1

Des mardis pour le climat

Ces activités sont l’occasion de prendre le temps de s’informer et de mieux comprendre les enjeux climatiques, économiques et sociaux qui nous touchent tous présentement. Ci-dessous, un aperçu des films proposés :

 

 

                                   

Mardi 15 septembre à 20h

Projection de film / Débat : « Une planète et une civilisation » de Gaël Derive

Film suivi d’un débat animé par Gaël De­rive, scientifique témoin du climat, et pré­sentation de son livre «Nous aurions dû rester des singes». Gaël Derive profitera de sa venue pour échanger dans la journée avec des collégiens et des lycéens sur le dérèglement climatique. En partenariat avec la Ligue des Droits de l’Homme.

http://www.gaelderive.fr

 

 

 

 

 

Mardi 29 septembre à 17h00

Conférence-débat : « Le climat et nous : tous les scandales domestiques ne sont pas conjugaux » avec Jade Lindgaard

Jade Lindgaard, journaliste à Media­part, profitera de sa venue pour échanger l’après-midi avec les élèves d’un lycée bres­tois sur le dérèglement climatique. Une séance de dédicace de son livre «Je crise climatique» aura lieu à La Petite Librairie, puis conférence-débat à la faculté Sega­len. En partenariat avec les Amis du Monde Diplomatique.

www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-je_crise_climatique-9782707182685.html

 

 

 

 

Mardi 13 octobre à 20h

Projection de film /Débat : «Libres!» de Jean-Paul Jaud

Ce film poétique et inspirant suit le parcours initiatique d’enfants de France, du Japon et du Danemark sur le chemin de la transition énergétique, guidés par des adultes sou­cieux de leur construire un futur durable.

La projection du film sera suivie d’un débat avec la productrice du film, Béatrice Jaud.

http://libres-lefilm.tumblr.com

 

 

 

 

 

Mardi 20 octobre à 20h

Projection de film : «La Glace et le Ciel» de Luc Jacquet

Projection en avant première du dernier documentaire du cinéaste Luc Jacquet (La Marche de l’Empereur) qui retrace l’aven­ture du glaciologue Claude Lorius mettant en évidence le lien entre gaz à effet de serre et dérèglement climatique.

http://laglaceetleciel.com/

 

 

 

 

Mardi 27 octobre à 16h30

Conférence-débat : « Fin de l’Occident, naissance du monde » avec Hervé Kempf

Hervé Kempf, écrivain, journaliste à Re­porterre et spécialiste de l’environnement animera une conférence suivie d’un débat. Une séance de dédicace de ses ouvrages aura également lieu en fin d’après-midi à La petite Librairie de Brest. En partena­riat avec
les Amis du Monde Diplomatique.

www.reporterre.net

 

 

 

Mardi 10 novembre à partir de 18h30

Projections de films : «Thule Tuvalu» de Matthias von Gunten et «Chasing Ice» de Jeff Orlowski

«Thule Tuvalu» : film qui met en relief deux destins communs : repenser un mode de vie face au climat avec la fonte de la banquise à Thulé au Groenland et la montée des eaux qui en résulte à Tuvalu, île du Pacifique.

 

 

 

 

 

«Chasing Ice» : un portrait du photographe James Balog, qui officiait pour National Geographic, et qui s’était spécialisé dans la photographie de l’érosion des glaces pour prouver les conséquences du changement climatique.

Suite à la diffusion du premier film il vous sera proposé une petite restauration organisée par l’association d’arts polynésiens Pacifiqu’Arts.

www.thuletuvalu.com https://chasingice.com

 

 

 

 

Mardi 24 novembre à 20h

Colloque : « Climat : quels choix pour le futur ? »

Les «Mardis du Climat» se clôtureront sur une soirée débat ouverte à toutes et à tous qui s’articulera autour de plusieurs thèmes (les enjeux de la COP21, les éner­gies renouvelables, le transport, l’agricul­ture…) en présence de spécialistes, en­treprises locales, associations ou encore d’élus et de politiques. Découvrez les solutions disponibles, les projets en cours, les initiatives citoyennes… pour agir toutes et tous ensemble contre le dérèglement climatique.

 

Retrouvez tous les détails pratiques de ces activités en téléchargeant le programme ici ou en vous rendant sur le site internet de l’association AE2D




Watermark, l’empreinte de l’eau.

Ce documentaire nous entraîne à travers différentes histoires et de multiples paysages somptueux, filmés en survol, évoquant cette empreinte de l’eau sur la planète. De l’Inde au Canada, en passant par les États-Unis, le Bangladesh, la Chine, le Mexique, le Groenland et l’Islande, ce film met en avant l’utilisation parfois extrême de l’eau (lacs artificiels, barrages hydrauliques, pollutions industrielles,…) et l’impact négatif de l’homme sur cette ressource vitale pour sa survie.

Laissant la parole aux habitants de ces pays, ce film ne se veut pas moralisateur avec un commentaire dramatique, il laisse les images et témoignages, parfois poignants de ces gens, s’exprimer d’eux-mêmes.

De l’assèchement prématuré de vastes étendues d’eau au Colorado à l’utilisation des rivières comme dépotoirs par de nombreuses entreprises industrielles au Bangladesh et ailleurs, ce film dresse un portrait peu rassurant de ces utilisations de l’eau par l’homme, et des conséquences sur notre environnement. Ce qui nous amène donc à nous poser la question de la qualité et de la quantité d’eau que nous laisserons aux générations futures…

 

L’Aquifère d’Ogallala, région fertile du Texas, où 70 % de l’eau utilisée par l’homme va à l’agriculture.

Pivot Irrigation #11, High Plains, Texas Panhandle, USA. Photo par Edward Burtynsky.

 

Marine Aquaculture #1, Luoyuan Bay, Fujian Province, Chine. Photo par Edward Burtynsky

 

Construction du plus grand barrage voûte du monde, situé sur le cours supérieur du plus long fleuve d’Asie, le Yangzi Jiang. Barrage dont la taille est de six fois celle du barrage Hoover construit il y a presque un siècle sur le fleuve Colorado.

Xiluodu Dam, Jinsha River, Chine. Photo par Edward Burtynsky.

DVD à retrouver sur le site Wild Side

Voir la bande-annonce

Découvrez ici les travaux d’Edward Burtynsky.

 

 

 




L’Arbre, cet allié insoupçonné.

Avec cette frénésie de la vie, où tout va toujours plus vite, on oublie parfois de se poser, d’observer, de contempler. On ne prend plus le temps de les voir comme ils sont, les arbres. Ces êtres vivants que l’on croise dans nos villes, au bord de nos routes, peuplant aussi nos campagnes, parfois clairsemés, seuls, parfois regroupés formant un petit bout de nature, devenant un refuge pour les animaux, et parfois, il sont là, ensemble, réunis, formant des forêts immenses, magnifiques, inspirantes, gorgées de vie.

 

 


Ces arbres qui font parties de nos vies, même si parfois on les oublie, nous rendent d’innombrables services au quotidien. Ils sont là, présents, pour nettoyer notre air, épurer notre atmosphère du CO2 de nos villes et autres polluants comme des particules de métaux lourds, plomb, cadmium, manganèse,… comme une véritable usine d’épuration gratuite afin de se nourrir, vivre, grandir et produire de l’oxygène, dont nous, êtres humains, avons cruellement besoin pour respirer.

 

« Quand on songe qu’un chêne centenaire produit annuellement durant ses trois saisons de photosynthèse, suffisamment d’oxygène pour permettre à un humain de respirer durant 10 ans, on comprend qu’il faut absolument encourager la présence des feuillus adultes et les protéger, car ils sont les plus grands pourvoyeurs d’oxygène, outre les végétaux marins. » Extrait tiré du livre « Arbres et arbustes thérapeutiques », Anny Schneider, p. 84 et image de la photosynthèse p.85.

 

 

Francis Hallé, botaniste et biologiste français, explique très bien cela et plus en détails dans son livre, Du bon usage des arbres, Édition Actes Sud, Domaine du possible :

«[…]L’absorption des gaz et la fixation des poussières augmentent avec la surface du feuillage, donc avec l’âge ; les grands arbres, au tronc d’un mètre de diamètre ou davantage, absorbent et stockent trente à soixante-cinq fois plus de polluants atmosphériques que ne peuvent le faire de jeunes arbres donc le tronc n’atteint pas 10 centimètres de diamètre.[…] » Extrait tiré du livre « Du bon usage des arbres », Francis Hallé , p.42

 

Les arbres augmentent également l’humidité de l’air et en diminuent la température par évaporation et transpiration, cela contribue à rafraîchir nos rues et ainsi nous faire des économies d’énergies.

 

 

 

« L’arbre ? Un excellent climatiseur en période de canicule! » Extrait tiré du livre « Du bon usage des arbres », Francis Hallé , p.41.

 

 

Ils sont aussi utiles pour atténuer les bruits de la rue, assécher les vieux murs, les sous-sols et les caves humides, servir de brise-vent ou encore pour retenir les sols en pente.

Par leur présence, que ce soit dans nos intérieurs avec de petits arbres comme les bonzaïs, ou en extérieur le long de nos trottoirs, ils apportent une touche de douceur et de bienveillance dans nos villes. De même, qu’une balade en forêt nous apporte détente et calme intérieur.

« La guérison au contact direct des arbres. Nous connaissons tous des sentiments de bien-être après une promenade prolongée dans une forêt ancienne. Ce milieu si vivant et grouillant de couleurs, de sons et de parfums incomparables est source de délices multisensoriels. Ce que l’on commence à redécouvrir cependant, et que tous les vrais amants de la forêt savent depuis toujours, est que le simple contact avec la nature sauvage guérit l’âme et le corps. »  Extrait tiré du livre « Arbres et arbustes thérapeutiques », Anny Schneider.

De plus, beaucoup d’arbres ont de merveilleuses propriétés thérapeutiques, au travers de leurs feuilles, fleurs, écorces ou racines, nous pouvons en extraire les principes actifs et ainsi les utiliser pour se soigner en préparant soigneusement des décoctions, élixirs floraux, ou infusions.

 

Mais
le rôle des arbres dans nos vies ne s’arrête pas là, loin de là. Ils nous offrent également du bois, qui est une matière première très présente autour de nous, pour construire nos maisons et nos meubles. Ils sont là lors de nos longues soirées d’hiver pour nous chauffer et manger.

Comment peut-on alors redonner une place importante à ces arbres sans qui nous ne pourrions simplement pas vivre ?

 

Tout d’abord, il est important de comprendre et respecter la vie des arbres. S’informer sur les espèces d’arbres qui poussent près de chez vous, lorsque que vous souhaitez en planter, est primordial pour leur laisser un espace de vie convenable et un temps nécessaire pour leur croissance pour qu’ils puissent s’épanouir sans danger pour les habitants et les rues.

En ville, et surtout lors de la réalisation de travaux publics, il est important de protéger leurs troncs et leurs racines souterraines contre les agressions extérieures, si nous ne voulons pas qu’ils deviennent dangereux dans nos rues. En effet, un arbre abîmé ou un arbre dont les racines ne sont pas bien implantées dans le sol, a plus de chance de mourir précocement ou de se déraciner lors de vents violents.

« Respecter les arbres, c’est s’interdire de les soumettre à des tailles ou à des élagages sévères qui les laissent marqués par des plaies de grands diamètres et qui, de ce fait, les vouent à la maladie, ou même à la mort. […] Les respecter implique de comprendre ce que nous devons leur apporter et d’identifier les pratiques que nous devons nous interdire à leur égard. » Extrait tiré du livre « Du bon usage des arbres », Francis Hallé. p.53

Les observer, les contempler et les enlacer sont aussi de belles façons de leur redonner une place dans nos vies et dans nos cœurs.

 

 

Voici un extrait du livre de Francis Hallé, dans lequel il nous fait part d’une rencontre qu’il a faite dans un avion le ramenant à Paris. A l’escale de Téhéran, monte un ingénieur français qui s’est assis à côté de lui. Se rendant compte qu’ils aimaient tous deux les arbres, Francis Hallé nous partage un extrait de leur conversation et une phrase qu’il n’a jamais oubliée :

« Que vous soyez océanographe ou musicien, clown, médecin, archevêque ou proxénète, tôt ou tard vous vous demanderez si votre métier est vraiment utile : « Ne suis-je pas en train de perdre mon temps ou, pire encore, de faire du tort à ceux que j’aime ? » On peut dire de presque toutes les activités humaines qu’elles engendrent un doute quant à leur utilité réelle. Il n’y a qu’une seule exception, m’a-t-il dit, il n’y a qu’une activité qui soit au-dessus de tout soupçon : planter des arbres » Extrait tiré du livre « Du bon usage des arbres », Francis Hallé. p.67

 

Source des illustrations : Pixabay

Pour aller plus loin :

ANNY SCHNEIDER, Arbres et arbustes thérapeutiques, Les Éditions de l’Homme, 2002

HALLE FRANCIS, Du bon usage des arbres, Édition Actes Sud, Domaine du possible, 2011

HALLE FRANCIS, Plaidoyer pour l’arbre, Édition Actes Sud Nature, 2005

BILL MOLLISON, Introduction à la permaculture, Passerelle Eco, 2012

 

Quelques films à visionner :

Wild-Touch a suivi le botaniste Francis Hallé en forêt tropicale, retrouvez la vidéo ici :

https://m.youtube.com/watch?v=Hb30dqkY2gc

« Il était une forêt », Luc Jacquet

« L’Homme qui Plantait des Arbres», Frederic Back, 1987, inspiré du issu du livre « L’Homme qui plantait des arbres», écrit par Jean Giono en 1953.

La forêt comestible de Juan Anton : https://vimeo.com/92400766

 

 

 




L’usage des communs à Notre-Dame-des-Landes d’hier à aujourd’hui

La commune de Notre-Dame-des Landes n’a été constituée qu’en 1871 par démembrement de celles de Fay-de-Bretagne (deux tiers du territoire de la nouvelle commune) et d’Héric (un tiers). La paroisse existait depuis 1847 et affichait une population significative, qu’on peut estimer à plus d’un millier. En 1871, il y a 1785 habitants. C’est l’ensemble des communes situées autour de Notre-Dame-des-Landes qui sera pris en compte pour tenter de reconstituer la genèse du paysage.

 

 

La ZAD vers 1750 (carte de Cassini). On distingue parfaitement les landes et les ruisseaux des deux bassins versants.

 

 

La constitution des landes

Comme on le sait, en dehors du littoral, les grandes landes ne sont pas des formations naturelles spontanées mais des formations « secondaires » nées des défrichements opérés dès le néolithique aux dépens de la forêt. Toutefois, la lande existait ponctuellement par lambeaux, sur les sols acides et peu profonds, autour des petits affleurements rocheux. Quant à la forêt, elle n’avait pas l’aspect que nous donnent les boisements actuels ; elle pouvait être rabougrie, le feu et les grands mammifères y ouvraient des clairières et les castors y créaient des marais tandis que les arbres poussaient et mouraient dans le plus grand désordre. De plus, à certaines périodes de déclin démographique, des boisements ont pu reconquérir des terrains en lande ou en culture.

On peut considérer que durant tout le Moyen Âge et jusqu’au XVIIIe siècle, les landes ne firent que s’étendre aux dépens de la forêt. Le besoin de terres à cultiver n’était pas la seule motivation : il fallait beaucoup de bois pour couvrir de multiples besoins allant de la construction à la micro-industrie en passant par la construction navale. De plus, les cycles de régénération naturelle des forêts fondés sur un équilibre entre les herbivores et leurs prédateurs ont été profondément perturbés : les forêts accueillent désormais des parcs où la haute noblesse élève des chevaux ou s’adonne à la chasse mais surtout des nuées de porcs qui ne consomment pas que des glands. Ce ne fut pas, bien sûr, un mouvement continu mais, l’appât du gain, les impératifs de la survie pour beaucoup et les désordres aidant, la forêt bretonne était réduite à sa plus simple expression et en fort mauvais état au début du XIXe siècle (5 % du territoire contre 13 % aujourd’hui). Ainsi, l’ancienne forêt d’Héric est, selon P.-H. Gaschignard « encore largement composée, au milieu du XVIIIe siècle, de terres vaines et vagues, frost et gas, landes bruyères et pâtures ».

On peut penser qu’après avoir mis en culture un enclos de défrichement dans un espace forestier, on pouvait épuiser l’humus en quelques années et laisser cet espace appauvri évoluer vers une lande, le maintien de celle-ci étant favorisé par le pâturage extensif et la récolte de litière et de combustible. De plus, les bruyères secrètent des produits toxiques qui renforcent la stabilité du milieu dès lors que les éléments naturels et/ou les prélèvements par les hommes et le bétail ajoutent une pression supplémentaire.

L’évolution vers la lande et son maintien étaient aussi favorisés en Bretagne par les substrats de grès ou de quartzites et le lessivage des sols mis à nu ; les modifications chimiques qui interviennent alors dans le sol ne laissent plus pousser que des plantes adaptées telles que l’ajonc et les bruyères. À Notre-Dame-des-Landes et dans les environs, les pédologues notent la présence de sols compactés à pseudogley, saturés d’eau en hiver et s’asséchant facilement en été. On y trouvait donc plutôt des landes moyennement humides (mésophiles) à bruyère ciliée et ajonc nain.

Les petites quantités de fumier disponibles ne pouvant être utilisées que sur des surfaces réduites, les défrichements de la forêt créaient donc aussi des landes. Les défricheurs, moines ou agriculteurs, devaient de plus acquérir une connaissance du terrain et repérer les espaces les plus favorables aux cultures et ceux dont il ne fallait pas attendre trop. De manière générale, les fermes ou les villages se sont installés sur les terrains les plus riches et la trame bocagère s’est étendue à partir du noyau initial où l’on avait « mis en défens » un premier jardin et un premier champ, les landes occupant finalement les confins du territoire. Mais il ne faut pas se représenter les landes telles qu’en général elles nous apparaissent aujourd’hui, par exemple dans les monts d’Arrée ; ce n’était pas forcément des étendues totalement dépourvues d’arbres et les usages créaient sûrement une très grande hétérogénéité.

Néanmoins, les surfaces étaient telles que les voyageurs s’en effrayaient. Toussaint de Saint-Luc, vers 1664, ne voit que « des landes désertes » sur dix-huit lieues (60 km environ) entre Nantes et Rennes ; Edmond Richer s’exclame, un siècle et demi plus tard, en passant entre Treillières et Blain « vous ne pouvez rien vous figurer d’un aspect plus sauvage que ces vastes bruyères qui s’étendent sous vos yeux, à perte de vue ».

Les usages traditionnels

Contrairement à ce que firent nombre d’agronomes à partir du XVIIIe siècle, les agriculteurs n’opposaient pas des « landes stériles » à « des terres productives » tant ils étaient convaincus de la complémentarité de ce qu’ils appelaient les « terres froides » et les « terres chaudes ». À leurs yeux, une bonne ferme devait obligatoirement comporter un espace de landes proportionné à celui des espaces labourables et des prairies : « la meilleure propriété qui n’en posséderait pas une certaine étendue, ne trouverait pas de fermier dans le pays » écrit en 1864 J.-C. Crussard qui fut directeur de la ferme-école de Trécesson en Campénéac et président du comice agricole de Ploërmel.

Les principaux usages étaient le pâturage et la coupe de la végétation (« fauchage, litiérage et paccage » selon certains actes) pour faire du fumier (fumier produit dans les étables ou dans les cours et les chemins où l’on étendait la litière et tous les débris végétaux récupérables). De manière sans doute plus systématique au nord de la Bretagne qu’au sud, on pratiquait l’écobuage. Après une fauche, on arrachait les mottes de terre et de racine dont on faisait des tas en « fourneaux » que l’on brûlait, les cendres étendues permettaient une culture de seigle ou de blé noir pendant trois à cinq ans avant que la parcelle retourne à la lande, souvent, dans un premier temps, sous la forme d’une parcelle d’ajonc semé. Le Dictionnaire du patois du canton de Blain rédigé par Louis Bizeul vers 1850 indique que l’écobuage se fait sur des landes de petite étendue (et avec un outil nommé « écobue » qui ressemble à une large tranche ». Les branches d’ajoncs mais aussi les mottes arrachées au sol et séchées, pouvaient servir de combustibl
e. La Statistique du département de la Loire-Inférieure parue en 1801 signale que l’écobuage est pratiqué dans l’arrondissement de Paimbœuf et qu’ailleurs on laisse parfois « reposer les champs plus de deux ans, et on brûle sur place les genêts ou la bruyère dont ils sont couverts » ; cette pratique qu’on doit plutôt nommer brûlis est notée par Jean Bourgeon à Treillières « on recouvre la surface du champ de plantes sauvages ramassées dans les landes ; on y met le feu qui brûle toute la nuit, puis le lendemain on sème sur les cendres qui apportent au sol un peu de potasse et de soude ». Les Usages locaux et règlements du département de Loire-Inférieure paru en 1861 ne disait cependant plus un mot de cette pratique originale sans doute très résiduelle alors qu’il parle de l’étrépage. La pratique ancienne de l’écobuage n’en reste pas moins inscrite dans la toponymie comme l’atteste l’Écobut à Héric.

La molinie, les fougères, les genêts avaient aussi de multiples utilisations (litière, protection, etc.). En fait, toujours d’après Louis Bizeul, le défrichement d’une parcelle est nommé « un béchis » et il se fait collectivement avec l’aide de 30 à 40 voisins qui « travaillent en chantant » et qu’on « régale d’un veau gras et d’une barrique de cidre ». On voit que l’opération, quoiqu’apparemment moins ritualisée qu’en Finistère, en présente le caractère festif et gratuit.

Jusque dans les années 1960, là où restaient des landes ouvertes ou sous pinède quand ce n’était pas simplement au bord des talus, on coupait les végétaux avec une étrèpe, principalement en hiver, afin de faire de la litière pour le bétail, parfois aussi pour l’étendre dans les cours et les chemins où la macération formait des boues (nommées « marnis ») que l’on mettait dans les champs au printemps.

De très nombreux témoignages soulignent l’importance d’un outil généralement nommé « étrèpe » pour faucher la litière. En 1851, dans son livre Les derniers paysans, Émile Souvestre (1806-1854) évoque, au Gâvres, à proximité de Blain, « l’étrêpe, faulx recourbée avec laquelle ils coupent dans les bois la litière de leurs étables ». De même, dans son récit « La femme blanche des marais » paru en 1878 dans les Contes de Bretagne, Paul Féval (1816-1887) qui a vécu à Glénac, écrit « Un homme surtout éveillait ses soupçons. C’était un éterpeur de landes d’assez méchante renommée, qui demeurait au bourg Saint-Vincent. » Et il précise : « On nomme éterpe ou étrèpe dans le Morbihan, une sorte de hoyau plein et tranchant, avec lequel les paysans tondent les landes ». On trouve des étrèpes mentionnées dans des inventaires après décès du XVIIIe siècle à Fay-de-Bretagne. Toutefois, la diffusion du terme et de l’objet déborde au-delà de la partie gallèse de la Bretagne puisqu’on trouve des « étrêpes » dans des inventaires en 1681 et 1693 à Mendon (entre Auray et Lorient), et « deux estrèpes à couper [la] lande » en 1674 à Surzur. Jean-Pierre Roullaud nous a décrit une « étrèpe » utilisée jusque dans les années 1960 à Guenrouët pour couper la litière et se présentant comme un triangle scalène (trois côtés inégaux) emmanché à l’angle des deux plus petits côtés. Dans un secteur tout proche, du côté de Moisdon-la-Rivière, Isabelle Paillusson nous a fait découvrir la « vouge », sorte de houe coupante, plus large (30 cm) que haute (15 cm), au manche centré et perpendiculaire. Le mot vouge désigne habituellement une serpe sur un long manche.

L’Écomusée Rural du Pays Nantais qui est installé à Vigneux-de-Bretagne nous a communiqué un très bel ensemble de photographies des étrèpes conservées dans les écomusées du département et on voit qu’elles correspondent aux descriptions rassemblées, confirmant la belle diversité des formes et l’ingéniosité des forgerons.

 

                    

                     Le vouge (photo Isabelle Paillusson)                                                L’étrèpe (écomusée de Fay-de-Bretagne

 

 

Les landes attaquées

Sous l’Ancien régime, le territoire de l’actuelle commune de Notre-Dame-des-Landes et de ses environs appartenait pour l’essentiel aux seigneurs de Rohan (marquisat de Blain), au domaine royal (châtellenie du Gâvre), à divers aristocrates et à des roturiers pour une part grandissante au fil du temps. Depuis le XVIe siècle (1549), on dispose d’actes d’afféagement par lesquels ces propriétaires autorisaient, moyennant une rente annuelle, le défrichement de bois ou de landes. Ces opérations menées sur de petites surfaces et au coup par coup peuvent même s’achever par abandon de la parcelle et ne posent généralement pas de problème. Certains contrats qui ne portent que sur le droit de faucher « privativement » interdisent de clore et il ne peut donc s’agir d’un défrichement. On note d’ailleurs qu’il existe des cas d’afféagements collectifs par lesquels il est possible de garantir la jouissance commune, tel celui accordé en 1774 par le duc de Rohan à soixante laboureurs pour utiliser ensemble les landes des Grands Mortiers à Héric qui resteront « vagues à perpétuité ». En effet, la question se pose de façon beaucoup plus conflictuelle au XVIIIe siècle, quand, par vagues successives associées aux décisions facilitatrices du Roi ou du Parlement de Bretagne, des opérations plus ambitieuses sont engagées et mettent en cause l’usage collectif des landes. De nombreux procès sont engagés et parfois gagnés, imposant le déplacement de certains afféagements « trop gênants pour les habitants des villages voisins » (en plus de supprimer des espaces de pâturages, les clôtures empêchent l’accès à des points d’eau ou des chemins). Des procédures collectives remettent même en cause de vieux afféagements conclus depuis 40 ans au nom d’actes passés cent ans plus tôt (on a le cas en 1778 pour des landes autour de la Rolandière et de la Villeneuve). Quand le problème est trop brûlant les paysans s’assemblent et mettent à bas les nouveaux talus comme à Héric en 1773.

Même si l’argument a été rapidement balayé par le rationalisme triomphant et les dures lois du marché, notons que le droit au pâturage sur les « terres vaines et vagues » était quasiment sacré et qu’au XVIIIe siècle encore, il s’est trouvé autour de Nantes de pieux aristocrates pour interroger leur confesseur sur la faute que pouvait constituer le défrichage et donc l’afféagement qui y conduisait quand il privait les pauvres de leur accès à des pâturages. En effet, la Très ancienne coutume de Bretagne (rédigée entre 1312 et 1325) stipulait que les choses qui ne « peuvent point porter de profit à ceux
à qui les choses sont » mais qui pourraient profiter à d’autres sans nuire au possesseur, ne devaient pas être empêchées « car ce serait péché ». Un groupe de confesseurs rédigea à ce sujet un état de ses interrogations pour les soumettre au barreau du Parlement de Bretagne. Lequel répondit que le seigneur devait avant toute chose opérer un « triage », opération qui permet au seigneur de se réserver une fois pour toutes un tiers des communs et d’en disposer à sa guise.

C’est dans ce contexte que l’abbé Renaud, curé de Treillières, prit en 1752, la défense de ses paroissiens en recopiant les actes établissant leurs droits et que son neveu participa en 1786 à la destruction de talus et aux procès qui s’ensuivirent. Dans ce cas, comme dans d’autres, les procès traînent assez pour qu’on retrouve les réclamations dans les cahiers de doléances. Celui de Treillières indique que « le seigneur a fait renfermer une infinité de landes et communs ce qui est contraire à nos possessions et notre aisance ». À Héric, on demande que les « vagues et landes » qui ont été afféagés par le Roi reviennent aux vassaux, c’est-à-dire aux paysans riverains. À Fay-de-Bretagne, on reste très modéré puisque l’on se contente de demander que les « biens restent communs entre les seigneurs et nous », on réclame toutefois de ne plus payer de rente pour ce qui a été afféagé.

Une grande hésitation va marquer la période révolutionnaire quant au devenir des landes : la Révolution hésite entre la défense des pauvres qui souhaitent conserver les usages collectifs et celle du progrès associé à l’idée de propriété individuelle.

 

Les landes dépecées

La commune de Fay-de-Bretagne, qui totalise 9 000 ha vers 1840, compte 3 800 ha de landes et taillis et dans la quasi-totalité des communes des environs, on trouve entre 30 % et 40 % de la surface communale en landes. Mais à la même époque, le curé de Treillières note que l’on a défriché 500 ha dans sa paroisse en quatre ans. La commune y possédait 1 000 ha de landes dont elle avait conservé l’essentiel, se contentant de louer quelques petits morceaux ou de faire payer ceux qui avaient bâti leurs masures et défriché un bout de terrain. Comme l’écrit Jean Bourgeon, « le mitage des landes évolue au gré de la dette municipale ». Mais ce n’est qu’un mitage car au début du XIXe siècle l’agriculture manque encore de bras. L’Empire et ses guerres ayant disparu, la situation change et certains villages ressortent leurs vieux actes établissant leurs droits, demandes des parages, invoquent le progrès. On fait des procès, on tergiverse, on régularise les empiètements des nombreux miséreux qui bâtissent leurs cabanes au bord des chemins et se font un jardin. Les besoins de la commune augmentant et chacun pouvant avoir sa part ou sa miette dans le cadre des partages qui sont doucement engagés, les landes communales sont démembrées entre 1837 et 1850. À Héric, c’est en 1838 que s’est fait le partage des landes des Grands Mortiers. Malgré le coût de l’enquête fastidieuse où chacun apporte son témoignage sur ce qu’a connu son grand-père et recherche sur le terrain des marques d’une limite (arbre, mare, chemin…), les terrains sont attribués de telle sorte que chacun semble y trouver son compte et que, dans de nombreux cas, on pourra fixer le nouvel état des lieux dans le premier cadastre communal.

Les lois votées à partir de 1850 pour faciliter les partages et la « mise en valeur », tant attendues par nombre de propriétaires dans le reste de la Bretagne, ne concernent plus qu’un faible espace (il n’y a plus que 23 ha à partager en 1869 dans les landes de Parignac à Fay-de-Bretagne). En fait, la Loire-Atlantique a bénéficié de trois éléments incitatifs : une classe de riches propriétaires se détournant du commerce avec l’Amérique pour investir dans la terre, des exemples réussis dans le domaine de Grand-Jouan à Nozay autour de l’agronome Jules Rieffel ou de l’abbaye de Melleraye, de la découverte des pouvoirs fertilisants du « noir animal », sous-produit de l’industrie sucrière qui résout le problème des engrais en attendant l’arrivée des nitrates du Chili. Mais le mouvement est lancé et sous l’impulsion de nombreux propriétaires, on crée même de nouveaux villages (le nom de Solférino, une bataille gagnée en 1859, qui apparaît à Blain a son pendant dans les landes de Gascogne).

Il s’est donc bien agi d’opérations de partage menées sur de grandes surfaces en un temps relativement court qui explique le dessin très géométrique du parcellaire agricole. Les haies sont plantées pour marquer les propriétés autant que pour empêcher le bétail d’aller dans les cultures. Il faut rapporter ici une pratique notée à Fay-de-Bretagne par Per Bihan : « la pousse ou repousse des jeunes haies sont protégées de l’appétit des bestiaux par aspersion d’excréments d’animaux, à l’aide de petits balais en genêts ». On pratique le plessage, une très ancienne technique de création et d’entretien des clôtures maîtrisant et utilisant la dynamique végétale des haies vives pour les rendre plus hermétiques. Les landes ne furent pas totalement détruites car les agriculteurs eurent longtemps besoin de litière. Ils continuèrent à semer de l’ajonc pour nourrir les chevaux jusqu’au milieu du XXe siècle. Michel Tarin, né en 1938 et agriculteur à Chavagnes dans la commune de Treillières, raconte que son père allait du côté de Châteaubriant (soit une cinquantaine de kilomètres) acheter des graines d’ajonc.

Le défrichement des landes a donné au fil du temps naissance à un milieu original, un bocage sur zone humide mis en place par les ancêtres des agriculteurs que la folie de notre époque veut chasser. Ce bocage est caractérisé par la présence de petites prairies, non amendées et non drainées, de talus non enrichis et plantés de haies anciennes, de ruisseaux non recalibrés et d’un réseau de mares diversifiées d’une grande densité. Il a fallu près d’un siècle pour réaliser la transition de l’écosystème lande à l’écosystème bocage. C’est la lenteur même de l’opération qui explique l’extrême richesse écologique du milieu actuel.

On notera que les talus sont en partie des « conservatoires » de l’ancien paysage dans la mesure où ils ont été construits en creusant les fossés qui les bordent. Toutefois, ils sont plus secs et la bruyère cendrée y est donc plus présente que la bruyère ciliée qui marquait les grandes landes originelles. On voit que l’histoire du paysage est complexe mais que ses nouvelles pages n’effacent jamais tout à fait les précédentes (sauf à les arracher toutes pour écrire une page bâclée de l’histoire de l’aviation).

Sauvons les dernières landes

En Loire-Atlantique, on part, selon certaines estimations souvent citées, d’environ 300 000 ha de landes au début du XIXe siècle. Toutefois, si l’on se réfère à la méticuleuse Statistique du département de la Loire-Inférieure publiée par Jean-Baptiste Huet de Coëtlizan (1769-1823) en 1801, on ne trouve que 133 632 ha, soit 20 % de la surface totale (marais et prairies sont comptés à part et le total des « incultes » est 161 127 ha). D’ail
leurs, cette estimation concorde avec les 100 000 ha de 1844 donnés comme le « premier chiffre fiable » par René Bourrigaud. L’actuel inventaire départemental des espaces naturels compte 1,4 % de « landes et fourrés » soit un total 9 782 ha, sachant qu’en fait on ne connaît que cinq sites de landes (dont trois littoraux) un tant soit peu significatifs mais qui ne doivent pas totaliser beaucoup plus de 200 hectares à eux tous, le plus étendu et le mieux conservé se situant sur le plateau du Landonnais à Grand Auverné. La base Corine Land Cover donne d’ailleurs le chiffre de 624 ha pour les « landes et broussailles ». La botaniste Aurélia Lachaud qui a longuement parcouru le département résume bien la situation quand on l’interroge : « les landes de grande surface sont quasi inexistantes à part sur les coteaux du Don (à Grand-Auverné et Moisdon). Sur le littoral les plus belles landes étaient à Préfailles mais aujourd’hui ce sont en grande majorité des fourrés à ajonc. Le reste des grandes surfaces se trouvent sous pinède dans des états plus ou moins relictuels. Sinon il reste des mouchoirs de poche qui chaque année régressent faute de gestion appropriée ».

C’est dire que chaque parcelle de lande à bruyère est précieuse en Loire-Atlantique et que les deux hectares qui subsistent en plusieurs petits éléments à Notre-Dame-des-Landes sont les derniers témoins du paysage dominant il y a deux siècles. Leur caractère patrimonial ne fait aucun doute. Si ces landes sont à protéger, c’est pour des raisons proprement humaines et culturelles, car c’est dans sa diversité que la nature joue un rôle essentiel dans notre expérience sensible du monde et dans l’enracinement qui nous permet de prendre la mesure du monde.

 

Les communs au cœur du débat

Pendant des siècles, les landes ont fait l’objet d’usages collectifs. Des conflits ont éclaté chaque fois que des individus ont voulu, d’une manière ou d’une autre, déroger aux usages qui assuraient l’équilibre général et, en particulier, basculer dans l’appropriation privative. Il a fallu plus de deux siècles pour imposer la privatisation des landes communes.

La philosophie de ce partage est bien résumée par le premier préfet d’Ille-et-Vilaine, Nicolas-Yves Borie, qui écrivait en 1801 que « l’état de communauté entraîne la destruction ». C’est à peu de choses près la thèse qu’a défendu en 1968 le biologiste Garrett Hardin (1915-2003) dans la revue Science sous le titre « La tragédie des communs » (The Tragedy of the Commons). L’idée de Garrett Hardin est que « les communs » (qui pour lui intègrent les zones de pâturage mais aussi les parcs publics, les réserves naturelles ou la sécurité sociale) font l’objet d’une surexploitation par chaque individu aux dépens des autres afin de maximiser son profit. Seul le régime de la propriété privée est aux yeux de l’écologue américain en mesure de préserver la durabilité des ressources. La polémique ouverte par ce texte qui apportait de l’eau au moulin néolibéral en construction est au cœur d’un débat toujours actuel. Il a, en effet, contribué à relancer la réflexion concernant les communs voire, depuis quelques années, « le commun », incluant aussi, par analogie, le champ d’Internet. De très nombreux auteurs appuient leur réflexion sur le mouvement des enclosures en Grande-Bretagne qui a marqué la pensée économique, sociale et politique depuis le XVIIIe siècle. Même un ouvrage récent comme Commun, essai sur la révolution au XXIe siècle écrit par le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval, ne cite aucun exemple français.

On aura compris, espérons-le, qu’il y a, dans l’histoire des landes de Bretagne et dans celle qui s’écrit aujourd’hui sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, la matière pour mieux appréhender le fonctionnement d’autres modèles sociaux que ceux qui font la part belle à un État tout-puissant ou à un marché totalement libéré. C’est ce que suggérait récemment Grégory Quenet (Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?) quand il affirmait que « la gestion collective offre de nombreux exemples historiques d’une gestion soutenable plus efficace que la propriété privée ». Un procès fait en 1698 par les usagers des landes communes de Lanveur à Languidic contre un accapareur illustre parfaitement le fait que l’usage des communs relève essentiellement d’un droit non-écrit et se fonde sur un savoir-vivre populaire qui est le meilleur gardien de la durabilité du patrimoine commun. Les « pauvres de la paroisse » ne sont pas d’égoïstes rapaces qui raclent jusqu’à la roche les maigres landes dont ils peuvent disposer ; bien au contraire, ils les défendent contre ceux qui veulent y arracher des mottes alors qu’elles ne peuvent supporter que la fauche et le pâturage. Ils sont en fait les gardiens du système menacé par un individu qui, précisément, fonde son pillage irréversible en invoquant le droit du propriétaire du sol. Le commun, c’est d’abord une volonté de vivre ensemble, d’avoir un avenir et de renforcer périodiquement les liens des hommes entre eux, par exemple dans le cadre de fêtes autour de travaux collectifs. Cette expérience séculaire devrait alimenter la réflexion de ceux qui vont continuer à vivre sur la ZAD.

 

 

Bibliographie

BEAULIEU (de), F., Pouëdras, L., 2014, La Mémoire des landes de Bretagne, Skol Vreizh (sous presse).

BIHAN, P., 1997, Contribution à l’histoire de Fay-de-Bretagne, s.e.

BIHAN, P., 2001, Faouell, contribution à l’histoire de Fay-de-Bretagne, s.e.

BOURGEON, J. 2012, Treillières, un village au pays nantais, Coiffard.

BOURGEON, J., 1986, La vie est dans le pré, portrait d’une commune rurale avant et pendant la Révolution [Treillières], éditions ACL.

BOURRIGAUD, R., 1994, Le développement agricole au XIXe siècle en Loire-Atlantique, Centre d’histoire du travail de Nantes.

COLOMBEL, H., 1828, ‎Mémoire sur les Terres vaines et vagues de la ci-devant Province de Bretagne, rédigé dans l’ordre des questions qu’avaient posées la société académique de Loire-Inférieure‎, Mellinet-Malassis.

DARDOT, P., LAVAL, C., 2014, Commun, essai sur la révolution du XXIe siècle, La Découverte.

GASCHIGNARD, P.-H., 1996, Héric pendant la Révolution 1789-1799, Les Amis de l’histoire d’Héric.

GASCHIGNARD, P.-H., 2000, Héric, des origines à la Révolution, Les Amis de l’histoire d’Héric.

HUET DE COËTLIZAN, J.-B., 1801, Statistique du département de la Loire-Inférieure, Impr. des Sourds-muet

LEBRETON, M.-A., 1998, Notre-Dame-des-Landes, naissance et vie d’une paroisse, s.e.

MAHEUX, H., 2004, « Champs ouverts, habitudes communautaires et villages en alignements dans le nord de la Loire-Atlantique : des micro-sociétés fossilisées dans l’Ouest bocager », In Situ, 5.

QUENET, G., 2014, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Champ Vallon.

SIBILLE, A., 1861, Usages locaux et règlements du département de Loire-Inférieure, Merson.

Ce travail n’a été possible que grâce à Yves Riou et Marie-Ange Lebreton qui ont rassemblé toutes les monographies locales et tous les Naturalistes en lutte qui ont bien voulu apporter des contributions.

 

 
A l
ire aussi

https://naturalistesenlutte.wordpress.com/

www.francoisdebeaulieu.fr/




Une application pour signaler les microalgues

Marée rouge, brune, verte, …telles peuvent être certaines manifestations d’une prolifération de microalgues en mer. Des phénomènes sur lesquels les scientifiques travaillent, en ayant la volonté d’y associer les citoyens. C’est dans cette optique qu’a été lancé il y a maintenant trois ans le programme « phenomer ». Un programme de « science participative » qui permet aux citoyens témoins de phénomènes liés aux microalgues d’envoyer leur observations. « Les microalgues, invisibles à l’oeil nu, produisent environ la moitié de l’oxygène terrestre et rendent ainsi la vie possible sur Terre. Elles sont aussi un exceptionnel régulateur du climat » souligne Virginie Antoine, coordinatrice du projet Phenomer. « Parfois elles peuvent proliférer de façon spectaculaire : on parle de blooms ou d’efflorescences. Cela peut donner une coloration à l’eau de mer ou encore se traduire par l’apparition de mousses abondantes ou de mortalités massives d’animaux marins.» A l’aide des observations des citoyens, ces phénomènes, localisés et de courtes durées, peuvent être donc mieux suivis et mieux connus.

 
Signalisation et prélèvements d’eau de mer

 

Les citoyens témoins peuvent donc participer à Phénomer, en envoyant leurs observations via un formulaire disponible sur Internet. Ils peuvent aussi laisser un message sur un répondeur, via un numéro dédié. Enfin, une application pour smartphone vient d’être lancée cet été. Elle permet de signaler un phénomène dont on est témoin, ainsi qu’une photo.

A partir des signalements, l’équipe de Phénomer pourra réaliser des prélèvements sur le site. Les citoyens peuvent également réaliser ces échantillonages, en se référant au protocole détaillé sur le site web de l’opération.

Hormis les citoyens, Phénomer sollicite également les associations et autres structures locales oeuvrant pour la protection de l’environnement et/ou le milieu marin, afin de constituer un réseau de « structures-relais », qui communiquent sur l’opération, réalisent des prélèvements ou les réceptionnent. Une trentaine de structures et d’acteurs ont déjà répondu positivement (aquariums, centres nautiques, association d’éducation à l’environnement, pêcheurs professionnels…). Le programme se poursuit ainsi jusqu’en 2016.

