L’exposition « Ecoute, donc ! Parcours de femmes » est le résultat d’un collectage mené sur le territoire des Monts d’Arrée par les adhérents de l’association des Amis de l’écomusée et l’équipe salariée. Une dizaine de bénévoles a ainsi pris part au projet dès sa naissance, en allant sur le terrain collecter des témoignages et en participant à des réunions d’échanges sur les informations obtenues. La structure Histoire de Son (http://www.histoiredeson.com/) a également contribué à la scénographie sonore de l’exposition. Chaque réunion a pu apporter sa part de débats et d’échanges sur l’échantillon de femmes rencontrées et l’analyse que l’on pouvait tirer de leurs témoignages. La matière de cette exposition est humaine et sonore… Par ce qu’elles disent, mais aussi par leurs accents et leurs voix, ces femmes deviennent elles-mêmes du patrimoine local !
Trente-trois femmes d’âges, d’origines géographiques et de professions divers ont ainsi accepté de se confier sur leur lien au travail, à la religion ou tout simplement aux Monts d’Arrée auprès des adhérents qui ont su établir avec elles des relations de confiance. Grâce à elles, plus de quarante heures d’enregistrement sonore forment le corpus documentaire sur lequel s’appuie le propos de l’exposition. L’étude des entretiens, menée au fur et à mesure au sein de l’équipe de l’écomusée, a permis de mettre en valeur des informations importantes sur les continuités et ruptures entre les différentes générations de femmes vivant aujourd’hui sur le territoire des Monts d’Arrée.
Au-delà des témoignages, de nombreux objets et photographies, issus des collections personnelles des femmes rencontrées ainsi que de la collection propre de l’écomusée des Monts d’Arrée sont exposés. Le musée de l’école rurale en Bretagne de Trégarvan a également participé activement à cette aventure. Le parcours de l’exposition est le reflet de ce collectage. Divisée en trois parties, l’exposition présente des aspects choisis de la vie des femmes à différentes époques.
Des années 1940 à nos jours
La première partie de l’exposition présente la vie dans les années 1940 et 1950, vue par une génération de femmes nées avant la fin de la Seconde guerre mondiale. Des entretiens menés avec ces dernières, trois thématiques se sont imposées comme étant particulièrement révélatrices de la condition des femmes à cette époque : la religion catholique, souvent obligatoire pour les filles ; le travail, notamment à la ferme, peu reconnu, peu valorisé et surtout rempli par obligation, parfois toute une vie ; le temps des loisirs et des sorties, limitées par rapport à celles des garçons qui étaient moins surveillés.
« Et à quel âge tu as commencé à avoir le droit de sortir ? […] «Oh tard! Ma mère voulait rien savoir. Sauf quand y avait le droitd’aller faire du théâtre avec le curé.» Annick, née en 1932
«J’ai été à l’école jusqu’à 16 ans, jusqu’au BEPC. Et puis comme on m’avait toujours dit que je resterais à la maison… On m’a toujours dit quand ton frère ira faire son service militaire, il faudra bien qu’il y ait quelqu’un qui reste. Et moi je n’ai pas… Pourtant j’ai des amies qui sont institutrices, j’aurais pu. Avec le BE en ce temps- là, on pouvait devenir institutrice. Oui un an de plus, ça m’aurait plu… » Marie-André, née en 1939
«Moi, par exemple, mon frère ne trayait les vaches qu’en cas de nécessité. Donc j’avais ça en plus, j’avais les vaches à traire, amener les bêtes aux champs… C’était souvent les femmes, les chercher, les surveiller.. Et mon frère, c’était le vrai travailleur pour le blé, les semences, la charrue, la charrette. Parce que tu penses que toi, ce n’était pas du vrai travail ? Ça n’a jamais été considéré comme du vrai travail. » Francine, née en 1923
Les années 1960 – 1970
Entre exode rural, transition linguistique, effets des premiers mouvements féministes, modernisation agricole rapide et installations des nouveaux arrivants de la génération post-68, la période des années 1960 à 1970 est un moment de transition brutal pour les femmes
des Monts d’Arrée. Cette période fait l’objet d’une partie importante de l’exposition, dans laquelle se mêlent les témoignages des plus anciennes, qui insistent davantage sur les bouleversements qu’elles voient arriver, et ceux des plus jeunes, qui nous racontent un monde rural encore traditionnel. Le rapport au breton, plus rapidement abandonné par les femmes que par les hommes, aux déplacements et notamment au permis de conduire, ou encore la modernisation des campagnes et des maisons, sont les points marquants de cette période qui affecte différemment les hommes et les femmes.
