Rencontres estivales autour de L’art dans les chapelles et du festival Paysages en Centre Bretagne

Directeur artistique de L’art dans les chapelles, Eric Suchère a dévoilé la programmation de la 34è édition du festival d’art contemporain qui se déroulera du 4 juillet au 31 août 2025, lors d’une réunion à la médiathèque de Pontivy le samedi 29 mars.

L’association de communes rurales qui gère en Morbihan la manifestation estivale, investit des chapelles du territoire en proposant au public la découverte d’une large diversité de pratiques et d’esthétiques.

Douze artistes ont entamé leur travail de création sous forme de carte blanche après avoir découvert la chapelle, le hameau, le cadre naturel, qui seront l’écrin de l’œuvre originale présentée tout l’été. Leur accueil sous forme de résidence, pour permettre la finalisation de l’installation et l’accrochage, est un rendez-vous très apprécié. Ces temps d’échange avec les habitants offrent l’opportunité d’associer des étudiants des écoles d’art de Bretagne.

La visite commentée des quatre circuits de L’art dans les chapelles s’organise chaque année en présence des artistes invités à l’occasion du lancement début juillet. De Cléguérec à Quistinic, communes situées dans la vallée du Blavet comme Pontivy, siège de l’association, cette déambulation sur trois jours imprime des moments d’exception dans la mémoire locale. Comme le festival, c’est gratuit et accessible à tout le monde. il suffit de consulter le programme.

Où ? Par exemple aux Bains douches à Pontivy ou au Point info touristique de St-Nicolas des Eaux et même dans un magasin à Vannes, nouveau partenaire du festival « Les fromages de nos terroirs » dont la maison-mère a été créée en 2010 face à la Biocoop de Pontivy.

Aux Bains douches, galerie d’art municipale, le public découvre dans un même lieu la tonalité donnée à la rencontre avec les œuvres présentées, jouant sur des effets de dialogue, de contrastes ou de réminiscence. On y trouve les documents, carte, catalogue, facilitant la création de son propre circuit de découverte. Il est aussi fréquent de découvrir le festival au détour d’une randonnée, par surprise. 

Que vous soyez ou non féru d’art, de patrimoine, de Bretagne, flâner dans les paysages de L’art dans les chapelles en suivant l’un des circuits balisés reste un plaisir à renouveler chaque été. Pour beaucoup d’habitants, c’est un rituel partagé en famille et avec les amis, parfois même avec des artistes programmés sur une précédente édition.

La réelle attractivité du festival, sa gratuité, font que l’on peut venir, revenir, à sa guise. Prendre son temps, apprécier l’instant selon la lumière naturelle du jour, c’est une invitation qui ne se refuse pas. Comme on déambule dans les paysages, on déambule aussi dans les chapelles, parfois dans l’œuvre elle-même.

Avant-goût

Lucy Kerr proposera une installation vidéo inédite à St-Adrien en St-Barthelemy.  L’artiste américaine est une des sept plasticiennes de cette 34è édition. Elle est très enthousiaste à l’idée d’exposer dans une chapelle.

Image de Family Portrait de Lucy Kerr

« Ce n’est pas une volonté en soi, explique Eric Suchère. Les femmes sont de plus en plus visibles et exposées, je n’ai nul besoin de les dénicher. Leurs approches spécifiques du geste, de leur questionnement de l’art, correspondent à la ligne éditoriale du festival que j’ai pour mission de traduire en rencontres dans des lieux qui ne sont pas des salles d’exposition ».

Installée à Lézardrieux en Côtes d’Armor, Gabrielle Herveet (https://gabrielle-herveet.fr/) sera accueillie à la chapelle du Château de Pontivy, emblème du patrimoine médiéval breton, où se déroule les 5 et 6 juillet un festival de renommée internationale, Paysages, à l’initiative de l’association TIMILIN.

La plasticienne bretonne pourra interagir avec les chercheurs, poètes, artistes, habitants présents sur ces rencontres, notamment l’archéologue allemand, Stefan Maeder, dont l’approche scientifique s’intéresse aux liens supposés entre les connaissances célestes et des traces trouvées sous forme de cupules creusées dans la roche à la Préhistoire. Un témoignage non accessible au grand public existe tout près de Pontivy.

Ces hypothèses croisent celles d’autres chercheurs et découvertes, notamment à Kaolack, cercle de pierre sénégalais classé à l’UNESCO auquel la NASA consacre un film documentaire qui sera diffusé au Château de Pontivy grâce au partenariat entre Timilin et Makeda Balkis Touré, agence de production culturelle à Dakar. 

Gabrielle Herveet vient de clore une résidence de création au Laboratoire de Mathématiques de Bretagne Atlantique à Brest. Elle intervient auprès de publics scolaires comme l’an dernier au lycée Le Mont-Châtelet du Varzy avec des jeunes en formation ferronnerie d’art. 

Côtoyer une de ses œuvres dans un magnifique édifice qui ouvre tout juste ses portes après travaux est une aubaine.

Comme Gabrielle Herveet, au sein d’Eco-Bretons nous sommes sensibles aux liens entre arts et sciences, nature et culture, espace et poésie.

En suivant le cours du Blavet, vous arrivez à Castennec sur les hauteurs de Saint-Nicolas des Eaux. La chapelle de la Trinité surplombe un méandre spectaculaire. Chaque chapelle bretonne est le témoin d’une histoire médiévale locale très riche. C’est encore plus vrai à Castennec et pour sa plus proche voisine construite à même le rocher qui lui sert d’abri naturel, Saint-Gildas.

Eco-Bretons vous recommande de parcourir le bois qui permet de rejoindre les deux sites. Il n’y a pas mieux pour ressentir ce que peuvent produire sur nous les jeux de lumière et de matière. Se connecter à la nature et à l’instant est aussi une façon d’appréhender la magie que cherche à capter un geste artistique pour le restituer dans une autre temporalité. 

Diane Benoît du Rey, artiste suisse diplômée de l’Ecole HEAR à Strasbourg, trouvera dans ce lieu très inspirant qu’est Castennec de quoi nourrir sa fascination pour la lumière. A quoi ressemblera l’installation ? Pour le moment le secret est bien gardé. 

