« Argoat », un documentaire sur la faune de la Bretagne des terres

Vincent Rannou est un photographe originaire du Faouet dans le Morbihan, spécialisé dans la photo sauvage animalière. C’est en 2017 qu’il découvre, initié par son frère, ce qui deviendra sa passion : saisir les animaux sur pellicule. En 2021, il sort son premier livre de photos, intitulé « Connexion sauvage ». L’année suivante, il se lance dans une réédition de l’ouvrage, et dans la réalisation d’un long-métrage documentaire du même nom.

Son nouveau film, « Argoat », est projeté dans les salles bretonnes à l’occasion d’une tournée d’avant-première. Avec ce documentaire, on embarque avec le photographe pour découvrir la faune de « l’argoat », la Bretagne des terres.

Issu d’un travail de deux ans, ce documentaire nous permet de suivre Vincent Rannou dans sa quête de photo des animaux sauvages, en Bretagne, et plus précisément dans les terres, ce qu’on nomme « l’argoat », par opposition à « l’armor », les côtes. Armé de sa tenue de camouflage et de divers dispositifs lui permettant de se cacher, il reste ainsi de longue heures à attendre le passage d’animaux sauvages. On découvre alors des ragondins, des oiseaux, des canards, des foulques, des hérons…dans les marais de Bretagne intérieure. Mais aussi des rapaces, des chevreuils, des cerfs, des renards, des blaireaux…et des pics noirs, dans les forêts. Les insectes se dévoilent aussi sous l’objectif du photographe. C’est toute une faune du quotidien qui se dévoile grâce aux superbes images du film, parfois prises de nuit grâce à des pièges photos disposés dans des endroits stratégiques. Une séquence est particulièrement marquante : celle du brame du cerf, on l’on observe dans la semi-obscurité ces animaux pousser des cris rauques impressionnant, pour attirer l’attention des femelles et défier les autres mâles. Une ambiance magique…

Le film « Argoat » de Vincent Rannou est visible en avant-première dans de nombreuses salles bretonnes, tout au long de cette fin d’année 2024 : en Ille-Et-Vilaine fin octobre, dans le Morbihan et les Côtes-d’Armor ensuite. Pour les Finistérien.ne.s, ne ratez pas la séance du 2 novembre au cinéma le Bretagne à Saint-Renan ! D’autres dates suivront début 2025.

Plus d’infos : https://an-aer.bzh/




Cinéma – Walkabout : mûrir en milieu aride.

Compétiteur cannois sorti en 1971, Walkabout relate
l’histoire d’un frère et d’une sœur abandonnés dans le bush australien par leur
père. Ce dernier se donne la mort après avoir essayé de les abattre. La jeune
fille fait preuve d’un étonnant pragmatisme et d’une grande maturité. Elle ne
panique pas face à la mort de son père et son premier réflexe est de protéger
son frère, âgé quant à lui d’environ six ans, de ce père. Et, quasi
instantanément, ils se mettent en route, sans pleurer leur père, sans larmes,
sans panique.

Un film à portée
universelle ?

De ces deux enfants on ne sait rien de précis, ni leur âge
ni leur nom, seulement qu’ils sont issus d’une famille visiblement aisée, un
anonymat comme pour donner à cette histoire une dimension universelle et c’est effectivement,
un film sur l’humanité.

Survivants à l’infanticide, les deux enfants, plus
particulièrement la grande sœur, adolescente d’une quartorzaine d’années, font
preuve de beaucoup de courage et de sens pratique.

Après avoir trouvé refuge quelques heures dans un oasis dont
l’eau s’assèche bien vite, ils font la rencontre d’un adolescent aborigène en
plein « walkabout », un rite de passage à l’âge adulte consistant à
vivre seul dans la nature pendant plusieurs mois, celui-ci les prend, très
naturellement, sous son aile. Le jeune homme connait parfaitement la géographie,
la faune et la flore l’« outback ». S’ensuivent des jours qui
semblent, heureux composés de jeux, de chasse et de longues baignades. Si ces
trois jeunes gens semblent former une fratrie, des sentiments amoureux ou du
moins d’attirance naissent quasi instantanément dès la rencontre entre les deux
adolescents. A aucun moment, l’un ou l’autre ne fera preuve d’irrespect, de
comportements déplacés, ce malgré la difficile communication entre ces deux
jeunes gens que langue et culture séparent. Les rapports des adultes, semblent reposer
sur le non-dit, la tromperie et, malgré une langue et une culture commune ne semble
ne pas parvenir à se comprendre.

De la puissance
des images.

Le film repose en grande partie sur une vision utopique mais
non naïve, du mode de vie aborigène de l’époque, en opposition au mode de vie
occidental. Cette vision n’est jamais exprimée verbalement, le film ne contient
d’ailleurs que peu de dialogues et aucune narration, ce qui d’ailleurs laisse
au spectateur la liberté de « trancher ». Cette opinion est en effet
plutôt exprimée par l’image, par une opposition de plans dont on se demande
parfois la provenance. Sont ainsi opposées les différentes méthodes de chasse
du jeune aborigène à celle d’hommes en 4×4, le rapport à l’art lorsque petit
garçon arbore fièrement sur son dos, comme un blason, une peinture de kangourou
que lui a dessinée le jeune aborigène en opposition au spectacle d’autres
aborigènes exposant des dizaines de petites sculptures identiques réalisées pour
un genre de foire à folklore. Sont également comparées les relations
homme/femme avec du côté des deux adolescents, une relation saine, basée sur le
respect et la douceur, et de l’autre, des flirts graveleux (un groupe de
scientifiques travaillant dans le désert où l’unique femme fait figure de proie
et d’objet sexuel) reposant sur la duperie et la moquerie.

Au-delà, du sens que l’on peut donner à ces images, Walkabout
est également, d’un simple point de vue esthétique, un très beau film et l’on
reconnait dans ces images aux couleurs tangerine et indigo, la patte de celui
qui fit ses débuts dans la direction artistique de Lawrence d’Arabie. Ces
images presque kaléidoscopiques de drôles d’animaux et de superbes paysages
australiens sont sublimées par la musique de John Barry. On peut d’ailleurs
supposer que ces animaux et ces paysages sont filmés comme du point de vue d’un
aborigène.

Un film qui invite
à la réflexion avant et après 14 ans.

Si Walkabout est un film de survie, il
est aussi un film d’amour, d’initiation et semble être le fruit d’une réflexion
non simpliste, ouverte et approfondie, sur le consumérisme, le rapport de
l’homme à la nature, de l’homme à ses semblables.

Si Walkabout figure sur la liste British Film Institute des 50 films à voir avant d’avoir 14 ans, ne vous estimez surtout pas trop âgé pour le regarder, il s’agit d’un film qui fait réfléchir à tout âge, et qui -selon moi- peut encore, si ce n’est plus profondément, résonner à l’âge adulte.

A lire :

  • Le chant des pistes (The Songlines) – Bruce Chatwin (1987) : l’auteur britannique voyant sa vue le quitter, abandonne sa vie d’expert en peinture moderne pour partir à la rencontre des nomades du monde et dans ce livre des aborigènes australiens et leurs itinéraires chantés.
  • Walkabout – James Vance Marshall (1959) : roman librement adapté par Edward Bond et Nicolas Roeg pour le film éponyme, retraçant l’histoire d’un frère et d’une sœur devant se débrouiller dans le désert australien suite à un crash aérien.