crépidules -ce coquillage qui prolifère- cela me semble peu crédible.D’autant plus que l’expérience a déjà été menée, sans résultat à ma connaissance. »

 
Plus d’infos

http://www.roullier.com/index.php/fr/activites/armement-naval.html

http://www.sauvegarde-du-tregor.com/

 

 

                      




Sauvegarde du Trégor : « Pas une pincée de sable ne nous sera volée ! »

Porz ar Viliec, à Locquirec, début janvier, est une belle plage affleurée par de nombreux rochers. « Porz ar Viliec, « l’abri aux galets », en breton, était pleine de galets quand j’étais petit, se souvient Jean-Marie Le Lay, le président de Sauvegarde du Trégor. Cette plage connaît un désensablement naturel cyclique : chaque hiver, les rochers refont surface. Ce lieu est aussi un spot de surf très fréquenté. »

Un système fermé   

Au loin, on aperçoit la pointe de Trébeurden et l’Ile Milliau. « C’est là, un peu à l’ouest de l’Ile Milliau, que le projet d’extraction doit avoir lieu. Ce n’est pas loin non plus de l’île Molène, qui connaît déjà un problème de désensablement. Dans cet ensemble fermé qu’est ce type de baie, échangeant très peu avec le large, toute extraction est du sable perdu, non compensé par un apport extérieur. Voilà comment on fragilisera le littoral au moment même où il est le plus menacé par l’élévation du niveau de la mer, consécutif au réchauffement climatique. On est loin de Copenhague ! », lance un Jean-Marie Le Lay en colère.
Le militant sort un petit ouvrage écrit par lui il y a de nombreuses années. « Je l’avais déjà expliqué là : c’est très simple. Quand on creuse du sable, le trou formé est peu à peu comblé. Mais cette reconstitution se fait au détriment de la dune. On peut le voir à Locquémeau : en extrayant du sable, les ancêtres de la Can ont détruit le littoral. Cette pratique a été fortement limitée dans les années 1980. »

Une législation plus ferme

L’association a quelques raisons supplémentaires de se méfier de la Compagnie armoricaine de navigation (Can), avec qui elle a déjà eu affaire. « La Can extrayait du sable dans le gisement de Beg an Fry, au large de Saint-Jean-du-Doigt (29), sans autorisation. La plage de Saint-Jean-du-Doigt était devenue un vrai champ de cailloux. En 2006, on a saisi le tribunal administratif. Ils ont été condamnés. Car la législation a changé. Depuis 1997, il faut disposer d’un titre minier pour pouvoir exploiter le sable en mer. »
Actuellement, la compagnie exploite un gisement dans la baie de Morlaix, aux Duons, bénéficiant d’une autorisation provisoire d’une durée de deux ans accordée par le préfet. Une demande dans les règles a été effectuée par la Can pour une extraction durable. « Mais cette zone est classée Natura 2000, explique Jean-Marie Le Lay. Ils risquent de se heurter à la législation. L’autorisation de prélèvement sera difficile à obtenir, c’est pourquoi ils se rabattent sur la baie de Lannion », estime le président, déjà prêt pour le champ de bataille.
 




Un projet d’extraction de 200 000 mètres cubes de sable

La compagnie en question est la Compagnie armoricaine de navigation (Can), basée à Quemper-Guézennec, près de Pontrieux (22). Cette société, qui appartient au groupe malouin Roullier, emploie 90 personnes. Jusque-là, elle exploitait des gisements de sable à Morlaix et Saint-Brieuc. Mais ces concessions arrivant à échéance, l’entreprise cherche un autre gisement à exploiter dans les années à venir.
La zone convoitée par la compagnie se situe à 1,5 km des côtes de Trébeurden, dans la zone finistérienne (au large de Locquirec), à l’ouest du Plateau du Crapaud, sur une dune sableuse de 15 km². La zone d’extraction délimitée par la Can mesure 4 km². Elle est située entre deux zones Natura 2000. La Can demande la permission d’extraire 400 000 m3 par an pendant 20 ans – et ce en tablant sur 200 000 m3. La ressource convoitée est du sable coquiller, un sable très calcaire utilisé comme sédiment pour alimenter la production de fertilisants agricoles.

Le début d’une longue procédure

La demande de titre minier et d’autorisation d’ouverture des travaux a été déposée par la Can fin décembre. L’instruction du dossier va durer environ deux ans. L’enquête publique est réalisée par la Direction régionale de l’industrie, la recherche et l’environnement (Drire) de Bretagne, puis soumise à l’avis du préfet. Ensuite, une mise en concurrence aura lieu sur les marchés publics.
Pour instruire le dossier, une étude d’impact a été réalisée par une société. Mais la Can a demandé à ce que l’étude d’impact sur la pêche soit réalisée par le Comité des pêches de Paimpol, et en particulier par Laure Robigo, ingénieure halieute. Cette demande a semé la confusion chez les pêcheurs du Trégor-Goëlo, accusant leur président d’être à la fois « juge et parti » dans cette affaire, puisque le Comité a été rémunéré pour cette étude. Finalement, suite à la lecture de ce bilan, les membres du Comité des pêches ont rendu un nouvel avis vendredi dernier : à l’unanimité, il se sont opposés à ce projet. Tout comme les associations locales de protection de l’environnement.
 

A noter que, malgré notre demande insistante, la Can n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet.