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« Les fonds marins bretons sont aussi colorés que dans les tropiques ! »

En quoi consiste le métier de plongeur scientifique ?

La plongée scientifique est un outil qui permet de prélever des animaux, des plantes, pour des études scientifiques. Mais cela sert aussi à implanter des outils de mesure qui permettent de donner des informations sur l’environnement marin : des courantomètres, des houlographes, des appareils de mesure d’oxygène…Toute sorte d’outils utilisés aussi bien en chimie qu’en biologie.

Qu’est-ce-qui vous a donné envie de faire ce métier ?

L’envie de travailler sous l’eau ! Et ce, depuis tout petit. J’ai toujours été à l’aise dans l’eau, et ça m’a rapidement plu de travailler en milieu aquatique. Peut-être parce qu’on est un peu seul, et qu’on n’a personne au dessus de son épaule qui surveille…Et l’univers marin est tellement passionnant !
Au départ, je ne voulais pas forcément exercer dans le milieu scientifique, mais j’ai fait le tour de toutes les domaines où il est possible de plonger : le milieu militaire, celui des travaux publics, de l’animation dans des bassins…Et la plongée que je fais actuellement dans le cadre du CNRS me comble car les tâches sont très variées.

 
Quels sont les liens entre la protection de la biodiversité et le fait d’être plongeur scientifique ?

Il y a des études auxquelles on participe qui sont utiles pour définir une « carte » d’un milieu, savoir si il est riche, appauvri, détruit…On y participe par la plongée, par la prise d’images, des prélèvements…C’est le côté « technique ».
Nous collaborons aussi avec toutes les tutelles de protection de l’environnement en France, que ce soit l’agence des aires marines protégées, les parcs naturels marins, les réserves naturelles, notamment en Bretagne. La plongée scientifique sert alors soit à illustrer, soit à prélever, soit à avoir un regard précis sur cette biodiversité marine, notamment bretonne.

 
 
Justement, quel regard portez-vous sur les fonds marins bretons ?

On considère souvent l’eau bretonne comme austère, un peu verte et de fait, glauque…mais finalement quand on prend le temps de bien regarder, on s’aperçoit que les fonds marins bretons sont particulièrement colorés. Autant que les milieux tropicaux ! Il y a beaucoup de choses à y découvrir. Je m’y attelle, j’essaie de montrer qu’ils sont très intéressants à explorer.

 
Quelle est la chose la plus extraordinaire qui vous ayez observé en plongeant ?

Il y a des endroits qui me font toujours rêver, notamment l’Antartique. C’est un endroit exotique, très coloré. L’agencement des espèces y est complètement différent. Souvent, on a des «schémas-type », on sait qu’on va retrouver des reliefs avec une répartition précise d’animaux. Mais en Antartique, c’est comme si on remettait les compteurs à zéro. C’est une autre planète ! On ne s’y sent pas à sa place, c’est tellement froid et dur de plonger là-bas que tout devient extraordinaire.
L’autre endroit qui me fait rêver est en Papouasie, côté Indonésien. Il y a là-bas aussi une biodiversité d’une richesse incroyable.

 

 

 

           

 




Pierre Mollo : « Le plancton est à la base de tout »

Que peut-on dire, à l’heure actuelle, sur la situation de la biodiversité marine, et plus particulièrement du plancton ?

Il faut savoir que la biodiversité marine doit tout au plancton. Sans plancton, il n’y a rien, il est à la base de tout. Il est l’origine de la vie sur terre, et s’est formé dans des conditions extrêmes, il y a 3,5 milliards d’années. Il faut qu’il soit de qualité, et diversifié, pour qu’il y ait une grande biodiversité. C’est un élément fondamental.
Chaque fois que se produisent des événements naturels, de type éruptions volcaniques ou autres, on a une perturbation du plancton, et donc de la biodiversité qui en découle. Dans ces cas là, on n’y peut rien. Mais certaines fois, les actions humaines sont les responsables. Par exemple quand les hommes commencent à utiliser des pesticides pour les cultures ou le jardin. On fait entrer dans le sol des éléments chimiques, qui, avec le ruissellement des eaux, vont atteindre la mer. Des « micro-traces », c’est-à-dire des traces infimes de ces pesticides, vont avoir des effets sur le plancton.

Est-ce qu’on constate déjà une perte de plancton sur nos côtes bretonnes ?

En Bretagne, nous avons encore la chance d’avoir un écocysystème qui ne fonctionne pas trop mal. L’Océan Atlantique est grand, et on constate beaucoup de brassage de l’eau. Ce qui est moins le cas dans d’autres zones, comme en Méditerranée par exemple. Mais cela ne va peut-être pas durer. Il faut d’ores et déjà qu’on songe à l’état de l’eau qu’on laissera à nos petits enfants.
Selon moi, si il y a moins d’espèces sur le littoral aujourd’hui, c’est davantage lié à l’utilisation des pesticides, qui agissent directement sur l’état du plancton, qu’à la surpêche.

Etes vous optimiste pour l’avenir de la ressource plancton ?

Il y a 10 ans, j’étais moins optimiste. Mais depuis, on voit que les citoyens commencent à entendre parler du plancton et de son importance. Il joue un rôle essentiel dans notre vie, notre alimentation, et même notre respiration ! Avec la mise en place dewww.observatoire-plancton.fr/ l’observatoire citoyen du plancton, on sent que les choses bougent, que les citoyens se réapproprient ce monde de l’invisible. On parle encore beaucoup du plancton responsable des marées vertes, des cyanobactéries…Et si on parlait davantage du « bon » plancton ? Il faut que les citoyens puissent apprendre à connaître la fragilité des écosystèmes, des milieux, pour interpeller notamment les élus sur l’importance de ces micro-organismes.

 

Plus d’infos

/www.observatoire-plancton.fr/

Le programme détaillé de la journée du 16 mars organisé par l’Institut de Silfiac est disponible sur le site de l’institut
 




L’actualité de l’expédition Tara Oceans Polar Circle

Depuis le départ de Lorient le 19 mai, la première partie d’expédition s’est très bien déroulée avec une remise en place sans encombre de tous les systèmes de prélèvements ainsi qu’une mise en route des appareils qui ont été rajoutés depuis la dernière expédition Tara Oceans.

Après avoir quitté la Bretagne

Tara a zigzagué volontairement dans l’Océan Atlantique et a fait de courtes escales à Tromso (Norvège) et Mourmansk (Russie). Ces deux derniers mois la météo a été incroyablement clémente (l’équipe a même eu 30°C à Mourmansk). Ces conditions ont donc permis de réaliser une vingtaine de stations de prélèvements, courtes ou longues de très bonne qualité.

Depuis sa dernière escale à Mourmansk, à la fin du mois de juin, Tara est monté tout droit vers le Nord-Est. L’équipe de 14 marins et scientifiques présentement à bord est passé en 24 heures, d’une navigation dans les eaux atlantiques à une navigation dans les eaux polaires et donc de l’été à l’hiver !

En début de semaine

la première station scientifique en lisière de banquise a ainsi pu être réalisée pendant plus de 24 heures. L’équipage a échantillonné du plancton visiblement extrêmement abondant dans un véritable champ de glace. A cette occasion un ours polaire et un phoque ont même fait leur apparition ! Le contenu de l’écosystème marin est très différent d’une station scientifique à une autre, ce qui rend les travaux particulièrement intéressants.

Mais aux pôles, jamais rien n’est écrit.

La suite des prélèvements va dépendre de la météo et de la fonte de la glace… « Les choses sérieuses ont commencé ! », précise Etienne Bourgois, président de Tara Expéditions. La prochaine grande étape de l’expédition devrait avoir lieu quand Tara passera le cap Tcheliouskine (Russie). Il s’agit du lieu le plus au Nord du continent eurasiatique et le plus souvent bloqué par la glace dans ce passage du Nord-Est.

« Quoi qu’il en soit ce que nous faisons et ferons en sciences dans cette partie du monde est réellement novateur et contribuera à la connaissance de cet océan, à un moment crucial ! L’Arctique est le témoin direct des changements climatiques sur notre planète. » selon Etienne Bourgois.