 

 
Plus d’infos

http://www.phenomer.org/

 




Le feuilleton de l’été : Tim Jackson « prospérité sans croissance, la transition vers une économie durable »

En s’appuyant sur la définition que le prix Nobel d’économie Amartya Sen donnait de la prospérité (opulence+utilité+capabilités d’épanouissement), l’auteur de cet ouvrage, Tim Jackson, professeur de développement durable à l’Université du Surrey et commissaire à l’économie de la très officielle Commission du développement durable du Royaume-Uni nous montre que la croissance continue est non seulement un mythe impossible mais qu’elle est à partir d’un certain point inutile voire nuisible.

L’intérêt de ce livre est qu’il montre surtout qu’un autre modèle est possible, qui n’est ni la décroissance, ni une « croissance verte » et dont on a encore du mal à définir les contours,  pour peu qu’on accepte de changer de paradigme.

Le premier changement est évidemment de passer d’un modèle économique à deux dimensions Travail-Capital à un modèle macroéconomique à au moins trois dimensions introduisant le principal facteur de rareté qu’est  notre planète elle-même dont les ressources sont par définition épuisables (du moins avec le mode d’exploitation actuelle).

Le second changement est évidemment de modifier notre rapport au travail. Dans le système tel qu’il fonctionne actuellement, le travail est avant tout un coût de production qu’il convient de réduire (pour les entreprises) et le moyen d’assurer son existence, qu’il convient de conserver coûte que coûte (pour le travailleur). En introduisant la dimension sociale du travail comme un des éléments d’exister dans une société, il ajoute une nouvelle valeur à ce travail. Le travail devient du coup une valeur sociale centrale du modèle macroéconomique qu’il faut à tout prix préserver, développer et PARTAGER.

Le troisième changement auquel il nous invite, c’est de modifier notre rapport aux objets et, à travers cela, modifier notre façon de « consommer », c’est-à-dire passer d’un acte d’achat qui relève au moins autant de la représentation sociale que du besoin véritable vers un acte raisonné où le service rendu (la satisfaction du besoin réel) et la façon dont ce produit ou ce service est obtenu sont les principaux paramètres du choix.

Partant de là, il redéfinit les contours d’une nouvelle macroéconomie, que faute de mieux, il appelle écologique mais qui pourrait tout aussi bien s’appeler « durable » ou « soutenable » voire « responsable », où l’action politique reprend tous ses droits, où l’Etat retrouve sa place d’investisseur de long terme et où le capitalisme (enfin une certaine forme de capitalisme, qu’il appelle entrepreneurial)  aurait encore sa place pour peu qu’il accepte l’ensemble des paramètres définis ci -dessus.

Certains parlent de ce livre comme d’un nouveau rapport Brundtland. C’est peut-être lui faire trop d’honneur.

Mais c’est certainement un livre à lire (collection etopia, éditions De Boeck) qu’on peut consulter au centre de documentation des Eco-Bretons.

Vous trouverez ci-dessous la lecture commentée des 200 pages de ce livre de 12 chapitres qui vous redonnent le moral (si vous l’aviez perdu).

 

Chapitre 1. La prospérité perdue

             La prospérité comme croissance

             La question des limites

             Au-delà des limites

Prospérité =croissance du revenu, c’est vrai pour un milliard d’habitants de la Terre qui vivent avec moins de 1 dollar par jour. Pour les autres, et notamment le milliard le plus riche, cette équation n’est pas vraiment vérifiée.

Les débats autour du peak oil et de tous les autres « peak » n’a pas grand sens. Tôt ou tard, ces points de rupture INELUCTABLEMENT seront atteints. Malthus avait certainement tort  sur le moyen terme quand il écrivait sa théorie sur la rareté et l’appauvrissement car il ne tenait pas compte des gains de productivité ni de l’innovation technologique, mais sur le très long terme, il a indubitablement raison : aucun arbre ne montera jamais jusqu’au ciel.

« L’idée d’une économie qui ne croît pas est une hérésie pour un économiste. L’idée d’une économie en croissance continue est une hérésie pour un écologiste. » L’économie a failli dans sa tentative d’apporter la prospérité par la croissance continue de la richesse puisqu’elle a surtout produit inégalité et instabilité.

 

Chapitre 2. L’âge de l’irresponsabilité

              A la recherche de coupables

              Le labyrinthe de la dette

              L’ennemi intérieur

              Dettes écologiques

Pourquoi l’économie a failli à sa double mission d’assurer la prospérité pour tous et la stabilité de cet état d’aisance universel ?

C’est à cause essentiellement du mythe de la croissance qui pousse les pays développés à vivre de plus en plus en plus à crédit [La question reste cependant posée du pourquoi il est nécessaire à ces économies développées de vivre à crédit pour soutenir « sa » croissance. La réponse est évidemment dans la répartition inégale de la richesse créée].[dG1]

L’irresponsabilité ne vient ni du laxisme du contrôle, ni de la cupidité individuelle, encore moins de fautes professionnelles des banquiers. Cette irresponsabilité est systémique et tient à l’obsession de la croissance à tout prix, y compris l’endettement inconsidéré. C’est par la croissance que le marché a finalement été défait. Cette dette financière dont nous n’arriverons pas à nous défaire à court terme ne doit pas masquer  d’autres dettes à plus long terme,  les dettes écologiques et c’est peut-être là qu’est la plus grande preuve d’irresponsabilité du marché.

 

Chapitre 3. Redéfinir la prospérité

            La prospérité comme opulence

            La prospérité comme utilité

    La prospérité en tant que capabilité d’épanouissement

          Capabilités limitées

Le prix Nobel d’économie Amartya Sen définit la prospérité à partir de trois substantifs dont un néologisme : l’opulence, l’utilité et les capabilités d’épanouissement. Il précise aussi que la prospérité ne peut se concevoir que comme une condition incluant des obligations et des responsabilités envers autrui.

S’agissant de l’opulence, il note que « plus » peut parfois revenir à « moins » : l’épidémie d’obésité en est la manifestation la plus symbolique mais elle est loin d’en être la seule.

L’utilité se traduit comme étant le degré de satisfaction qu’on retire de son niveau de vie. La satisfaction n’a évidemment rien à voir avec le p
rix et la quantité de ce qu’on consomme puisqu’il peut y avoir des satisfactions gratuites, mais les études menées par la Commission pour le Développement Durable britannique montre que le lien entre niveau de vie et bien-être suit une courbe asymptotique qui montre qu’au-delà d’un certain niveau de revenu (environ 15.000 €uros en 1995), le sentiment de mieux-être ne progresse quasiment plus alors qu’en deçà la progression est très rapide.

En introduisant le concept de capabilités d’épanouissement, Sen veut indiquer qu’au-delà du revenu disponible, une autre dimension doit être prise en compte pour définir la prospérité : les possibilités qui sont offertes à chacun de trouver sa place dans la société où il vit. Cette définition des capabilités est complétée par la philosophe Martha Nussbaum autour de cinq éléments

  •                       La vie (durée de vie, santé corporelle)
  •                       L’intégrité corporelle (sécurité, sexualité)
  •                       La raison pratique : capacité de se forger une conception de la vie bonne
  •                       L’affiliation : vivre avec et tourné vers les autres
  •                       La maîtrise de son propre environnement

[Cela peut constituer les bases d’un « nouveau contrat social »] 

 

Chapitre 4. Les dilemmes de la croissance

           L’opulence matérielle comme condition de l’épanouissement

           Revenu et droits élémentaires

           La croissance des revenus et la stabilité économique

Dans ce chapitre, l’auteur se pose la question : « Et si à défaut de croissance, nos capabilités d’épanouissement diminuaient sensiblement ? » et il y répond en trois temps.

L’opulence et la capabilité d’épanouissement : la propriété est un marqueur social fort tout comme notre mode de consommation.

Trois courbes asymptotiques (PIB et espérance de vie, PIB et mortalité infantile, PIB et accès à l’enseignement) montrent qu’il existe un niveau de revenu par tête (compris entre 15.000 et 20.000 €uros) au-delà duquel les gains marginaux sont quasiment nuls.

Dans une économie fondée sur la croissance, la croissance est essentielle pour la stabilité : c’est soit la croissance continue, soit l’effondrement. [Un peu comme à bicyclette : tu pédales ou tu te casses la figure]

D’où ce dilemme majeur puisque LA CROISSANCE CONTINUE EST IMPOSSIBLE.

 

Chapitre 5. Le mythe du découplage

               Découplage relatif

               Découplage absolu

               L’arithmétique de la croissance

               Choix austères

De ce dilemme est née l’idée du découplage, c’est-à-dire l’idée que la consommation des ressources peut ne pas suivre l’évolution du PIB avec deux niveaux possibles de découplage, le découplage relatif, qui n’est qu’un ralentissement de la croissance de la consommation des ressources en période de croissance et le découplage absolu, où la consommation des ressources diminue de toute façon. Pour l’instant, malgré la récession qu’ont connue la plupart des pays, nous n’avons la preuve ni de l’une, ni encore de l’autre : même les bilans carbone présentés comme positifs sont faux car fondés sur des données tronquées.