 » A ce moment-là c’est comme si toutes les priorités autour passaient au second plan parce que la lumière vient juste révéler quelque chose, un espace. Je trouve ça beau. Il y a quelque chose d’un peu contemplatif dans le phénomène lumineux qui est fascinant … un espace-temps au ralenti » – Citation de Diane Benoit du Rey (extrait de la vidéo).

Diane Benoit du Rey : artiste plasticienne

Plus d’infos :

https://www.artchapelles.com/les_artistes_2025_/1053-0-0




Poétique des îles, entre Bretagne et Islande

Ayant exploré ensemble depuis des années, l’île bretonne de Carn puis l’île volcanique islandaise de Surtsey auxquels il et elle ont consacré deux ouvrages, le photographe Hervé Jézéquel et l’ethnographe Vanessa Doutreleau sont les invité.es de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans », dans le cadre du Printemps des poètes, qui se déroule samedi 14 et dimanche 15 mars 2025, entre Locquirec, Morlaix et Plourin-lès-Morlaix.

Il est des mystères restant insondables – c’est là toute leur force d’attraction quant aux infinies possibilités d’interprétation – comme ces appels puissants qu’envoient certains lieux à certains vivants humains. Ainsi, cela fait déjà quelques années que les îles ont appelé Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau pour les attirer jusqu’à elles. Deux îles en particulier.

Chronologiquement, il y eut d’abord l’île Carn, un îlot côtier finistérien situé sur la commune de Ploudalmézeau, dans le nord du Bas-Léon. Pour elle, Hervé Jézéquel fit appel à des contributions plurielles dont celle de Vanessa Doutreleau, croisements de regards mêlant des approches multiples de la réalité de l’île et des imaginaires à son endroit. Cela donna lieu à la publication d’un ouvrage, en 2002, par la maison stéphanoise Créaphis Editions (https://www.editions-creaphis.com/), qui se dédie aux livres de photographie, de cinéma et d’arts visuels, de sciences humaines et sociales, de littérature de non-fiction (poésie, essais, récits).

Près de deux décennies plus tard, c’est l’éphémère île volcanique islandaise de Surtsey qui devient l’héroïne d’un très beau livre que lui consacrent Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau, toujours avec Créaphis Editions. Là encore, des regards et formes de témoignages multiples sur nos rapports aux vivants en constituent la substantifique moëlle, à la saveur si poétique.

C’est précisément dans le cadre de la deuxième édition de l’événement « Il fait un temps de poésie »(lien vers le programme complet en fin d’article), consacrée à « la poésie des glaciers et des volcans », que les deux auteurs sont les invités de trois des cinq lieux artistiques organisateurs, à Locquirec, Morlaix et Plourin-lès-Morlaix, samedi 14 et dimanche 15 mars prochains.

Y sont prévues trois rencontres et dédicaces : au Cercle des écrivains de Locquirec ; à la Tannerie, lieu animé par les artistes Ximena De Leon Lucero et Gérard Rouxel ; à la galerie Ísland gérée par Pascale Thomas, laquelle accueille également une première exposition photos de Hervé Jézéquel autour de son troisième livre consacré là aussi à l’Islande, « Materia Prima », avec les contributions écrites de la critique Françoise Paviot et de la géologue Violaine Sautter. Une seconde exposition photos de Hervé Jézéquel sur l’île Surtsey aura lieu à partir du 19 juin 2025.

Et parce qu’en certaines circonstances textuelles, nul n’est besoin de se substituer à des plumes si bien habitées par leur sujet, en l’occurrence celles des deux auteurs et de l’éditeur, nous vous invitons ci-après, à les lire, à propos de leurs deux ouvrages consacrés aux îles Carn et Surtsey.

Carn, ou toutes les possibilités d’une île

Territoire de rencontres et de limites, l’île Carn est un point sur la carte situé à l’extrémité du Finistère (Bretagne). Île déserte près de la côte déchiquetée du Léon, île ou plutôt îlot apparemment banal, car semblable à tant d’autres de cette zone, qui ne dispose ni de la réputation d’Ouessant, ni de l’activité maritime de Molène, ni d’un phare prestigieux comme l’île Vierge voisine. C’est surtout une île-désir, devenue le temps d’une enquête, un catalyseur d’approches multiples réelles ou imaginaires : rencontre en bordure du temps, Carn comme lieu et forme de l’île idéale, quasi mythique.

Résultat d’une authentique approche plurielle et originale, croisant les disciplines, les domaines de l’art (la photographie) et des sciences humaines (l’archéologie, la cartographie, l’histoire, l’ethnologie, la linguistique), ce livre, à l’initiative et sous la direction d’Hervé Jézéquel, réunit les contributions de Michel Colardelle, Pierre-Roland Giot, Patrick Prado, Per Pondaven, Pierre Arzel, Vanessa Doutreleau, Michel Le Goffic, Alphonse Arzel, Olivier Levasseur, Guy Prigent, Denis Lamy, Marie-France Noël, Martin de La Soudière, Pierre Gaudin, Clément Chéroux, Xavier Charonnat, Claude Colin, Philippe Bonnin et Patrick Bramoullé.

Le livre s’interroge sur ce qu’est un lieu, et donc tout lieu possible, à travers la diversité des traces physiques et humaines rencontrées. Les réponses sont autant matérielles que symboliques, scientifiques que littéraires ou esthétiques, objectives que subjectives, de l’ordre du réel que de celui de l’imaginaire. Les contributions dessinent, élément par élément, fragment par fragment, les contours de ce qui constitue le sentiment d’appartenance au temps et à l’espace : cartographie, toponymie, travaux des hommes, mythes, légendes, récits.
Sans a priori ni hiérarchie entre mots et images, entre le scientifique et l’artistique, L’île Carn est un point d’ancrage, mais également un point de départ pour penser et aborder les îles. Quatre thèmes principaux sont successivement abordés : la préhistoire, la cartographie, la récolte du goémon, l’ethnologie. Mais, en fait, l’esprit de la collection est de croiser et multiplier les approches de spécialistes différents pour obtenir une sorte de vue kaléidoscopique : le préhistorien côtoie le sociologue, le photographe, le « toponymiste », le botaniste des algues, le navigateur, le collecteur de mémoire, le cartographe, l’écologiste… Le livre est aussi un livre sur l’imaginaire, sur les mythes (du roi Karn-Midas), sur les rêves, sur les réflexions philosophiques de Kant sur l’eau, sur toutes les représentations engendrées par cet îlot.
Les illustrations, de belles cartes anciennes ou les photographies de goémons, de ciels, de roches, de vagues contribuent à évoquer l’imaginaire de lieux apparemment ordinaires et à travers l’évolution de l’îlot, à s’interroger sur le temps qui passe et, même au-delà, sur la recherche de soi-même. « L’île Carn« , sous la direction de Hervé Jézéquel – Creaphis Editions

Surtsey ou l’impossibilité d’une île

Surtsey est une île volcanique qui a surgi entre 1963 et 1967 à une trentaine de kilomètres de la côte sud de l’Islande. Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008, libre de toute présence humaine car interdite à l’homme, c’est un laboratoire naturel et un lieu d’observation remarquables : la colonisation d’une terre par la vie végétale et animale. Une enquête passionnante sur cette histoire en train de se faire.

Depuis sa naissance, l’île Surtsey ne cesse de rétrécir, rongée par l’océan et les vents violents qui balaient ces régions de l’Atlantique nord. Sa superficie est passée de 2,65 km2 à 1,41 km2. Amenée à disparaître dans quelques décennies pour ne devenir qu’un îlot semblable au chapelet de rochers qui balisent l’archipel des îles Vestmann, Surtsey nous ramène à la fragilité des lieux et à leur perpétuelle évolution.

Les auteurs questionnent ainsi la forme d’une île et sa capacité à produire un imaginaire en relation avec un légendaire historique et littéraire en partie  » localiste  » (la Surtsey signifie « l’île de Surt », dieu de la mythologie nordique) d’une part, et un imaginaire scientifique et environnemental universel d’autre part. Le livre Surtsey, la forme d’une île joue donc sur ces deux tableaux (avec le double sens du terme  » création « ) et mêle autant les récits de l’île, réels et imaginaires, que les regards scientifiques et esthétiques d’un lieu interdit aux humains.
Au-delà de la dimension profondément poétique de l’île, il s’agit ainsi pour les auteurs de cerner la dimension humaine et sensible d’un lieu sanctuarisé, érigé en laboratoire de la création. L’histoire humaine de ce lieu n’a jamais été écrite ni même pensée, puisqu’il s’agit d’un lieu inhabité. Pourtant, une ethnographie de l’inhabité est possible du fait tant des usages scientifiques que profanes, que des représentations portées sur l’île par les Islandais, et notamment de ceux vivant sur l’île voisine d’Heimaey.
Plus encore, Surtsey interroge la notion d’appropriation d’une terre, aussi éphémère soit-elle, tant d’un point de vue physique que symbolique, et de sa mise en patrimoine. C’est aussi et surtout une relation au lieu dont il est question ici ; de l’île, objet de désir, de convoitises, de surprises, avec les hommes et femmes qui l’ont approchée, de près ou de loin, y compris les auteurs de ce livre. « Surtsey, la forme d’une île » par Vanessa Doutreleau (textes et documents), Hervé Jézéquel (photographies) – Creaphis Editions.

Vidéo : Vanessa Doutreleau et Hervé Jézéquel présentent leur projet en 2001.

Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau, effectuent depuis plus de 20 ans de nombreux séjours en Islande, à l’issue desquels sont nés les expositions et ouvrages « Mémoires d’Islande » (2011) et donc, « Surtsey, la forme d’une île » (2020).

Les rendez-vous avec Vanessa Doutreleau et Hervé Jézéquel à Morlaix et alentours, dans le cadre de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans – 14 et 15 mars 2025 :

  • Vendredi 14 mars 18h/20hLe Cercle des écrivains de Locquirec accueille Ísland  // Causerie suivie d’une dédicace du livre. Mémoires d’Islande Rencontre avec Hervé Jézéquel, photographe, et Vanessa Doutreleau, ethnographe, dont l’ouvrage dresse le portrait d’objets récupérés des goélettes bretonnes ou normandes naufragées lors de la pêche « à Islande ». Leur présence dans les paysages, maisons ou musées islandais témoigne des liens tissés entre les deux peuples au siècle dernier. Salle Ti ar Vark, rue du Varq, Locquirec. Gratuit. Renseignements 0759661151 galerie.island@protonmail.com

  • Samedi 15 mars 16h/18hCauserie suivie d’une dédicace du livre Materia Prima. L’Islande est « née de la connivence des glaciers et des volcans », comme l’écrit joliment Violaine Sautter, et le regard du photographe Hervé Jézéquel rend lisible cette double matrice, dont l’Edda (récits de la mythologie nordique) donnait déjà la mesure au XIIIe siècle. A partir de 15hOuverture de l’exposition d’Hervé Jézéquel, Materia Prima, en lien avec son 3e ouvrage consacré à l’Islande. Tirages originaux issus de ce projet, exposés jusqu’au 1er juin 2025.  À partir du 19 juin, exposition photos de Surtsey, la forme d’une île en lien avec le livre du même nom. Ísland, 67 rue du Mur, MorlaixGratuit. Inscription recommandée (galerie.island@protonmail.com). Renseignements 0759661151.

  • Dimanche 16 mars 15h/17h – La Tannerie accueille Ísland – Causerie suivie d’une dédicace du livre Surtsey, la forme d’une île. Surgie de l’océan en 1963 au large de l’Islande, Surtsey est une petite île volcanique protégée. Elle devrait disparaître d’ici quelques décennies, la lave s’érodant sous les assauts des tempêtes et de l’océan. Le photographe Hervé Jézéquel et l’ethnographe Vanessa Doutreleau ont accompagné des chercheurs islandais pour dresser un portrait scientifique et poétique de ce territoire éphémère. La Tannerie, 10 rue de la Tannerie, Plourin-lès-Morlaix. Gratuit. Renseignements 0759661151 / galerie.island@protonmail.com

Programme complet de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans » des 14, 15, 16 et 22 mars 2025 : https://galerieisland.com/pages/poesie-des-glaciers-et-des-volcans-14-15-16-et-22-mars-2025

Montage photos : crédits des images ©Hervé Jézéquel et ©Créaphis Editions.




Dans les papiers végétaux et cartes du vivant de Laura Conill

Originaire de la région lyonnaise, Laura Conill, est une artiste-designeuse-papetière au sourire radieux, passionnée du vivant, qui s’est établie depuis quelques années en Bretagne, à Morlaix précisément. Cette diplômée en archéologie et philosophie de l’art s’est ensuite tournée vers une pratique plastique en se formant à la Haute école des arts du Rhin. « Dans ce mélange de formations, je trouve une méthodologie commune et hybride entre la recherche de récits, d’inventions d’histoires à partir de fragments et expérimentations, pour proposer d’autres modes de vie possibles », dit-elle.

Laura Conill fait de son récent lieu de vie finistérien, un terrain de découverte, d’expérimentation et de création, entre terre et mer, résolument sous le signe du lien, de là-bas – Indonésie, Vietnam, Mexique, Etats-Unis, Inde… – à ici, dans un esprit low-tech : « ma démarche évolue différemment selon le projet, pour construire des projets incrémentalistes (ndlr : qui se construisent petit à petit, par des ajouts continuels), des toiles d’araignées tissées entre personnes, lieux, matières et techniques. La création engagée est ce qui me fait voyager plusieurs mois en Asie et à Détroit à la recherche de créateur.trices impliquées dans des questions environnementales et sociales, et créer en rentrant en Alsace un collectif, avec trois autres designeuses – Chloé, Morgane et Louna – nommé Bouillons (voir encadré au bas de l’article). »

Laura n’est pas arrivée seule en Bretagne, une autre membre du collectif Bouillons, l’artiste-céramiste Morgane Lozahic à laquelle nous consacrerons également un sujet, s’est établie non loin de Morlaix, à Plougasnou. Parallèlement à leurs projets respectifs, elles travaillent ensemble et toujours avec le collectif Bouillons.

Les projets de Laura Conill se conjuguent toujours en mode collaboratif, avec les habitants humains et non-humains, avec des artistes, des associations : « à travers la coopération et la collaboration avec des métiers différents, mais aussi via le partage de savoir-faire du papier artisanal, de techniques de valorisation des rebuts de matières et du végétal, je crée des objets et des événements qui rassemblent, questionnent et sensibilisent. ».

Cartoletto ou carte-lit, carte qui se lit, carte qui nous relie aux vivants

C’est ainsi qu’en mai 2024, à la faveur d’un appel à projets de la Région Bretagne, « Aide aux jeunes artistes plasticien·ne·s en Bretagne », auquel a répondu l’association Les Moyens du bord, Laura Conill s’est installée en résidence de création aux Chiffonniers de la Joie pour un projet artistique de cartographie géante qui fait actuellement l’objet de l’exposition Cartoletto, jusqu’au 9 mai 2025, à l’espace du Roudour de Saint-Martin-des-Champs.

Sur la page de couverture du petit livret d’accompagnement de l’exposition Cartoletto, concocté par l’artiste et sobrement intitulé Cahier de terrain, s’y déplie dans tous les sens, ce mot italien : «  La carte-lit, de l’italien « carta » : carte, papier, et « letto » : lit. La carte comme une image qui se lit, la carte lue. La carte comme feuille de papier artisanal. Le lit en tamis papetier géant. Le lit comme le point d’ancrage d’un lieu de vie. Le lit de la rivière de Morlaix. »

A l’intérieur de ce Cahier de terrain, « des nourritures livresques et notes de carnet » où se côtoient des extraits d’ouvrages tels que « Le patrimoine culturel de la calligraphie et de l’impression du Gansu » par Yi Xumei, Liu Xiumen ou encore d’archives Archimer « Le microplancton des rivières de Morlaix et de la Penzé » de Gérard Paulmier. Et aussi des citations du philosophe Baptiste Morizot, de l’écrivaine-plasticienne Claudie Hunzinger, de l’écrivaine Juliette Rousseau… des croquis, de la rivière de Morlaix, qui accompagnent la liste des algues et plantes marines et celle des planctons et animalcules de la baie de Morlaix, ainsi qu’un lexique des couleurs végétales des pâtes à papier.

Mais faisons ensemble un petit bond en arrière, jusqu’à la genèse de ce projet.

Collaborer pour créer

Collaborer pour créer, c’est précisément le fil rouge choisi par Les Moyens du bord pour la programmation de ses événements tout au long de cette année 2025, à commencer par l’exposition Cartoletto de Laura Conill. Et cet article lui-même est le fruit d’une collaboration puisque ce sont les mots de l’artiste qui prennent maintenant le relai pour vous relater les coulisses du projet.

Cartoletto s’est imaginé en collaboration avec plusieurs acteurs du territoire pour créer des cartes d’écosystèmes, géographiques et sensibles, des cartes géantes aussi, créées en papier artisanal, qui traduisent l’histoire du lieu et de ses habitant.e.s, du vivant, dans la baie de Morlaix, en mer, et des imaginaires noués autour. « Ces grandes cartes en papier artisanal sont des cartes qui racontent, sensibilisent, informent, traduisent et sentimentent, qu’on ne peut créer qu’à plusieurs mains. »

Parmi ces acteurs : Les Chiffonniers de la joie, comme lieu de création des outils papetiers et des grandes feuilles ; Les Moyens du Bord, pour le lieu d’atelier, l’accompagnement artistique, et pour la teinture végétale du papier avec des plantes locales ; Gladenez, association de préservation du patrimoine de l’île de Batz, comme lien avec les fours à goémons et goémoniers, la récolte de laminaires et de cendres de laminaires ; l’association Traon Nevez, pour la récolte de fibres sur le site ; les deux créateurs de microscopes à plancton à Morlaix, pour l’utilisation de leur microscope afin de lire les cartes à l’eau de mer.