«Bon, il y en a qui ne voulaient pas voir leur épouse conduire...» Marie, née en 1939
Araok ar «machine à laver» ? C’hwi peus bet «ur machine à laver»… E peseurt bloavezh ? «Ben, 65 . He deus troet, kae…Al lienninoù a veze d’ar poent-se, rankemp kannañ toud, beñ… Ugent vloaz, ma graet ganti. Petra oa dijà … Ur merk vat..une « Vedette » ! Simone, née en 1930
« Est-ce que tu peux me décrire la maison de ton enfance ? Une maison grande, sans confort, et avec, pas toute la famille mais il y avait un grand-oncle, ma grand- mère, mes parents, ma sœur. Il y avait plusieurs générations. Donc sans eau courante. Electricité quand même. Sans sanitaire. Donc pas d’eau chaude non plus. Sinon celle qu’on fait chauffer. Si, seul système de chauffage qu’on avait, c’était la cheminée, le feu de bois. Mais ça me choquait pas puisque les autres personnes, enfin les autres enfants de mon âge c’était à peu près pareil aussi. On était tous dans le même cas, et après j’ai découvert un petit peu plus de confort en allant au collège, en pension.» Sylvie, née en 1968
Des années 1980 à nos jours
Cette partie de l’exposition, plus délicate puisqu’elle étudie la situation des femmes dans les Monts d’Arrée aujourd’hui, tente de mettre en évidence le rapport des plus jeunes générations à leur territoire. Les jeunes femmes rencontrées ont fait le choix de s’installer ou de rester dans un territoire qui n’offre plus les mêmes possibilités d’emplois qu’auparavant, ni les mêmes services, en termes d’accès aux soins ou de transports. Moins dépendantes et contraintes que leurs aînées dans les domaines du travail ou des déplacements, elles sont attachées au travail de la terre et à leur autonomie, notamment alimentaire. Avec davantage de recul sur les rapports entre les hommes et les femmes, elles portent leur projet de vie en l’inscrivant dans le territoire qu’elles ont choisi, tout en n’excluant pas d’en repartir un jour. Leur rapport au monde citadin, à qui elles reprochent souvent de méconnaître la vie dans les Monts d’Arrée, est particulièrement représentatif de leur choix, presque politique, de vivre à la campagne.
«Si par exemple le professeur avait le malheur d’employer le mot autarcie, c’était pour moi quoi. Comme quoi ici on vivait en faisant du troc, que mon courrier était apporté par des corbeaux… » Gwendoline
«Quand on demande où tu habites, tu dis Botmeur dans les Monts d’Arrée, «oh la la! comment tu fais pour habiter là-bas?» Solenn
«Sur 90% de la Bretagne, c’est-à-dire la Bretagne des terres et la Bretagne des paysans, on est dans du patriarcat, c’est clair. C’est pas une femme qui dirigera la ferme, jamais. ?
?a se saurait. Mais non, non, pour moi ça c’est du pipeau. Mais ça fait partie du folklore, ça fait partie du folklore. Que des gens aient des caractères marqués, oui ça c’est sûr, et que les femmes ouvrent leur bec, oui ça c’est sûr. Mais, après non, je pense que c’est… Moi j’y crois pas trop à cette histoire de matriarcat. » Anne
«Dans le milieu agricole traditionnel, la femme reste quand même… C’est elle qui fait la traite, enfin, elle fait des trucs, voilà quoi, des trucs pas forcément à responsabilité. La tradition est restée dans le milieu agricole. .. » Noëlle
http://ecomusee-monts-arree.fr/