Une arithmétique simple permet de comprendre les données du problème :

Impact de la croissance = croissance de la population+croissance du revenu par tête-croissance de l’efficacité technologique

Si on considère que la population mondiale va augmenter au rythme de 1,3%, que le revenu par tête doit progresser de 1,4% et que l’efficacité technologique permet des gains de 0,7%, cela fait quand même un impact de 2% (1,4+1,3-0,7).

Cela souligne l’importance du saut technologique global qu’il conviendrait d’accomplir à partir du moment où l’évolution démographique est une tendance de long terme, où la croissance du revenu (hors OCDE) est une exigence démocratique.

Mais le rapport Stern montre que même en investissant 2% du PIB pendant au moins une décennie, le gain technologique qu’on en tirerait ne permettrait pas d’atteindre ce que l’AIE considère comme un objectif minimal.

Le découplage est donc un mythe : il ne se fera pas tout seul.

 

Chapitre 6. La « cage de fer » du consumérisme

                         Structures du capitalisme

                         Logique sociale

                         Nouveauté et angoisse

L’économiste William Baumol, dans un ouvrage collectif « Good capitalism, bad capitalism »  identifie quatre types de capitalisme : le capitalisme dirigé (par exemple la France, l’Allemagne mais aussi évidemment la Chine et la Russie), le capitalisme oligarchique (l’Inde mais aussi évidemment la Chine et la Russie), le capitalisme des grandes entreprises et le capitalisme entrepreneurial qui n’ont en commun que le primat du droit de propriété et la propriété privée des moyens de production. Pour eux, le seul bon capitalisme est le dernier.

Mais

Le moteur de ce système, le profit ne peut fonctionner que par un abaissement continu des coûts de production et en l’occurrence du coût du travail via la productivité horaire. Cette efficacité croissante se fonde sur l’innovation mais celle-ci a ses limites sauf saut technologique, ce que Schumpeter appelle « la destruction créatrice ». Toutefois, on peut se poser légitiment la question de l’utilité (au sens Sennien) de la plupart de ces innovations.

C’est là dessus que vient se greffer un autre aspect de la question qui est le rapport que nous avons aux choses, cette forme d’attachement qui fait de la possession matérielle une sorte de « moi élargi ». Nous sommes ce que nous consommons et c’est cette consommation-spectacle qui crée une angoisse du vide. Pour reprendre l’expression que Max Weber utilisait pour définir la bureaucratie, l’auteur parle alors de la « cage de fer » du consumérisme.

La rencontre de la destruction créatrice et de l’angoisse née de cette consommation spectacle produit in fine une croissance sans fin [une croissance sans faim !]

 

Chapitre 7. Le keynésianisme et le « New Deal Vert »

  &n
bsp;                 Options de redémarrage de la croissance

                    New deal vert

                    Stratégie pour la création d’emploi

                    Le potentiel de la relance « verte »

                    Financer la reprise

                    Au-delà de la relance

A la base de ce New Deal vert, il y a la volonté affichée que La relance NE SOIT PAS le retour au « business as usual ».  D’autant que ce retour au statu quo ante a été exprimé de façon très imagée par un éditorialiste de « the Independant on Sunday » de la façon suivante « Nous n’avons aucun désir de vivre dans une yourte sous un soviet de travailleurs ».Mais qui le voudrait ? Et qui même le propose ?

Quatre options se présentent pour la relance :

Ne rien faire, la main invisible du marché et les stabilisateurs vont faire repartir la mécanique. C’est risqué car rien ne prouve l’existence de l’une et des autres.

Faire une relance monétaire par l’expansion du crédit. Guérir le mal par le mal en quelque sorte. C’est risqué, le malade est trop atteint et puis l’inflation, ni la BCE, ni le FMI n’en veulent…

Faire une relance budgétaire par des baisses d’impôts et une augmentation des prestations sociales. Avec des déficits publics qui frôlent déjà les 10% dans de nombreux pays, c’est osé.

Une relance keynesienne classique fondée sur les dépenses publiques d’investissement. C’est osé pour les mêmes raisons et ça ne rapporte qu’à moyen terme. Or il y a le feu à la maison.

Toutefois cette dernière option semble la moins mauvaise à condition de cibler l’investissement public sur des objectifs précis et dont le retour sur investissement est rapide et puissant. C’est ainsi qu’est né une sorte de consensus mondial autour d’un New Deal vert dont les 5 axes sont :

Pour le court/moyen terme

*La réduction des coûts énergétiques libèrent de suite du pouvoir d’achat des ménages

*La réduction des dépenses énergétiques réduit la dépendance extérieure et restaure la balance commerciale

*Les industries de l’environnement tirent l’emploi

 Pour le plus long terme

*Faire des progrès en direction des objectifs exigeants de réduction des émission de GES nécessaires pour stabiliser l’atmosphère de la planète

*Protéger les actifs écologiques précieux et améliorer la qualité de notre environnement de vie pour les générations futures

Pour chiffrer les choses, l’AEI estime que les besoins d’investissements énergétiques de 2010 à 2030 seront de 35.000 milliards de dollars.

De son côté l’université du Massachussets a calculé qu’investir en DEUX ans 100 milliards de dollars dans les bâtiments, les transports en commun, les énergies renouvelables permettrait de créer 2.000.000 d’emplois ( le même montant investi dans le pétrolier n’en créerait que 600.000 mois durable).

Malheureusement à quelques exceptions près (la Corée et la Chine), la plupart des pays ont proposé en 2009 des plans de relance qui ne font pas forcément la part belle aux investissements « verts ». Sur 2.796 milliards de financement public prévu, seul 435 (15.6%) sont des financements verts (dont 221 milliards pour la Chine -38% de son plan de relance et 80 milliards pour la Corée)[MSOffice2]

Compte tenu de l’état des finances publiques dans la plupart des pays, il faudra trouver de nouvelles sources de financement. Toutefois, sauf peut-être aux Etats Unis et en Grande-Bretagne, il existe une forte épargne disponible : l’idée est donc de l' »éponger » en créant des produits d’épargne « verts », les « bons verts »(green bonds).

 

Chapitre 8. Une macroéconomie écologique

                   Théorie macroéconomique élémentaire

                   Changer « le moteur de la croissance »

                   Partager le travail

                   Investissement écologique

                   Fondements d’une théorie macroéconomique écologique

La théorie macroéconomique classique est actuellement incapable de résoudre ce dilemme entre la sécurité (symbolisé par la stabilité économique) et la sûreté (rester à l’intérieur des limites écologiquement soutenables).

Le progrès technique n’y suffira pas, [encore qu’en y mettant les moyens (voir le rapport Stern précité)on pourrait améliorer le bilan global )] si on ne change pas simultanément la structure économique et la logique sociale.

1. C’est là qu’on se rend compte immédiatement que le P.I.B. n’est pas un bon outil de mesure.

2. Le modèle classique ne connaît que deux facteurs de production, le capital et le travail, oubliant naturellement le troisième, la Nature.

3. Il faut changer le moteur de la croissance et ne plus raisonner en terme de produit mais en terme de services rendus par le produit.

4. L’innovation technologique n’a de sens que si elle permet de rendre le même service avec une empreinte écologique globale plus faible. En la matière, les limites de la thermodynamique n’ont pas encore été atteintes et les potentialités de l’économie circulaire commencent à peine à être explorées.

De tels schémas de production existent déjà de façon embryonnaire mais actuellement ces expériences sont encore peu reconnues car elles cumulent tout ce que l’économie classique considère comme des défauts rédhibitoires : une productivité déplorable, une recherche de la qualité qui est même antinomique avec la notion de productivité (s’agissant en particulier de services à la personne), une conception du travail fondée sur la capabilité sociale et non sur la productivité individuelle. Pour toutes ces raisons, l’auteur l’appelle pour l’instant l’économie Cendrillon.[Notons que les champs d’activité de cette économie recouvre assez largement ce qui se développe actuellement en France dans le champ de l’Economie Sociale et Solidaire]

Le partage du travail est aussi un des paramètres de cette nouvelle macroéconomie, en partant justement du fait que le travail avant d’être un facteur de production est une capabilité sociale. Si les gains de productivité perpétuels ne sont plus dans ce schéma un impératif inéluctable, il n’en demeure pas moins qu’il sont pourtant utiles parfois.