Le projet a été collectif et s’est articulé autour des personnes qui gravitent aux Chiffonniers de la joie. En effet, il s’agissait d’installer un atelier saisonnier de fabrique de papier artisanal, avec les personnes-ressources (équipe, bénévoles, public) et les ressources-matières des Chiffonniers. Cet atelier est une fabrique où les outils papetiers sont à l’échelle du lieu, fabriqués sur place, pour ensuite créer les cartes géantes.

A l’aide de sommiers de lits réassemblés, de grillages, mais aussi de l’atelier bois et métal des Chiffonniers, il s’agit de construire des tamis papetiers géants, et créer des grandes compositions de papier artisanal, ces grandes feuilles de papier recyclé ou végétal qui sont devenues des cartes à lire. Pour créer de telles feuilles, il y a eu tout un processus collaboratif, car la feuille nécessite d’être soulevée et balancée à plusieurs mains, dans une harmonie et une coordination des gestes, qui suit le savoir-faire papetier mais en créant des feuilles de géant.e.s. Il y avait aussi d’autres outils de création liés au papier à construire, comme une pile hollandaise. Les grandes cartes créées sont en lien avec l’écosystème de Morlaix, son contexte, ses lignes du territoires de la mer et de la terre, et ses plantes qui créent les couleurs et les fibres du projet.

Tamis géant utilisé dans le cadre d’un des ateliers de fabrication de papier que Laura anime depuis son arrivée, dans le lavoir du site de Traon-Nevez (Dourduff-en-mer/Plouézoc’h) où elle exposait également quelques-unes de ses créations de papier végétal.

Une exposition mêlant étroitement art et sciences

Il s’agissait de comprendre le territoire ensemble et voir quelles plantes de terre ou de mer locales pouvaient teinter naturellement les pâtes à papier, fabriquer des encres pour l’impression sur les cartes. La recherche prévue était aussi de prélever des échantillons d’eau de mer dans la baie de Morlaix, pour créer des feuilles à l’eau de mer, et collecter dans chaque feuille de papier formée une cartographie minuscule de cet écosystème : les planctons, les micro-plastiques, les algues récoltés : toutes non visibles à l’oeil nu. C’est avec l’organisation Plankton Planet – œuvrant pour une océanographie internationale et citoyenne dédiée au plancton – et les scientifiques de Fairscope que l’artiste a effectué ces échantillonnage d’eau de mer.

Chaque feuille assemblée avec les autres feuilles/échantillons compose ainsi une grande carte de la zone, une grande cartographie merrienne et terrienne, toujours avec les plantes tinctoriales du territoire de la baie de Morlaix. Laura Conill aimerait aussi poursuivre ses recherches entamées avec des personnes de l’île de Batz : faire du papier de laminaires, en lien avec les fours à goémons et la soude de laminaires.

Il y a plusieurs degrés, didactiques, de lecture dans les cartes créées : à parcourir du regard et y voir les détails d’espèces rencontrées, flux de migrations, villes, plantes, par des traits et formes colorées, créées avec une technique d’impression papetière et par l’impression en gravure. L’autre niveau de lecture est possible avec un microscope parcourant toute la carte, et voir la vie minuscule figée dans le papier, enserrée dans ses fibres. Les planctons sont là, visibles, comme un herbier du vivant, avec les débris d’algues, et les poussières de plastique, reflétant ainsi la globalité des prélèvements à cet instant donné.

Les compositions finales sont à parcourir avec ces deux dimensions, comme une grande carte de navigation qui aurait des mystères et trésors cachés à l’intérieur, une carte sensible aussi, qui signifie, montre à un instant T son état, et comment elle peut encore changer. Les grandes compositions sont vouées à changer de lignes de territoire dans quelques années, et donc c’est un travail vivant qui continuera dans le changement des couleurs et le rajout de pâte à papier sur les cartes. Il s’agit donc de sensibiliser par ce prisme art/science aux changements des écosystèmes, à ce qu’on doit protéger autour de nous et ce qui ne doit pas disparaître.

Laura Conill organise des ateliers d’initiation à la technique papetière, pour créer des feuilles de papier artisanal aux couleurs de saison. Par le biais d’une cueillette de plantes locales et de la technique de l’inclusion végétale, des compositions sont ainsi réalisées dans les papiers créés, en jouant sur les couleurs, tailles et épaisseurs des papiers fabriqués.

Et pour celles et ceux qui souhaitent parfaire leurs connaissances et pratiques, elle a publié en juin 2024, un livre intitulé « Faire son papier – recyclé, artisanal, végétal » (ulmer éditeur)

Interview de Laura Conill effectuée à Traon Nevez, l’été dernier :

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/faire-son-papier-recycle-artisanal-vegetal-979-cl.htm

Bouillons, Un atelier de création engagée pour le vivant

« Nous sommes Bouillons, un atelier de création engagée pour le vivant regroupant quatre designeuses-artistes. Au sein de cet atelier, nous travaillons sur les problématiques écologiques actuelles, qu’elles soient environnementales ou sociales. Nous maîtrisons des compétences

artisanales variées et complémentaires dans cet atelier : le papier artisanal, la teinture naturelle, la céramique, le tissage manuel, la couture et l’illustration. Nous investissons ces savoir-faire dans

des moments de création, de rencontres, de partage et de transmission, que nous mettons en place dans différents cadres et avec des publics variés.

Nous aimons introduire la création dans des secteurs qui ne pensent pas y être destinés, tout comme nous aimons que d’autres univers et métiers s’introduisent dans notre activité. Nous souhaitons mêler nos compétences à celles d’autres personnes d’un écosystème local.