Biodiversité: «  Il faut agir au plus vite ! »

1,9 million d’espèces recensées. Et un taux de disparition de celles-ci actuellement supérieur de 100 à 1000 fois le niveau moyen estimé par le passé. Soit environ 1000 espèces en moins chaque année ! De quoi faire frémir et inciter à l’action les chercheurs, tel Gilles Boeuf, Président du Muséum national d’histoire naturelle (Mnhn). Pour ce scientifique de renommée mondiale et auteur de nombreuses publications, « c’est pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, que ces disparitions sont imputables à l’homme. Nous sommes d’ailleurs une soixantaine de spécialistes de la biodiversité qui venons de lancer un appel au Président Sarkozy afin de l’alerter des menaces qui pèsent sur notre planète, et de lui proposer des réponses qu’il conviendrait d’apporter à celles-ci car actuellement nous les jugeons trop timides», juge Gilles Boeuf.

Replacer l’homme au centre de la nature

La biodiversité, contrairement à ce que l’on pense, ne se limite pas au comptage des espèces. Pour Gilles Boeuf, c’est avant tout « une science : celle de toutes les relations établies entre les être vivants, avec leur environnement ».
La biodiversité est aujourd’hui menacée « par les destruction d’écosystèmes, la surexploitation des ressources, les espèces invasives, le changement climatique… » énumère le président du Muséum d’Histoire Naturelle.
Il clame qu’ « il faut convaincre aujourd’hui la société que nous avons besoin de cette biodiversité. Et abandonner la conception traditionnelle qui consiste à dire que la nature se situe à l’écart des hommes ! Lui n’en est pas extérieur, il en fait partie ».
Stopper l’érosion de la biodiversité est également nécessaire pour des raisons économiques : « les biotechnologies, la pharmacie, la cosmétologie, sont des domaines qui ont besoin que la diversité des espèces vivantes soit maintenue », précise encore Gilles Boeuf. Pour la santé, c’est également un enjeu extrêmement important : « une biodiversité érodée laissera le champ libre au développement d’espèces opportunistes », prévient le scientifique.

Politiques et citoyens peuvent agir

Quelles peuvent être les solutions face à ce constat alarmant ? La sixième grande extinction est en cours, « depuis 1850 », précise Gilles Boeuf. Mais on peut encore agir, tempère-t-il. «  L’important est de réconcilier économie et écologie. Il faut encore taxer ou interdire, les activités humaines qui entrainent l’exploitation voire la disparition des écosystèmes. Si on protège les milieux, on protégera les espèces ! », déclare Gilles Bœuf, qui pense « à la disparition de la forêt tropicale, et même, pour parler de disparition d’espèces, de la pêche au thon rouge ». Il faudrait alors «  une réflexion globale sur l’impact des activités humaines sur ces écosystèmes ».  Le monde politique invité à agir, mais aussi les citoyens (voir encadré). Un inventaire de la biodiversité des communes françaises va bientôt être lancé auprès des collectivités, « il faut initier des choses ! » s’enthousiasme Gilles Boeuf, « que les citoyens apportent leur pierre à l’édifice ! Et repenser le système dans lequel on vit ; ceci, avec tout le monde. Place au partage et à l’action », conclut-il.

Le SPIPOLL

Après le comptage des papillons dans les jardins ou encore celui des escargots, le Museum d’Histoire Naturelle de Paris propose avec le Ministère de l’Écologie une nouvelle opération participative nommée « SPIPOLL » (Suivi Photographique des Insectes Pollinisateurs). Le principe : devenir un « paparazzi » et traquer grâce à un appareil photo numérique les insectes pollinisateurs du jardin. Ouvert à tous, cette opération permettra de constituer des collections de clichés accessibles en ligne. Les informations récoltées, couplées à des données climatiques ou de typologie d’habitat et d’occupation des sols, permettront par la suite la construction des indicateurs et des scénarios de biodiversité, ou bien encore l’aide à la prise de décision pour l’aménagement du territoire.

Plus d’infos

www.spipoll.fr