Dans ce cas, à production constante, les gains de productivité se traduisent évidemment par une diminution de la masse de travail nécessaire . Deux options se présentent alors, soit diminuer le nombre de travailleurs, soit diminuer la quantité de travail de chacun. C’est évid
emment vers la seconde solution qu’il faut et qu’on peut aller[voir à cet égard, les travaux de Pierre Larrouturou sur la semaine de 32 puis maintenant 28 heures]

Un investissement écologique suppose  qu’on change les équilibres entre consommation et investissements, via l’épargne d’une part (par exemple dépenser plus pour construire son habitat de façon à dépenser moins en valeur et en quantité pour y habiter) et d’autre part qu’on choisisse judicieusement ces investissements :

*investissement qui améliorent l’efficacité dans l’utilisation des ressources (efficacité énergétique, réduction des déchets, recyclage)

*investissements qui substituent aux technologies conventionnelles des technologies plus propres et plus sobres

*investissements dans l’amélioration des écosystèmes (adaptation climatique, reforestation, renouvellement des zones humides)

Les fondements d’une nouvelle macroéconomie écologique sont

–          une économie « résiliente », capable d’absorber des chocs éxogènes sans remettre en cause la stabilité

–          la garantie de la sécurité des moyens de subsistance (niveau stable de flux de biens et service, répartition équitable et protection du capital naturel

–          conservation des équilibres macro-économiques traditionnels (la transition ne peut être que progressive)

–          introduction des nouvelles variables : dépendance énergétique, dépendance aux ressources naturelles, plafond d’émission de GES, valeur des services écosystémiques, valorisation du stock de capital naturel. [ces indicateurs existent mais ne sont pas pris en compte actuellement].

 

Chapitre 9. L’épanouissement –dans certaines limites

            Une vie sans honte

            Hédonisme alternatif

            Le rôle du changement culturel

Dans ce chapitre, nous touchons à un des paradoxes de la société de consommation. Nous consommons parce que la consommation est un facteur d’intégration et pourtant jamais il n’y a eu un sentiment aussi fort de non-intégration. C’est le piège d’une « vie sans honte ». D’où l’appel à un hédonisme alternatif, c’est-à-dire une forme de simplicité volontaire que résume bien cette phrase de Gandhi «  Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre. ».

Ce n’est pas actuellement le contenu des messages que ne cessent de nous envoyer le monde politique et les médias qui ne voient la fin de la crise que dans la reprise de la consommation. C’est dire la nécessité d’un changement culturel et l’importance que prend alors en terme d’exemplarité de ce que dans le chapitre précédent l’auteur a appelé l’économie Cendrillon. La stratégie vise alors à favoriser toutes les initiatives visant  à modifier les rapports de consommation.[A titre d’illustration, la réintroduction de la blouse à l’école, à défaut de pouvoir introduire l’uniforme comme dans les écoles primaires et secondaires britanniques, serait un bon moyen de lutter contre la dictature des vêtements « de marque »et ce que cela entraîne en termes de gaspillages financiers et physiques]

 

Chapitre 10. Une gouvernance pour la prospérité

              Le rôle de l’Etat

              Egoïsme et altruisme

              Les variétés du capitalisme

              L’Etat schizophrène

Les deux composantes du changement sont d’une part le paradigme de la macroéconomie écologique et d’autre part un nouveau consumérisme.

Dans ce changement le rôle de l’Etat est d’abord de contribuer à changer les référents des représentations sociales et ensuite de réintroduire du long terme là où à présent, nous ne voulons que du court terme.

En dehors de l’Etat, il faut également que se constituent des institutions permettant un équilibre entre égoïsme et altruisme. Actuellement, il est grand temps de renvoyer le balancier vers la valorisation de l’engagement personnel [Les entreprises ont compris cela avant l’Etat en mettant en place des modes de rémunérations non financiers, comme justement l’engagement des cadres dans la société, notamment par le biais des fondations d’entreprises et cela les arrange bien puisqu’elles font d’une pierre trois coups : les cadres se sentent mieux « dans leurs baskets », cela leur évite une énième augmentation des primes et c’est bon pour l’image de la marque].

Pris entre ces deux exigences : la promotion de la consommation à outrance pour soutenir le court terme et promouvoir des changements culturels parce que c’est la condition d’un nouvel équilibre à long terme rend l’Etat schizophrène [Le gouvernement de François Fillon étant jusqu’à ces derniers mois caractéristique de cette schizophrénie avec d’un côté un Martin Hirsch, voire même un Fadela Amara et de l’autre une Christine Lagarde ou un Christian Estrosi, Jean-Louis Borloo étant à lui seul l’exemple parfait de l’Etat schizophrène, d’une part réussissant comme on l’a vu le Grenelle de l’Environnement et d’autre part sacrifiant sur l’autel de la rigueur budgétaire la plupart des incitations fiscales qui y étaient liées]

 

Chapitre 11. La transition vers une économie durable

             Etablir les limites

             Plafond de ressources et d’émissions – et objectifs de réduction

             Réforme fiscale pour la durabilité

            Soutien à la transition écologique dans les pays en voie de développement

             Réparer le modèle économique

                Développer une théorie macroéconomique écologique

                Investir dans l’emploi, les actifs et les infrastructures

                Accroître la prudence financière et fiscale

                Réviser les comptes nationaux

Changer la logique sociale

                Politique du temps de travail

                Lutte contre les inégalités systémiques

                Mesurer les capabilités et l’épanouissement 

Renforcement du capital social

Démanteler la culture du consumérisme

Ce n’est pas une utopie

Ici , il est inutile de résumer ce chapitre les sous-titres et titres intermédiaires suffisent à comprendre le conte
nu déjà largement explicité dans les chapitres précédents.

La double crise économique et écologique  va nous mettre de façon très crue face à l’incohérence de nos politiques consuméristes et nous faire redécouvrir les vertus de la frugalité dont l’auteur nous rappelle l’étymologie (le bon fruit).[MSOffice3]

Les défis sont au moins autant sociaux qu’économiques car il nous faut retrouver le sentiment mutuel de participer à une action commune, non seulement à travers ce que nous sommes mais aussi à travers de ce que nous faisons et produisons, « des citoyens embarqués dans une aventure commune » .

Pour cela, il faut un discours public plus robuste dans lequel le travail reste une valeur forte du modèle dans ces deux sens d’acception (moyen d’existence et moyen « d’exister »).

L’économie relationnelle et l’économie de recyclage nous rendent moins dépendant des activités d’extraction, donc de destruction, des ressources. L’économie classique sera elle-même profondément bouleversée (aller vers une économie circulaire).

 

Chapitre 12. Une prospérité durable

             Visions de la prospérité

             Cendrillon au bal ?

              La fin du capitalisme ?

              Il sera plus que temps…

Au point de départ est une vision de la prospérité conçue comme notre capacité à nous épanouir en tant qu’êtres humains- à l’intérieur des limites écologiques d’une planète finie.

Il convient de souligner que dans ce schéma trois facteurs vont limiter la croissance :

L’imposition de limites écologiques, à travers par exemple des budgets carbone

L’évolution structurelle vers des activités à faible croissance de productivité voire à productivité décroissante, conséquence d’une amélioration de la qualité d’un service mieux rendu

L’orientation des ressources vers des investissements écologiques moins « directement productifs », la productivité étant mesurée par le ratio médiocre profit financiers générés/capital financier investi

Et que parmi ces trois facteurs, il y a une contrainte extérieure et deux orientations politiques.

Il convient de noter également que le travail est une telle valeur qu’il faut apprendre à le partager.

La conséquence de ces choix est : les investissements écologiques étant de long terme et globalement moins productifs on doit assister à un glissement progressif de l’investissement  privé vers l’investissement public, [c’est-à-dire l’évolution exactement inverse de ce qui se passe actuellement  où même les économies d’énergie en matière d’éclairage public sont financés par le secteur privé via ce qu’on appelle pudiquement des partenariats publics privés, en abrégé PPP, qui sont façon trouvée par ces grands opérateurs de capter une part croissante des budgets des collectivités locales].

Plutôt que la fin du capitalisme, cela signifie une nouvelle approche du rapport entre public et privé dans la gestion des actifs et de l’investissement c’est-à-dire à la fois une « nouvelle gouvernance des territoires » et une « nouvelle gouvernance des entreprises »

C’est donc peut-être à terme, le triomphe de l’économie Cendrillon mais dans la période de transition, la question reste posée de comment organiser le transfert financier de l’économie « classique », même verdie, vers l’économie Cendrillon.

 

 [dG1]Les pays, qui à force d’être appelés « émergents » sont devenus complètement émergés, constituent un contre-exemple parfait. Alors que le taux d’épargne britannique vient de passer sous la barre de 0%, la Chine connait un taux d’épargne de 25% et l’Inde fait encore mieux avec un taux d’épargne de 37%.

 [MSOffice2]Pour ce qui concerne la France, le plan de relance de 33.5 milliards prévoit un peu plus de 7 milliards d’investissement vert, ce qui reste honorable (21%) mais il convient de souligner que sur le grande emprunt de 35 Milliards(le plan Juppé-Rocard) les investissements verts ne se comptent pour l’instant qu’en centaines de millions

 [MSOffice3]Rejeter le « carcan de fer du consumerisme » ne veut pas dire rejeter systématiquement l’innovation.