Bouillons est aussi un atelier de production d’objets et d’idées : nous partons des rebuts de matières, mais aussi du vivant, pour créer du beau, et sensibiliser différents publics.»

www.bouillons-atelier.fr 

https://www.facebook.com/bouillons.atelier

Le site de Laura Conill : https://lauraconill.com/

https://www.facebook.com/laura.conill




Portrait de femme n°18 : Flavie Despretz : L’art de faire ensemble

Flavie Despretz est une bretonne pure souche, baignée dans les objets bruts depuis toute jeune. Le monde du recyclage a toujours fait partie d’elle. C’est tout naturellement qu’il a perduré à l’âge adulte. Et quoi de mieux que l’artisanat d’art pour l’exprimer, le montrer et le faire vivre.
« C’était une évidence […] nous avons tellement de matières intéressantes dans nos poubelles, tellement de choses qui sont là et que nous jetons ».
De la construction de cabanes dans les bois, aux luminaires avec des morceaux de canettes et de vieilles bandes de cinémas, le travail de la matière l’interroge.
Travailler les matériaux, les faire vivre de nouveau dans un environnement, questionner nos pratiques, nos habitudes. C’est dans cet objectif que Flavie a créé l’événement « La Balade Artistique »
.

« Le projet est de faire sortir l’art […] que les gens se ré- émerveillent de nos paysages
et de notre environnement ».

Plus d’une quarantaine d’artistes étaient présents le dimanche 19 mai 2024 à Carantec dans le Finistère. Le concept de la balade est de présenter une prestation artistique (tableaux, danse, land- art, sculptures…) en symbiose avec le littoral de Carantec. Pour que tous et toutes puissent découvrir l’art au-delà d’une galerie ou d’une exposition fermée.

Tableaux de Noelle Irvoas, photographie de Sophie Sanchez, Balade Artistique Carantec, 2024.

Lors de cette journée, Flavie a créé une œuvre souhaitant refléter la montée des eaux et la fragilité du littoral. « La commune de Carantec fait partie du littoral en danger […]Il est important pour moi de le montrer et de replacer l’humain face à la nature », rappelle Flavie.

Imaginez-vous d’ici trente ans, vous baigner dans le sable, comme si de rien n’était, car nous n’aurons pas changé nos habitudes face au dérèglement climatique. C’est l’idée que Flavie a souhaité montrer à travers ses œuvres saugrenues sur la plage du port de Carantec.
« C’est une reconnexion : de se parler, de regarder ce qu’il se passe, voir ce que l’on peut faire ensemble. Le jeu est surtout de ne pas paraître effrayant, mais plutôt de passer par le comique et l’ironie ».

Baignade sur la plage. Flavie Despre, photographie @DilineGwen, Balade artistique Carantec, 2024

« Parler ou faire parler d’écologie par le rire et non par la peur »

Avec tout ce que l’on voit dans les médias, sur les réseaux sociaux ou à la télévision, Flavie se sert de l’art comme moyen d’expression, pour faire passer un message différent. Pour que les personnes se rassemblent et échangent face à l’absurdité.
« Les gens font comme si de rien n’était alors que l’on sait que nager dans le sable c’est une horreur […] tout va bien dans le meilleur des mondes », assure-t-elle.
Techniquement les œuvres sont en « plâtre du Marais » un mélange de plâtre et de chaux aérienne
avec un corps en filasse.
Flavie a choisi ce matériau pour sa légèreté et sa flexibilité. Cela lui a permis d’aller chez les personnes et de faire des moules sur mesure.

« Les baigneurs de l’absurde, œuvres de Flavie Despretz, Balade Artistique Carantec, Sophie Sanchez, 2024

Autre proposition, l’ours blanc sirotant son cocktail tout en scrutant l’horizon, sur le plongeoir
de la plage de la Grève Blanche, donne matière à réflexion.
Un message simple réalisé collectivement par les bénévoles et autres artistes -dont Flavie en est la
cofondatrice avec Léa Roussy- de la journée.
« Passé le moment de surprise et de rire, les gens parlaient spontanément d’environnement »
C’est donc cela l’art selon Flavie Despretz. Le faire ensemble par l’humour et par l’amour.

L’Ours de Carantec, Œuvre Collective, Balade Artistique, Photographie de Sophie Sanchez, 2024.

Propos recueillis par Sophie Sanchez.
Merci encore à Flavie Despretz pour son temps et son incroyable travail lors de la journée Balade Artistique Carantec.

Retrouvez le travail de Flavie
Sur son site internet :
https://flaviedespretz.wixsite.com/home
Et sur Instagram :
@flavieluminariste
@baladeartistique_carantec


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A la « Manu » de Morlaix, ce que les artistes font aux Jardins, ce que les Jardins font aux artistes

Montage photos de : Gérard Rouxel, Laurence Mermet, Ximena de Leon Lucero, Jacqueline Ledoux, Elise Hallab.

Le premier volet de ce triptyque d’articles consacré à la renaissance si singulière des Jardins de la Manufacture des tabacs de Morlaix, se focalisait sur celui qui en a la charge, Tiphaine Hameau, « un humain du sensible et du geste compagnon de la plante ». Se présentant avec justesse comme artiste-jardinier nourri par l’Arte povera et le Land art, il lui tient à coeur de proposer à d’autres artistes d’entrer en dialogue fécond avec les Jardins sous différentes formes : résidences, expositions, spectacles.

Réalisé avec le concours et la plume de Tiphaine Hameau ainsi que celles des autres artistes que ce 2ème volet vous invite à découvrir. Deux d’entre elles sont en sortie publique de résidence du 25 au 29 septembre 2024.

Volet 2 – Parmi les artistes que les Jardins de la Manufacture accueillent, le photographe Gérard Rouxel, la graveuse/dessinatrice Ximena De Leon Lucero et la plasticienne Elise Hallab. Les deux premiers vivent à Morlaix et co-animent COURANTs D’ART dans une ancienne tannerie de Plourin-les-Morlaix où se déroulent expositions et ateliers partagés.

Gérard Rouxel travaille en immersion dans différents lieux pour saisir l’invisible, ce que l’on ne définit pas mais qui constitue l’esprit des lieux. Très touché par ses rencontres au fil des saisons avec Tiphaine Hameau et les Jardins, le photographe y est intervenu à plusieurs reprises ces dernières années.

Entre novembre 2021 et mai 2022, dans le cadre d’un projet d’éducation artistique et culturelle (EAC) proposé par l’association Les Moyens du bord, avec Ximena De Leon Lucero, il a accompagné les élèves de deux écoles primaires locales… En-quête(e) de lumières(s)*.

Gérard Rouxel a ainsi initié les élèves de l’école publique bilingue (français-breton) Jules Ferry de Saint-Martin-des-Champs, à l’art subtil de saisir l’ombre et la lumière dans les Jardins de la Manufacture : « Au-delà de l’apprentissage de la photographie, les élèves capturent les images qui parlent à leur sensibilité, à leurs cinq sens. C’est un travail sur l’imaginaire et l’invisible », confiait-il à Ouest-France**. Et quels lieux plus sensoriellement inspirants que ces Jardins !?!

Photo : Les Moyens du bord

Puis en Juillet 2023, dans le cadre d’une sortie de résidence qu’il nous présente ci-dessous, le photographe a fait découvrir ses images sur les murs de la Manufacture, marqués par les traces du temps et plus surprenant, en terrarium, c’est-à-dire des bocaux fermés dans lesquels les photos cohabitent et co-évoluent avec le substrat végétal également présent.

De son côté, Ximena De Leon Lucero pratique la taille douce sur cuivre, le monotype et le dessin. Le plus souvent elle mélange le trait puissant et net du burin à celui sensible et doux de la pointe sèche. Si le projet EAC** de découverte de la gravure qu’elle a mené avec les élèves de l’école publique bilingue morlaisienne Poan Ben ne les ont pas conduit.es jusqu’aux Jardins de la Manufacture, ce n’était que partie remise puisque Ximena y oeuvre actuellement, avec une autre artiste, Élise Hallab.

Leurs résidences que la plume de Tiphaine Hameau nous décrit maintenant, s’appuient pour chacune sur un temps de recherche, d’expérimentation, de restitution puis de médiation. Leurs réalisations seront visibles par le public du mercredi 25 au dimanche 29 septembre de 15h à 19h30. Un temps de rencontre avec Élise le mercredi 25 de 16h à 19h puis avec Ximena le vendredi 27 de 16h à 19h.

« Dans les ombres du jardin (se balade une chèvre…) »

La résidence de Ximena De Leon Lucero repose sur deux axes de recherche : les ombres, comme le cliché d’un instant figé et, d’autre part, les traces sur l’écorce des arbres du jardin.
Le présent du jardin : les ombres, dans leur instant de vie éphémère. Attraper l’expression d’un instant, de capter une « pose » de la nature dans le plus haut de sa force, dans un moment d’apogée lumineux, comme le « Mié » dans le Kabuki japonais. L’âme d’un instant précis, à un moment précis, dans un lieu précis et emblématique du jardin : l’abri de son gardien. Pour ce faire : du papier d’essences naturelles (Aguagami – kitakana – kizuki) et des crayons…

Photos Ximena De Leon Lucero : Janvier 2024_ombres Graphite sur papier Japon – Mai 2024_écorce Graphite sur papier japon

« Le passé du jardin : il était une fois une chèvre, gentille bête qui, grâce à son appétit féroce, dévora les ronces d’un verger abandonné. La chèvre permit de renouer avec la plénitude de
l’espace, on put l’arpenter à nouveau, on doit beaucoup à la chèvre. Hélas, c’est aussi la chèvre qui, dans son appétit féroce, blessa malencontreusement et fatalement de nombreux arbres.
Comme un retour des choses, qui voudrait que des éléments partent pour que d’autres prennent place à leur tour, des moulages de troncs rongés, des « gravures sur arbres », des impressions et des objets, tenteront de garder le passage de l’animal et la trace de ce temps qui fut. »

Couleurs des plantes invasives et d’autres de la saison d’été

Élise Hallab, qui n’est pas une inconnue pour Eco-Bretons***, vit et travaille à Nantes aux Ateliers Bonus.
Après avoir effectué ses études d’art entre Brest, Nantes et Bruxelles, elle poursuit ses travaux en édition et sérigraphie. Depuis 2015, elle explore les potentialités des encres naturelles en sérigraphie à partir de cueillettes et de collectes de végétaux. Ses travaux artistiques collectifs ou personnels questionnent les notions de paysage, de couleur et de saisonnalité en relation avec la matière première. L’artiste avait notamment fait pousser des plantes tinctoriales dans le jardin solidaire de Morlaix, au cours de l’été 2022, pour en extraire le jus servant à fabriquer ses encres.

Sa résidence actuelle dans les Jardins de La Manufacture s’inscrit en regard du travail de Tiphaine Hameau concernant le rangement des déchets organiques et l’organisation des espaces, le dessin du jardin et parfois la géométrie ; mais aussi par l’aspect patrimonial du jardin et de recherches autour du lin morlaisien. En effet, sa démarche artistique consiste, en arpentant le paysage, à glaner au gré des saisons feuilles, fleurs, fruits, écorces, matériaux utilisés pour la fabrication des couleurs. À partir de ses récoltes, le jus coloré obtenu est travaillé pour être utilisé comme encre de sérigraphie ou comme bain de teinture.

Photos Elise Hallab : composer, cueillir, lire

Si la démarche de Tiphaine Hameau entre en belle résonance avec la volonté de Morlaix Communauté d’accorder une place particulière aux artistes contemporain.es dans les Jardins de la Manufacture des Tabacs, elle n’est pas sans poser un problème inédit à cet écrin de nature. En effet, la qualité du programme d’interventions artistiques proposées*** conjuguées à la magie du lieu, ont pour conséquence d’attirer de plus en plus de monde, au point qu’il s’agit de trouver un équilibre entre la nécessaire quiétude des vivants non-humains de ces Jardins et la volonté de faire découvrir ses trésors vivants, ce par l’instauration d’une jauge de participant.es. Gageons que, de mieux en mieux renseigné, le public saura pratiquer l’art de la patience, si chère aux jardinier.es.

Prochainement : le 3ème et dernier volet de ce triptyque consacré aux relations qu’entretiennent avec les Jardins les étudiant.e.s de BTS gestion et protection de la nature du lycée de Suscinio de Morlaix dans le cadre de leurs projets.

* https://lesmoyensdubord.fr/en-quetes-de-lumieres-ximena-de-leon-lucero-gerard-rouxel/

** https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/en-images-en-quete-de-lumieres-dans-les-jardins-de-la-manu-a-morlaix-7baa6392-ab63-11ec-859a-5b04fa3130a0

*** http://www.eco-bretons.info/elise-hallab-ou-quand-lart-se-mele-au-vegetal/ ET http://www.eco-bretons.info/encres-vegetales-aux-couleurs-subtiles-pour-latelier-serigraphie-de-elise-hallab/

**** Avec les rencontres estivales Station verger, entresort sonore, manuel, ludique et poétique du collectif Les Aimants et Les monologues en plein champ, lecture-promenade musicale de l’écrivaine-comédienne Stéphanie Tesson accompagnée par Olivier Depoix/accordéon, et Emmanuelle Huteau/clarinette-tuba-chant qui ont enchanté les participant.e.s.


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A Chartes-de-Bretagne, elles dansent pour une planète vivante

Avec À bout de souffle , la compagnie de danse bretillienne Océane s’en prend à la pollution plastique avant d’entrer bientôt en Osmose avec nous.

« Le souffle c’est la vie… Notre planète est à bout de souffle… Entre air et mer… » « À bout de souffle… Du blanc, du bleu, du vert, au gré des courants d’eaux, des courants d’airs… Ombres légères ondulées qui traversent nos océans magiques, nos campagnes endormies ; entremêlées, enchevêtrées, entortillées, multipliées, multipliées, multipliées… Planète Panique ! Plastique Pas Fantastique ! Les ombres tentaculaires s’effilochent, se déchirent, multipliées, multipliées, multipliées, je ne vois plus l’horizon, je n’entends plus le chant des sirènes ; elles s’accrochent, s’engouffrent, j’étouffe…. À bout de souffle… ».

C’est avec les mots de Julie Benoît, l’une des danseuses, que nous entrons dans À bout de souffle, 30ème pièce chorégraphique de la compagnie de danse contemporaine Océane qui en donnera une représentation samedi 25 mai prochain, à Chartres-de-Bretagne (1), où Agnès Chevalier exerce et où le spectacle fut donné pour la première fois en mai 2022.

Co-créatrice et animatrice de la compagnie bretillienne depuis 1990, la danseuse, chorégraphe et pédagogue Agnès Chevalier eut un choc il y a quelques années en découvrant le Sénégal envahi par les déchets plastiques, en particulier les sachets d’eau à usage unique (2) : « Je me sens concernée comme beaucoup aux questions d’environnement et à la planète que nous laisserons aux futures générations… j’avais envie de leur transmettre la vision de cette horreur mais également une vue optimiste si chacun en prend conscience et fait sa part. »

C’est tout naturellement à travers la danse qu’Agnès Chevalier a choisi de nous toucher. Dans À bout de souffle, les déchets envahissent notre environnement… avec poésie, les danseuses traversent les paysages au gré des envols de sac plastiques qui se mêlent, s’entortillent, s’engouffrent, jusqu’à l’étouffement.

Danseuse de la compagnie depuis ses débuts, Tiphaine Creac’h-Coulombel renchérit : «il s’agit de rendre visible et sensible une pollution hélas devenue quotidienne, globale, incontournable, à laquelle hélas on s’habitue. Par le biais de ce spectacle, nous nous adressons à la sensibilité des personnes pour créer de l’émotion et pour surtout nous amener à l’action, pas à l’éco-anxiété qui paralyse ! ».

La prochaine création de la compagnie, Osmose, met justement l’accent sur la joie du vivre ensemble, la conscience du collectif. Elle se fait en mode participatif avec des adolescent.e.s intégré.e.s au travail d’écriture, notamment par des ateliers d’improvisation.

La compagnie Océane travaille avec des danseuses confirmées, d’âge et de niveau adaptés aux exigences chorégraphiques d’Agnès Chevalier et en fonction des projets. Elle recrute des jeunes à partir de 10 ans pour les former. Avec elles, Agnès Chevalier mène un travail de création et d’interprétation qui leur permet l’apprentissage de la prise de responsabilité, de l’autonomie, de la vie en groupe, de la concentration personnelle, de l’écoute, de l’acceptation de l’autre. Son choix du spectacle de rue correspond particulièrement à l’idée qu’a la compagnie de la pratique de la danse : l’ouverture sur l’extérieur, la rencontre du néophyte, la danse de la vie quotidienne…

Pratiquement toutes les danseuses ont intégré la compagnie lorsqu’elles étaient adolescentes. Certaines sont ensuite devenues danseuses professionnelles.

Dernier détail qui n’en est pas un : tous les costumes sont faits maison, avec des tissus autant que possible récupérés.

L’urgence écologique s’invite de plus en en plus dans la création artistique, et elle fait bien ! Touché.e.s à l’endroit de notre sensibilité et de nos émotions – comme ici, par la grâce de la danse – celles-ci pourraient bien rebattre les cartes de nos relations avec le vivant, nous faire entrer dans l’ère du symbiocène, cher à Glenn Albrecht (3).

Contact : Agnès Chevalier – directrice artistique – Tél : 0299692724 Email : compagnieoceane35@gmail.com

(1) Samedi 25 mai, à 16h30 au parc de loisirs Grand’voile, dans le cadre du Festival écocitoyen « J’agis pour ma planète » (programme : https://www.calameo.com/read/000596713ba64f7075090)

(2) « Le pays a adopté en 2020 une loi interdisant les plastiques à usage unique, mais celle-ci est restée lettre morte en ce qui concerne l’eau en sachet, dont la fabrication et la distribution font travailler des milliers de personnes. », nous dit Le Monde dans un article du 13 octobre 2023.

A découvrir également sur rfi en avril dernier : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/reportage-afrique/20240422-s%C3%A9n%C3%A9gal-%C3%A0-dakar-le-fl%C3%A9au-des-d%C3%A9chets-plastiques-perdure.

(3) « Les émotions de la terre », par Glenn Albrecht, éd Les Liens qui Libèrent.